La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

19/04/2023 | FRANCE | N°20/02334

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 2e chambre sociale, 19 avril 2023, 20/02334


Grosse + copie

délivrées le

à















COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



2e chambre sociale



ARRET DU 19 AVRIL 2023





Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 20/02334 - N° Portalis DBVK-V-B7E-OTCO



ARRÊT n°



Décision déférée à la Cour : Jugement du 26 MAI 2020

CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE BEZIERS - N° RG F 18/00463









APPELANT :



Monsieur [B] [

I]

né le 1er janvier 1960 à Mestferki (MAROC)

de nationalité marocaine

[Adresse 1]

[Localité 4]



Représenté par Me Xavier LAFON, substitué par Me Laurent PORTES de la SCP LAFON PORTES, avocats au barreau de BEZIERS











INTIMEE :


...

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

2e chambre sociale

ARRET DU 19 AVRIL 2023

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 20/02334 - N° Portalis DBVK-V-B7E-OTCO

ARRÊT n°

Décision déférée à la Cour : Jugement du 26 MAI 2020

CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE BEZIERS - N° RG F 18/00463

APPELANT :

Monsieur [B] [I]

né le 1er janvier 1960 à Mestferki (MAROC)

de nationalité marocaine

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représenté par Me Xavier LAFON, substitué par Me Laurent PORTES de la SCP LAFON PORTES, avocats au barreau de BEZIERS

INTIMEE :

G.I.E. [Adresse 5]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me David BERTRAND, avocat au barreau de BEZIERS, substitué par Me Dylan HERAIL, avocat au barreau de BEZIERS

Ordonnance de clôture du 25 Janvier 2023

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 14 FEVRIER 2023,en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Véronique DUCHARNE, Conseiller, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Véronique DUCHARNE, Conseiller, faisant fonction de président

Monsieur Jacques FOURNIE, Conseiller

Madame Isabelle MARTINEZ, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Marie-Lydia VIGINIER

ARRET :

- contradictoire ;

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par Mme Véronique DUCHARNE, Conseiller, en remplacement du président, empêché et par Mme Marie-Lydia VIGINIER, greffier.

*

* *

FAITS ET PROCÉDURE

Selon contrat de travail à durée déterminée du 2 novembre 2017 à effet au 6 novembre 2017 jusqu'au 31 juillet 2018, M. [B] [I] a été embauché à temps complet par le GIE [Adresse 5] en qualité d'ouvrier agricole moyennant une rémunération mensuelle brut de 1 480,30 €.

Le 5 juillet 2018, le salarié a déposé plainte auprès de la gendarmerie contre l'employeur.

Le même jour, il a été placé en arrêt de travail pour accident du travail et ce, jusqu'à la fin du contrat.

Par courrier du 7 juillet 2018, le salarié a reproché à l'employeur notamment des manquements à l'obligation de sécurité. Par courrier du 17 juillet 2018, l'employeur a réfuté l'ensemble de ces griefs.

Par requête enregistrée le 27 novembre 2018, estimant que son contrat devait être requalifié en contrat à durée indéterminée, que la rupture s'analysait en un licenciement nul et que l'employeur avait manqué à son obligation de sécurité, le salarié a saisi le conseil de prud'hommes de Béziers.

Par jugement du 26 mai 2020, le conseil de prud'hommes a :

- débouté M. [I] de sa demande de requalification du contrat de travail à durée déterminée en un contrat de travail à durée indéterminée ;

- débouté le salarié de sa demande sur la rupture du contrat de travail ;

- condamné l'employeur à verser la somme de 3 000 € de dommages et intérêts au salarié au titre du manquement à son obligation de sécurité ;

- condamné l'employeur à verser la somme de 750 € au salarié au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- débouté l'employeur de sa demande de 2000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- condamné l'employeur aux dépens.

Par déclaration enregistrée au RPVA le 12 juin 2020, le salarié a régulièrement interjeté appel de ce jugement.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Aux termes de ses dernières conclusions enregistrées au RPVA le 20 janvier 2021, M. [B] [I] demande à la Cour, au visa des articles L.1226-9, L1226-13, L1242-1, L.1126-5, L.4121-1 du Code du travail, de :

- dire et juger recevable et bien-fondé ledit appel ;

Réformer le jugement entrepris en ce qu'il l'a débouté de sa demande de requalification du contrat de travail à durée déterminée en un contrat de travail à durée indéterminée et des conséquences y afférent ;

Statuant à nouveau de ce chef, de :

- requalifier le contrat de travail à durée déterminée du 6 novembre 2017 en contrat de travail à durée indéterminée ;

- dire et juger que la rupture du contrat de travail doit s'analyser en un licenciement ;

- dire et juger nul son licenciement dans la mesure où il est intervenu durant une période de suspension du contrat de travail pour accident du travail ;

- condamner l'employeur à lui payer les sommes suivantes :

* 1.498,50 € au titre de l'indemnité de requalification,

* 8.991 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul,

* 1.498,50 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

* 149,85 € à titre de congés payés afférents,

* 280,96 € au titre de l'indemnité légale de licenciement ;

Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

- dit et jugé que l'employeur avait manqué à son obligation de sécurité ;

- condamné l'employeur à lui payer la somme de 3.000 € à titre de dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité ;

- condamner l'employeur à lui remettre un certificat de travail, un bulletin de paie et une attestation destinée à pôle emploi rectifiés et conformes à l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 € par jour de retard et par document manquant ou erroné qui commencera à courir passé un délai de 15 jours suivant la date de signification dudit arrêt ;

- dire et juger que les sommes allouées ayant une nature salariale porteront intérêts, à compter de la réception par l'employeur de la convocation devant le bureau de jugement du Conseil de Prud'hommes, celle-ci valant sommation de payer au sens de l'article 1344-1 du Code civil ;

- condamner l'employeur à lui payer la somme de 1.500 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- condamner l'employeur aux entiers dépens ;

- dire et juger qu'à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées par jugement à intervenir et en cas d'exécution par voie extrajudiciaire, les sommes retenues pas l'huissier instrumentaire en application des dispositions de l'article 10 du décret du 8 mars 2001, portant modification du décret du 12 décembre 1996 devront être supportées par la défenderesse en sus de l'indemnité mise à sa charge sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Aux termes de ses dernières conclusions enregistrées au RPVA le 25 novembre 2022, le GIE [Adresse 5] demande à la Cour :

A titre liminaire,

- d'ordonner le rabat de l'ordonnance de clôture rendue le 22 novembre 2022 ;

- d'accueillir en conséquence les présentes conclusions n°2 du concluant ainsi que l'ensemble des pièces produites aux débats ;

Au fond,

- de confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a retenu que la relation de travail était effectivement à durée déterminée ;

- de réformer le jugement dont appel en ce qu'il a retenu à son égard un manquement à l'obligation de sécurité et l'a condamné à verser la somme de 3.000 € de dommages et intérêts,

- de constater qu'il rapporte la preuve de la mise à disposition de matériel de protection,

- de constater qu'il rapporte la preuve de ce que les produits dangereux ne sont manipulés que les salariés titulaires du «certiphyto »,

- de constater que l'Inspection du Travail n'a relevé aucune faute à l'égard de l'employeur,

- de débouter M. [I] de toutes ses demandes, fins et conclusions,

En tout état de cause de condamner le salarié à lui verser la somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour l'exposé des prétentions des parties et leurs moyens, il est renvoyé, conformément à l'article 455 du Code de procédure civile, à leurs conclusions ci-dessus mentionnées et datées.

La procédure a été clôturée par ordonnance du 25 janvier 2023.

MOTIFS

Sur la requalification en contrat à durée indéterminée.

Le salarié fait valoir que le motif du recours au contrat à durée déterminée n'est pas démontré par l'employeur et qu'il a pourvu à un emploi durable.

L'article L1242-1 du Code du travail dispose qu'« un contrat de travail à durée déterminée, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise ».

L'article L1242-2 du Code du travail, dans sa rédaction applicable au présent litige, dispose qu'« un contrat de travail à durée déterminée ne peut être conclu que pour l'exécution d'une tâche précise et temporaire, et seulement dans les cas suivants : 1° Remplacement d'un salarié en cas : ('), 2° Accroissement temporaire de l'activité de l'entreprise ; ».

L'accroissement temporaire de l'activité de l'entreprise est caractérisé lorsque l'activité pérenne et constante tout au long de l'année connaît ponctuellement des pics de production soumis à un aléa, à une imprévisibilité.

Faute pour l'employeur de démontrer l'existence d'un tel accroissement temporaire de l'activité, le contrat doit être requalifié à durée indéterminée.

En l'espèce, le contrat de travail à durée déterminée du 6 novembre 2017 vise «un surcroît temporaire d'activité, qui ne relève pas de l'activité normale de l'entreprise ».

Pour établir un tel accroissement d'activité ' contesté par le salarié ' l'employeur expose que l'entreprise devait faire face à un surcroit temporaire d'activité lié à l'arrachage de 13 hectares de vignes puis à la replantation.

Il verse aux débats les pièces suivantes :

- Le contrat de travail à durée déterminée du salarié, qui s'est déroulé du 6 novembre 2017 au 31 juillet 2018, lequel mentionne au titre du motif du recours, le surcroît temporaire d'activité ;

- Des attestations régulières de salariés détaillant les conditions de leur recrutement ;

- Des factures d'achat de plan de vignes passées auprès de la Société VCR ;

- Des factures d'achat de matériel viticole passées auprès de la société Magne en 2017 et 2018 ;

- Un cahier de traitement des vignes qui mentionne l'année 2018 ;

- Une attestation de M. [G] [C], technicien intervenant lequel indique que « le GIE Bastide réalise des plantations de vigne chaque année, mais en surface deux fois plus importante pour les années 2016, 2017 et 2018. En 2016, les plantations ont été manqué et reprises en 2017. Ce qui a octroyé un surplus de main d''uvre important en 2018. ».

Toutefois, l'analyse de ces pièces ne permet pas d'établir l'accroissement temporaire d'activité, l'achat de matériel de palissage, l'arrachage, le traitement et la plantation de vigne faisant partie de l'activité régulière liée à l'exploitation d'un groupement agricole. Il n'est pas non plus démontré que les factures produites seraient à rattacher à l'année de recrutement du salarié.

Il ne résulte pas de ces éléments qu'un accroissement temporaire d'activité existait au moment de l'embauche du salarié. Celle-ci s'est inscrite dans le cadre de l'activité normale et permanente de l'entreprise.

Dès lors, il sera fait droit à la demande de requalification du contrat de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée à compter du 6 novembre 2017. L'employeur sera condamné à payer au salarié une indemnité de requalification d'un montant d'un mois de salaire soit la somme de 1498,50 €.

Sur la rupture de la relation contractuelle.

Le salarié a été placé en arrêt de travail pour accident du travail à compter du 5 juillet 2018. Dans la mesure où la relation de travail est requalifiée à durée indéterminée, la rupture au 31 juillet 2018, durant une période de suspension du contrat de travail pour accident de travail, s'analyse en un licenciement nul.

Sur le manquement de l'employeur à son obligation de sécurité.

L'article L4121-1 du Code du travail dispose que l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Ces mesures comprennent :

1° des actions de prévention des risques professionnels et de la pénibilité au travail,

2° des actions d'information et de formation,

3° la mise en place d'une organisation et de moyens adaptés,

L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes.

En l'espèce, le salarié fait valoir que l'employeur lui imposait d'utiliser des produits phytosanitaires sans équipement de protection.

L'employeur conteste le fait que le salarié ait utilisé des produits phytosanitaires et produit des attestations de M. [W], M. [M], M. [K] et M. [V], collègues de travail habilités à utiliser des produits de traitement phytosanitaires. L'ensemble de ces témoignages précise que le salarié n'était pas titulaire du diplôme Certyphito et qu'il n'utilisait pas de produits de traitement phytosanitaires.

Le salarié verse au débat un certificat médical du 10 juillet 2018 du Docteur [R], lequel retranscrit les propos du salarié qui alléguait avoir eu des «symptômes lors de l'application de phytosanitaires, [en date du] 17 mai 2018» liées «vraisemblablement » à son emploi d'ouvrier agricole. Cependant, ce document médical ne permet pas d'attester du lien direct et certain des symptômes avec le travail, et ce d'autant plus qu'il est daté du 10 juillet 2018, soit plusieurs mois après l'événement.

Dès lors, il y a lieu d'infirmer le jugement en ce qu'il a condamné l'employeur pour manquement à son obligation de sécurité.

Sur les conséquences pécuniaires de la rupture.

Compte tenu de l'âge du salarié (né le 01/01/1968), de son ancienneté à la date du licenciement (8 mois), de sa rémunération mensuelle brut (1498,50 €) et du justificatif d'invalidité relatif à sa situation actuelle, il convient de fixer les sommes suivantes à son profit :

- 8 991 € au titre du licenciement nul,

- 1 498,50 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

- 149,85 € au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés afférents,

- 280,96 € au titre de l'indemnité légale de licenciement.

Sur les demandes accessoires.

L'employeur devra délivrer au salarié un certificat de travail, un bulletin de salaire récapitulatif et une attestation destinée à Pôle emploi, rectifiés conformément aux dispositions du présent arrêt, sans qu'il soit nécessaire de prononcer une astreinte.

Les sommes salariales produiront intérêts au taux légal à compter de la date de réception de la convocation de l'employeur devant le bureau de jugement.

L'employeur sera tenu aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Il est équitable de le condamner à payer au salarié la somme de 1.500 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile pour les frais exposés en première instance et en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS :

La Cour, après en avoir délibéré, par arrêt mis à disposition au greffe ;

INFIRME le jugement du 26 mai 2020 du conseil de prud'hommes de Béziers en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau,

REQUALIFIE le contrat de travail à durée déterminée du 6 novembre 2017 en contrat de travail à durée indéterminée ;

DIT que la rupture du contrat de travail au 31 juillet 2018 s'analyse en un licenciement nul ;

CONDAMNE le GIE [Adresse 5] à payer à M. [B] [I] les sommes suivantes :

- 1.498, 50 € au titre de l'indemnité de requalification,

- 8.991 € au titre de dommage-intérêts pour licenciement nul,

- 1.498,50 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

- 149,85 € au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés y afférents,

- 280,96 € au titre de l'indemnité légale de licenciement ;

Y ajoutant,

CONDAMNE le GIE [Adresse 5] à délivrer à M. [B] [I] un bulletin de salaire récapitulatif, un certificat de travail et une attestation destinée à Pôle Emploi, rectifiés conformément aux dispositions du présent arrêt ;

DIT n'y avoir lieu de prononcer une astreinte ;

DIT que les sommes à caractère salarial produiront intérêts au taux légal à compter de la réception de la convocation devant le bureau de jugement ;

CONDAMNE le GIE [Adresse 5] à payer à M. [B] [I] la somme de 1 500 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile pour les frais exposés en première instance et en cause d'appel ;

CONDAMNE le GIE [Adresse 5] aux entiers dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER LE CONSEILLER

Pour le président empêché

V. DUCHARNE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 2e chambre sociale
Numéro d'arrêt : 20/02334
Date de la décision : 19/04/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-04-19;20.02334 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award