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29/03/2023 | FRANCE | N°20/01149

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 2e chambre sociale, 29 mars 2023, 20/01149


Grosse + copie

délivrées le

à































COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



2e chambre sociale



ARRET DU 29 MARS 2023





Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 20/01149 - N° Portalis DBVK-V-B7E-OQ6M



ARRÊT n°



Décision déférée à la Cour : Jugement du 31 JANVIER 2020

CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE MONTPELLIER - N° RG F 19/00174

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APPELANTE :



CGEA UNEDIC Délégation AGS CGEA de CHALON SUR SAONE

[Adresse 4]

[Localité 6]



Représentée par Me Delphine CLAMENS-BIANCO de la SELARL CHATEL ET ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER, substituée par Me Andéa DA SILVA, avocat au ...

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

2e chambre sociale

ARRET DU 29 MARS 2023

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 20/01149 - N° Portalis DBVK-V-B7E-OQ6M

ARRÊT n°

Décision déférée à la Cour : Jugement du 31 JANVIER 2020

CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE MONTPELLIER - N° RG F 19/00174

APPELANTE :

CGEA UNEDIC Délégation AGS CGEA de CHALON SUR SAONE

[Adresse 4]

[Localité 6]

Représentée par Me Delphine CLAMENS-BIANCO de la SELARL CHATEL ET ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER, substituée par Me Andéa DA SILVA, avocat au barreau de MONTPELLIER

INTIMEES :

Madame [V] [R]

née le 10 Octobre 1976 à [Localité 7] MAROC

de nationalité Marocaine

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Alexandra DENJEAN DUHIL DE BENAZE de la SELARL LEXEM CONSEIL, avocat au barreau de MONTPELLIER

SELARL ALLIANCE MJ, ès-qualité de Mandataire Liquidateur de la SOCIETE ISOPROTECT RHONE ALPES

[Adresse 2]

[Localité 5]

Défaillant

Ordonnance de clôture du 20 Octobre 2022

COMPOSITION DE LA COUR :

En application de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 06 FEVRIER 2023, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l'article 804 du même code, devant la cour composée de :

Monsieur Jean-Pierre MASIA, Président

Madame Caroline CHICLET, Conseiller

Madame Isabelle MARTINEZ, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Marie-Lydia VIGINIER

ARRET :

- Réputé contradictoire ;

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par Madame Caroline CHICLET, Conseiller, en remplacement du président empêché et par Madame Marie-Lydia VIGINIER, Greffier.

*

* *

EXPOSE DU LITIGE :

[V] [R] a été engagée le 25 mars 2009 par la société France Sud Sécurité Services en qualité d'agent de sécurité dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée à temps partiel régi par la convention collective nationale des entreprises de prévention et de sécurité.

Son contrat de travail a été transféré à divers employeurs dont la société Isopro Sécurité Privée à compter du 1er septembre 2013.

Le 1er février 2016, son contrat a été transféré à la Sas Isoprotect Rhône Alpes.

Le 17 mai 2017, cette société a été placée en liquidation judiciaire et Maître [W] [M] de la Selarl Alliance MJ a été désigné ès qualités de liquidateur judiciaire.

Reprochant à son employeur d'avoir omis de reverser les cotisations de retraite prélevées sur ses rémunérations aux caisses de prévoyance et de retraite et d'avoir méconnu les dispositions d'ordre public relatives au temps partiel, [V] [R] a saisi le conseil des prud'hommes de Montpellier le 13 février 2019 pour voir reconnaître l'existence d'un travail dissimulé, requalifier le temps partiel en temps complet et obtenir la réparation de ses préjudices ainsi que l'application de ses droits.

Par jugement du 31 janvier 2020, ce conseil a :

- dit qu'il y a novation du contrat de travail ;

- dit que le travail dissimulé est établi ;

- fixé la créance de [V] [R] au passif de la liquidation judiciaire de la Sarl Isoprotect Rhône Alpes à la somme de 9.144,78 € à titre d'indemnité pour travail dissimulé ;

- ordonné la garantie de l'AGS CGEA de Chalon-sur-Saône ;

- ordonné au liquidateur judiciaire, ès qualités, de régulariser les cotisations sociales afférentes aux rémunérations auprès des caisses de prévoyance et de retraite sous astreinte de 30 € par jour de retard passé le délai de 30 jours à compter de la notification du jugement ;

- ordonné l'exécution provisoire de droit ;

- débouté les parties de leurs autres demandes ;

- dit le jugement opposable à l'AGS CGEA de Chalon-sur-Saône ;

- ordonné la transmission du dossier au procureur de la République du ressort ;

- fixé les dépens de l'instance au passif de la liquidation judiciaire de la société Isoprotect Rhône Alpes.

Le 25 février 2020, l'AGS CGEA de Chalon-sur-Saône a relevé appel à l'encontre de [V] [R] et de la société Isoprotect Rhône Alpes représentée par son liquidateur judiciaire des chefs du jugement ayant dit qu'il y avait novation du contrat, que le travail dissimulé était établi et fixé une créance au passif de la liquidation judiciaire.

L'AGS CGEA de Chalon-sur-Saône a remis au greffe ses conclusions le 16 avril 2020 et les a signifiées le 21 avril 2020, avec la déclaration d'appel et dans le mois de l'avis du greffe, au liquidateur judiciaire de la société Isoprotect Rhône Alpes, intimé non constitué ;

[V] [R], appelante à titre incident, a remis ses conclusions au greffe le 16 juillet 2020 ;

Par arrêt du 11 janvier 2023, la cour d'appel de Montpellier a ordonné la réouverture des débats à l'audience du 6 février 2023 sans révocation de la clôture prononcée le 20 octobre 2022 pour permettre :

- à [V] [R] de présenter ses observations sur l'éventuelle irrecevabilité de son appel incident dirigé contre la société Isoprotect Rhône Alpes représentée par son liquidateur judiciaire, intimée défaillante ;

- aux parties de présenter leurs observations sur les conséquences à l'égard de l'AGS CGEA de l'éventuelle irrecevabilité de l'appel incident dirigé contre l'intimée défaillante.

Vu les conclusions sur réouverture des débats de l'AGS CGEA de Chalon-sur-Saône remises au greffe le 16 janvier 2023 ;

Vu les conclusions sur réouverture des débats de [V] [R], appelante à titre incident, remises au greffe le 3 février 2023 ;

MOTIFS :

Sur la recevabilité de l'appel incident de [V] [R] à l'égard de la société Isoprotect Rhône Alpes :

[V] [R], appelante à titre incident, ne justifie pas avoir fait signifier, dans le délai des articles 909 et 911 du code de procédure civile, ses conclusions d'appel incident à son co-intimée non constituée, à savoir la société Isoprotect Rhône Alpes représentée par son liquidateur judiciaire, alors que cet appel incident est dirigé contre cette dernière.

Contrairement à ce qu'elle soutient, c'est sans atteinte du principe du contradictoire que [V] [R] n'a pas été rendue destinataire de l'avis d'avoir à signifier la déclaration d'appel adressé par le greffe à l'appelante principale le 22 avril 2020.

Et c'est à tort que [V] [R] soutient n'avoir pas été destinataire du message de l'appelante principale contenant la signification de sa déclaration d'appel et de ses conclusions à l'intimée non constituée alors qu'il résulte du message reçu au greffe le 23 avril 2020 (contenant cette signification remise au cabinet du mandataire liquidateur le 21 avril 2020) que celui-ci lui a été adressé en copie avec la pièce jointe sur sa messagerie électronique du réseau privé virtuel entre avocats.

Contrairement à ce que fait valoir [V] [R], c'est sans rupture du principe de l'égalité des armes qu'elle n'a pas été destinataire d'un avis d'avoir à signifier ses conclusions d'appel incident au co-intimé non constitué contre lequel son appel incident était dirigé.

En effet, dès lors qu'elle avait été avisée par l'appelante principale de la signification délivrée à l'intimé non constitué en application de l'article 902 et qu'elle n'avait pas été destinataire d'un avis de constitution de ce co-intimé, [V] [R] savait qu'elle devait faire signifier ses conclusions d'appel incident à ce co-intimé défaillant en application des articles 909 et 911 du code de procédure civile.

Par conséquent, et sans qu'il y ait lieu d'inviter [V] [R] à régulariser sa carence ainsi qu'elle le réclame, son appel incident (tendant à l'infirmation du jugement en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de requalification du temps partiel en temps complet et du rappel de salaire en découlant et de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile) dirigé contre la société Isoprotect Rhône Alpes représentée par son liquidateur judiciaire sera déclaré irrecevable.

Sur l'appel principal de l'AGS CGEA de Chalon-sur-Saône :

L'AGS conclut à l'infirmation du jugement en ce qu'il a fixé au passif de la liquidation judiciaire de la société Isoprotect Rhône Alpes une créance de 9.144,78€ à titre d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé et demande à la cour de dire cette demande irrecevable comme prescrite et, subsidiairement, de la dire mal fondée et de l'en débouter faute de rupture justifiée du contrat de travail.

[V] [R] conclut à la confirmation du jugement sur ce point.

Selon l'article L.1471-1 du code du travail dans sa version issue de la loi du 29 mars 2018 applicable au présent litige introduit le 13 février 2019 : 'Toute action portant sur l'exécution du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit.

Toute action portant sur la rupture du contrat de travail se prescrit par douze mois à compter de la notification de la rupture.

Les deux premiers alinéas ne sont toutefois pas applicables aux actions en réparation d'un dommage corporel causé à l'occasion de l'exécution du contrat de travail, aux actions en paiement ou en répétition du salaire et aux actions exercées en application des articles L. 1132-1, L. 1152-1 et L. 1153-1. Elles ne font obstacle ni aux délais de prescription plus courts prévus par le présent code et notamment ceux prévus aux articles L. 1233-67, L. 1234-20, L. 1235-7, L. 1237-14 et L. 1237-19-8, ni à l'application du dernier alinéa de l'article L. 1134-5.'

L'action en paiement de l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé est une action portant sur l'exécution du contrat (méconnaissance intentionnelle de l'employeur de se conformer à ses obligations déclaratives ou de paiement des salaires) même si cette indemnité n'est exigible qu'à compter de la rupture de ce dernier ; le délai applicable est donc celui de deux ans prévu à l'alinéa 1 de l'article précité.

Le point de départ de ce délai de prescription court à compter de la date à laquelle celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit, soit, en l'espèce et ainsi que le soutient justement [V] [R], la date à laquelle elle a eu connaissance des premières décisions de justice ayant reconnu, au bénéfice d'autres salariés de l'entreprise, l'absence de versement par l'employeur des cotisations de prévoyance et de retraite auprès des organismes sociaux.

Selon l'intimée, ces premiers jugements sont intervenus en novembre 2017, ce qui n'est pas discuté par l'AGS, et la prescription expirait en novembre 2019.

Par conséquent, l'action de [V] [R] n'était pas prescrite le 13 février 2019, date à laquelle elle a saisi le conseil des prud'hommes de sa demande en paiement.

La fin de non-recevoir opposée par l'AGS sera rejetée et le jugement confirmé de ce chef.

Sur le fond, [V] [R], pour s'opposer à l'appel de l'AGS, demande à la cour, en page 17 de ses écritures, de 'confirmer que le contrat de travail (...) a bel et bien été rompu par la société Isoprotect Rhône Alpes lorsqu'elle est passée au service d'un nouvel employeur en application de la convention collective des entreprises de prévention et de sécurité', ce qui rend exigible l'indemnité de l'article L.8221-3 du code du travail et la fixation de cette créance au passif de la liquidation judiciaire de la société Isoprotect Rhône Alpes.

[V] [R] ne produit pas l'acte par lequel son contrat de travail conclu avec la société Isoprotect Rhône Alpes aurait été transféré auprès d'une autre entreprise mais l'AGS ne discute pas l'existence d'un tel transfert ni le fait que ce transfert soit intervenu dans le cadre de l'avenant du 28 janvier 2011 à l'accord du 5 mars 2002 relatif à la reprise du personnel, applicable aux entreprises de prévention et de sécurité.

Cet avenant prévoit dans son préambule qu'il 'est expressément entendu que cet accord emporte ainsi révision des accords conclus les 18 octobre 1995 et 5 mars 2002 auxquels il se substitue intégralement à compter de la date fixée à l'article 7 du présent accord. Il ne s'inscrit ni dans le cadre de l'article 1224-1 du code du travail ni dans celui d'une application volontaire de cet article mais exclusivement dans le cadre d'un transfert de marché d'un prestataire à un autre'.

Si, selon les articles 3.1.1 et 3.1.2 de cet avenant du 28 janvier 2011, l'entreprise entrante a l'obligation, pour les salariés répondant aux critères définis à l'article 2.2, d'établir un avenant au contrat de travail dans lequel elle mentionne le changement d'employeur et reprend l'ensemble des clauses contractuelles qui lui seront applicables, cette reprise est toutefois exclue pour les régimes de retraite et de prévoyance et les usages et accords collectifs qui se substituent à ceux de l'entreprise sortante dès le premier jour de la reprise du marché ainsi que pour les autres éléments de salaire que ceux énoncés à l'alinéa 1 de l'article 3.1.2 qui ne sont pas soumis à cotisations sociales et qui ne sont pas prévus par la convention collective nationale des entreprises de prévention et de sécurité.

L'avenant de reprise conventionnelle signé entre le salarié et les entreprises sortante et entrante ne vise donc pas à la poursuite du même contrat de travail puisque, indépendamment des régimes de prévoyance et de retraite et des usages et accords collectifs applicables à l'entreprise entrante, certains éléments de la rémunération du salarié ne sont pas repris.

C'est d'ailleurs pourquoi l'article 3.2 prévoit que 'tout litige portant sur la période précédant le transfert est de la responsabilité de l'entreprise sortante'.

C'est donc à juste titre que [V] [R] soutient, contrairement à ce que fait valoir l'AGS, qu'une telle reprise implique la rupture du contrat de travail avec le précédent employeur et rend exigible l'indemnité de travail dissimulé.

En application des articles L.8221-3 et L.8221-5 du code du travail, dans leur version antérieure à la loi du 30 décembre 2017, le fait pour l'employeur de se soustraire intentionnellement aux déclarations qui doivent être effectuées aux organismes de sécurité sociale ou à l'administration fiscale, est réputé travail dissimulé.

En l'espèce, le relevé de situation individuelle de retraite de [V] [R] montre que la société Isoprotect Rhône Alpes n'a jamais versé les cotisations de retraite et de prévoyance de la salariée que ce soit en 2016 ou en 2017.

La durée de cette omission suffit à établir son caractère intentionnel.

C'est donc à bon droit que le conseil des prud'hommes a mis à la charge de cette société l'indemnité forfaitaire prévue par l'article L.8223-1 du code du travail, fixé au passif de sa liquidation judiciaire la créance de 9.144,78 € et ordonné au liquidateur judiciaire de régulariser la situation de [V] [R] auprès des organismes sociaux sous astreinte de 30 € par jour de retard passé le délai de 30 jours à compter du présent arrêt et le jugement sera confirmé sur ces points.

Les dépens de l'appel seront mis à la charge de la société Isoprotect Rhône Alpes représentée par son liquidateur judiciaire.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement ;

Déclare irrecevable l'appel incident de [V] [R] dirigé contre la société Isoprotect Rhône Alpes représentée par son liquidateur judiciaire, co-intimée non constituée ;

Confirme le jugement en toutes ses dispositions et y ajoutant ;

Met les dépens d'appel à la charge de la société Isoprotect Rhône Alpes représentée par son liquidateur judiciaire et fixe cette créance au passif de sa liquidation judiciaire.

LE GREFFIER LE CONSEILLER

Pour le président empêché

C. CHICLET


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 2e chambre sociale
Numéro d'arrêt : 20/01149
Date de la décision : 29/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-29;20.01149 ?
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