Grosse + copie
délivrées le
à
COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
1ère chambre sociale
ARRET DU 18 AVRIL 2023
Numéro d'inscription au répertoire général :
N° RG 19/06533 - N° Portalis DBVK-V-B7D-OLBV
Décision déférée à la Cour :
Jugement du 19 SEPTEMBRE 2019
CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE PERPIGNAN - N° RG 18/00025
APPELANTE :
Madame [B] [Y]
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentée par Maître Naïma MOHAMED SBAA, avocat au barreau de PYRENEES-ORIENTALES
INTIMEE :
SAS SOBRAQUES DISTRIBUTION
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Maître Vincent DE TORRES de la SCP DE TORRES - PY - MOLINA - BOSC BERTOU, avocat au barreau de PYRENEES-ORIENTALES, substitué par Maître Camille DUMAS, avocat au barreau de MONTPELLIER
Ordonnance de clôture du 07 Février 2023
COMPOSITION DE LA COUR :
En application de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 28 FEVRIER 2023, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l'article 804 du même code, devant la cour composée de :
Monsieur Philippe DE GUARDIA, Président de chambre
Madame Véronique DUCHARNE, Conseillère
Monsieur Jacques FOURNIE, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffière lors des débats : Madame Isabelle CONSTANT
ARRET :
- Contradictoire
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
- signé par Monsieur Philippe DE GUARDIA, Président de chambre, et par Monsieur Philippe CLUZEL, Greffier.
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* *
FAITS ET PROCÉDURE
[B] [Y] a été embauchée par la SAS SOBRAQUES DISTRIBUTION à compter du 20 novembre 2012. Elle exerçait les fonctions de responsable comptable avec un salaire mensuel brut en dernier lieu de 3 800€.
Elle a été licenciée par lettre du 8 janvier 2018, avec dispense de préavis, pour le motif suivant : 'L'existence de graves dysfonctionnements au sein du service dont vous avez la responsabilité, liés au comportement que vous adoptez avec certains salariés...'
Estimant son licenciement injustifié, la salariée a saisi le conseil de prud'hommes de Perpignan qui, par jugement en date du 19 septembre 2019, l'a déboutée de ses demandes et condamnée au paiement de la somme de 2 000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
[B] [Y] a interjeté appel. Dans ses dernières conclusions enregistrées au greffe le 20 décembre 2019, elle conclut à l'infirmation, à l'octroi des sommes de 68 400€ à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de 2 342,03€ 'au titre du solde de tout compte', de 3 000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et à la condamnation sous astreinte de l'employeur à rectifier l'attestation destinée au Pôle emploi.
Dans ses dernières conclusions enregistrées au greffe le 27 février 2020, la SAS SOBRAQUES DISTRIBUTION demande de confirmer le jugement et de lui allouer les sommes de 5 000,00€ à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et de 2 000,00€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, il y a lieu de se reporter au jugement du conseil de prud'hommes et aux conclusions déposées.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur le licenciement :
Attendu que la lettre de licenciement, qui fait état de motifs précis, répond aux exigences de l'article L.1232-6 du code du travail ;
Attendu qu'il résulte des nombreuses attestations et lettres produites aux débats, à la fois précises, concordantes et circonstanciées, qu'abusant de sa position hiérarchique, [B] [Y] a eu des comportements inadaptés et irrespectueux vis-à-vis des membres du personnel placés sous son autorité, n'hésitant pas à les rabaisser, les manipuler, voire les insulter, ce qui portait atteinte à leur dignité et était de nature à altérer leur santé : 'vous merdez', 'j'ai marre de rattraper vos conneries', 'de toute manière, vous comprenez rien'...
Que Mme [T], contrôleuse de gestion, atteste ainsi avoir 'totalement perdu confiance' en elle et eu 'extrêmement peur à plusieurs reprises en (se) voyant enfermée avec Mme [Y] qui perdait le contrôle d'elle dans ses gestes et ses paroles' ;
Que M. [N], comptable, indique également 'avoir sérieusement ressenti la peur de perdre (son) poste' et que 'la pression qu'(il) vivait au travail devenait insoutenable' ;
Que ces déclarations sont corroborées par :
- les résultats de l'enquête du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail du 20 décembre 2017, réalisée 'suite à l'alerte sur les risques psycho-sociaux', selon lesquels :
- 'trois salariés sur sept disent que la pression managériale exercée par leur responsable, Mme [Y], est anormale,
- cinq salariés sur sept dénoncent avoir été victimes de propos ou d'attitudes vexatoires de la part de Mme [Y],
- cinq salariés sur sept ont été victimes de reproches non justifiés ou de dénigrement par Mme [Y]' ;
- le procès-verbal de réunion du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail du 21 décembre 2017 concluant 'qu'il existe un risque grave pour la santé de cinq salariés sur sept du service comptabilité en lien avec l'exposition aux risques psycho-sociaux du fait de la pression managériale et de l'attitude de Mme [B] [Y], responsable de la comptabilité. Cette attitude a des conséquences néfastes sur les conditions de travail de ses collaborateurs...'
Attendu qu'à elle seule, l'attestation de M. [F] selon laquelle, en tant que délégué du personnel, il n'a jamais été sollicité pour des faits de harcèlement moral à l'encontre de [B] [Y], ne suffit pas à apporter la preuve inverse que les faits ci-dessus rapportés sont inexacts ;
Attendu qu'il appartient en outre à l'employeur, tenu à une obligation de sécurité de résultat, de mettre en place les mesures nécessaires permettant d'assurer la sécurité des salariés et protéger leurs santés physique et mentale, conformément aux articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du Code du travail ;
Attendu qu'ainsi, le licenciement revêt une cause réelle et sérieuse ;
Sur les sommes restant dues :
Attendu qu'il résulte des articles R. 1452-1 et R. 1452-2 du code du travail, dans leur rédaction issue du décret n° 2016-660 du 20 mai 2016, ainsi que des articles R. 1453-3 et R. 1453-5 du même code et de l'article 70, alinéa 1, du code de procédure civile, qu'en matière prud'homale, la procédure étant orale, le requérant est recevable à formuler contradictoirement des demandes additionnelles qui se rattachent aux prétentions originaires ;
Attendu que la demande à titre de 'solde de tout compte', qui, fondée sur une convention de forfait en jours, vise à obtenir un rappel de salaire et d'indemnités, ne se rattache pas par un lien suffisant à la demande initiale en dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Attendu qu'elle doit donc être déclarée irrecevable ;
* * *
Attendu que n'étant pas démontré que [B] [Y] aurait abusé de son droit d'ester en justice ou d'exercer les voies de recours légale, la SAS SOBRAQUES DISTRIBUTION sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ;
Attendu qu'en revanche, l'équité commande de faire application de l'article 700 du code de procédure civile devant la cour d'appel ;
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Confirme le jugement ;
Condamne [B] [Y] à payer à la SAS SOBRAQUES DISTRIBUTION la somme de 1 500€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Dit irrecevable la demande nouvelle à titre de 'solde de tout compte' ;
Condamne [B] [Y] aux dépens.
LE GREFFIER LE PRESIDENT