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19/04/2023 | FRANCE | N°21/00299

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 2e chambre sociale, 19 avril 2023, 21/00299


Grosse + copie

délivrées le

à















COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

2e chambre sociale

ARRET DU 19 AVRIL 2023



Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 21/00299 - N° Portalis DBVK-V-B7F-O2UG



Décision déférée à la Cour :

Jugement du 18 DECEMBRE 2020

CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION DE DEPARTAGE DE MONTPELLIER N° RG F16/01652



APPELANT :



Monsieur [Z] [E]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représent

é par Me BEYNET avocat pour Me Emilie BRUM, avocat au barreau de MONTPELLIER



INTIMEE :



S.A.S BANCAREL ET CIE

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Yann GARRIGUE de la SELARL LEXAVOUE MONTPELLI...

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

2e chambre sociale

ARRET DU 19 AVRIL 2023

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 21/00299 - N° Portalis DBVK-V-B7F-O2UG

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 18 DECEMBRE 2020

CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION DE DEPARTAGE DE MONTPELLIER N° RG F16/01652

APPELANT :

Monsieur [Z] [E]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représenté par Me BEYNET avocat pour Me Emilie BRUM, avocat au barreau de MONTPELLIER

INTIMEE :

S.A.S BANCAREL ET CIE

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Yann GARRIGUE de la SELARL LEXAVOUE MONTPELLIER GARRIGUE, GARRIGUE, LAPORTE, avocat au barreau de MONTPELLIER

Représentée par Me Stéphane GUILLEMIN de la SELARL GUILLEMIN, avocat au barreau de NIMES

Ordonnance de clôture du 01 Février 2023

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 22 FEVRIER 2023,en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Jacques FOURNIE, Conseiller, chargé du rapport et devant Madame Magali VENET, Conseillère.

Ce(s) magistrat(s) a (ont) rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Jacques FOURNIE, Conseiller, faisant fonction de Président en l'absence du Président empêché

Mme Véronique DUCHARNE, Conseillère

Madame Magali VENET, Conseillère

Greffier lors des débats : M. Philippe CLUZEL

ARRET :

- contradictoire ;

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par Monsieur Jacques FOURNIE, Conseiller, faisant fonction de Président en l'absence du Président empêché, et par M. Philippe CLUZEL, Greffier.

*

* *

EXPOSE DU LITIGE

La Société Bancarel et Cie qui exploite l'Hôtel Ibis situé dans le [Adresse 2] à [Localité 3], a embauché M. [Z] [E] suivant contrat à durée indéterminée à temps complet en qualité de cuisinier le 13 mars 2014.

La convention collective applicable au contrat de travail est celle des Hôtels, Cafés, Restaurants.

Au dernier état de la relation contractuelle , M. [E], toujours en poste au sein de l'entreprise, percevait une rémunération mensuelle brute de 1673,42€.

Le 14 décembre 2015 M. [E] a été placé en arrêt de travail suite à un accident du travail .

A compter du 13 décembre 2016, il a été placé en arrêt de travail pour maladie.

Par requête reçue le 07 décembre 2016, M. [E] a saisi le conseil de prud'hommes de Montpellier d'une demande de dommages et intérêts diligentée contre son employeur pour des faits de harcèlement moral et subsidiairement en raison de l'exécution déloyale du contrat de travail.

Par jugement en date du 18 décembre 2020, le conseil des prud'hommes a débouté M. [E] de ses demandes.

Par déclaration en date du 15 janvier 2021, M. [E] a relevé appel de la décision.

Vu les dernières conclusions de M. [E] en date du 09 mars 2021 auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé de ses moyens et prétentions.

Vu les dernières conclusions la Société Bancarel et Cie en date du 07 juin 2021 auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé de ses moyens et prétentions.

L'ordonnance de clôture est en date du 01 février 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur le harcèlement moral et l'exécution déloyale du contrat de travail:

L'article L 1152-1 du code du travail dispose que 'aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel'.

L'article L1154-1 du code du travail précise qu'il appartient au salarié de présenter des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Par ailleurs, le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi.

En l'espèce, M. [Z] [E] reproche à son employeur les faits suivants:

1) une dégradation générale des conditions de travail au sein de l'entreprise

- Il fait tout d'abord valoir que le registre unique du personnel laisse apparaître l'existence d'un turn-over important du personnel au sein de l'entreprise, en raison du comportement de l'employeur.

-Il produit le mail de la déléguée syndicale du personnel Mme [M] [O] en date du 14 novembre 2016 au sujet de la réunion des délégués du personnel du 30 sepembre 2016 rédigée en ces termes:

' Plusieurs salariés de l'Hôtel Ibis Centre sont en arrêt de travail pour burn out, d'autres ont préféré démissionner pour préserver leur santé. Nous alertons par la présente la direction sur la dégradation des conditions de travail ressentie par les salariés qui se confirme par un taux d'absentéisme élevé. Les salariés font part des griefs suivants: surcharge de travail, double shifts, non -respect du repos compensateur de 35h et 11 h consécutives, modifications planning de dernière minute sans aucun respect de la vie privée et familiale, humiliations et critiques sans fondement de la part de la direction sur leur travail. Un salarié pendant un entretien en présence d'un délégué a manifesté sa souffrance et fait part de son souhait de rencontrer le Docteur [V], médecin du travail. La directrice lui a fortement déconseillé d'ouvrir cette porte'

- Un compte rendu de réunion délégués du personnel en date du 27 mai 2016 mentionnant:

'Les salariés de l'Hôtel Ibis Centre subissent encore une fois une surcharge de travail à la suie de la démission de leur chef de réception. Les night auditeurs sont souvent victimes de violence verbale et physique entraînant l'intervention des forces de l'ordre et des arrêts de travail. Nous réitérons notre demande , la sécurité des salariés de l'Hôtel Ibis Centre doit devenir une priorité'.

- un article de presse en date du 4 septembre 2014 relatif aux dénonciations de deux femmes de chambre de l'hôtel Mercure concernant des faits de tentatives d'extorsion de leur gouvernante.

2 ) une absence de reconnaissance de son travail

Il fait valoir qu'il relevait de la classification de cuisinier alors qu'il exerçait des fonctions de chef de cuisine . Il ne définit pas expressément les attributions respectives afférentes à ces deux fonctions mais il verse aux débats:

- un article de presse en date du 26 mars 2014 de Direct Matin rédigé en ces termes: 'ici, nul besoin de réserver une chambre pour bénéficier de la cuisine du marché concoctée par le nouveau chef [Z] [E]

- un courriel de son employeur en date du 7 janvier 2015 débutant ainsi: 'bonjour chef'

- les réponses adressées aux clients par la responsable relations clients le 10 sepembre 2015: 'nous travaillons avec un chef'

- sa fiche de visite médicale périodique en date du 08 décembre 2015 où son médecin du travail a bien mentionné 'chef de cuisine'.

3) une surcharge de travail,

Il fait valoir que l'employeur exerçait à son encontre une pression constante en lui demandant d'établir une nouvelle carte du jour au lendemain et lui imposant en plus de son travail de cuisine d'effectuer la plonge pendant les périodes de surcharge de travail.

Il verse aux débats :

L'attestation de M. [A] [G] rédigée ainsi: 'dans le cadre du travail la Directrice mettait une pression constante à M. [E] en lui faisant sortir une nouvelle carte du jour au lendemain et en lui demandant d'effectuer la plonge lors de surcroît de travail (séminaires, groupes, sportifs).'

4)une mise à l'écart de ses collègues de travail et la suppression de son nom du site interne de l'entreprise

Il verse aux débats:

- le témoignage de M. [I] [H], salarié de l'entreprise, rédigé ainsi:

' A plusieurs reprises, depuis début 2015 (février), [W] [B] et [F] [X] ont dit aux membres du personnel dont je fais partie de ne plus venir parler au chef de cuisine Monsieur [Z] [E]' J'ai eu l'occasion de constater la manipulation de la part de la Direction concernant les employés entre eux. Au mois de Novembre 2015, j'en ai fait les frais et ils m'ont mis le doute envers Monsieur [E] sur le fait que l'on m'ai crevé deux pneus de mon véhicule dans la parking de l'hôtel alors qu'il était en accident du travail ».

- l'attestation de Madame [C] [K] :

« Madame [B] tenait des propos déplacés à son sujet : il ne faut pas lui parler, ce n'est pas un chef, il cherche les problèmes. Tout était fait pour que Monsieur [E] se sente isolé et détesté. A chaque fois qu'un problème survenait c'était lui l'accusé même quand il était en accident du travail. On a était tous briffé du comportement à adopter si Monsieur [E] revenait dans l'entreprise, c'est-à-dire l'ignorer »

le témoignage de Monsieur [A] [G]:

« Madame [B] m'a dit et à d'autres employés de me méfier de lui et de ne rien lui dire ».

- La présentation de l'entreprise sur son site internet où le nom de M. [E] n'apparaît pas et où apparaît celui de son remplaçant Monsieur [I] [GT] .

5)une tentative de déstabilisation:

M. [E] soutient que la direction a décidé de modifier l'agencement de la cuisine afin de le déstabiliser lors de son retour de congé, ajoutant qu'il exercerait alors des fonctions de simple commis. Il produit aux débats les mêmes attestations de [I] [H], [C] [K] et [A] [G] faisant état de propos de la Directrice selon laquelle les changements intervenus dans la cuisine avaient pour finalité de le déstabiliser lors de son retour pour qu'il ne se sente plus chez lui.

6) une défaillance dans la protection de la sécurité physique et psychique des salariés.

Monsieur [E] fait valoir qu'il a été victime le 3 novembre 2014 d'une agression par une salariée, ainsi que d'insultes sans aucune réaction de la part de la directrice qui était présente. Il verse aux débats les attestations de M. [I] [H], et M. [X] précisant que M. [E] s'est fait agresser par une employée du petit déjeuner, [D] [J], qui l'a frappé dans le dos avec une étiqueteuse.

Monsieur [E] fait également valoir qu'il s'est fait insulter par Monsieur [P] [R] et menacé de mort par M. [I] [DI]:

Monsieur [I] [H], atteste en ce sens : « Je suis au courant par certains membres du personnel et Monsieur [P] [R] lui-même qu'un soir de Septembre aux environs de 22h15, Monsieur [E] a fait l'objet d'agressions verbales en l'occurrence je t'encule suite à une question posée concernant le travail »

« Début Juin 2015 Monsieur [DI] [I] réceptionniste a menacé de mort, a proféré plusieurs insultes et cela à plusieurs reprises à l'encontre de Monsieur [E] et ce en présence de la directrice et cette dernière n'a strictement rien dit».

7) une absence de majorations des heures supplémentaires :

Aux termes de son contrat de travail Monsieur [E] a une durée de travail de 39 heures par semaine. Ce dernier précise ces quatre heures supplémentaires lui sont bien payées mais ne sont pas majorées , en violation de la convention collective applicable.

Il justifie s'est ouvert de cette difficulté auprès de son employeur à plusieurs reprises :

. Courriel du 01.05.2016 : « Depuis le 14 mars 2014, j'ai tous les mois 17h33 supplémentaires qui par ailleurs ne m'ont jamais été majorées.

. Courriel du 02.03.2016 (Pièce n°8) : « La convention collective applicable prévoit une majoration de 10% pour les heures entre 1607 et 1790 et au-delà une majoration de 20% ».

8)la réduction de son temps de travail de 39h00 à 35h00

Il reproche à l'employeur alors même que son temps de travail contractuellement prévu est de 39 heures par semaine, d'avoir réduit son temps de travail à 35 heures à compter du moment où il a rencontré des problèmes de santé.

Monsieur [E] justifie a réclamé régularisation de la situation:

. Courriel du 01.05.2016 : « Le souci est que pour le versement de mes indemnités AT tout est calculé sur 151,67 heures »

. Courriel du 02.03.2016 : « Après examen de mes bulletins de paie, j'ai constaté la réduction de mon temps de travail à 151,67 heures au lieu au lieu de 169 heures contractualisées impliquant une réduction de mon salaire mensuel ».

9) un traitement discriminatoire:

- Il reproche à l'employeur une non remise des chèques vacances :

Il verse aux débats un mail du 27 avril 2016 dans lequel l'Adjoint de Direction lui indique que les chèques vacances sont à disposition dans l'entreprise et qu'ils ne peuvent lui être envoyés en raison de leur valeur, ainsi qu'un mail adressé par le salarié au PDG de l'entreprise dans lequel il lui fait part de ses difficultés à obtenir un rendez-vous pour les récupérer.

- Il fait valoir qu'il est le seul à ne pas avoir perçu de prime exceptionnelle versée par l'employeur en 2015 et 2016 et produits des échanges de mails sur ce point.

-10) des difficultés liées à son arrêt de travail

- Il fait état de ses difficultés liées aux carences et retards de l'employeur pour répondre à ses sollicitations relative aux organismes tels que CPAM, Prévoyance, assurances

Il verse aux débats un courrier CPAM 07.01.2016 rédigé en ces termes : « En effet , votre employeur n'a pas répondu au questionnaire qui lui a été adressé »

- Il fait état du comportement anormal de l'employeur qui le sollicite pour savoir s'il va reprendre le travail à l'issue de ses arrêts maladie:

Exemple : Courriel du 05.04.2016 de Madame [B] : « Pour l'organisation, pouvez-vous me dire si vous reprenez le 13 avril ».

Exemple : Courriel du 24.06.2016 : « J'aimerai savoir si votre visite de reprise a bien eu lieu hier et si vous êtes apte à reprendre le travail

Par ailleurs, le 3 Février 2016, Monsieur [E] précise avoir dû remettre à la demande de son employeur ses comptes rendus de radio afin de justifier de son état de santé . Il ajoute que le comportement de l'employeur a entraîné une dégradation de son état de santé.

Ces faits, pris dans leur ensemble, relatifs notamment à des violences subies sans réaction de l'employeur, à une mise à l'écart et à une surcharge de travail imposées au salarié, laissent supposer l'existence d'un harcèlement.

Pour prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement, l'employeur fait valoir que:

1) Sur les conditions de travail au sein de l'entreprise:

L'employeur conteste l'existence d'une dégradation générale des conditions de travail dans l'entreprise.

- concernant l'article de presse du 04 septembre 2014 produit aux débats, l'employeur relève d'une part qu'il concerne l'hôtel Mercure et non l'hôtel Ibis Centre et d'autre part justifie que le dépôt de plainte des femmes de ménage a fait l'objet d'un classement sans suite.

-concernant le taux de renouvellement des salariés dans l'entreprise, la seule analyse du registre unique du personnel, sans point de comparaison avec le registre d'autres établissements du même secteur ne permet pas d'établir qu'il existait une anomalie quant au taux de renouvellement du personnel.

-Par ailleurs l'employeur établit, au regard des nombreux témoignages produits , que si l'ambiance pouvait être difficile au sein de l'entreprise, cela résultait du comportement agressif de M. [E] à l'égard des autres salariés, dont certains ont démissionné pour ne plus être confrontés à lui.

En ce sens, il verse aux débats l'attestation de M. [Y] rédigée en ces termes: '...je n'ai pu tenir qu'un an uniquement, car à l'arrivée de M. [E] [Z] , embauché peu de temps après moi en tant que cuisinier, j'ai vécu et le mot est faible un enfer. M. [E] créait des conflits au sein de l'équipe restaurant, mais pas seulement....humilier et abaisser étaient pour lui un jeu amusant. Je suis homosexuel....Monsieur [E] avait trop souvent des remarques déplacées à mon égard : ptite bite, tapette, qui fait l'homme, qui fait la femme, il lui arrivait même de me le dire devant les clients. J'avais honte, honte de moi, de lui, ou simplement de ne pouvoir répondre , par peur de perdre mon travail. '

Mme [T] , Mme [U] attestent en outre que M. [E] avait un comportement agressif et violent, sachant que, contrairement à ce que soutient M. [E], Mme [U] a bénéficié d'une promotion en qualité d'attaché commercial le 01 janvier 2017, avant d'avoir rédigée son attestation en date du 03 mars 2017.

Mme [N] a travaillé au sein de la société de janvier 2014 à octobre 2016 témoigne en outre qu'il n'y a jamais eu autant de démissions dont il était entièrement responsable: le comportement de M. [E] [Z] ne peut-être oublié. En effet, il n'y a jamais eu autant de démissions , dont il était entièrement responsable dans l'établissement que dans la période ou celui-ci exerçait en tant que cuisinier. Extrêmement caractériel , il harcelait le personnel et notamment les plus jeunes provoquant en eux un stress intense et insurmontable' ...., 'il s'en est pris aussi à ma personne en affirmant que j'étais inapte pour cette fonction'; 'il se comportait comme un tyran, voulait tout diriger dans la restauration', ' je l'ai vu avoir des comportements homophobes avec un jeune serveur'.

M. [R], Mme [S], Mme [KD] attestent également de la violence verbale de M. [E] et de sa recherche d'une confrontation physique.

- M. [E] a mis en avant l'alerte de la direction par les délégués du personnel quant à la surcharge de travail et à la sécurité des night auditeurs aux termes des réunions du 27 mai 2016 et 30 septembre 2016.

L'employeur justifie cependant que suite à la suppression du chef de réception en 2016 les tâches qui lui incombaient ont été confiées à M. [X], adjoint de direction comme en atteste les objectifs 2016 de ce dernier, ce qui n'a pas entraîné une charge de travail supplémentaire pour les salariés.

- concernant les violences verbales et physiques dont seraient victimes les night auditeurs, l'employeur justifie avoir mis en oeuvre les moyens adaptés par la mise en place d'un lecteur d'ascenseur de sorte que seuls les clients de l'hôtel peuvent accéder aux étages.

Par ailleurs M. [E] qui travaillait en cuisine n'était pas concerné par ces difficultés.

2) Sur la classification de Monsieur [E]

L'employeur fait valoir que M. [E] a été embauché en qualité de cuisinier et qu'il exerçait cette fonction et non celle de chef de cuisine dont le statut n'existait pas au sein de l'établissement jusqu'à l'embauche de son remplaçant M. [I] [GT]., à la suite de laquelle les recettes de l'établissement ont augmenté de 33% en 2016.

Il démontre que M. [E] ne peut se prévaloir d'une absence de reconnaissance pour son travail alors qu'il bénéficiait d'une rémunération supérieure au salaire horaire minimum pour sa classification et même au dessus du salaire horaire minimum conventionnel d'une classification 'chef de cuisine'puisqu'il percevait 11,033€ bruts de l'heure alors que le salaire horaire minimum conventionnel pour un chef de cuisine était de 10,80€ bruts lors de l'embauche de M. [E].

Dès lors l'employeur n'avait aucun intérêt pécuniaire à retenir une classification de cuisinier et non de chef de cuisine, la classification retenue étant celle correspondant à la réalité des tâches effectuées.

Dès lors, il ne peut être retenu que la classification de M. [E] en qualité de cuisinier ne correspondait pas à la réalité de ses attributions, alors même que le salarié n'a produit aucun élément de fait sur ce point, au delà de la seule dénomoination de 'chef' dans la presse ou dans ses échanges avec son employeur, ce qui ne suffit pas à laisser supposer qu'il exerçait effectivement des fonctions correspondant à la classification revendiquée.

Le grief n'est par conséquent pas établi.

3) Sur surcharge de travail

L'employeur conteste que M. [E] subissait une surcharge de travail. Il démontre au regard des chiffres produits que l'actuelle équipe de cuisine, composée de deux salariés, tout comme lors de la période pendant laquelle M. [E] travaillait, a été en mesure d'assumer une augmentation de 28% du nombre annuel de couverts en 2016.

Par ailleurs, l'élaboration d'une carte du jour quotidienne ,tel qu'il en existe dans de nombreux restaurants relève des compétences du cuisinier sans générer de charge de travail excessive, et il n'apparaît pas qu'une personne supplémentaire a été embauchée pour faire la vaisselle, tâche exceptionnellement dévolue à l'équipe de cuisine.

4) sur la mise à l'écart de ses collègues de travail et la suppression de son nom du site internet de l'entreprise:

L'employeur établit que le nom des salariés figurant sur le site de l'entreprise correspond à celui des salariés, et notamment de l'équipe de cuisine, effectivement en poste alors que M. [E] est en arrêt maladie depuis décembre 2015. Par ailleurs, l'employeur précise que rien ne démontre que le nom de M. [E] a figuré sur le site avant d'être effacé, et le salarié ne produit aucune preuve contraire sur ce point.

De plus, les témoignages de salariés indiquant que la directrice Mme [W] [B] leur avait demandé de garder leurs distances avec M. [E] s'inscrivent, au regard des éléments précédemment développés, dans un contexte où de nombreux salariés redoutaient sa violences verbale et physique, où certains avaient démissionné en raison de son comportement, et s'expliquent par une volonté d'éviter la survenance d'incidents entre les salariés.

5) sur la tentative de déstabilisation:

M. [E] indique que l'employeur aurait changé d'emplacement les éléments de cuisson pour qu'il soit déstabilisé et n'exerce plus que les fonctions de commis de cuisine.

L'employeur justifie cependant que les éléments de cuisine ont été modifiés deux ans après le départ en arrêt de travail de M. [E] et que cette décision a été prise à la demande de M. [GT] , embauché comme chef de cuisine suite à l'arrêt maladie de M. [E], ce dernier attestant qu'il souhaitait une organisation plus rationnelle et fonctionnelle de la cuisine pour exercer ses fonctions.

Par ailleurs, l'attestation de M. [H], ne peut être prise en considération, tant à l'égard de ce grief, qu'à l'égard des autres griefs évoqués par le salarié pour lesquels il apporte son témoignage , dans la mesure où il était en litige avec l'employeur et où il a été licencié pour faute grave le 30 août 2016 suite à un abandon de poste, et qu'il est justifié que ce dernier échangeait avec M. [E] en des termes insultants à l'égard des membres de la direction.

6) Sur l'absence de mesures mise en oeuvre pour assurer la sécurité physique et psychique des salariés:

Concernant l'agression dont M. [E] indique avoir été victime le 03 novembre 2014, il apparaît que la direction a été informée d'une altercation entre M. [E] et Mme [J] au cours de laquelle cette dernière lui avait donné un coup d'étiqueteuse dans le dos.

Suite à ces faits, M. [E] n'a pas été placé en arrêt de travail , et l'employeur a mis en oeuvre les mesures utiles pour garantir la sécurité de M. [E] dans la mesure ou il n'est pas contesté que les deux employés n'ont plus été en contact professionnel,

que Mme [J] a quitté la société suite à une rupture conventionnelle entre les parties et que M. [E] ne sera plus confronté à elle.

Concernant les insultes et menaces de mort, M. [E] ne s'appuie que sur le témoignage de M. [H] qui peut être pris en considération au regard des éléments précédemment développés.

7) Sur l'absence de majoration des heures supplémentaires:

L'employeur fait valoir que la majoration des heures supplémentaires effectuées par M. [E] donnait lieu à une contrepartie en repos compensateur de remplacement et non en numéraire.

Il justifie que les déductions de repos compensateurs de M. [E] sur les décomptes produits tant par le salarié que l'employeur sont concordants, et que M. [E] a bien bénéficié des repos compensateurs auxquels il avait droit.

8) sur la réduction du temps de travail de 39h00 à 35h00

L'employeur conteste avoir réduit le temps de travail de M. [E] lorsqu'il a rencontré des problèmes de santé.

Il prouve que les attestations de salaires réalisées mentionnent une durée de travail mensuelle à hauteur de 169h, conformément aux bulletins de paie, et justifie que cela a été expliqué par mail à M. [E] le 11 mai 2016.

9) sur le traitement discriminatoire:

- concernant les chèques vacances,

L'employeur justifie que M. [E] a été informé par mail que les chèque vacances étaient tenus à sa disposition et qu'ils ne lui étaient pas envoyés par courrier en raison de leur valeur. Par ailleurs, les attestations produites établissent qu'aucun réceptionniste n'a été contacté pour convenir d'une date à laquelle le salarié souhaitait venir les chercher.

- Concernant la non perception de prime en 2015 et 2016

Il ressort des bulletins de salaires produits par l'employeur que M. [E] n'est pas le seul salarié à ne pas avoir bénéficié de cette prime distribuée à certains collaborateurs afin de les récompenser pour leur motivation.

Par ailleurs, M. [E] indique qu'une prime a été perçue en février 2016 par les salariés de l'hôtel Ibis Centre mais il ressort des bulletins de salaire de l'ensemble du personnel qu'aucun salarié n'a perçu de prime a cours de cette période.

10) Sur les difficultés liées à l'arrêt de travail en raison de l'attitude de l'employeur:

L'employeur énonce avoir toujours oeuvré pour répondre aux demandes de M. [E].

- Concernant le document de l'assurance maladie indiquant que l'employeur n'a pas répondu à temps au questionnaire et qu'en conséquence un délai d'instruction complémentaire est nécessaire, l'employeur justifie que le 13 janvier 2016 M. [VZ] [L] a répondu à M. [E] 'pour le courrier de la CPAM j'y ai répondu le 31/12 donc il a dû se croiser avec le temps de traitement , ce à quoi M. [E] a répondu le même jour: 'encore merci et désolé pour le dérangement'.

- concernant les échanges relatifs à un document pour une assurance privée qui a été adressé le 22 avril 2016 à la directrice pendant sa période de vacanes: le document a été complété par M. [VZ] [L] mi-mai et adressé à M. [E] le 8 juin qui a pu l'envoyer à son assurance privée.

- Par ailleurs, les demandes de l'employeur concernant la reprise ou non de son poste de travail à l'issue de ses périodes d'arrêt maladie s'inscrivent dans la nécessité d'organiser le service, et si M. [E] a adressé des radios à son employeur pour justifier de son état de santé en février 2016, il n'apparaît pas que cet envoi répondait à une demande de l'employeur.

- Enfin, M. [E] , qui a été victime d'un accident du travail , décembre 2015 ne produit aux débats aucun élément médical de nature a établir la réalité d'une dégradation de son état de santé en lien avec ses conditions de travail ou le comportement de son employeur.

Il ressort de l'ensemble de ces éléments que l'employeur prouve que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un harcèlement.

Par ailleurs, l'existence d'une exécution déloyale du contrat de travail par l'employeur n'est pas établi, au vu des éléments précédemment développés et en l'absence de tout élément venant à l'appui des allégations du salarié selon lesquelles l'employeur usait du pouvoir de direction et disciplinaire de manière abusive.

Dès lors, c'est à juste titre que le conseil de prud'hommes a rejeté les demandes de M. [E], la décision sera confirmée.

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens:

Il convient de condamner M. [Z] [E] à verser à la société Bancarel et Cie la somme de 1200 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de l'instance.

PAR CES MOTIFS

La cour, par décision contradictoire et en dernier ressort,

Confirme le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Montpellier du 18 décembre 2020 en toutes ses dispositions,

Rejette toutes autres demandes plus amples ou contraires,

Condamne M. [Z] [E] à verser à la société Bancarel et Cie la somme de 1200€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de l'instance.

LE GREFFIER P/LE PRESIDENT EMPÊCHE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 2e chambre sociale
Numéro d'arrêt : 21/00299
Date de la décision : 19/04/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-04-19;21.00299 ?
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