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12/04/2023 | FRANCE | N°21/00959

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 2e chambre sociale, 12 avril 2023, 21/00959


Grosse + copie

délivrées le

à















COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

2e chambre sociale

ARRET DU 12 AVRIL 2023



Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 21/00959 - N° Portalis DBVK-V-B7F-O33W



Décision déférée à la Cour :

Jugement du 29 JANVIER 2021

CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE MONTPELLIER N° RG 19/00700



APPELANTE :



S.A.S. DEKRA INDUSTRIAL

[Adresse 4]

[Localité 3]

ReprÃ

©sentée par Me Isabelle BAILLIEU de la SCP JUDICIA AVOCATS, avocat au barreau de MONTPELLIER





INTIME :



Monsieur [B] [M]

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représenté par Me RUBI avocat pour Me E...

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

2e chambre sociale

ARRET DU 12 AVRIL 2023

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 21/00959 - N° Portalis DBVK-V-B7F-O33W

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 29 JANVIER 2021

CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE MONTPELLIER N° RG 19/00700

APPELANTE :

S.A.S. DEKRA INDUSTRIAL

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représentée par Me Isabelle BAILLIEU de la SCP JUDICIA AVOCATS, avocat au barreau de MONTPELLIER

INTIME :

Monsieur [B] [M]

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représenté par Me RUBI avocat pour Me Emilien FLEURUS, avocat au barreau de MONTPELLIER

Ordonnance de clôture du 20 Janvier 2023

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 13 FEVRIER 2023,en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Jacques FOURNIE, Conseiller, et devant Mme Véronique DUCHARNE Conseillère

Ce(s) magistrat(s) a (ont) rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Véronique DUCHARNE, Conseillère, faisant fonction de Président en l'absence du Président empêché

Monsieur Jacques FOURNIE, Conseiller,

Mme Isabelle MARTINEZ, Conseillère,

Greffier lors des débats : M. Philippe CLUZEL

ARRET :

- contradictoire;

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par Mme Véronique DUCHARNE, Conseillère, et par M.Philippe CLUZEL greffier

EXPOSE DU LITIGE

Monsieur [B] [M] a été engagé à compter du 6 avril 2010 par la SAS Dekra Industrial exerçant une activité de prévention et de maîtrise des risques d'accidents humains et des aléas techniques en qualité d'intervenant technique rattaché à l'activité « diagnostic gaz », niveau III, échelon1, coefficient 215, la relation de travail étant régie par la convention collective de la métallurgie de la Haute-Vienne.

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 10 octobre 2018, la SAS Dekra Industrial a convoqué Monsieur [B] [M] à un entretien préalable à un éventuel licenciement pour faute grave prévu au 23 octobre 2018.

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 26 octobre 2018, la SAS Dekra Industrial notifiait au salarié son licenciement pour faute grave.

Contestant le bien-fondé de la rupture du contrat de travail, le salarié a saisi le conseil de prud'hommes de Montpellier par requête du 13 juin 2019 aux fins de condamnation de l'employeur au paiement avec exécution provisoire des sommes suivantes :

'3856,89 euros à titre d'indemnité licenciement,

'3537,68 euros à titre de rappel d'indemnité compensatrice de préavis, outre 353,76 euros au titre des congés payés afférents,

'14 150,72 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

'3537,68 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement vexatoire,

'2000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Il réclamait également la condamnation de l'employeur à lui remettre ses documents sociaux de fin de contrat et bulletins de salaire rectifiés sous astreinte de trente euros par jour de retard à compter de la notification du jugement.

Par jugement du 29 janvier 2021, le conseil de prud'hommes de Montpellier a, déboutant le salarié de ses autres demandes, condamné la SAS Dekra Industrial à payer au salarié les sommes suivantes :

'14 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

'3537,68 euros à titre de rappel d'indemnité compensatrice de préavis, outre 353,76 euros au titre des congés payés afférents,

'3856,89 euros à titre d'indemnité licenciement,

'960 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Le 15 février 2021, la SAS Dekra Industrial relevé appel de la décision du conseil de prud'hommes.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 15 décembre 2021, la SAS Dekra Industrial conclut à l'infirmation du jugement entrepris sauf en ce qu'il a débouté le salarié de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement vexatoire. Considérant que le licenciement pour faute grave était justifié, l'employeur conclut au débouté du salarié de l'intégralité de ses demandes ainsi qu'à sa condamnation à lui payer une somme de 3000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 10 août 2021, Monsieur [B] [M] conclut à la confirmation du jugement sauf en ce qu'il a requalifié celui-ci en un licenciement pour cause réelle et sérieuse et en ce qu'il l'a débouté de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement vexatoire. Considérant abusive la rupture du contrat de travail, il sollicite la condamnation de l'employeur à lui payer les sommes suivantes :

'14 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

'3537,68 euros à titre de rappel d'indemnité compensatrice de préavis, outre 353,76 euros titrent des congés payés afférents,

'3856,89 euros à titre d'indemnité licenciement,

'3537,68 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement vexatoire.

Il sollicite en tout état de cause la condamnation de la SAS Dekra Industrial à lui payer les sommes suivantes :

' 3537,68 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive,

'3000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture était rendue le 20 janvier 2023.

SUR QUOI

$gt; Sur le licenciement

Il ressort de l'article L. 1235-1 du Code du travail qu'en cas de litige, le juge à qui il appartient d'apprécier le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties ; si un doute subsiste il profite au salarié.

Quand le licenciement est prononcé pour faute grave, il incombe à l'employeur de prouver la réalité de la faute grave, c'est à dire de prouver non seulement la réalité de la violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail mais aussi que cette faute est telle qu'elle empêche la poursuite du contrat de travail.

Pour apprécier la gravité de la faute, les juges doivent tenir compte des circonstances qui l'ont entourée et qui peuvent atténuer la faute et la transformer en faute légère.

Si un doute subsiste sur la gravité de la faute reprochée, il doit profiter au salarié.

$gt;

Il ressort de la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige et à laquelle il convient de se reporter pour plus ample exposé des motifs, que monsieur [B] [M] engagé en qualité d'intervenant technique rattaché à l'activité diagnostics gaz a été licencié pour les faits suivants :

1) le non-respect des délais de restitution de ses rapports,

2) la non utilisation des outils Dekra,

3) l'absence, le retard ou les inexactitudes concernant ses bordereaux journaliers d'activité et ses états d'activité,

4) l'absence de reconnaissance du lien hiérarchique,

5) l'absence de prise en considération des messages et appels de sa hiérarchie,

la persistance de fautes et de négligences de même nature, la persistance de cette situation (faits d'insubordination, de non-respect des process et des procédures, de négligence fautive et de mauvaise volonté délibérée confinant à la volonté de nuire à Dekra) qui décrédibilise l'entreprise et qui pénalise le service auquel il appartient (en terme de relation client, de facturation, de gestion du centre de profit'), caractérisent une attitude professionnelle gravement fautive incompatible avec les attendus essentiels de la fonction et des missions qui lui sont confiées.

$gt;

Monsieur [B] [M] conteste tout à la fois la proportionnalité de la sanction intervenue ainsi que le caractère brutal du licenciement et l'intégralité des griefs qui lui sont faits au soutien du licenciement.

Il fait en particulier valoir:

-que le non-respect de restitution des rapports ne constitue pas une obligation contractuelle, que le 19 octobre 2017, soit peu avant la notification de son avertissement il alertait sa direction sur les difficultés matérielles qu'il rencontrait pour utiliser le réseau privé virtuel concernant la remontée des rapports d'intervention, que ce manquement avait déjà été sanctionné si bien que l'employeur avait épuisé son pouvoir disciplinaire à cet égard, que courant septembre 2018 il alertait toujours l'employeur sur les difficultés de fonctionnement du VPN alors même qu'il effectuait déjà de nombreuses heures supplémentaires et que les rapports devaient être envoyés durant le temps de travail,

-que la non d'utilisation des outils Dekra qui lui est reprochée notamment l'utilisation de son adresse mail personnelle ne constitue pas un manquement à ses obligations dès lors que la boîte mail de l'entreprise était rapidement saturée,

-que les absences, retards ou inexactitudes concernant les bordereaux journaliers d'activité ne sont pas démontrés, que d'autres pouvaient également commettre des erreurs, et que ce qui lui est reproché n'entachait pas la qualité du travail effectué puisqu'il avait bénéficié de deux primes exceptionnelles en mars et juillet 2018,

'que l'absence de reconnaissance de lien hiérarchique ne saurait résulter du fait qu'il n'aurait pas informé son manager qu'il était en possession d'un véhicule de location et non d'un véhicule de l'entreprise.

$gt;

Sur les premiers, troisième et cinquième griefs, l'employeur justifie d'un entretien qu'il avait eu avec le salarié le 27 septembre 2017, en raison d'une absence de réponse aux sollicitations de l'auditeur national et de sa persistance à ne pas retourner l'ensemble des documents conformément à la procédure figurant en pièce jointe inhérente au suivi de l'activité ainsi que de la diffusion d'une note fonctionnelle du 22 septembre 2015 rappelant les procédures administratives de diagnostics gaz, précisant la nécessité de faire remonter les informations à l'auditeur national et l'information de la plate-forme DGI dans les meilleurs délais après avoir pris congé, en indiquant que tout manquement à cette consigne constituait une faute grave. Il produit encore aux débats une note fonctionnelle du 19 janvier 2017 détaillant les procédures à mettre en 'uvre et les éléments à faire figurer sur le rapport. Il justifie encore de courriels adressés au salarié entre le 29 septembre 2017 et le 19 octobre 2017 lui reprochant l'absence de synchronisation sur l'application GRDF pour remonter les diagnostics réalisés la veille ainsi que les courriels adressés au salarié les 4 juin et 29 août 2018 faisant grief d'une non transmission des bordereaux et rapports Primagaz, les courriels des 4 septembre et 6 septembre 2018 lui rappelant qu'il n'avait toujours pas envoyé ses rapports Primagaz via Dekra du 3 septembre 2018, ou encore le courriel du 28 septembre 2018, de nouveaux constats du même ordre étant relevés les 3 octobre 2018, 8 octobre 2018 et 9 octobre 2018.

Sur le deuxième grief, l'employeur produit la charte informatique signée du salarié et justifie qu'après avoir été alerté les 10 et 11 septembre 2018 par un courriel du salarié lui indiquant un défaut de connexion VPN, il lui avait rappelé d'utiliser pour l'expédition de ses rapports l'application Dekra report accessible à partir de One Dekra dont il précisait l'adresse du site, demande qu'il réitérait au salarié à deux reprises les 11 et 25 septembre 2018 compte tenu de la non-réception des rapports, et ce en dépit de l'absence de signalement de nouveau problème informatique, ce à quoi le salarié rétorquait par courriel qu'il souhaitait envoyer son travail sur son temps de travail, l'employeur lui rappelant le 28 septembre 2018 l'absence de transmission de ces documents nonobstant les plages horaires dégagées.

Aucun élément n'est en revanche produit par l'employeur relativement quatrième grief,

La SAS Dekra Industrial verse enfin aux débats l'avertissement notifié au salarié le 21 novembre 2017 lui faisant grief d'une absence de synchronisation du travail sur l'application GRDF, d'une absence d'envoi du bordereau d'activité en fin de mois, d'un non-respect du remplissage du bordereau d'activité, d'un non-respect du remplissage de l'état d'activité, de l'incohérence dans le temps de réalisation des missions, de la non réalisation de missions sans motif valable.

$gt;

En l'espèce, alors que le fondement du licenciement intervenu est disciplinaire, le versement au salarié de primes exceptionnelles au cours de l'année 2018 est sans incidence sur l'appréciation de la réalité ou de la gravité des fautes reprochées.

Si relativement aux cinquième grief, l'employeur a justifié d'un entretien qu'il avait eu avec le salarié le 27 septembre 2017, en raison d'une absence de réponse aux sollicitations de l'auditeur national et de sa persistance à ne pas retourner l'ensemble des documents conformément à la procédure, le salarié soutient à juste titre que le pouvoir disciplinaire a été épuisé à cet égard dès lors qu'il ressort de l'avertissement auquel la lettre de licenciement fait référence, que celui-ci a en réalité été notifiée le 21 novembre 2017.

En revanche, il n'est d'une part pas demandé l'annulation de l'avertissement du 21 novembre 2017 à propos duquel l'employeur a au demeurant justifié des griefs préexistants, tandis qu'il rapporte la preuve à la fois du non-respect d'obligations qui ont été notifiées et spécifiées à plusieurs reprises au salarié si bien qu'elles constituaient pour lui un élément essentiel d'exécution loyale du contrat de travail. Or, tandis que les pièces produites démontrent, outre le caractère obligatoire du respect des délais de restitution des rapports et des bordereaux d'activité, leur caractère sensible, compte tenu de la nature des installations dont le technicien avait la charge de la vérification, l'employeur établit postérieurement à l'avertissement du 21 novembre 2017, l'existence de nombreux manquements ultérieurs réitérés du salarié à cet égard en dépit des nombreuses relances dont il avait fait l'objet.

Si monsieur [M] évoque l'existence de dysfonctionnements du réseau VPN, leur caractère isolé ne permet cependant pas d'écarter les griefs dès lors que l'employeur justifie de l'existence de procédures alternatives qu'il avait demandé au salarié d'appliquer et dont celui-ci s'est abstenu, alors que dans le même temps, l'existence d'une circonstance exceptionnelle éventuelle ne dispensait pas le salarié de la transmission des différents documents relatifs aux contrôles lui incombant, quand bien même eût-elle nécessité ponctuellement l'accomplissement d'une heure supplémentaire alors qu'il n'est fait état d'aucun manquement à l'obligation de sécurité et que les pièces produites aux débats démontrent l'absence d'une charge de travail disproportionnée.

C'est pourquoi, nonobstant l'épuisement du pouvoir disciplinaire de l'employeur relativement au cinquième grief et l'absence de preuve relative aux faits reprochés au titre du quatrième grief, la persistance des manquements déjà sanctionnés au titre des trois premiers griefs jusqu'à la veille de la mise en 'uvre de la procédure de licenciement constituaient des manquements suffisamment graves du salarié à ses obligations contractuelles pour empêcher la poursuite du contrat de travail sans que le salarié ne justifie de circonstances particulières entourant la rupture du contrat de travail et pouvant constituer une faute de l'employeur.

Aussi, infirmant en cela le jugement entrepris convient-il de débouter le salarié de l'ensemble de ses demandes subséquentes à une rupture abusive de la relation travail.

$gt; Sur les demandes accessoires et reconventionnelles

En considération de l'équité, il convient de dire n'y avoir lieu à condamnation au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Compte tenu la solution apportée au litige, Monsieur [B] [M] sera débouté de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive et il conservera la charge des dépens.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire mis à disposition greffe,

Infirme le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Montpellier le 29 janvier 2021;

Et statuant à nouveau,

Déboute Monsieur [B] [M] de l'ensemble de ses demandes subséquentes à une rupture abusive de la relation travail;

Déboute Monsieur [B] [M] de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive;

Dit n'y avoir lieu à condamnation au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile;

Condamne Monsieur [B] [M] aux dépens;

Le Greffier P/Le Président empêché


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 2e chambre sociale
Numéro d'arrêt : 21/00959
Date de la décision : 12/04/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-04-12;21.00959 ?
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