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05/04/2023 | FRANCE | N°20/01423

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 2e chambre sociale, 05 avril 2023, 20/01423


Grosse + copie

délivrées le

à















COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



2e chambre sociale



ARRET DU 05 AVRIL 2023





Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 20/01423 - N° Portalis DBVK-V-B7E-ORPB



ARRÊT n°



Décision déférée à la Cour : Jugement du 28 FEVRIER 2020

CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE MONTPELLIER - N° RG F 18/00945









APPELANTE :



Madam

e [P] [B]

née le 30 Juillet 1986 à [Localité 5] (66)

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 3]



Représentée par Me Nicolas NASSIER, avocat au barreau des PYRENEES-ORIENTALES, substitué par Me GARAVINI avocat au barreau des PYRENEE...

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

2e chambre sociale

ARRET DU 05 AVRIL 2023

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 20/01423 - N° Portalis DBVK-V-B7E-ORPB

ARRÊT n°

Décision déférée à la Cour : Jugement du 28 FEVRIER 2020

CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE MONTPELLIER - N° RG F 18/00945

APPELANTE :

Madame [P] [B]

née le 30 Juillet 1986 à [Localité 5] (66)

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Nicolas NASSIER, avocat au barreau des PYRENEES-ORIENTALES, substitué par Me GARAVINI avocat au barreau des PYRENEES-ORIENTALES

INTIMEE :

S.A.R.L. ECMCC - EXPERTISE COMPTABLE MAITRISE ET COMMISSARIAT AUX COMPTES -

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Marie THOMAS COMBRES, avocat au barreau de MONTPELLIER

Ordonnance de clôture du 03 Février 2023

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 07 FEVRIER 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Isabelle MARTINEZ, Conseiller, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Jean-Pierre MASIA, Président

Madame Isabelle MARTINEZ, Conseillère

Madame Véronique DUCHARNE, Conseillère

Greffier lors des débats : Mme Marie-Lydia VIGINIER

ARRET :

- contradictoire ;

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par Madame Véronique DUCHARNE, Conseiller, en remplacement du président, empêché et par Madame Marie-Lydia VIGINIER, Greffier.

*

* *

EXPOSE DU LITIGE

Madame [P] [B] était embauchée le 24 août 2015 par contrat à durée indéterminée en qualité d'expert comptable stagiaire par la sarl ECMCC moyennant un salaire s'élevant en dernier lieu à la somme de 1 750 € brut.

Par lettre recommandée du 28 août 2016, la salariée prenait acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de l'employeur en ces termes(.../...) Je suis en arrêt de travail depuis le 27 juillet 2016 en raison des conditions de travail qui me sont imposées depuis mon embauche.

En effet, je vous rappelle que je travaille à pas d'heure, du moins bien au delà des 35 heures prévues à mon contrat.

A ce jour, mes nombreuses heures supplémentaires s'élevant à 428 heures depuis mon entrée et suite à la période fiscale écoulée restent impayées ni compensées par des RTT ou les primes d'usage.

Je note pourtant que d'autres collaborateurs du cabinet ayant travaillé tout comme moi ont déjà perçu leur prime en compensation des heures supplémentaires réalisées.

Ce n'est pas tout.

Je suis rémunérée à un salaire de 1 344,09 € net coefficient 220 en qualité d'expert comptable stagiaire.

Or, un autre collaborateur du cabinet est employé avec le même coefficient à la somme de 1 500 € .

Il s'agit là de discrimination à mon égard.

Au regard du gros volume de portefeuille client que je tiens scrupuleusement et rigoureusement, je n'ai pas manqué de vous évoquer le problème de mon faible salaire lors de notre entretien annuel.

Vous m'avez alors assuré d'une augmentation à 25 000 € brut de salaire annuel avec effet rétroactif au mois d'avril 2016.

Or, mon bulletin de salaire du mois de juillet 2016 ne fait nullement apparaître vos promesses. Mais encore, il était prévu, tel que l'usage de la profession le veut, une augmentation de 10 % en suite de l'introduction au cabinet par mes soins de trois dossiers comptables. Or là encore, je n'ai bénéficié d'aucune augmentation.

Par des mails envoyés le 5 août 2016, je vous ai demandé à nouveau le règlement de mes heures supplémentaires. En retour, j'ai reçu des mails de confirmation de réception mais contenant des messages d'absence au cabinet. J'ai donc été surprise puisqu'il ne s'agissait pas de réponse automatique d'absence.

En effet, le cabinet était fermé et vous absent du lundi 8 août 2016 au 28 août 2016 inclus.

Plus grave, lors de notre dernier entretien annuel en présence de M. [G], M. [U] m'a opposé un refus catégorique de lire mon rapport de stage au motif qu'il n'en aurait jamais le temps.

Il s'agit là de très nombreux manquements à vos obligations légales et contractuelles qui m'ont affaibli la santé.

Cette situation ne pouvant perdurer, je vous informe que je prends acte de la rupture de mon contrat de travail à cause de vos graves manquements à vos obligations (.../...)

Soutenant que sa prise d'acte s'analysait en un licenciement sans cause réelle et sérieuse , par requête du 17 septembre 2018, la salariée saisissait le conseil de prud'hommes de Montpellier, lequel, par jugement du 28 février 2020,la déboutait de toutes ses demandes.

Par déclaration au greffe en date du 10 mars 2020, la salariée relevait appel de ce jugement.

MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES

Par conclusions régulièrement notifiées par voie électronique le 16 janvier 2023 madame [B] demande l'infirmation du jugement et la condamnation de l'employeur à lui payer les sommes suivantes :

-5 840,35 € au titre des heures supplémentaires outre 584,03€ pour les congés payés y afférents,

-486 € à titre de rappel de salaire outre 48,60 € pour les congés payés y afférents,

-1 750 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre 175 € pour les congés payés y afférents

-350 € à titre d'indemnité légale de licenciement,

-10 500 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

-10 500 € à titre d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé

ainsi que la remise sous astreinte de 30 € par jour de retard des bulletins de paie et de l'attestation Pôle Emploi rectifiés.

Elle fait valoir essentiellement qu'elle effectuait de nombreuses heures supplémentaires qui ne lui étaient pas payées, que son salaire ne correspondait pas au minimum conventionnel, qu'elle était discriminée par rapport à ses collègues percevant, sans raison, un salaire moindre pour des fonctions identiques. Elle ajoute que son employeur n'a pas respecté son obligation de formation, son maître de stage n'étant jamais disponible.

Elle affirme que la rupture, du fait de ces manquements, s'analyse en licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Par conclusions régulièrement notifiées par voie électronique le 29 juillet 2022, la sarl ECMCC conclut à la confirmation du jugement et à l'octroi d'une somme de 2 000 € au titre de ses frais de procédure.

Elle conteste la réalisation d'heures supplémentaires affirmant qu'elle a mis en place un outil de contrôle du temps de travail des salariés. Elle expose qu'il n'y a eu aucune discrimination , les salariés auxquels se compare madame [B] étant, pour l'un plus ancien et pour l'autre effectuant 39 heures par semaine au lieu de 35 heures. Elle ajoute qu'elle a régularisé le rappel de salaire sur la base du coefficient 220 auquel a droit la salariée. Elle affirme avoir respecté ses obligations en matière de stage.

Elle soutient que la prise d'acte doit s'analyser en une démission.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions respectives des parties, la cour se réfère aux conclusions notifiées par les parties.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur le rappel de salaire

Les parties s'accordent à reconnaître que madame [B] pouvait prétendre depuis février 2016 à un coefficient de 220.

Toutefois, il résulte des fiches de paie produites aux débats que ce coefficient lui a été accordé dès octobre 2015.

Elle a donc été remplie de ses droits et la demande de rappel de salaire doit être rejetée.

Sur la rupture d'égalité

Sur la base du principe ' à travail égal, salaire égal', madame [B] prétend avoir été discriminée par rapport à ses deux collègues de travail et percevoir un salaire moindre que ces derniers.

Or, le salaire horaire de monsieur [N] était inférieur à celui de madame [B]. En effet, il était rémunéré sur la base d'un taux horaire de 11,4696 € de l'heure lors que madame [B] percevait une rémunération de 11, 5382 € de l'heure.

Si monsieur [R] percevait un taux horaire légèrement supérieur à celui de madame [B], cela s'explique par le fait qu'il était plus ancien dans l'entreprise.

Il n'y a donc eu aucune rupture d'égalité.

Sur l'obligation de formation

En application de la charte nationale du stage régularisée par l'employeur le 2 septembre 2015, ce dernier était tenu d'une obligation de formation vis à vis de sa salariée, expert comptable stagiaire.

Les engagements du maître de stage consistent notamment à assumer le suivi pédagogique du stagiaire, lui donner toute facilité pour suivre les actions de formation obligatoires, le guider dans ses travaux, lui donner la formation qui doit le rendre apte à exercer la profession et à devenir chef d'entreprise, viser et commenter les rapports semestriels et les fiches annuelles des travaux professionnels, lui faire faire les travaux spécifiques de commissariat aux comptes.

Madame [B] expose qu'elle n'a bénéficié d'aucune heure de formation au titre de la formation de commissaire aux comptes, que son maître de stage n'était jamais présent à l'agence de [Localité 4] et ne lui a pas dispensé la formation à laquelle elle avait droit.

Il apparaît effectivement à l'examen des pièces produites que madame [B] n'a pas effectué les deux cent heures d'activité de commissaire aux comptes dans les délais impartis et que le rapport de stage a été déposé hors délai, monsieur [U] ne signant celui ci que suite à une injonction de l'ordre des experts comptables. Ce dernier a, en outre, été dans l'obligation de poursuivre la formation de la salariée après la rupture de la relation contractuelle pour respecter ses obligations contractuelles démontrant ainsi qu'il ne l'avait pas fait durant la période d'emploi.

Ce grief est donc fondé.

Sur les heures supplémentaires

En application de l'article L 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif au nombre d'heures travaillées, il appartient au salarié de présenter à l'appui de sa demande des éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble des éléments qui lui sont présentés. Dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales qui s'y rapportent.

L'appelante produit un tableau récapitulatif de toutes les heures supplémentaires qu'elle affirme avoir effectuées, des échanges de sms faisant état de départs tardifs du bureau et des attestations de collègues.

Monsieur [N] (pièce n°7) atteste qu'il travaillait sur les mêmes plages horaires que madame [B] et que celle ci faisait plus de 35 heures par semaine.

Monsieur [R] (pièce n°8) atteste dans les mêmes termes et ajoute que tout comme madame [B], il faisait de nombreuses heures supplémentaires.

Pour s'opposer à la demande au titre des heures supplémentaires, l'employeur affirme qu'il a mis en place un outil de contrôle du temps de travail que les salariés doivent compléter sur leur outil de travail.

Toutefois, il apparaît que ce qui était demandé aux salariés était de noter le nombre d'heures réalisées sur chaque bilan soit les temps facturables aux clients et non pas le travail effectif du salarié qui ne se limitait pas à la réalisation de bilans comptables mais comprenait aussi notamment les déclarations sur le revenu, les déclarations de TVA, les rendez vous avec les clients ou les administrations.

L'employeur ne produit pas le relevé des heures qui auraient, selon lui, été effectuées par la salariée et ne fournit aucun élément précis permettant de mettre à mal le décompte produit par la salariée.

En conséquence, la demande au titre des heures supplémentaires doit être accueillie.

Sur l'indemnité pour travail dissimulé

Le simple fait de ne pas avoir payé l'intégralité des heures supplémentaires dues à la salariée ne suffit pas à caractériser l'intention frauduleuse du délit de travail dissimulé.

Cette demande doit être rejetée.

Sur la rupture du contrat de travail

Lorsqu'un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison des faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués le justifient, soit dans le cas contraire d'une démission.

Les faits invoqués par le salarié doivent non seulement être établis mais constituer des manquements suffisamment graves pour rendre impossible la poursuite de la relation contractuelle.

C'est au salarié qu'il incombe d'établir les faits allégués à l'encontre de l'employeur. S'il subsiste un doute sur la réalité des faits invoqués à l'appui de la prise d'acte, celle-ci doit produire les effets d'une démission.

En l'espèce, la salariée établit que l'employeur n'a pas respecté son obligation de formation et ne lui a pas payé ses heures supplémentaires.

Or, la formation était une condition essentielle du contrat d'embauche en qualité d'expert comptable stagiaire.

Par ailleurs, en ne payant pas le salaire dans son intégralité, l'employeur a failli à l'une de ses obligations essentielles.

Ces agissements de l'employeur rendaient impossible la poursuite de la relation contractuelle et la prise d'acte s'analyse donc en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur l'indemnité compensatrice de préavis

En application de l'article L 1234-1 du code du travail, la salariée ayant moins de deux ans d'ancienneté a droit à une indemnité compensatrice de préavis équivalente à un mois de salaire soit la somme de 1 750 € € outre la somme de 175 € pour les congés payés y afférents.

Sur l'indemnité de licenciement

En application des articles L 1234-9 et R 1234-4 du code du travail , la salariée à droit à une indemnité de licenciement d'un montant de 350 €.

Sur les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

La salariée, âgé de 30 ans percevait un salaire de 1 750 €. Elle reconnaît elle même avoir réussi son diplôme et avoir trouvé un emploi d'expert comptable. La cour est en meure d'évaluer son préjudice à la somme de 5 000 €.

Sur la remise sous astreinte des documents sociaux

Il convient d'ordonner la remise des bulletins de paie et de l'attestation Pôle Emploi rectifiés conformément au présent arrêt sans qu'il y ait lieu de prononcer une astreinte.

Sur l'article 700 du code de procédure civile

L'équité commande d'allouer à l'appelante une somme de

1 500 € au titre de ses frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Confirme le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Montpellier, le 28 février 2020 en ce qu'il a rejeté la demande de rappel de salaire et la demande d'indemnité pour travail dissimulé,

L'infirme pour le surplus,

Statuant à nouveau,

Condamne la sarl ECMCC à payer à madame [P] [B] les sommes suivantes :

-5 840,35 € au titre des heures supplémentaires outre la somme de 175 € pour les congés payés y afférents,

-1 750 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis outre 175 € pour les congés payés y afférents,

-350 € au titre de l'indemnité de licenciement,

-5 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

-1 500 € sur le fondement d el'article 700 du code de procédure civile ;

Ordonne la remise d'une attestation Pôle Emploi et des bulletins de salaire rectifiés conformément au présent arrêt ;

Condamne la sarl ECMCC aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER LE CONSEILLER

Pour le président empêché

V. DUCHARNE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 2e chambre sociale
Numéro d'arrêt : 20/01423
Date de la décision : 05/04/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-04-05;20.01423 ?
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