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12/04/2023 | FRANCE | N°21/00316

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 2e chambre sociale, 12 avril 2023, 21/00316


Grosse + copie

délivrées le

à















COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



2e chambre sociale



ARRET DU 12 AVRIL 2023





Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 21/00316 - N° Portalis DBVK-V-B7F-O2VK



ARRÊT n°



Décision déférée à la Cour : Jugement du 22 DECEMBRE 2020

CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE PERPIGNAN - N° RG F 18/00457







APPELANT :



Monsieur [C] [R

]

né le 08 Février 1984 à [Localité 5]

de nationalité Française

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Localité 1]



Représenté par Me Charles SALIES, substitué par Me Eve BEYNET, avocats au barreau de MONTPELLIER









INTIMEE :



S.A. ETABL...

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

2e chambre sociale

ARRET DU 12 AVRIL 2023

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 21/00316 - N° Portalis DBVK-V-B7F-O2VK

ARRÊT n°

Décision déférée à la Cour : Jugement du 22 DECEMBRE 2020

CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE PERPIGNAN - N° RG F 18/00457

APPELANT :

Monsieur [C] [R]

né le 08 Février 1984 à [Localité 5]

de nationalité Française

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Localité 1]

Représenté par Me Charles SALIES, substitué par Me Eve BEYNET, avocats au barreau de MONTPELLIER

INTIMEE :

S.A. ETABLISSEMENTS LEGRAND

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représentée par Me Yann GARRIGUE de la SELARL LEXAVOUE MONTPELLIER GARRIGUE, GARRIGUE, LAPORTE, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant

Assistée par Me Dikmen YOZGAT substitué par Me Raphaëlle GADEN, de la SELARL SAINT-AVIT YOZGAT, avocats au barreau de LYON, avocat plaidant

Ordonnance de clôture du 23 Janvier 2023

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 13 FEVRIER 2023,en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Florence FERRANET, Conseiller, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Florence FERRANET, Conseiller, faisant fonction de président

Madame Caroline CHICLET, Conseiller

Monsieur Jacques FOURNIE, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Marie-Lydia VIGINIER

ARRET :

- contradictoire ;

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par Madame Florence FERRANET, Conseiller, en remplacement du président, empêché et par Madame Marie-Lydia VIGINIER, Greffier.

*

* *

EXPOSE DU LITIGE :

M. [R] a été embauché par la société Établissement R. Legrand le 23 novembre 2009 en qualité de conducteur TP selon contrat de travail à durée indéterminée.

Au dernier état des relations, M. [R] percevait une rémunération mensuelle brute de 2 030 €.

Le 17 janvier 2018, M. [R] adresse des réclamations salariales à son employeur.

Le 19 janvier 2018, la société Établissement R. Legrand convoque M. [R] à un entretien préalable au licenciement le 29 janvier 2018 et lui notifie une mise à pied conservatoire.

Le 20 janvier 2018, M. [R] est placé en arrêt de travail suite à un accident de travail, prolongé jusqu'au 1er septembre 2018.

Le 24 janvier 2018, la société Établissement R. Legrand répond à la demande de M. [R] en indiquant que son temps de travail a toujours été réglé conformément à la réglementation.

Le 9 avril 2018, la société Établissement R. Legrand notifie à M. [R] une mise à pied disciplinaire de 5 jours du 3 au 7 septembre 2018.

Le 10 septembre 2018, lors de la visite médicale de reprise, le médecin du travail a conclu à l'inaptitude de M. [R] avec la mention suivante : « l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi ».

Du 12 septembre 2018 au 30 septembre 2018, M. [R] est placé en arrêt de travail.

Le 14 septembre 2018, la société Établissement R. Legrand convoque M. [R] à un entretien préalable au licenciement le 24 septembre 2018.

Le 27 septembre 2018, la société Établissement R. Legrand notifie à M. [R] son licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

M. [R] a saisi le conseil de prud'hommes de Perpignan le 13 novembre 2018, contestant son licenciement et sollicitant le versement de diverses sommes à titre de dommages-intérêts et indemnités.

Par jugement rendu le 22 décembre 2020, le conseil de prud'hommes de Perpignan a :

Dit le licenciement pour inaptitude de M. [R] justifié ;

Débouté M. [R] de sa demande tendant à voir juger son licenciement sans cause réelle et sérieuse et de toute demande indemnitaire afférente ;

Débouté M. [R] de sa demande d'annulation de mise à pied ;

Débouté les parties de leurs demandes plus amples et contraires ;

Débouté la société Établissement R. Legrand de sa demande reconventionnelle ;

Condamné M. [R] aux entiers dépens, y compris aux actes éventuels de procédure.

*******

M. [R] a interjeté appel de ce jugement le 18 janvier 2021.

Dans ses dernières conclusions déposées par RPVA le 4 mars 2021, il demande à la cour de :

Dire et juger que la société Établissement R. Legrand n'a pas exécuté de manière loyale le contrat de travail ;

Annuler la mise à pied disciplinaire du 9 avril 2018 ;

Dire et juger que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

En conséquence,

Condamner la société Établissement R. Legrand à lui payer les sommes suivantes :

8 000 € à titre de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat ;

338 € à titre de rappel de salaire de la mise à pied disciplinaire, outre la somme de 33,80 € au titre des congés payés afférents;

4 060 € à titre d'indemnité de préavis, outre la somme de 406 € au titre des congés payés afférents ;

4 439,30 € à titre de complément d'indemnité de licenciement ;

22 000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Condamner la société Établissement R. Legrand à lui payer la somme de 1 500 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Condamner la société Établissement R. Legrand aux entiers dépens.

*******

Dans ses dernières conclusions déposées par RPVA le 20 janvier 2023, la société Établissement R. Legrand demande à la cour de :

Juger que la procédure disciplinaire mise en 'uvre avec mise à pied était justifiée et régulière et qu'il n'y a pas lieu à procéder à son annulation ;

Juger que la rupture du contrat de travail était régulière ;

Juger qu'elle a exécuté loyalement le contrat de travail ;

Débouter M. [R] de l'intégralité de ses demandes ;

A titre subsidiaire, en cas de condamnation, juger que l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ne saurait excéder 3 mois de salaire ;

Y ajoutant :

Condamner M. [R] à lui verser la somme de 4 000 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.

**

Pour l'exposé des moyens il est renvoyé aux conclusions précitées en application des dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile.

L'instruction du dossier a été clôturée par ordonnance du 23 janvier 2023 fixant la date d'audience au 13 février 2023.

*******

MOTIFS :

Sur l'annulation de la mise à pied disciplinaire :

L'article L 1331-1 du Code du travail prévoit que « constitue une sanction toute mesure, autre que les observations verbales, prise par l'employeur à la suite d'un agissement du salarié considéré par l'employeur comme fautif, que cette mesure soit de nature à affecter immédiatement ou non la présence du salarié dans l'entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération ».

L'article L 1333-1 du même Code précise qu' « en cas de litige, le conseil de prud'hommes apprécie la régularité de la procédure suivie et si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier une sanction.

L'employeur fournit au conseil de prud'hommes les éléments retenus pour prendre la sanction.

Au vu de ces éléments et de ceux qui sont fournis par le salarié à l'appui de ses allégations, le conseil de prud'hommes forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié. ».

En l'espèce, la société Établissement R. Legrand a notifié à M. [R] le 9 avril 2018 une mise à pied disciplinaire de 5 jours eu égard aux faits suivants :

« en janvier 2018, alors que vous étiez affecté sur le chantier de [Localité 6] [Localité 8] (507 258) nous avons eu à déplorer les événements suivants : la nuit du mardi 16 au mercredi 17 janvier 2018, comme le chargement du camion benne avec l'ide du bras n'était pas autorisé, ni marqué sur l'ISF, le responsable sécurité opérationnel SNCF, monsieur [L] [Z], nous a interdit l'utilisation du bras du camion benne. Vous avez fortement insisté pour poursuivre l'opération. Vous avez même essayé de « négocier » les consignes de sécurité de monsieur [Z], malgré ses recommandations.

De plus, vos propos, à son encontre, étaient à la limite de l'irrespect ce dont il s'est plaint.

Le lendemain, dans la nuit du jeudi 18 au vendredi 19 janvier 2018, alors que monsieur [Z] demandait aux différents intervenants de sortir de la voie par mesure de sécurité (traversée d'une pelle rail-route sur la zone de travail), vous n'avez pas écouté cette consigne, volontairement, et vous êtes resté sur cette zone dangereuse.

Ce représentant de la sécurité vous a expliqué une nouvelle fois que votre conduite était irresponsable et dangereuse quant aux consignes de sécurité : il est strictement interdit d'être dans une zone dangereuse ! D'autant plus que ces règles vous ont été également dispensées lors de votre formation CACES R372 (engins) catégories 1,2,4 et 9 et AIPR. Vous avez à nouveau eu un discours irrespectueux.

Le vendredi 19 janvier 2018, je prenais connaissance de ces faits. Ainsi,je vous ai demandé oralement d'être disponible à 16h30 afin de vous remettre, avant votre prise de poste, un courrier de mise à pied conservatoire : après lecture de celui-ci, vous avez refusé de le prendre. Nous vous l'avons envoyé en recommandé dès le lendemain matin. Malgré mon interdiction, vous vous êtes rendu sur le chantier. A 2 heures du matin, vous avez été victime d'un accident du travail.

En tant que conducteur d'engins de chantier vous ne pouvez ignorer les règles élémentaires de sécurité qui vous sont régulièrement rappelées notamment lors des réunions sécurité. Ces règles vous ont été signalées par un agent de sécurité et vous les avez outrepassées. ».

M. [R] sollicite l'annulation de la mise à pied disciplinaire au motif qu'il conteste les faits reprochés et que l'employeur ne produit pour étayer la réalité des faits reprochés qu'un rapport d'incident établi postérieurement à l'engagement de la procédure de licenciement et qui n'est signé que par deux personnes dont l'identité est invérifiable.

Or, le rapport d'incident produit aux débats par la société Établissement R. Legrand détaille très précisément les faits reprochés à M. [R] en visant nommément le salarié. Il est rédigé sur papier à entête de la SNCF, client de la société Établissement R. Legrand, sur le chantier sur lequel M. [R] ne conteste pas avoir travaillé sur cette période, et est signé par deux employés de la SNCF, M. [Y], maître d''uvre Travaux (MOE Tx), et Mme [Z], représentante sécurité opérationnelle (RSO). Il est précisé dans le rapport d'incident que le représentant de l'entreprise a été tenu au courant du comportement de M. [R] le 19 janvier 2018, immédiatement après les agissements objets de la mesure disciplinaire de sorte que l'employeur était bien prévenu des faits lors de l'enclenchement de la procédure disciplinaire.

Au vu de ces éléments, les faits à l'origine de la mise à pied disciplinaire sont établis et constituent une faute de nature à justifier le prononcé d'une sanction.

M. [R] conteste la proportionnalité de la sanction prononcée.

La société Établissement R. Legrand soutient que les fautes commises par M. [R] ont eu pour conséquence l'application de pénalités dans le cadre de ses rapports avec la société SNCF Réseau.

Toutefois, la preuve de ces pénalités n'est pas rapportée par la société Établissement R. Legrand.

Néanmoins, l'employeur, qui s'était réservé la possibilité d'un licenciement pour faute grave, tel que cela ressort de la lettre de convocation à entretien préalable avec mise à pied conservatoire, a choisi de notifier une mise à pied disciplinaire de 5 jours à M. [R].

Eu égard au risque manifeste concernant sa sécurité et celle des autres, la mise à pied disciplinaire de 5 jours, en deuxième position sur l'échelle des sanctions prévue par l'article 13 du règlement intérieur de la société Établissement R. Legrand, est une sanction proportionnée aux fautes commises et réitérées par M. [R] entre sur les nuits du 16 au 17 et du 18 au 19 janvier 2018.

Par conséquent, M. [R] sera débouté de sa demande tendant à l'annulation de la mise à pied disciplinaire notifiée le 9 avril 2018 et de sa demande de rappel de salaire afférente. Le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur l'exécution déloyale du contrat de travail :

L'article L.1222-1 du Code du travail dispose que « le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi ».

En l'espèce, M. [R] soutient que la société Établissement R. Legrand n'a pas loyalement exécuté le contrat de travail aux motifs qu'immédiatement après qu'il ait adressé à son employeur une réclamation de nature salariale, il a été convoqué en vue d'une sanction disciplinaire et il lui a été appliqué une mise à pied disciplinaire de la durée maximale prévue par le règlement intérieur alors que la sanction était injustifiée.

Le salarié ne produit pas aux débats son propre courrier de réclamation du 17 janvier 2018, ce qui ne permet pas de savoir exactement ce qu'il reprochait à son employeur, mais il produit la réponse qui lui a été apportée le 24 janvier 2018.

Or, le courrier de l'employeur contient des explications très précises sur le régime applicable au salarié, tant au niveau des frais de déplacement que des heures supplémentaires, et l'informe de ce qu'il reste à sa disposition pour tous renseignements utiles. Dès lors, il n'est pas justifié que la société Établissement R. Legrand ait refusé de manière abusive de prendre en compte les réclamations de M. [R].

Par ailleurs, il a été démontré que la mise à pied disciplinaire de 5 jours était justifiée, de sorte que la société Établissement R. Legrand n'a pas abusé de son pouvoir disciplinaire.

M. [R] ajoute que suite à sa réclamation salariale, le comportement de la société Établissement R. Legrand a subitement changé, il a eu un accident du travail le 20 janvier 2018 et a dû être hospitalisé en mai 2018.

La société Établissement R. Legrand produit aux débats la déclaration d'accident du travail datée du 23 janvier 2018 dont il résulte que M. [R] a eu un accident sur le lieu de travail habituel, il a « trébuché en se prenant les pieds dans un caniveau ouvert lors de sa mission de dépose de câbles sur le chantier de [Localité 6]. Il a ressenti une douleur dans le dos suite à sa chute. Immédiatement son chef a appelé le 112, les secours sont intervenus et l'ont emmené aux urgences ». En l'absence de contestation de la part de M. [R] sur le contenu de la déclaration, il n'est pas démontré que la société Établissement R. Legrand a eu un rôle dans la réalisation de l'accident ni qu'elle aurait été responsable d'une éventuelle aggravation de l'état de M. [R].

Enfin, M. [R] produit aux débats un compte rendu d'hospitalisation en soins psychiatriques libres à la Clinique du [7] du 4 mai 2018 au 18 mai 2018 qui lui diagnostique un « épisode dépressif sévère sans symptômes psychotiques ». Le compte rendu fait état de stress au travail et d'une peur d'être licencié.

Or, il n'est pas justifié que cette peur d'être licencié était liée au comportement de l'employeur, dans la mesure où M. [R] était en arrêt de travail depuis le 20 janvier 2018 et où il avait eu connaissance depuis le 9 avril 2018 de ce que la sanction disciplinaire n'était qu'une mise à pied et non un licenciement. De plus, la CPAM a informé la société Établissement R. Legrand le 4 juillet 2018 du refus de reconnaître le caractère professionnel de l'état dépressif apparu le 2 mai 2018.

Par conséquent, M. [R] ne démontre pas que la société Établissement R. Legrand a exécuté déloyalement le contrat de travail, de sorte qu'il sera débouté de sa demande de dommages-intérêts à ce titre. Le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur le licenciement pour inaptitude :

Sur l'origine de l'inaptitude :

Les règles particulières relatives à la protection des accidentés du travail doivent recevoir application dès lors que l'inaptitude du salarié a au moins partiellement pour origine un accident du travail ou une maladie professionnelle et que l'employeur avait connaissance de cette origine au moment du licenciement.

En l'espèce, M. [R] a été placé en arrêt de travail pour accident du travail à compter du 20 janvier 2018. S'en sont suivi des arrêts de travail pour accident du travail successifs jusqu'au 1er septembre 2018. Le salarié n'a jamais repris le travail jusqu'à la visite de reprise et l'avis d'inaptitude du 10 septembre 2018. L'avis d'inaptitude produit aux débats ne donne aucune précision sur l'origine de l'inaptitude, de sorte qu'il est présumé que l'inaptitude a au moins partiellement pour origine l'accident du travail dont a été victime M. [R].

La société Établissement R. Legrand n'apporte aucun élément au soutien de son affirmation selon laquelle l'inaptitude est exclusivement causée par l'état dépressif de M. [R] reconnu comme n'ayant pas de caractère professionnel par la CPAM.

Par conséquent, dans la mesure où l'inaptitude du salarié a au moins partiellement pour origine son accident du travail et où l'employeur avait connaissance de cette origine au moment du licenciement, les règles particulières relatives à la protection des accidentés du travail doivent recevoir application. Le jugement sera infirmé de ce chef.

En vertu de l'article L.1226-14 du Code du travail, M. [R] devait bénéficier d'une indemnité compensatrice d'un montant égal à celui de l'indemnité compensatrice de préavis prévue à l'article L.1234-5 du Code du travail ainsi qu'à une indemnité spéciale de licenciement qui, sauf dispositions conventionnelles plus favorables, est égale au double de l'indemnité prévue par l'article L. 1234-9 du Code du travail.

M. [R] devait bénéficier d'un préavis de 2 mois. Il n'est pas contesté que son salaire brut de référence s'élève à la somme de 2 030 €, de sorte que la société Établissement R. Legrand devra verser au salarié la somme de 4 060 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre la somme de 406 € au titre des congés payés afférents. Le jugement sera infirmé de ce chef.

M. [R] sollicite le doublement de l'indemnité de licenciement qu'il a perçu tel que justifié par le dernier bulletin de paie, soit la somme de 4 439,86 €. La société Établissement R. Legrand sera condamnée à lui verser cette somme à titre de complément d'indemnité spécifique de licenciement. Le jugement sera infirmé de ce chef.

Sur le licenciement :

L'article L.1226-10 du Code du travail dispose que « Lorsque le salarié victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle est déclaré inapte par le médecin du travail, en application de l'article L. 4624-4, à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités, au sein de l'entreprise ou des entreprises du groupe auquel elle appartient le cas échéant, situées sur le territoire national et dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel.

Cette proposition prend en compte, après avis du comité économique et social, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur les capacités du salarié à exercer l'une des tâches existant dans l'entreprise. Le médecin du travail formule également des indications sur l'aptitude du salarié à bénéficier d'une formation le préparant à occuper un poste adapté.

L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en 'uvre de mesures telles que mutations, aménagements, adaptations ou transformations de postes existants ou aménagement du temps de travail.

Pour l'application du présent article, la notion de groupe désigne le groupe formé par une entreprise appelée entreprise dominante et les entreprises qu'elle contrôle dans les conditions définies à l'article L. 233-1, aux I et II de l'article L. 233-3 et à l'article L. 233-16 du code de commerce. ».

L'article L.1226-12 du même code précise notamment que « l'employeur ne peut rompre le contrat de travail que s'il justifie soit de son impossibilité de proposer un emploi dans les conditions prévues à l'article L. 1226-10, soit du refus par le salarié de l'emploi proposé dans ces conditions, soit de la mention expresse dans l'avis du médecin du travail que tout maintien du salarié dans l'emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans l'emploi. ».

En l'espèce, la société Établissement R. Legrand a notifié à M. [R] son licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement par lettre recommandée avec accusé de réception datée du 27 septembre 2018. M. [R] soutient que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse aux motifs que l'inaptitude est consécutive aux manquements de l'employeur ayant entraîné, d'une part, l'accident du travail et, d'autre part, la dépression sévère. Il ajoute que l'employeur n'a pas consulté les délégués du personnel ou le CSE alors que cette obligation lui incombait, rendant son licenciement sans cause réelle et sérieuse.

S'agissant des manquements de l'employeur à l'origine de l'inaptitude, il a été démontré que la société Établissement R. Legrand n'avait commis aucune faute dans l'exécution du contrat de travail, de sorte qu'elle n'est pas à l'origine de l'inaptitude de M. [R].

S'agissant de la consultation des représentants du personnel, celle-ci est obligatoire lorsque l'employeur doit effectuer des recherches de reclassement.

Or, en l'espèce, la société Établissement R. Legrand était dispensée d'effectuer des recherches de reclassement par l'avis d'inaptitude comprenant la mention « l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi ».

Par conséquent, le licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement de M. [R] est fondé, de sorte que le salarié sera débouté de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur les autres demandes :

La société Établissement R. Legrand, qui succombe partiellement, sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel, et condamnée en équité à verser à M. [R] la somme de 1 000 € en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La cour ;

Infirme le jugement rendu le 22 décembre 2020 par le conseil de prud'hommes de Perpignan en ce qu'il a débouté M. [R] de ses demandes d'indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents et de complément d'indemnité de licenciement et en ce qu'il a condamné M. [R] aux dépens de première instance, et le confirme pour le surplus ;

Statuant à nouveau ;

Constate l'application des règles relatives à l'inaptitude pour origine professionnelle ;

Condamne la société Établissement R. Legrand à verser à M. [R] les sommes suivantes :

4 060 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre la somme de 406 € au titre des congés payés afférents ;

4 439,86 € à titre de complément d'indemnité spécifique de licenciement ;

Y ajoutant ;

Condamne la société Établissement R. Legrand à verser à M. [R] la somme de 1 000 € en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Condamne la société Établissement R. Legrand aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER LE CONSEILLER

Pour le président empêché

F. FERRANET


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 2e chambre sociale
Numéro d'arrêt : 21/00316
Date de la décision : 12/04/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-04-12;21.00316 ?
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