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19/04/2023 | FRANCE | N°20/04556

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 2e chambre sociale, 19 avril 2023, 20/04556


Grosse + copie

délivrées le

à















COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



2e chambre sociale



ARRET DU 19 AVRIL 2023





Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 20/04556 - N° Portalis DBVK-V-B7E-OXFC



AUQUEL est joint le dossier RG 20/5245 N° Portalis DBVK-V-B7E-OYNL



ARRÊT n°



Décision déférée à la Cour : Jugement du 22 SEPTEMBRE 2020

TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, TRIBUNAL JUDICIAIRE DE CARCASSONN

E - N° RG 18/01182





APPELANTS (et INTIMES dans le RG 20/5245)



Monsieur [L] [N] - Décédé

né le 27 Mars 1956

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 1]

et

Madame [G] [P] épouse [N], ès qualité d'...

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

2e chambre sociale

ARRET DU 19 AVRIL 2023

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 20/04556 - N° Portalis DBVK-V-B7E-OXFC

AUQUEL est joint le dossier RG 20/5245 N° Portalis DBVK-V-B7E-OYNL

ARRÊT n°

Décision déférée à la Cour : Jugement du 22 SEPTEMBRE 2020

TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, TRIBUNAL JUDICIAIRE DE CARCASSONNE - N° RG 18/01182

APPELANTS (et INTIMES dans le RG 20/5245)

Monsieur [L] [N] - Décédé

né le 27 Mars 1956

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 1]

et

Madame [G] [P] épouse [N], ès qualité d'ayant droit de son défunt époux.

Née le 04 octobre 1967 à JERADA (MAROC)

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représentés par Me Valérie LAMBERT de la SELARL LAMBERT & CROCHET, avocat au barreau de CARCASSONNE, substituée par Me Christine AUCHE-HEDOU, avocat au barreau de MONTPELLIER

INTIME (et APPELANT dans le RG 20/5245)

Organisme BTP PREVOYANCE

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentée par Me Maud VAN DEN BROEK, avocat au barreau de CARCASSONNE

Ordonnance de clôture du 20 Février 2023

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 13 MARS 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Véronique DUCHARNE, Conseillère, et Monsieur Jacques FOURNIE, Conseiller, faisant fonction de président, chargé du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Jacques FOURNIE, Conseiller, en remplacement du président, empêché

Madame Véronique DUCHARNE, Conseiller

Madame Caroline CHICLET, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Marie-Lydia VIGINIER

ARRET :

- réputé contradictoire ;

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par Monsieur Jacques FOURNIE, Conseiller, en remplacement du président empêché et par Madame Marie-Lydia VIGINIER, Greffier.

*

* *

FAITS ET PROCÉDURE

Le 18 juin 2015, la SAS Roussillon Energie Group, entreprise générale de bâtiment, a été constituée entre les futurs époux M. [L] [N] et Mme [G] [P] et présidée par cette dernière.

La qualité de salarié de M. [L] [N] est discutée pour la période débutant le 1er juin 2016.

Le 22 juillet 2016, celui-ci a été placé en arrêt de travail pour maladie, ce qui a conduit l'institution de prévoyance BTP Prévoyance à verser à l'entreprise des sommes au titre des indemnités journalières dues à M. [L] [N].

Le 3 janvier 2018, le tribunal de commerce de Carcassonne a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l'encontre de la société avec cessation complète d'activité et a désigné la SELARL Pierre Henri Frontil en qualité de mandataire liquidateur.

Le 11 avril 2018, il a prononcé la liquidation judiciaire simplifiée.

Par acte d'huissier de justice des 24 septembre et 5 octobre 2018, l'institution de prévoyance BTP Prévoyance a assigné M. [L] [N] et Mme [G] [P] en sa qualité de responsable légale de l'entreprise Roussillon Energie Group devant le tribunal de grande instance de Carcassonne, aux fins de :

- condamnation solidaire de ces derniers à lui payer la somme de

25 692,59 € indûment perçue au titre des indemnités journalières complémentaires,

- condamnation de ces derniers à lui verser une « provision » de

2 000 € à valoir sur le préjudice de désorganisation ainsi que la somme de 3 500 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamnation de ces derniers aux entiers dépens.

Par jugement du 22 septembre 2020, le tribunal a :

- condamné M. [L] [N] à verser à BTP Prévoyance la somme de 25.692,59 € indûment perçue au titre des indemnités journalières complémentaires,

- enjoint à BTP Prévoyance de produire les conditions générales et particulières du contrat de prévoyance liant les parties, afin de déterminer si M. [L] [N] est effectivement bienfondé à solliciter le versement d'une pension d'invalidité à compter du 1er novembre 2017, étant précisé que l'aléa contractuel et la date d'affiliation et de réalisation du risque ne s'oppose pas à l'application de cette garantie,

- renvoyé le dossier à l'audience de mise en état du 26 novembre 2020 en vue de permettre aux parties de faire valoir leurs observations sur le bienfondé de M. [L] [N] à solliciter le versement d'une pension d'invalidité au regard des autres dispositions contractuelles,

- débouté BTP Prévoyance de ses demandes formées à l'encontre de Mme [G] [P],

- réservé l'ensemble des autres demandes.

Par déclaration enregistrée au RPVA le 21 octobre 2020, M. [L] [N] a régulièrement interjeté appel de ce jugement.

Par déclaration enregistrée au RPVA le 23 novembre 2020, l'organisme BTP Prévoyance a régulièrement interjeté appel de ce jugement.

Par décision du 28 janvier 2021, le juge de la mise en état du tribunal a ordonné le retrait du rôle de l'affaire en raison de l'appel interjeté par les deux parties.

Le 20 juin 2021, M. [L] [N] est décédé.

Mme [G] [P] est alors intervenue à la procédure en qualité d'ayant droit de son défunt époux.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Aux termes de ses dernières conclusions enregistrées au RPVA le 22 octobre 2021, Mme [G] [P] veuve [N] en sa qualité d'ayant droit de son époux M. [L] [N] décédé, demande à la Cour :

A titre liminaire, d'ordonner la jonction de la présente instance avec celle enrôlée sous le numéro RG : 20/05245, relative à l'appel de BTP Prévoyance et de prendre acte de son intervention volontaire ès qualités ;

Sur le fond,

- d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné M. [N] à verser à BTP Prévoyance la somme de 25.692,59 € ;

- de confirmer le jugement entrepris pour le surplus ;

- de dire et juger que M. [N] ne saurait être tenu de verser quelque somme que ce soit à BTP Prévoyance ;

- de dire et juger qu'elle ne saurait être tenue de verser quelque somme que ce soit à BTP Prévoyance ;

- condamner BTP Prévoyance à lui verser ès qualités les sommes de :

* 47.372 € au titre de sa rente invalidité,

* 10.555 € au titre des indemnités journalières non versées pour la période du 11 mars 2017 au 30 octobre 2017,

* 7.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, pour les frais irrépétibles de première instance et d'appel ;

- condamner BTP Prévoyance aux entiers frais et dépens de la procédure.

Aux termes de ses dernières conclusions enregistrées au RPVA les 3 et 6 février 2023, l'institution de prévoyance BTP Prévoyance demande à la Cour :

A titre liminaire, de joindre les procédures n° 20-05245 et n° 20-04556 ;

A titre principal, de :

- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné M.[N] à rembourser la somme de 25.692, 59 € au titre de la garantie arrêt de travail et des indemnités journalières complémentaires ;

- infirmer le jugement pour le surplus ;

- débouter Mme [P] ès qualités de ses fins, demandes et prétentions ;

- condamner Mme [P] à titre personnel et en sa qualité d'ayant droit à :

* lui rembourser la somme de 25.692, 59 € au titre de la garantie arrêt de travail et des indemnités journalières complémentaires,

* lui verser la somme de 2.000 € au titre du préjudice de désorganisation ;

* lui verser la somme de 3.500 € en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile en première instance,

* lui verser la somme de 3.500 € en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile en cause d'appel ;

- la condamner aux entiers dépens ;

A titre subsidiaire, de désigner un expert médical qui aura pour mission de :

- Se faire remettre l'entier dossier médical de M. [N] et toutes pièces, examens, soins et expertises médicales réalisées sur sa personne depuis 2010,

- Décrire la pathologie de M. [N], les principales étapes de son évolution,

- Dater l'apparition de la pathologie et dire si l'arrêt de travail du 22 juillet 2016 est en relation directe avec celle-ci,

- Dire que l'Expert pourra s'adjoindre tout spécialiste de son choix et entendre tout sachant dans l'accomplissement de sa mission.

Mme [G] [P] en sa qualité de responsable de la SAS Roussillon Energie Group n'a pas constitué avocat, ses conclusions n'étant déposées qu'en sa qualité d'ayant droit de son époux défunt et à titre personnel.

Pour l'exposé des prétentions et des moyens des parties, il est renvoyé, conformément à l'article 455 du Code de procédure civile, à leurs conclusions ci-dessus mentionnées et datées.

La procédure a été clôturée par ordonnance du 20 février 2023.

MOTIFS

Sur la jonction.

Dans l'intérêt d'un bonne administration de la justice, il y a lieu de prononcer la jonction du dossier enregistré sous le numéro RG 20/05245 au dossier enregistré sous le numéro RG20/04556.

Sur la garantie par BTP Prévoyance.

S'agissant de la garantie « arrêt de travail » et « indemnités journalières 91ème jour ».

Il est constant que l'institution BTP Prévoyance a versé la somme totale de 25.692,59 € au titre de la garantie « arrêt de travail »

(15 840,63 €) et au titre des indemnités journalières au delà du 91 ème jour d'arrêt de travail jusqu'au 10 mars 2017 (9 851,96 €).

L'institution BTP Prévoyance estime qu'elle ne devait pas couvrir M. [L] [N] au titre de la garantie arrêt de travail et indemnités journalières aux motifs suivants :

- son affiliation est postérieure à la date du fait générateur car l'affiliation rétroactive n'est pas valable,

- la garantie ne s'applique qu'aux salariés affiliés à la date du fait générateur couvert,

- le caractère fictif du contrat de travail exclut la qualité de salarié de l'intéressé.

La garantie de l'institution de prévoyance s'exerce dans le cadre des opérations collectives à adhésion obligatoire définies par l'article L 932-4 du Code de la sécurité sociale, les salariés concernés - dénommés « participants » - étant obligatoirement affiliés à ladite institution du fait de l'adhésion de l'entreprise - dénommée « adhérent » - qui les emploie.

Le fait que la SAS Roussillon Energie Group ait adhéré à ce régime collectif de prévoyance n'est pas discuté par les parties.

Il convient par conséquent de vérifier, en premier lieu, l'existence ou non d'une relation salariée, condition essentielle pour bénéficier de la garantie.

Il résulte des articles L1221-1 et L1221-2 du Code du travail que le contrat de travail suppose un engagement à travailler pour le compte et sous la subordination d'autrui moyennant rémunération.

En l'absence d'un contrat de travail écrit, c'est à celui qui allègue l'existence d'un tel contrat d'en rapporter la preuve. Le contrat de travail se caractérise par un lien de subordination juridique qui consiste pour l'employeur à donner des ordres, à en surveiller l'exécution et, le cas échéant, à en sanctionner les manquements.

En l'espèce, il est constant qu'aucun contrat de travail n'a été signé par la SARL Roussillon Energie Group et M. [L] [N].

Alors que l'institution de prévoyance fait valoir le caractère fictif du contrat de travail et conteste le lien de subordination entre M. [L] [N] et la société, elle produit aux débats deux bulletins de salaire émis par la SAS Roussillon Energie Group au nom de M. [L] [N] correspondant aux mois de juin et juillet 2016 mentionnant les prélèvements sociaux ; ce qui établit l'existence d'un contrat de travail apparent.

En cas de contrat de travail apparent, c'est à celui qui invoque son caractère fictif d'en apporter la preuve.

Or, BTP Prévoyance ne produit aucune pièce susceptible d'établir le caractère fictif du contrat de travail de M. [N] : la circonstance que les résultats de la société étaient faibles alors que le salaire du cadre était fixé à 4 900 €, que celui-ci a été placé en arrêt de travail dès le mois de juillet 2016 ne constituent pas des éléments objectifs permettant d'établir le caractère fictif du contrat de travail.

Le moyen tiré de ce que M. [L] [N] aurait été le gérant de fait de la société n'est pas corroboré par les éléments du dossier alors que la qualité de dirigeant de fait ne se présume pas et qu'il appartient à celui qui soutient son existence d'en apporter la preuve.

Or, le fait qu'il ait été actionnaire de l'entreprise ou que son épouse ait dirigé celle-ci sont des moyens inopérants ; le seul fait que M. [N] ait pu signer lui-même le contrat de prévoyance ne suffit pas non plus à démontrer qu'il exerçait, en toute indépendance, le pouvoir de direction et de gestion de la société et qu'il exerçait toutes les attributions dévolues au dirigeant de droit.

Dès lors, M. [L] [N] avait la qualité de salarié, ainsi que l'a relevé le premier juge.

En second lieu, s'agissant de la date d'affiliation, il est constant qu'en vertu de l'article 3 alinéa 5 du réglement du régime national de prévoyance des cadres du bâtiment et des travaux publics, « la date d'admission au régime est fixée à la date d'entrée dans l'entreprise, au premier jour de travail effectif dans l'entreprise en tant que cadre en cas de promotion dans la catégorie, et en tout état de cause au plus tôt à la date d'effet d'adhésion de l'entreprise ».

L'employeur a signé le formulaire d'adhésion au régime de prévoyance le 30 août 2016 après prise de contact avec l'institution de prévoyance et demande d'affiliation le 8 août 2016.

Des documents produits par l'appelante (pièce n°5), il résulte que :

- l'entreprise a déclaré adhérer à la garantie Arrêts de travail pour l'ensemble des ingénieurs, assimilés et cadres et que la date d'effet souhaitée était le 1er juin 2016,

- l'institution a adressé au participant un certificat d'affiliation, relevant sa qualité de cadre salarié de l'entreprise Roussillon Energie Group ainsi que sa date d'entrée au 1er juin 2016,

- l'institution a délivré un certificat d'adhésion de l'entreprise sus-mentionnée au titre de la prévoyance pour les cadres, précisant que la date d'effet de cette adhésion était fixée au 1er juin 2016.

Il en résulte que la date d'effet d'adhésion de l'entreprise au sens de l'article 3 précité est le 1er juin 2016 et que c'est cette date qui doit être prise en compte, d'autant qu'il n'est pas discuté que M. [N] a été engagé par la SAS Roussillon Energie Group à compter du 1er juin 2016, date d'entrée de l'intéressé au sein de l'effectif de l'entreprise.

L'article 6 du réglement susvisé stipule notamment que « les droits prévus par le présent régime sont ouverts à tout participant affilié au régime à la date où se produit le fait générateur du risque couvert », la date du fait générateur étant définie comme « la date de l'arrêt de travail au sens de la Sécurité sociale pour les garanties d'indemnités journalières, de rente d'invalidité ».

Les parties s'accordent sur la circonstance que le fait générateur est survenu le 22 juillet 2016, date de l'arrêt de travail du salarié, lequel s'est retrouvé paralysé des membres inférieurs.

L'article 2 de la loi n°89-1009 du 31 décembre 1989 relative au renforcement des garanties offertes aux personnes assurées contre certains risques (dite Evin), modifié par la loi n°2013-504 du 14 juin 2013 est ainsi rédigé :

« Lorsque des salariés sont garantis collectivement, soit sur la base d'une convention ou d'un accord collectif, soit à la suite de la ratification par la majorité des intéressés d'un projet d'accord proposé par le chef d'entreprise, soit par décision unilatérale de l'employeur, contre le risque décès, les risques portant atteinte à l'intégrité physique de la personne ou liés à la maternité ou les risques d'incapacité de travail ou d'invalidité, l'organisme qui délivre sa garantie prend en charge les suites des états pathologiques survenus antérieurement à la souscription du contrat ou de la convention ou à l'adhésion à ceux-ci, sous réserve des sanctions prévues en cas de fausse déclaration.

Aucune pathologie ou affection qui ouvre droit au service des prestations en nature de l'assurance maladie du régime général de sécurité sociale ne peut être exclue du champ d'application des contrats ou conventions visés au premier alinéa dans leurs dispositions relatives au remboursement ou à l'indemnisation des frais occasionnés par une maladie, une maternité ou un accident.

Le présent article est également applicable au titre des anciens salariés garantis en application de l'article L. 911-8 du code de la sécurité sociale ».

Ces dispositions d'ordre public organisent un allongement de la durée de la couverture en amont de l'adhésion, l'état pathologique désignant la maladie en germe non encore déclarée, par opposition à la maladie correspondant à l'altération de l'état de santé se manifestant par des symptômes et des signes.

Le fait que l'état pathologique antérieur ait existé au jour de la date d'effet de l'adhésion par l'entreprise au régime de prévoyance ' le 1er juin 2016 - n'a pas eu pour conséquence de priver le contrat de tout aléa au sens du droit des assurances.

En effet, au jour de l'adhésion, la connaissance certaine de la durée et du montant de l'indemnisation du risque Arrêts de travail et Indemnités journalières restaient aléatoires pour M. [L] [N], atteint d'une maladie neurologique révélée par l'arrêt de travail à compter du 22 juillet 2016.

La demande présentée à titre subsidiaire par l'institution de prévoyance aux fins d'organisation d'une expertise médicale destinée à établir l'antériorité de la pathologie de M. [N] et de ses suites doit par conséquent être rejetée, la Cour étant en mesure de trancher le litige.

Il s'ensuit que le fait générateur du risque étant survenu postérieurement à la prise d'effet de l'adhésion à la garantie, l'institution de prévoyance devait couvrir la garantie Arrêts de travail et Indemnités journalières complémentaires jusqu'au 10 mars 2017.

Les sommes versées à ce double titre étaient par conséquent dues au participant. Il y aura lieu de débouter l'institution de sa demande en remboursement desdites sommes.

Le jugement sera infirmé en ce qu'il a condamné le salarié à rembourser à l'institution de prévoyance les sommes perçues à ce titre.

En revanche, la demande de paiement des indemnités journalières du 11 mars 2017 au 30 octobre 2017 doit être rejetée.

En effet, l'article 7.2 du réglement précité stipule qu'en cas de suspension du contrat de travail avec maintien de salaire total ou partiel ou perception d'indemnités journalières complémentaires financées au moins en partie par l'entreprise adhérente, les garanties sont maintenues pendant toute la période de suspension, leur financement étant assuré aux même conditions que celles qui s'appliquent aux cadres ou assimilés en activité.

Or, Mme [P] pourtant assignée en qualité de représentant légal de la société, ne présente aucune observation sur ce point et ne produit aucun élément permettant de vérifier que les conditions de versement des indemnités journalières complémentaires sont remplies sur cette période.

S'agissant de la garantie « Invalidité ».

En vertu de l'article 568 du Code de procédure civile, il convient de faire droit à la demande de BTP Prévoyance aux fins d'évocation de ce point, le premier juge ayant ordonné la réouverture des débats et la cour estimant de bonne justice de donner à l'affaire une solution définitive.

Mme [P] en sa qualité d'ayant droit du défunt estime que l'institution de prévoyance est tenue de verser la rente invalidité à compter du 22 juillet 2017 jusqu'au 31 mars 2018, date à laquelle son époux a fait valoir ses droits à la retraite et que cette rente se calcule en application de l'article 19 du réglement précité, soit 65% du salaire de base compte tenu de ce que l'invalidité catégorie 2 lui avait été reconnue.

Le document d'adhésion au régime de la prévoyance mentionnant que l'invalidité est garantie pour les cadres est corroboré par le récapitulatif des contrats de l'entreprise émis par l'institution de prévoyance.

L'article 19 du réglement stipule au sujet de la rente en cas d'invalidité de droit commun que :

- les participants classés en 2ème catégorie au sens de l'article L 341-4 du code de la sécurité sociale bénéficient d'une rente d'invalidité ; les prestations correspondantes, versements de la Sécurité social inclus, sont fixées à 65% du salaire de base cotisé en tranche A et en tranche B,

- le point de départ de la rente est la date d'effet de la rente d'invalidité ou d'incapacité permanente versée par la Sécurité sociale au titre de la catégorie d'invalidité ouvrant droit à l'indemnisation au titre du régime,

- le participant devra « pouvoir apporter la preuve qu'il a perçu des prestations en espèces de la Sécurité sociale, pour la période dont il demande l'indemnisation »,

- elle sera supprimée à la date de fin de la pension d'invalidité par la Sécurité sociale, soit à la fin du mois au cours duquel les conditions de maintien de la rente ont été réunies.

Selon l'article 6 précité du réglement, la date du fait générateur est « la date de l'arrêt de travail au sens de la Sécurité sociale pour les garanties d'indemnités journalières, de rente d'invalidité ».

En l'espèce, par lettre du 13 novembre 2017, la caisse d'assurance maladie a notifié à M. [N] l'attribution temporaire d'une pension d'invalidité de catégorie 2, à compter du 1er novembre 2017, d'un montant brut annuel de 10.384,39 €, soit 865,37 € par mois calculé sur un salaire annuel moyen de base de 20 768,78 €.

Dès lors que le fait générateur du risque est antérieur à la date d'effet d'affiliation ' ainsi que cela a été exposé dans le premier paragraphe ' et qu'il est justifié de la reconnaissance de l'invalidité catégorie 2 à compter du 1er novembre 2017, la rente est due à partir de cette date jusqu'au 30 mars 2018, date de la retraite du participant, soit pour 5 mois.

La somme due - après prise en compte du salaire de base auquel il y a lieu d'appliquer le taux de 65% - s'élève par conséquent à la somme de 5 624,87 €.

Sur la demande de condamnation de Mme [G] [P] à titre personnel et à titre d'ayant droit de son défunt époux.

Si BTP Prévoyance n'a assigné Mme [P] qu'en sa qualité de responsable légale de la SAS Roussillon Energie Group, Mme [P] n'intervient en cause d'appel qu'en son nom personnel et en qualité d'ayant droit de son défunt époux.

La demande de condamnation de Mme [P] à titre personnel et en tant qu'ayant droit au remboursement de sommes est par conséquent recevable.

Toutefois, compte tenu de ce qui précède, la demande présentée à son encontre tant à titre personnel qu'en sa qualité d'ayant droit doit être rejetée en l'absence de faute caractérisée de sa part.

Il doit être relevé qu'aucune demande à son encontre en sa qualité de responsable de la société n'est présentée en cause d'appel.

Sur le préjudice de désorganisation.

La demande liée au préjudice de désorganisation présentée par BTP Prévoyance à l'encontre de Mme [P] à titre personnel et en sa qualité d'ayant droit de son époux, non tranchée par le premier juge, doit également être évoquée dans le souci d'une bonne justice.

L'institution de prévoyance estime subir un préjudice consécutif à sa désorganisation en lien avec des agissements frauduleux dans le cadre de l'adhésion au régime de prévoyance au profit de M. [N].

Toutefois, il résulte de ce qui précède qu'aucun agissement frauduleux n'a été retenu, en sorte que la demande doit être rejetée.

Sur les demandes accessoires.

BTP Prévoyance sera tenue aux entiers dépens de première instance et d'appel.

En revanche, il est équitable de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La Cour, après en avoir délibéré, par arrêt mis à disposition au greffe ;

PRONONCE la jonction du dossier enregistré sous le numéro RG 20/05245 au dossier enregistré sous le numéro RG20/04556 ;

INFIRME le jugement du 22 septembre 2020 du tribunal judiciaire de Carcassonne en toutes ses dispositions ;

RECOIT l'intervention de Mme [G] [P] en qualité d'ayant droit de son défunt époux M. [L] [N] décédé le 20 juin 2021 ;

ÉVOQUE les demandes de Mme [G] [P] liées au paiement des indemnités journalières complémentaires portant sur la période comprise entre le 11 mars et le 30 octobre 2017 ainsi que les demandes présentées par l'institution BTP Prévoyance au titre de l'expertise médicale, du préjudice de désorganisation et de la mise en cause de Mme [G] [P] à titre personnel ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

DIT que la garantie Arrêt de travail et Indemnités journalières était due à M. [L] [N] ;

DÉBOUTE l'institution BTP Prévoyance de sa demande en remboursement des sommes versées à ce double titre ;

DÉBOUTE Mme [G] [P] en sa qualité d'ayant droit de M. [L] [N] de sa demande au titre des indemnités journalières complémentaires pour la période comprise entre le 11 mars et le 30 octobre 2017 ;

DIT que la rente invalidité est due et CONDAMNE l'institution BTP Prévoyance à payer à Mme [G] [P] en sa qualité d'ayant droit de M. [L] [N] la somme de 5 624,87€ à ce titre ;

DIT n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

CONDAMNE l'institution BTP Prévoyance aux entiers dépens de première instance et d'appel ;

LE GREFFIER LE CONSEILLER

Pour le président empêché

J. FOURNIE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 2e chambre sociale
Numéro d'arrêt : 20/04556
Date de la décision : 19/04/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-04-19;20.04556 ?
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