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12/04/2023 | FRANCE | N°21/00310

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 2e chambre sociale, 12 avril 2023, 21/00310


Grosse + copie

délivrées le

à















COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



2e chambre sociale



ARRET DU 12 AVRIL 2023





Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 21/00310 - N° Portalis DBVK-V-B7F-O2U4



ARRÊT n°



Décision déférée à la Cour : Jugement du 17 DECEMBRE 2020

CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION DE DEPARTAGE DE NARBONNE - N° RG F 19/00263







APPELANTE :



S.A.R.L. ENE

RCON SERVICE FRANCE SUD

[Adresse 15]

[Adresse 15]

[Localité 11]



Représentée par Me Aude DARDAILLON, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant

Assistée par Me Adeline LARVARON, de la SELARL LUSIS AVOCATS, substituée par Me...

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

2e chambre sociale

ARRET DU 12 AVRIL 2023

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 21/00310 - N° Portalis DBVK-V-B7F-O2U4

ARRÊT n°

Décision déférée à la Cour : Jugement du 17 DECEMBRE 2020

CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION DE DEPARTAGE DE NARBONNE - N° RG F 19/00263

APPELANTE :

S.A.R.L. ENERCON SERVICE FRANCE SUD

[Adresse 15]

[Adresse 15]

[Localité 11]

Représentée par Me Aude DARDAILLON, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant

Assistée par Me Adeline LARVARON, de la SELARL LUSIS AVOCATS, substituée par Me Vincent POTIER, avocats au barreau de PARIS, avocat plaidant

INTIME :

Monsieur [E] [V]

né le 17 Février 1980 à [Localité 7]

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représenté par Me David VAYSSIE de la SCP DAVID VAYSSIE, avocat au barreau de NARBONNE

Ordonnance de clôture du 23 Janvier 2023

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 13 FEVRIER 2023,en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Florence FERRANET, Conseiller, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Florence FERRANET, Conseiller, faisant fonction de président

Madame Caroline CHICLET, Conseiller

Monsieur Jacques FOURNIE, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Marie-Lydia VIGINIER

ARRET :

- réputé contradictoire ;

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par Madame Florence FERRANET, Conseiller, en remplacement du président, empêché et par Madame Marie-Lydia VIGINIER, Greffier.

*

* *

EXPOSE DU LITIGE :

M. [V] a été embauché par la société Enercon Service France Sud le 12 septembre 2016 en qualité de formateur Hygiène Sécurité et Environnement (HSE) selon contrat de travail à durée indéterminée à temps complet moyennant une rémunération mensuelle brute de 2 500 €.

Le 5 mars 2019, par avenant, M. [V] est embauché en qualité d'animateur HSE avec une convention de forfait moyennant une rémunération mensuelle brute de 3 100 €.

Le 9 août 2019, la société Enercon Service France Sud convoque M. [V] à un entretien préalable au licenciement le 26 août 2019 et lui notifie une mise à pied conservatoire.

Le 3 septembre 2019, la société Enercon Service France Sud notifie à M. [V] son licenciement pour faute grave.

M. [V] a saisi le conseil de prud'hommes de Narbonne le 16 octobre 2019, contestant son licenciement et sollicitant le versement de diverses sommes à titre de dommages-intérêts et indemnités.

Par jugement rendu le 17 décembre 2020, le conseil de prud'hommes de Narbonne a :

Jugé sans cause réelle et sérieuse le licenciement de M. [V] ;

Condamné la société Enercon Service France Sud à verser à M. [V] les sommes suivantes :

9 865,68 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement abusif ;

2 830,29 € au titre de la mise à pied conservatoire, outre la somme de 283 € au titre des congés payés afférents ;

9 865,68 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre la somme de 986,57 € au titre des congés payés afférents ;

2 398,18 € à titre d'indemnité légale de licenciement ;

Ordonné le remboursement par la société Enercon Service France Sud à Pôle Emploi des éventuelles indemnités versées à M. [V] dans la limite de trente jours d'indemnités de chômage ;

Débouté M. [V] de sa demande au titre du solde des congés payés ;

Condamné la société Enercon Service France Sud aux entiers dépens de l'instance ;

Condamné la société Enercon Service France Sud à verser à M. [V] la somme de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Rejeté les demandes autres ou plus amples des parties ;

Ordonné l'exécution provisoire du jugement.

*******

La société Enercon Service France Sud a interjeté appel de ce jugement le 15 janvier 2021.

Dans ses dernières conclusions déposées par RPVA le 21 septembre 2021, elle demande à la cour de :

Juger le licenciement de M. [V] bien fondé ;

Débouter M. [V] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions ;

Condamner M. [V] au paiement de la somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

*******

Dans ses dernières conclusions déposées par RPVA le 22 juin 2021, M. [V] demande à la cour de :

Confirmer le jugement rendu en ce qu'il a condamné la société Enercon Service France Sud à lui verser les sommes suivantes :

9 865,68 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement abusif ;

2 830,29 € au titre de la mise à pied conservatoire, outre la somme de 283 € au titre des congés payés afférents ;

9 865,68 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre la somme de 986,57 € au titre des congés payés afférents ;

2 398,18 € à titre d'indemnité légale de licenciement ;

2 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Réformer le jugement pour le surplus et condamner la société Enercon Service France Sud à lui payer la somme de 1 793,50 € à titre d'indemnité compensatrice de congés payés ;

Condamner la société Enercon Service France Sud à lui verser la somme de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Condamner la société Enercon Service France Sud aux entiers dépens.

**

Pour l'exposé des moyens il est renvoyé aux conclusions précitées en application des dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile.

L'instruction du dossier a été clôturée par ordonnance du 23 janvier 2023 fixant la date d'audience au 13 février 2023.

*******

MOTIFS :

Sur le licenciement :

L'employeur qui prend l'initiative de rompre le contrat de travail doit énoncer son ou ses motifs dans la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige.

Les motifs avancés doivent être précis et matériellement vérifiables, des motifs imprécis équivalant à une absence de motifs.

La faute grave, dont la preuve incombe à l'employeur, est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise et situe nécessairement le débat sur le terrain disciplinaire.

En l'espèce, la lettre de licenciement adressée à M. [V] le 3 septembre 2019 fait état du non-respect des règles applicables aux frais de déplacement suivants :

déplacement en Corse du 5 août 2019 au 7 août 2019 ;

forçage du compteur kilométrique de la pompe carburant ;

déplacement à [Localité 13] des 11 et 12 juin 2019 ;

déplacement à [Localité 9] du 17 au 21 juin 2019 ;

déplacements du 27 juin au 1er juillet 2019.

La lettre de licenciement fait également état d'une conduite de nuit sans autorisation préalable.

S'agissant du déplacement en Corse, la société Enercon soutient que M. [V] a délibérément menti afin de bénéficier d'une prise en charge d'un déplacement à la durée disproportionnée et injustifiée sur l'île de Corse.

En ce qui concerne la procédure de validation que M. [V] n'aurait pas respectée, la société Enercon soutient que le salarié devait adresser ses demandes de déplacement à Mme [N] en mettant en copie son supérieur hiérarchique, M. [F], ou à défaut, M. [H].

Or, la société Enercon produit aux débats un courriel de M. [V] daté du 26 juillet 2019 à 14h16 adressé à Mme [N], avec M. [F] en copie, auquel est joint le formulaire de déplacement professionnel rempli. En l'absence de M. [F], Mme [N] s'est adressée à M. [H] en lui transférant le courriel à 14h47 pour obtenir la validation du déplacement. A 15h59, M. [H] répond à Mme [N] en ces termes : « vu avec [E], ok pour moi, c'est pour faire une formation Safety ».

Dès lors, M. [V] a bien respecté la procédure de validation des déplacements professionnels.

En ce qui concerne la durée du déplacement, la société Enercon soutient que M. [H] a fait confiance à M. [V] lorsque celui-ci lui a affirmé qu'il faisait habituellement de cette manière. Elle précise que M. [F], à son retour de congés, a indiqué à M. [H] que ce que lui avait soutenu M. [V] était faux.

La société Enercon produit aux débats une attestation de M. [F], responsable direct de M. [V], qui témoigne de ce qu'il n'a donné aucune autorisation avant ou pendant ses congés pour le déplacement de 3 jours en Corse et que l'organisation choisie et demandée par M. [V] pour ce déplacement professionnel n'aurait pas pu être acceptée par ses soins.

Elle produit également un courriel de M. [H] adressé à M. [V] dans lequel il lui indique que M. [R], responsable formation, n'est pas au courant pour sa formation en Corse.

Toutefois, deux salariés ont suivi la formation dispensée par M. [V], de sorte que cette formation était nécessairement prévue à l'avance. Dès lors, M. [V] n'a pas menti sur l'existence d'une formation en Corse sur la journée du 6 août 2019.

Par ailleurs, en ce qui concerne le trajet aller, entre [Localité 11] et [Localité 6], il y a, a minima, 2h30 de trajet [Localité 11]-[Localité 10], 1h30 d'attente à l'aéroport de [Localité 10] (enregistrement des bagages en soute compris) et 1h de vol, soit 5h, sans compter le temps d'attente des bagages et de la voiture de location à l'aéroport ainsi que le temps de déplacement de l'aéroport au lieu de formation. Par conséquent, afin de pouvoir dispenser une formation de 6 heures tout en respectant les règles relatives à la durée du travail, M. [V] devait nécessairement arriver la veille en Corse.

De même, en ce qui concerne le trajet retour, M. [V] ne pouvait prendre le vol retour aux environs de 17 heures tout en ayant dispensé une formation de 6 heures dans la journée.

Par conséquent, M. [V] devait nécessairement arriver la veille de la formation et repartir le lendemain de sorte que la durée du déplacement professionnel n'est pas disproportionnée, même si le salarié n'avait aucune activité prévue en Corse le 5 août, veille de la formation, ni le 7 août, lendemain de la formation.

Le premier grief n'est pas fondé.

S'agissant du forçage du compteur kilométrique, la société Enercon soutient que le relevé d'utilisation de la carte carburant de M. [V] indique que lorsqu'il effectue un plein de carburant, il force le compteur kilométrique de la pompe carburant afin d'entrer le kilométrage « 0 », alors même que le chiffrage est obligatoire pour contrôler la durée de conduite et le kilométrage.

Au soutien de son affirmation, la société Enercon produit aux débats un relevé informatique sur la période du 6 mai 2019 au 2 août 2019 des dépenses effectuées par un véhicule immatriculé [Immatriculation 8] où les titres des colonnes sont écrites manuscritement. Il apparaît que dans la colonne « kilométrage » le chiffre mentionné est toujours « 0 », à l'exception du 20 mai 2019 où il est indiqué « 16000 ».

M. [V] conteste avoir forcé le compteur kilométrique de la pompe carburant, affirmant qu'il n'y aurait aucun intérêt à le faire. Il ajoute qu'il peut lui arriver sur la même journée de faire le plein avec sa carte carburant du véhicule mis à sa disposition par la société et d'un véhicule de location.

Toutefois, ce dernier argument ne permet pas de contester utilement l'affirmation de la société Enercon dans la mesure où le relevé produit aux débats ne concerne que le seul véhicule de la société.

Néanmoins, les éléments produits aux débats ne permettent pas de démontrer qu'il s'agit d'une manipulation volontaire de M. [V] de sorte que le deuxième grief n'est pas fondé.

S'agissant du déplacement à [Localité 13] les 11 et 12 juin 2019, la société Enercon soutient que M. [V] a sollicité le remboursement de la somme de 100 € au titre notamment de l'hébergement pour la nuit entre le 11 et le 12 juin 2019 alors qu'il n'était pas en déplacement puisqu'il est passé au péage de [Localité 4], à plus de 500 kilomètres de [Localité 13], à 19h44 le soir du 11 juin 2019.

Au soutien de sa prétention, la société Enercon produit aux débats le relevé de la carte carburant de M. [V] ainsi que sa note de frais du mois de juin 2019. Si les relevés de péage indiquent que M. [V] s'est bien rendu dans la région de [Localité 13] le 10 juin 2019, il était sur le trajet retour aux environs de [Localité 5] dès 16h22 le 11 juin 2019, et à [Localité 4] (soit à 15 minutes de son domicile) à 19h44.

Or, si le forfait de grand déplacement ne nécessite pas d'envoyer un justificatif de paiement de la nuit d'hôtel, 60 € des 100 € réclamés par M. [V] dans sa note de frais sont bien destinés à couvrir les frais engagés pour une nuit d'hôtel.

Dès lors, dans la mesure où M. [V] était chez lui dans la nuit du 11 au 12 juin 2019, le salarié a indument sollicité le versement de l'indemnité de 100 €, de sorte que le troisième grief est fondé.

S'agissant du déplacement à [Localité 9] du 17 au 21 juin 2019, la société Enercon soutient que M. [V] a indument sollicité le versement de la somme de 89 € au titre de la journée du 16 juin 2019, en remboursement notamment d'une nuit d'hôtel, alors qu'il n'a pas pu engager de frais pour une nuit d'hôtel dans la mesure où il a fait le plein à 21h33 à [Localité 3], à plus de 700 kilomètres de [Localité 9]. La société Enercon ajoute ensuite que M. [V] a indument sollicité le versement de la somme de 100 € au titre de la journée du 21 juin 2019, en remboursement notamment d'une nuit d'hôtel, alors qu'il a fait le plein de son véhicule ce même jour à 21h58 dans le sens retour, à 400 kilomètres de [Localité 9]. Enfin, la société Enercon soutient que le salarié a indument sollicité le versement de la somme de 20 € au titre du déjeuner du 22 juin 2019 alors qu'il se trouvait déjà à son domicile.

Au soutien de sa prétention, elle produit aux débats le même relevé de carte carburant ainsi que la note de frais du mois de juin 2019.

En ce qui concerne la nuit du 16 juin 2019, si les relevés de péage indiquent que M. [V] s'est bien rendu dans la région de [Localité 9] sur cette période, il a fait le plein à [Localité 3] le 16 juin 2019 à 21h33 et aux [Localité 14] (à environ 2 heures de [Localité 9]) le 17 juin 2019 à 5h28, alors que la formation qu'il devait y dispenser commençait à 8h30.

Or, si le forfait de grand déplacement ne nécessite pas d'envoyer un justificatif de paiement de la nuit d'hôtel, 60 € des 89 € réclamés par M. [V] dans sa note de frais sont bien destinés à couvrir les frais engagés pour une nuit d'hôtel. Dès lors, dans la mesure où il était sur la route dans la nuit du 16 juin 2019, il a indument sollicité le versement de la somme de 60 €.

En ce qui concerne la nuit du 21 juin 2019, il résulte du relevé de carte carburant que M. [V] a bien fait le plein de son véhicule dans le sens du retour, à 21h58 le 21 juin 2019 à [Localité 12].

Toutefois, même si ce village se situe sur la route du retour, il restait encore à M. [V] à parcourir environ 450 kilomètres avant de rejoindre son domicile. Dès lors, cela ne permet pas de démontrer que le salarié n'a pas engagé de frais pour une nuit d'hôtel.

En ce qui concerne le déjeuner du 22 juin 2019, dans la mesure où M. [V] avait encore environ 4 heures de route jusqu'à son domicile à partir de [Localité 12] la veille au soir, il n'est pas démontré que le salarié a rejoint son domicile dans la nuit et non le lendemain, de sorte que M. [V] était fondé à solliciter l'indemnité de déjeuner.

Par conséquent, le quatrième grief est fondé uniquement en ce qui concerne la première nuit d'hôtel.

S'agissant des déplacements du 27 juin 2019 au 1er juillet 2019, la société Enercon soutient dans la lettre de licenciement que le salarié s'est servi de sa carte carburant pour des déplacements non professionnels.

Toutefois, elle n'étaye cette affirmation d'aucun argument au sein de ses conclusions, de sorte que le cinquième grief n'est pas fondé.

S'agissant de la conduite de nuit, la société Enercon soutient que M. [V] a conduit de nuit sans autorisation préalable, pour se rendre à l'aéroport à [Localité 10] le 5 août 2019, pour se rendre à [Localité 9] le 16 juin 2019 ainsi que pour rentrer de [Localité 9] le 21 juin 2019.

La société Enercon produit aux débats un avis de contravention daté du 8 août 2019 visant un excès de vitesse commis le 5 août 2019 à 3h51 par le véhicule de M. [V] de sorte qu'il est démontré que M. [V] a bien conduit de nuit ce jour.

Les relevés de carte carburant produits par la société Enercon justifient le fait que M. [V] a roulé de nuit entre le 16 et le 17 juin 2019 pour se rendre à [Localité 9].

Toutefois, ils ne permettent pas de justifier que M. [V] en a fait de même dans la nuit du 21 au 22 juin 2019.

Dès lors, il est établi que M. [V] a roulé de nuit le 5 août 2019 entre le 16 et le 17 juin 2019.

Toutefois, aucun élément ne justifie de ce que la conduite de nuit était soumise à une autorisation préalable, de sorte que le sixième grief n'est pas fondé.

Il résulte de l'ensemble de ces constatations que seuls les griefs tendant au fait d'avoir indument sollicité le versement d'une indemnité relative à une nuit d'hôtel à deux reprises et pour un montant total de 160 €, sont fondés.

Ces seuls manquements ne sont pas de nature à rendre impossible le maintien de M. [V] dans l'entreprise, ils ne caractérisent pas une faute grave.

M. [V] était employé depuis plus de trois ans et n'a jamais été sanctionné pour ce type de comportement ou tout autre, il en résulte que la sanction disciplinaire de licenciement est disproportionnée aux manquements constatés.

Par conséquent, le licenciement de M. [V] est dépourvu de cause réelle et sérieuse. Le jugement sera confirmé de ce chef.

Au jour du licenciement, M. [V] était âgé de 39 ans et avait une ancienneté de 2 ans, 11 mois et 21 jours dans une entreprise de plus de 11 salariés. Il n'est pas contesté que le salaire de référence de M. [V] s'élève à la somme brute de 3 288,56 €.

En vertu de l'article L.1235-3 du Code du travail, M. [V] est fondé à solliciter une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse comprise entre trois mois et trois mois et demi de salaire. M. [V] sollicite le versement de la somme de 9 865,68 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement abusif, somme correspondant à trois mois de salaire. La société Enercon sera condamnée à lui verser cette somme à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Le jugement sera confirmé de ce chef.

En vertu de l'article 27 de la convention collective applicable, M. [V] devait bénéficier d'un préavis de trois mois. Le salarié est fondé à solliciter une indemnité compensatrice de préavis égale à la somme brute de 9 865,68 €, outre la somme de 986,57 € au titre des congés payés afférents. La société Enercon sera condamnée à lui verser ces sommes. Le jugement sera confirmé de ce chef.

En vertu des articles R.1234-1 et suivants du Code du travail, M. [V] est fondé à solliciter une indemnité de licenciement qui ne peut être inférieure à un quart de mois de salaire par année d'ancienneté, préavis compris (soit 3,22 années en l'espèce), soit la somme de (3 288,56/4x3,22), soit 2 647,29 €.

Toutefois, M. [V] sollicite le versement de la somme de 2 398,18 € à titre d'indemnité de licenciement, ne prenant pas en compte la durée du préavis dans le calcul de l'ancienneté, de sorte que c'est cette somme que la société Enercon sera condamnée à lui verser à ce titre. Le jugement sera confirmé de ce chef.

La société Enercon sera également condamnée à verser à M. [V] la somme de 2 830,29 € à titre de rappel de salaire sur

mise à pied conservatoire, outre la somme de 283 € au titre des congés payés afférents. Le jugement sera confirmé de ce chef.

En application de l'article L.1235-4 du Code du travail, la société Enercon sera condamnée à rembourser à Pôle Emploi les indemnités chômage éventuellement versées à M. [V] dans la limite de trente jours d'indemnités. Le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur les congés payés :

L'article 14 de la convention collective des ingénieurs et cadres de la métallurgie stipule notamment que « le congé annuel principal est augmenté d'un congé supplémentaire d'au moins :

- 2 jours pour l'ingénieur ou cadre âgé de 30 ans et ayant 1 an d'ancienneté dans l'entreprise ;

- 3 jours pour l'ingénieur ou cadre âgé de 35 ans et ayant 2 ans d'ancienneté dans l'entreprise. ».

En l'espèce, M. [V] reconnaît avoir été rempli de ses droits la première année mais soutient qu'il n'a jamais bénéficié des jours de congé supplémentaires prévus par la convention collective à partir de la deuxième année, pour un total de 12 jours manquants. Il sollicite ainsi le versement de la somme de 1 793,50 € au titre du solde des congés payés.

Au titre de la deuxième année, M. [V] avait droit à 25 jours de congé annuel principal, outre 2 jours de congé supplémentaire en vertu de l'article 14 de la convention collective applicable, soit un total de 27 jours. Il résulte des bulletins de salaire produits aux débats qu'il a pris 4 jours de congés payés par anticipation du 2 au 5 janvier 2018, 17 jours de congés payés du 8 au 31 août 2018 ainsi que 6 jours de congés payés du 21 au 31 décembre 2018, pour un total de 27 jours, de sorte qu'il a bien été rempli de ses droits pour la deuxième année.

Au titre de la troisième année, M. [V] avait droit à 25 jours de congé annuel principal, outre 3 jours de congé supplémentaire en vertu de l'article 14 de la convention collective applicable, soit un total de 28 jours. Il résulte des bulletins de salaire produits aux débats qu'il a pris 3 jours de congés payés par anticipation du 1er au 4 janvier 2019, ce qui lui laissait un solde de 25 jours de congés payés au jour de la rupture du contrat de travail, qui lui ont été versés lors du solde de tout compte comme l'indique le dernier bulletin de salaire de septembre 2019.

Par conséquent, M. [V] sera débouté de sa demande de versement du solde des congés payés. Le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur les autres demandes :

La société Enercon, qui succombe principalement, sera tenue aux dépens d'appel et au paiement de la somme de 1 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La cour ;

Confirme le jugement rendu le 17 décembre 2020 par le conseil de prud'hommes de Narbonne en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant ;

Condamne la société Enercon à verser à M. [V] la somme de 1 000 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Condamne la société Enercon aux dépens d'appel.

LE GREFFIER LE CONSEILLER

Pour le président empêché

F. FERRANET


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 2e chambre sociale
Numéro d'arrêt : 21/00310
Date de la décision : 12/04/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-04-12;21.00310 ?
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