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18/04/2023 | FRANCE | N°19/06578

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 1re chambre sociale, 18 avril 2023, 19/06578


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à































COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

1ère chambre sociale

ARRET DU 18 AVRIL 2023



Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 19/06578 - N° Portalis DBVK-V-B7D-OLEM



Décision déférée à la Cour :

Jugement du 17 SEPTEMBRE 2019

CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE CARCASSONNE - N° RG 18/00115



APPELANT :



Monsie

ur [S] [Y]

[Adresse 3]

[Localité 1]

Représenté par Maître Serge MEGNIN de la SCP DE MARION-GAJA-LAVOYE-CLAIN-DOMENECH-MEGNIN, avocat au barreau de CARCASSONNE

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2019/015909 du 23/10/2019 accordé...

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

1ère chambre sociale

ARRET DU 18 AVRIL 2023

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 19/06578 - N° Portalis DBVK-V-B7D-OLEM

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 17 SEPTEMBRE 2019

CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE CARCASSONNE - N° RG 18/00115

APPELANT :

Monsieur [S] [Y]

[Adresse 3]

[Localité 1]

Représenté par Maître Serge MEGNIN de la SCP DE MARION-GAJA-LAVOYE-CLAIN-DOMENECH-MEGNIN, avocat au barreau de CARCASSONNE

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2019/015909 du 23/10/2019 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de MONTPELLIER)

INTIMEE :

COMMUNE DE [Localité 2] prise en la personne de son Maire en exercice, domicilié ès-qualité à la Mairie de [Localité 2]

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représentée par Maître Marie-Pierre VEDEL SALLES, avocat postulant au barreau de MONTPELLIER, substituée par Maître Jean-Sébastien DEROULEZ, avocat au barreau de MONTPELLIER et Maître Raymond LABRY, avocat plaidant au barreau de TOULOUSE, substitué par Maître Jeanne-Cécile CAHUZAC, avocat au barreau de TOULOUSE

Ordonnance de clôture du 07 Février 2023

COMPOSITION DE LA COUR :

En application de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 28 FEVRIER 2023, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l'article 804 du même code, devant la cour composée de :

M. Philippe de GUARDIA, Président de chambre

Mme Véronique DUCHARNE, Conseillère

M. Jacques FOURNIE, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffière lors des débats : Madame Isabelle CONSTANT

ARRET :

- Contradictoire

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par M. Philippe de GUARDIA, Président de chambre, et par Monsieur Philippe CLUZEL, Greffier.

*

* *

FAITS ET PROCÉDURE

[S] [Y] expose avoir travaillé au service de la COMMUNE DE [Localité 2] (ci-après : la Commune) aux termes de deux contrats uniques d'insertion à durée déterminée successifs du 15 juin 2015 au 14 juin 2016 puis du 15 juin 2016 au 14 juin 2017. A cette date, le contrat n'a pas été renouvelé.

Il exerçait les fonctions de gestionnaire du camping municipal avec un salaire mensuel brut en dernier lieu de 845,90€ pour 86 heures de travail.

Le 1er octobre 2018, s'estimant bénéficier d'un contrat de travail à temps complet abusivement rompu, le salarié a saisi le conseil de prud'hommes de Carcassonne qui, par jugement en date du 17 septembre 2019, a condamné la Commune à lui payer la somme de 239,84€ à titre de remboursement de l'abonnement téléphonique et l'a débouté de ses autres demandes.

[S] [Y] a interjeté appel. Dans les limites de son appel, dans ses dernières conclusions enregistrées au greffe le 24 février 2022, il conclut à l'infirmation, à la requalification de la relation de travail en un contrat de travail à durée indéterminée à temps plein, à l'octroi de :  

- la somme de 15 091,71€ à titre de rappel de salaire,

- la somme de 3 521,48€ à titre d'indemnité compensatrice de congés payés,

- la somme de 8 881,80€ à titre d'indemnité de travail dissimulé,

- la somme de 1 480,30€ à titre d'indemnité de requalification,

- la somme de 2 960,60€ à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- la somme de 296€ à titre de congés payés sur préavis,

- la somme de 641,34 € à titre d'indemnité de licenciement,

- la somme de 3 000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

et à la condamnation de la commune à lui remettre un certificat de travail, un bulletin de paie récapitulatif ainsi qu'une attestation destinée à Pôle emploi rectifiés.

Dans ses dernières conclusions enregistrées au greffe le 28 février 2020, la Commune demande de confirmer le jugement, de rejeter l'ensemble des prétentions adverses et de lui allouer la somme de 5 000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, il y a lieu de se reporter au jugement du conseil de prud'hommes et aux conclusions déposées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la requalification en contrat de travail à temps plein:

1- Attendu, concernant le contrat du 15 juin 2015, que le contrat unique d'insertion prend la forme, pour les employeurs du secteur non marchand mentionnés à l'article L. 5134-21 du code du travail, du contrat d'accompagnement dans l'emploi, ce que n'établit pas la seule demande d'aide à l'insertion professionnelle qui lui est préalable ;

Attendu que l'absence de contrat de travail écrit fait présumer que l'emploi est à temps complet et qu'il incombe à l'employeur, qui conteste cette présomption, de rapporter la preuve, d'une part, qu'il s'agissait d'un emploi à temps partiel, d'autre part, que le salarié n'était pas placé dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu'il n'était pas tenu de se tenir constamment à sa disposition ;

Qu'en l'espèce, la Commune, qui se borne à produire la demande d'aide à l'insertion professionnelle signé par le salarié, sans fournir aucun planning de travail, n'apporte pas la preuve qui lui incombe qu'[S] [Y] n'était pas placé dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et n'était pas tenu de se tenir constamment à sa disposition ;

2- Attendu, de même, concernant le contrat unique d'insertion - contrat d'accompagnement dans l'emploi en date du 14 juin 2016, conclu du 15 juin 2016 au 14 juin 2017, qu'aux termes de l'article L. 5134-26 du code du travail, lorsque le contrat de travail, associé à l'attribution d'une aide à l'insertion professionnelle accordée au titre d'un contrat l'accompagnement dans l'emploi, a été conclu pour une durée déterminée avec une collectivité territoriale ou une autre personne de droit public, la durée hebdomadaire du travail peut varier sur tout ou partie de la période couverte par le contrat, sans être supérieure à la durée légale hebdomadaire. Cette variation est sans incidence sur le calcul de la rémunération due au salarié ;

Que, selon l'article R. 5134-36, le programme prévisionnel de la répartition de la durée du travail sur l'année ou sur la période couverte par le contrat de travail est indiqué dans le contrat de travail ;

Attendu que, non seulement, le contrat du 14 juin 2016 ne prévoit pas de programme prévisionnel de la répartition de la durée du travail sur l'année mais qu'il précise que la durée de travail de 86 heures par mois annualisées à raison de 35 heures par semaine peut être 'modifiée par le responsable hiérarchique en fonction des besoins du service' ;

Qu'il n'est pas davantage produit de planning des heures de travail permettant au salarié de prévoir à quel rythme il devait travailler ;

Qu'il résulte également de l'attestation de l'ancienne tutrice d'[S] [Y], que pendant dix-huit mois, il n'avait eu d'autre choix que de travailler à temps complet, tout en conservant son salaire à temps partiel, de sorte que la variation du temps de travail avait une incidence sur la calcul de sa rémunération ;

Attendu qu'il s'ensuit que les contrats de travail des 15 juin 2015 et 14 juin 2016 doivent être requalifiés en contrat de travail à temps plein ;

3- Attendu qu'une somme de 15 091,71€ est due à titre de rappel de salaire du 15 juin 2015 au 14 juin 2017, augmentée des congés payés afférents ;

4- Attendu qu'au regard de la complexité de la question de droit posée par l'espèce, il n'est pas établi que l'employeur ait, de manière intentionnelle, mentionné sur le bulletin de paie un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement effectué ;

Attendu que la demande à titre d'indemnité de travail dissimulé sera dès lors rejetée ;

Sur l'indemnité compensatrice de congés payés :

Attendu qu'eu égard à la finalité qu'assigne aux congés payés annuels la Directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003, concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail, il appartient à l'employeur de prendre les mesures propres à assurer au salarié la possibilité d'exercer effectivement son droit à congé et, en cas de contestation, de justifier qu'il a accompli à cette fin les diligences qui lui incombent légalement ;

Que c'est également à l'employeur, débiteur de l'obligation du paiement de l'intégralité de l'indemnité due au titre des jours de congés payés d'établir qu'il a exécuté son obligation,

Attendu qu'ainsi, à défaut de preuve de la part de l'employeur, la somme réclamée à titre d'indemnité de congés payés, exactement calculée, est due ;

Sur la requalification en contrat de travail à durée indéterminée :

1- Attendu, concernant le contrat du 15 juin 2015, qu'aux termes de l'article L. 1471-1 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige, toute action portant sur l'exécution ou la rupture du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit ;

Qu'il en résulte que le délai de prescription d'une action en requalification d'un contrat de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée court, lorsque cette action est fondée sur l'absence d'établissement d'un écrit, à compter de l'expiration du délai de deux jours ouvrables imparti à l'employeur pour transmettre au salarié le contrat de travail ;

Attendu que l'action en requalification de ce contrat, introduite le 1er octobre 2018, motivée par l'absence d'écrit, est donc prescrite ;

2- Attendu, concernant le contrat unique d'insertion - contrat d'accompagnement dans l'emploi en date du 14 juin 2016, conclu du 15 juin 2016 au 14 juin 2017, que l'obligation pour l'employeur d'assurer des actions de formation, d'orientation professionnelle et de validation des acquis destinées à réinsérer durablement le salarié constitue une des conditions d'existence de ce contrat, à défaut de laquelle il doit être requalifié en contrat à durée indéterminée ;

Que l'exécution de l'obligation pour l'employeur d'assurer de telles actions s'apprécie au terme du contrat ;

Qu'ainsi, le point de départ du délai de prescription de l'action par laquelle un salarié sollicite la requalification de contrats d'accompagnement dans l'emploi à durée déterminée en

un contrat à durée indéterminée fondée sur le non-respect par l'employeur de ses obligations en matière d'orientation et d'accompagnement professionnel, de formation professionnelle et de validation des acquis de l'expérience, court à compter du terme du contrat concerné ;

Attendu qu'il en résulte que l'action concernant ce contrat, courant à compter du 14 juin 2017, n'est pas prescrite ;

3- Attendu que l'obligation pour l'employeur d'assurer, dans le cadre du contrat d'accompagnement dans l'emploi, des actions de formation, d'orientation professionnelle et de validation des acquis destinées à réinsérer durablement le salarié constitue une des conditions d'existence de ce contrat, à défaut de laquelle il doit être requalifié en contrat à durée indéterminée ;

Que la demande d'aide au contrat unique d'insertion à laquelle renvoie le contrat unique d'insertion - contrat d'accompagnement dans l'emploi signé entre les parties prévoit, au titre des actions d'accompagnement professionnel, une aide à la recherche d'emploi et, au titre des actions de formation, l'acquisition de nouvelles compétences par une formation externe;

Attendu que la Commune ne produit aucun rapport d'activité et de formation ;

Que celle-ci, qui s'est bornée, d'une part, à adapter le salarié au poste qui lui était confié en lui permettant seulement de bénéficier ainsi d'une expérience professionnelle dans l'exercice de ses tâches, d'autre part, à le faire bénéficier de 53 heures de cours d'anglais pendant une période de cinq mois, sans aucune orientation professionnelle ni validation des acquis destinées à le réinsérer durablement, a manqué à ses obligations d'accompagnement et de formation ;

Attendu que le contrat de travail du 14 juin 2016 sera dès lors requalifié en un contrat à durée indéterminée ;

Attendu que les effets de la requalification d'un contrat à durée déterminée en un contrat à durée indéterminée remontent à la date de la conclusion du contrat à durée déterminée irrégulier, soit à compter du 14 juin 2016 ;

4- Attendu que faisant droit à la demande de requalification formée par le salarié, la juridiction saisie doit condamner l'employeur à payer au salarié une indemnité qui ne peut être inférieure à un mois de salaire, calculée, au vu de la requalification en contrat de travail à temps complet, sur la base d'un travail à temps complet, soit la somme de 1 480,30€ ;

5- Attendu que bénéficiant d'un contrat de travail à durée indéterminée, le salarié ne pouvait voir son contrat être rompu sans que soit invoqué un motif autre que le terme du contrat de travail à durée déterminée ;

Que la rupture s'analyse donc en un licenciement qui, faute d'avoir été motivé et régulièrement notifié, est à la fois irrégulier en la forme et injustifié au fond ;

Attendu que le salarié a exactement calculé le montant des indemnités de rupture lui revenant, sachant qu'aux termes de l'article 954 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées dans le dispositif ;

Sur l'abonnement téléphonique :

Attendu qu'[S] [Y] ne produisant aucun élément susceptible d'établir qu'il aurait souscrit l'abonnement en cause au profit de la Commune, il y a lieu de le débouter de sa demande de remboursement à ce titre ;

* * *

Attendu qu'il convient de condamner la Commune à reprendre les sommes allouées sous forme d'un bulletin de paie ainsi qu'à rectifier, conformément au présent arrêt, le certificat de travail et l'attestation destinée au Pôle emploi ;

Attendu qu'enfin, l'équité ne commande pas de faire application de l'article 700 du code de procédure civile devant la cour d'appel ;

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Infirmant le jugement et statuant à nouveau,

Requalifie les contrats de travail des 15 juin 2015 et 14 juin 2016 en contrats de travail à temps plein ;

Dit qu'[S] [Y] bénéficie d'un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 14 juin 2016 ;

Condamne la COMMUNE DE [Localité 2] à payer à [S] [Y] :

- la somme de 15 091,71€ à titre de rappel de salaire du 15 juin 2015 au 14 juin 2017 ;

- la somme de 3 521,48€ à titre d'indemnité compensatrice de congés payés ;

- la somme de 1 480,30€ à titre d'indemnité de requalification ;

- la somme de 2 960,60€ à titre d'indemnité compensatrice de préavis ;

- la somme de 296€ à titre de congés payés sur préavis ;

- la somme de 641,34 € à titre d'indemnité de licenciement ;

Condamne la COMMUNE DE [Localité 2] à reprendre les sommes allouées sous forme d'un bulletin de paie ainsi qu'à rectifier, conformément au présent arrêt, le certificat de travail et l'attestation destinée au Pôle emploi ;

Rejette toute autre demande ;

Condamne la COMMUNE DE [Localité 2] aux dépens.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 1re chambre sociale
Numéro d'arrêt : 19/06578
Date de la décision : 18/04/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-04-18;19.06578 ?
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