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12/04/2023 | FRANCE | N°20/04900

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 2e chambre sociale, 12 avril 2023, 20/04900


Grosse + copie

délivrées le

à















COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

2e chambre sociale

ARRET DU 12 AVRIL 2023



Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 20/04900 - N° Portalis DBVK-V-B7E-OXYP



Décision déférée à la Cour :

Jugement du 19 OCTOBRE 2020

CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE MONTPELLIER N° RG 18/01317





APPELANT :



Monsieur [S] [Y]

[Adresse 2]

[Localité 5]

ReprÃ

©senté par Me Guilhem DEPLAIX, avocat au barreau de MONTPELLIER



INTIMEE :



S.A.R.L. SECURITAS FRANCE

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Hélène CASTAGNE, avocat au barreau de MONTPELLIER

Représentée par Me Pie...

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

2e chambre sociale

ARRET DU 12 AVRIL 2023

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 20/04900 - N° Portalis DBVK-V-B7E-OXYP

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 19 OCTOBRE 2020

CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE MONTPELLIER N° RG 18/01317

APPELANT :

Monsieur [S] [Y]

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représenté par Me Guilhem DEPLAIX, avocat au barreau de MONTPELLIER

INTIMEE :

S.A.R.L. SECURITAS FRANCE

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Hélène CASTAGNE, avocat au barreau de MONTPELLIER

Représentée par Me Pierry FUMANAL, avocat au barreau de NIMES

Ordonnance de clôture du 20 Janvier 2023

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 13 FEVRIER 2023,en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Jacques FOURNIE, Conseiller, et devant Mme Véronique DUCHARNE Conseillère

Ce(s) magistrat(s) a (ont) rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Véronique DUCHARNE, Conseillère, faisant fonction de Président en l'absence du Président empêché

Monsieur Jacques FOURNIE, Conseiller,

Mme Isabelle MARTINEZ, Conseillère,

Greffier lors des débats : M. Philippe CLUZEL

ARRET :

- contradictoire;

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par Mme Véronique DUCHARNE, Conseillère, et par M.Philippe CLUZEL greffier

EXPOSE DU LITIGE

Monsieur [S] [Y] a été engagé à compter du 1er juin 1989 par la SARL Securitas France au sein de laquelle il exerçait depuis le 1er janvier 2014 les fonctions de « responsable de site » auprès de la société IBM à [Localité 5], statut agent de maîtrise, niveau 2, échelon 2, coefficient 200 selon la classification de la convention collective des entreprises de prévention et de sécurité, moyennant une rémunération mensuelle brute de 2184,40 euros pour un temps de travail complet selon une répartition à la semaine par cycle de treize semaines.

Selon avenant du 4 janvier 2016, Monsieur [S] [Y] était promu au poste de « coordonateur sûreté », statut cadre, position P1, coefficient C 300 selon la classification de la convention collective des entreprises de prévention et de sécurité, moyennant une rémunération annuelle brute forfaitaire de 34 952 € pour 216 jours de travail par an, payable en douze mensualités de 2912,67 euros chacune, outre une part variable d'un montant de 1748 euros annuels.

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 6 juin 2018 le salarié était convoqué à un entretien préalable à une éventuelle mesure de licenciement.

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 11 juillet 2018, l'employeur proposait au salarié une modification de son contrat de travail s'accompagnant d'un changement de poste le faisant ainsi passer du poste de coordonnateur à celui de chef de poste, statut agent d'exploitation, coefficient 140, niveau 3, échelon 2 selon la classification de la convention collective des entreprises de prévention et de sécurité.

Le salarié, n'ayant pas accepté la modification du contrat de travail qui lui était proposée dans le délai de sept jours qui lui avait été imparti, l'employeur le convoquait à nouveau à un nouvel entretien préalable à un éventuel licenciement prévu le 31 juillet 2018 par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 20 juillet 2018.

Monsieur [S] [Y] était placé en arrêt de travail à compter du 23 juillet 2018.

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 3 août 2018, la SARL Securitas France notifiait à Monsieur [S] [Y] son licenciement pour faute grave.

Contestant le bien-fondé de la rupture du contrat de travail, Monsieur [S] [Y] a saisi le conseil de prud'hommes de Montpellier par requête du 30 novembre 2018 aux fins de condamnation de l'employeur à indemniser ses astreintes ainsi qu'à lui payer différentes indemnités au titre d'une rupture abusive de la relation travail, outre condamnation de l'employeur à lui remettre sous astreinte de 150 € par jour de retard à compter de la notification du jugement un bulletin de paie et une attestation à destination de pôle emploi rectifiés et à lui payer une somme de 3500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 19 octobre 2020, le conseil de prud'hommes de Montpellier a requalifié le licenciement de Monsieur [S] [Y] en un licenciement pour cause réelle et sérieuse, et faisant partiellement droit à l'indemnisation réclamée par le salarié au titre des astreintes il a condamné la société Securitas France à lui payer avec exécution provisoire de droit les sommes suivantes :

'8738,01 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 873,80 euros au titre des congés payés afférents,

'27 063,96 euros à titre d'indemnité de licenciement,

'7500 euros au titre de l'indemnisation des astreintes,

'1000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Il a par ailleurs ordonné la remise au salarié par l'employeur de ses documents sociaux de fin de contrat rectifiés.

Le salarié a relevé appel de la décision du conseil de prud'hommes le 5 novembre 2020.

Aux termes de ses dernières écritures notifiées par RPVA le 26 mai 2021, Monsieur [S] [Y] conclut à l'infirmation du jugement entrepris en ce qu'il l'a débouté de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, en ce qu'il a limité à la somme de 27 063,96 euros le montant de l'indemnité de licenciement allouée, et en ce qu'il a fixé la condamnation prononcée au titre des astreintes à la somme de 7500 euros bruts. Il sollicite par conséquent la condamnation de la SARL Securitas France à lui payer les sommes suivantes :

'100 000 euros nets à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

'8738,01 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 873,80 euros au titre des congés payés afférents,

'30 225,87 euros nets à titre d'indemnité de licenciement,

'121 627,96 euros au titre de l'indemnisation des astreintes,

'2000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance, outre 2000 euros supplémentaires au titre des frais irrépétibles de l'instance d'appel.

Il réclame enfin la condamnation de l'employeur à lui remettre ses bulletins de paie et une attestation à destination de pôle-emploi conformes à l'arrêt à intervenir sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter de la notification de la décision ainsi que la régularisation de sa situation auprès des organismes sociaux compétents sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter de la notification de la décision.

Dans ses dernières écritures notifiées par RPVA le 15 avril 2021, la SARL Securitas France conclut à titre principal, à l'infirmation de la décision rendue par le conseil de prud'hommes en ce qu'elle a jugé que le licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse, au débouté du salarié de l'ensemble de ses demandes ainsi qu'à sa condamnation à lui rembourser la somme de 37 330,46 euros indûment versée à titre provisoire. À titre subsidiaire, la SARL Securitas France sollicite la confirmation du jugement rendu par le conseil de prud'hommes. Elle revendique enfin la condamnation du salarié à lui payer une somme de 3000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture était rendue le 20 janvier 2023.

SUR QUOI

$gt; Sur la demande d'indemnisation des astreintes

Antérieurement à l'entrée en vigueur de la loi n°1088 du 8 août 2016 l'astreinte était définie comme une période pendant laquelle le salarié sans être à la disposition permanente et immédiate de l'employeur avait l'obligation de demeurer à son domicile ou à proximité afin d'être en mesure d'intervenir pour accomplir un travail au service de l'entreprise.

Elle est désormais définie comme une période pendant laquelle le salarié, sans être sur son lieu de travail et sans être à la disposition permanente et immédiate de l'employeur, doit être en mesure d'intervenir pour accomplir un travail au service de l'entreprise.

Sous l'empire de la loi ancienne il était cependant déjà admis que le fait que le salarié ait l'obligation de se tenir disponible, prêt à intervenir dans les délais utiles suffisait pour déterminer qu'il y avait astreinte.

$gt;

Au soutien de sa demande, Monsieur [S] [Y] soutient qu'il était d'astreinte vingt-quatre heures sur vingt-quatre et sept jours sur sept pendant onze mois par an.

A l'appui de ses prétentions Il fait valoir qu'il était doté d'un téléphone portable et il produit aux débats un document interne à l'entreprise intitulé « généralités » sur lequel à la rubrique consignes particulières figure un tableau répertoriant plusieurs numéros de téléphone fixes et portables sur lequel figure, à côté du numéro de téléphone portable du responsable ressources et plannings et du numéro de téléphone portable du responsable clients, le numéro de téléphone portable de Monsieur [Y] accompagné de l'intitulé de sa fonction auquel est accolé le terme « vérificateur ».

Il produit également un document intitulé accueil et contrôle d'accès pour lequel il est demandé aux agents pendant les heures non ouvrables, de s'adresser au coordonnateur sécurité dont le numéro de téléphone portable est indiqué, lorsqu'un organisme de service public sollicite l'accès. Sont répertoriés à cet égard : l'inspection du travail, la commission des communautés européennes de Bruxelles, la commission de sécurité, la police ou la gendarmerie, les sapeurs-pompiers ainsi que France Telecom. Ce document précise aussi qu'en cas d'urgence (agression) sur une zone de livraison, en fonctionnement du lundi au vendredi de six heures à vingt-deux heures, le coordonnateur de sécurité doit être avisé. Il est également spécifié que les agents doivent appeler le coordonnateur de sécurité en cas de suspicion de livraison de paquets ou de colis pouvant être piégé. Enfin toute demande d'entrée sur site formulée par un représentant d'un média doit faire l'objet d'une information immédiate notamment au coordonnateur de sécurité. Enfin, il verse aux débats un document intitulé personnes à prévenir en cas de problème sécurité en heures non ouvrable ouvrables (HNO) sur lequel figure également son nom en cas d'absence pour congés du coordonnateur de sécurité « backup ».

$gt;

L'employeur qui s'oppose à la demande fait valoir qu'il a rédigé lui-même le livre des missions et des consignes sur le site IBM et qu'il existait un planning astreinte agence fixant les astreintes et sur lequel il ne figurait pas, qu'en outre il ne justifie d'aucun relevé détaillé justifiant d'appels de nuit ou de week-end venant corroborer ses prétentions.

$gt;

Or, tandis que le salarié fait valoir, sans être contredit sur ce point par l'employeur, que l'astreinte agence concernait la planification des différents marchés dont la société Securitas France avait la charge et non le site IBM auquel était affecté monsieur [Y], la société Securitas France ne peut, s'appuyant sur la qualité de rédacteur de consignes du salarié, justifier que le service ait pu être mis en place de sa propre initiative alors même que la société Securitas disposait du pouvoir de direction et que monsieur [Y] exerçait son activité sous son contrôle.

L'analyse des documents produits aux débats conduit par conséquent à retenir l'existence d'une obligation découlant d'une situation de fait en lien avec l'activité de l'employeur et les fonctions exercées par le salarié lequel pouvait être amené à répondre en dehors des heures ouvrables par le biais de son téléphone cellulaire professionnel aux sollicitations éventuelles des agents confrontés à une agression sur zone de livraison ou à une livraison de colis suspects ainsi qu'à une demande d'accès de certains services publics, si bien que sans être sur son lieu de travail et sans être à la disposition permanente et immédiate de l'employeur, il devait se tenir disponible et prêt à intervenir dans les délais utiles. D'où il suit qu'il en résultait l'existence d'une astreinte.

Le bénéfice d'un forfait en jour n'est incompatible ni avec la rémunération des périodes d'astreinte ni avec celle des interventions éventuelles dans le cadre d'une astreinte pendant la nuit ou les fins de semaine, soit des périodes qui, même pour un cadre soumis au forfait en jours et pouvant s'organiser librement dans son travail, doivent lui permettre de disposer de temps de repos et de liberté d'organisation dans sa vie personnelle. Toutefois dans la mesure où il n'est par ailleurs fait état d'aucune sollicitation téléphonique auxquelles le salarié aurait pu être soumis et qu'il ne ressort pas davantage des documents produits que monsieur [Y] ait été en charge des premiers niveaux d'appel dans le cadre de ses astreintes, c'est à bon droit que le premier juge a fixé à 7500 euros le montant de l'indemnisation lui revenant à ce titre.

$gt; Sur le licenciement

Il ressort de l'article L. 1235-1 du Code du travail qu'en cas de litige, le juge à qui il appartient d'apprécier le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties ; si un doute subsiste il profite au salarié.

Quand le licenciement est prononcé pour faute grave, il incombe à l'employeur de prouver la réalité de la faute grave, c'est à dire de prouver non seulement la réalité de la violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail mais aussi que cette faute est telle qu'elle empêche la poursuite du contrat de travail.

Pour apprécier la gravité de la faute, les juges doivent tenir compte des circonstances qui l'ont entourée et qui peuvent atténuer la faute et la transformer en faute légère.

Si un doute subsiste sur la gravité de la faute reprochée, il doit profiter au salarié.

$gt;

Il ressort de la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige et à laquelle il convient de se reporter pour plus ample exposé des motifs, que monsieur [Y] engagé en qualité de coordonnateur sûreté a été licencié pour avoir refusé la modification du contrat de travail initialement proposée alors que le 31 mai 2018 (en réalité le 30 mai 2018) tandis qu'il était en poste sur le site d'IBM à [Localité 5], Monsieur [X] agent de sécurité avait contacté le PC sécurité de [Localité 4] afin de demander à Monsieur [G] [T], membre de la direction de la sécurité France d'IBM, l'autorisation de sortie du passe général pour ouvrir la porte 36 donnant accès à la salle robot 1 du data center. L'agent avait également demandé s'il devait déverrouiller la crémone. Monsieur [T] avait été surpris de la question, il lui avait rappelé: « non, vous devez utiliser le passe pour l'ouverture et la fermeture de la porte 36 : on ne laisse pas la porte libre d'accès, et sortir le passe uniquement à la demande d'accès et consigner chaque sortie et entrée sur la main courante ». La lettre de licenciement rappelle ensuite que la porte ne doit être sous aucun prétexte laissée en libre accès compte tenu de l'importance des données qui sont stockées au sein du data center « (coordonnées bancaires, identifiants, adresses, numéros de téléphone) ». Elle précise « Compte tenu de l'importance de cette consigne Monsieur [T] a rédigé un mail à l'attention de l'agent en vous mettant en copie ainsi que le responsable de site, Monsieur [D] [K] et le coordonnateur sûreté IBM de [Localité 6], Monsieur [M] [N]». Or quelques heures plus tard, à 13h58 un incident de sécurité était déclaré sur cette même porte qui était restée en libre accès avec la crémone déverrouillée par un service interne d'IBM en charge des consignes de sécurité liées aux data centers. De ce fait, conformément aux procédures en vigueur cet incident a été déclaré auprès de la sécurité mondiale d'IBM. La lettre indique que face à cette situation de crise, Monsieur [T] s'était rapproché de Monsieur [Y] et que celui-ci avait répondu « je ne sais pas, vous avez eu l'agent tout à l'heure vous lui avez dit de ne pas déverrouiller la crémone ». Elle précise ensuite que compte tenu de ce manque d'implication Monsieur [T] avait cherché à en savoir plus et que Monsieur [Y] avait reconnu avoir donné l'accord à l'agent en ces termes « oui, c'est moi qui lui ai dit de déverrouiller la porte car de toute façon si quelqu'un entre il y aura une porte forcée ». La lettre ajoute qu'après avoir expliqué la situation qu'il ne comprenait apparemment pas, il avait dit verbalement en présence de [D] [K] et de [M] [N] « je reconnais mon erreur et en assume les conséquences ». La lettre de licenciement précise enfin « Plus tard dans l'après-midi, soit à 14h15, il a été trouvé un mail de votre part, demandant expressément à l'agent de déverrouiller la porte ». Elle reproche enfin à Monsieur [Y] d'avoir pris unilatéralement une décision demandant à un agent placé sous sa responsabilité de laisser la porte donnant accès à un lieu hautement stratégique à l'ouverture libre, mettant ainsi en péril la sécurité du site et transgressant une règle interne de sécurité mondiale, ce qui après investigation, avait conduit dès le 5 juin 2018 à le suspendre de toute décision et de toute délégation.

$gt;

En défense Monsieur [Y] fait valoir qu'il n'a jamais autorisé le déverrouillage de la crémone de la porte 36 en sorte que les faits reprochés ne lui sont ni imputables, ni constitutifs d'une quelconque faute grave et que la disproportion de la sanction prononcée rend le licenciement sans cause réelle et sérieuse.

$gt;

Au soutien de ses prétentions, la société Securitas France produit une attestation de Monsieur [M] [N], coordonnateur sûreté sein de la société IBM, lequel indique avoir été présent sur le site le jour de l'incident, et que « questionné sur les motivations de son geste, Monsieur [Y], avait spontanément répondu : je reconnais mon erreur, et en assume les conséquences ».

Elle produit encore une attestation de Monsieur [D] [K], responsable de site de la société IBM, lequel indique que suite à l'incident Monsieur [Y] « a reconnu en présence du responsable sûreté IBM son erreur ».

Elle verse enfin aux débats un courriel adressé le 30 mai 2018 à 11h28 par Monsieur [G] [T], membre de la direction de la sécurité France d'IBM, avec comme destinataire pour action : l'agent en poste et Monsieur [Y], et avec comme destinataire pour information: Messieurs [K] et [N], ainsi libellé : «bonjour, vous avez autorisation de sortie du passe général jusqu'à réparation du lecteur. Ne pas déverrouiller la crémone. Consigner la sortie à chaque fois jusqu'à la fin de réparation et rendre compte du retour à la normale à [S] [Y] à fin des travaux ».

$gt;

Il résulte de ce qui précède, que l'employeur échoue à démontrer que Monsieur [Y] ait donné ordre à l'agent en poste de déverrouiller la porte donnant accès à la salle robot 1 du data center faute de production du courriel du 30 mai 2018 à 14h15 dont la lettre de licenciement fait état.

En effet si les attestations du coordonnateur sûreté et du responsable de site IBM établissent le fait que monsieur [Y] ait reconnu devant eux avoir commis une erreur, elles sont insuffisamment précises pour en déterminer l'étendue.

Pour autant, après un premier incident signalé dans la matinée mettant en cause la sûreté du centre de données contenant des serveurs donnant accès à des informations particulièrement sensibles faisant l'objet d'un niveau de protection maximal, ce que le salarié ne pouvait ignorer compte tenu de sa qualification et de son niveau de responsabilité ainsi que de son ancienneté, Monsieur [Y], alors qu'il était destinataire pour action d'un message consécutif au premier incident, n'a pris aucune des dispositions qui lui incombaient en sa qualité de coordonnateur sûreté contractuellement tenu en application des stipulations de l'article 2.3 de l'avenant du 4 janvier 2016, d'observer les instructions et consignes particulières de travail données, de les transmettre à ses subordonnés dont il était responsable de la bonne application, ce qui caractérise le manque d'implication reproché dans la lettre de licenciement.

Il en résulte, que nonobstant l'absence de preuve d'une initiative unilatérale conduisant l'agent en poste à laisser la porte déverrouillée, l'absence de transmission et de bonne vérification de l'application des consignes postérieurement au message reçu à 11h28, établissait l'existence d'un comportement fautif suffisamment grave pour ne pas rendre disproportionnée la sanction de licenciement intervenue, faute d'acceptation par le salarié de la modification de son contrat de travail.

Au vu des éléments produits par l'une et l'autre des parties, et tenant compte de l'absence de sanction antérieure, il convient toutefois de confirmer le jugement entrepris, en ce qu'il a requalifié le licenciement pour faute grave en un licenciement pour cause réelle et sérieuse.

L'existence d'une cause réelle et sérieuse de licenciement ne prive pas pour autant le salarié du bénéfice de l'indemnité de préavis et de celui de l'indemnité de licenciement.

Aussi convient-il de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la SARL Securitas France à payer à Monsieur [S] [Y] une somme de 8738,01 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 873,80 euros au titre des congés payés afférents.

En revanche, sur la base d'un salaire de référence non spécialement discuté de 3261,11 euros, l'indemnité de licenciement, par une exacte application des dispositions de l'article R 1234-1 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige, conduit à faire droit à la demande de fixation de l'indemnité de licenciement à la somme de 30 255,87 euros réclamée par le salarié.

$gt; Sur les demandes accessoires et reconventionnelles

La remise d'un bulletin de salaire et d'une attestation à destination de pôle-emploi rectifiés étant de droit, tout autant que la régularisation auprès des organismes sociaux, il convient de l'ordonner, sans pour autant qu'il y ait lieu au prononcé d'une astreinte.

Compte tenu de la solution apportée au litige, la SARL Securitas France sera déboutée de sa demande reconventionnelle de remboursement des sommes versées au titre de l'exécution provisoire, elle conservera la charge des dépens et de ses propres frais irrépétibles, et elle sera condamnée à payer au salarié une somme de 2500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour l'ensemble des sommes qu'il a exposées à la fois en seconde et en première instance.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,

Confirme le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Montpellier le 19 octobre 2020 sauf quant au montant de l'indemnité de licenciement;

Et statuant à nouveau du seul chef infirmé,

Condamne la SARL Securitas France à payer à Monsieur [S] [Y] une somme de 30 225,87 euros à titre d'indemnité de licenciement;

Ordonne la remise par la SARL Securitas France à Monsieur [S] [Y] d'un bulletin de salaire ainsi que d'une attestation à destination de pôle-emploi rectifiés conformément au présent arrêt;

Déboute la SARL Securitas France de sa demande reconventionnelle de remboursement des sommes versées au titre de l'exécution provisoire du jugement;

Condamne la SARL Securitas France à payer à Monsieur [S] [Y] une somme de 2500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile;

Condamne la SARL Securitas France aux dépens;

Le Greffier P/Le Président empêché


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 2e chambre sociale
Numéro d'arrêt : 20/04900
Date de la décision : 12/04/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-04-12;20.04900 ?
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