La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

22/03/2023 | FRANCE | N°20/04259

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 2e chambre sociale, 22 mars 2023, 20/04259


Grosse + copie

délivrées le

à















COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

2e chambre sociale

ARRET DU 22 MARS 2023



Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 20/04259 - N° Portalis DBVK-V-B7E-OWUJ



Décision déférée à la Cour :

Jugement du 01 SEPTEMBRE 2020

CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION DE DEPARTAGE DE MONTPELLIER N° RG 16/00570



APPELANTE :



S.A.S. TER TRANSPORTS

[Adresse 9]

[Localité 3]

Rep

résentée par Me Isabelle DAUTREVAUX de la SELARL CAZOTTES/DAUTREVAUX, avocat au barreau de MONTPELLIER

Représentée par Me Céline QUOIREZ de la SELARL CELINE QUOIREZ, avocat au barreau de NIMES



INTIME :



Monsieur [...

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

2e chambre sociale

ARRET DU 22 MARS 2023

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 20/04259 - N° Portalis DBVK-V-B7E-OWUJ

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 01 SEPTEMBRE 2020

CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION DE DEPARTAGE DE MONTPELLIER N° RG 16/00570

APPELANTE :

S.A.S. TER TRANSPORTS

[Adresse 9]

[Localité 3]

Représentée par Me Isabelle DAUTREVAUX de la SELARL CAZOTTES/DAUTREVAUX, avocat au barreau de MONTPELLIER

Représentée par Me Céline QUOIREZ de la SELARL CELINE QUOIREZ, avocat au barreau de NIMES

INTIME :

Monsieur [I] [D]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représenté par Me Philippe JABOT de la SELARL CHEVILLARD, JABOT, avocat au barreau de MONTPELLIER

Ordonnance de clôture du 20 Décembre 2022

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 10 JANVIER 2023,en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Véronique DUCHARNE, Conseillère, chargé du rapport.

Ce(s) magistrat(s) a (ont) rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

M. Jean-Pierre MASIA, Président

Mme Véronique DUCHARNE, Conseillère

Mme Isabelle MARTINEZ, Conseillère

Greffier lors des débats : M. Philippe CLUZEL

ARRET :

- contradictoire;

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par Mme Véronique DUCHARNE, Conseillière, en l'absence du Président empêché et par M. Philippe CLUZEL, Greffier.

*

* *

FAITS ET PROCÉDURE

Selon contrat de travail à durée indéterminée du 25 novembre 2014, M. [I] [D] a été embauché à temps complet par la SAS Ter Transports en qualité de conducteur super poids-lourds, moyennant une rémunération mensuelle brut de 1 484,84 €.

Le 20 décembre 2014, il a été impliqué dans un accident de la circulation au cours de sa journée de travail.

Le 23 janvier 2015, alors qu'il conduisait le véhicule poids-lourd de l'entreprise, il a de nouveau été impliqué dans un accident de la circulation au cours duquel il a été blessé.

Il a été placé en arrêt de travail pour accident du travail du 24 au 30 janvier 2015, cet arrêt étant par la suite régulièrement prolongé jusqu'au 13 mars 2016.

Par lettre du 19 février 2015, l'employeur a convoqué le salarié à un entretien préalable fixé au 27 février 2015.

Par lettre du 6 mars 2015, il lui a notifé son licenciement pour faute grave.

Par courrier du 20 janvier 2016, le salarié a été informé de ce que son incapacité permanente partielle était fixée à 28 % et de ce qu'il percevrait une rente trimestrielle de 713,26 €.

Par requête du 15 avril 2016, faisant valoir qu'un rappel de salaire pour heures supplémentaires lui étaient dû, qu'il était en droit d'obtenir l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé et que son licenciement était nul, le salarié a saisi le conseil de prud'hommes de Montpellier.

Le 22 novembre 2016, le salarié s'est vu notifier la reconnaissance de sa qualité de travailleur handicapé jusqu'au 8 février 2019 et l'allocation adulte handicapé lui a été attribuée.

Par jugement de départage notifié le 9 septembre 2020, le conseil de prud'hommes a :

- dit que la SAS Ter Transport n'avait pas respecté son obligation de sécurité à l'égard de son salarié M. [I] [D],

- dit que la rupture de la relation contractuelle devait s'analyser en un licenciement nul ;

- condamné la SAS Ter Transport à payer à M. [I] [D] les sommes suivantes :

* 5 000 € net de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité,

* 12 380 € net de dommages et intérêts pour licenciement nul,

* 476,52 € d'indemnité compensatrice de préavis et 47,65 € de congés payés afférents, en brut,

* 1 000 € net au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

- ordonné la remise par la SAS Ter Transport de l'attestation Pôle Emploi, du certificat de travail, du solde de tout compte et d'un bulletin de salaire récapitulatif rectifiés pour être conformes au jugement sous astreinte de 10 € par jour et par document à compter du 30ème jour après notification du présent jugement ;

- rappelé que les condamnations prononcées au profit de M. [I] [D] bénéficient de l'exécution provisoire de droit et sur la base d'un salaire mensuel moyen de 2063,36 € brut et a ordonné l'exécution provisoire pour le surplus,

- rappelé que de droit, l'intérêt à taux légal s'appliquera à la date de la saisine concernant les condamnations salariales, à la date de la décision concernant les créances indemnitaires,

- débouté les parties de toute autre demande, plus ample ou contraire,

- condamné la SAS Ter Transport aux dépens.

Par déclaration enregistrée au RPVA le 8 octobre 2020, l'employeur a régulièrement interjeté appel de ce jugement.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Aux termes de ses dernières conclusions enregistrées au RPVA le 30 juin 2021, la SAS Ter Transports demande à la Cour, au visa de l'article L4122-1 du Code du travail, de :

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté M. [I] [D] de sa demande tendant à l'octroi d'une indemnité pour travail dissimulé ;

- infirmer le jugement en ce qu'il a

* octroyé à M. [I] [D] la somme de 5 000 € de dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité résultat,

* dit le licenciement nul ; 

- dire la demande au titre du manquement à l'obligation de sécurité irrecevable et à tout le moins mal fondée ;

- débouter M. [I] [D] de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement nul et de sa demande d'indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents ;

- à titre reconventionnel, condamner M. [I] [D] à lui régler la somme de 1 500 € au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

Aux termes de ses dernières conclusions enregistrées au RPVA le 2 avril 2021, M. [I] [D] demande à la Cour, au visa des articles L. 1226-7, L.1226-9, L. 1235-3, L. 8221-5, L. 8223-1 du Code du travail, et des articles L.4121-1, L. 4121-2, L. 4644-1, R. 4644-1 à D 4644- 11 et L. 422-4 du Code de la Sécurité Sociale, de :

- dire et juger son appel incident recevable et bien fondé ;

- confirmer le jugement en ce qu'il a dit que la SAS Ter Transports n'avait pas respecté son obligation de sécurité à son égard, dit que la rupture de la relation contractuelle devait s'analyser en un licenciement nul, condamné cette dernière à lui payer les sommes au titre de la rupture abusive et du manquement à l'obligation de sécurité et en ce qu'il l'a condamnée aux dépens ;

- l'infirmer en qu'il a limité son indemnisation à la somme de 5.000 € net de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité, en ce qu'il l'a débouté de ses demandes au titre du travail dissimulé, de la rectification des bulletins de salaire tenant compte des heures de travail réalisées et condamné l'employeur au paiement des salaires en conséquence ;

- constater l'absence de faute grave de sa part ;

- dire et juger son licenciement nul ;

dire et juger que l'infraction de travail dissimulé est caractérisée ;

- condamner la SAS Ter Transports au paiement des sommes suivantes :

* 12.380,16 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul,

* 476,52 € brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre

* 47,65 € brut à titre d'indemnité compensatrice de congés payés afférente,

* 10.000 € à titre de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité de résultat relative à la protection de la santé de son salarié,

* 12.380,16 € à titre d'indemnité pour travail dissimulé ;

- ordonner la rectification des bulletins de salaire, tenant compte des heures de travail qu'il a réalisées et condamner l'employeur au paiement des salaires en conséquence ;

- dire et juger que les sommes seront assorties des intérêts légaux depuis l'introduction de la demande ;

- ordonner la délivrance des bulletins de salaire et documents de fin de contrat (attestation Pôle Emploi, certificat de travail, reçu pour solde de tout compte) conformes à la décision à intervenir, sous astreinte de 100 € par jour de retard et par document manquant à compter du huitième jour suivant la notification de la décision à intervenir, la Cour se réservant le droit de liquider ladite astreinte;

- condamner la SAS Ter Transports à lui payer la somme de 2.500€ sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- la condamner aux entiers dépens.

Pour l'exposé des prétentions des parties et leurs moyens, il est renvoyé, conformément à l'article 455 du Code de procédure civile, à leurs conclusions ci-dessus mentionnées et datées.

La procédure a été clôturée par ordonnance du 28 septembre 2022.

MOTIFS

Sur le rappel de salaires au titre des heures supplémentaires.

Aux termes de l'article L. 3171-2, alinéa 1er, du Code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés.

Selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

En l'espèce, le salarié fait valoir qu'il a accompli des heures supplémentaires non payées et ne chiffre pas sa demande.

Il indique que la comparaison entre ses bulletins de salaire et sa propre analyse des disques chronotachygraphes (pièce n°6) montre que les heures payées sont inférieures aux heures travaillées et précise que :

- pour décembre 2014, son analyse fait état de 204,16 heures travaillées alors que son bulletin de salaire mentionne la somme de 198,55 heures,

- pour janvier 2015, son analyse fait état de 115,45 heures travaillées alors que son bulletin de salaire mentionne la somme de 470,04 €.

Enfin, il relève que le bulletin de salaire de mars 2015 mentionne un solde négatif de -695,65 € net.

Il verse aux débats les documents qu'il commente.

Le premier juge a débouté le salarié au motif qu'il ne chiffrait pas sa demande alors qu'il résulte des dispositions combinées des articles 4 et 5 du Code de procédure civile qu'une demande en justice non chiffrée n'est pas, de ce seul fait, irrecevable.

Les éléments produits par le salarié sont suffisamment précis pour permettre à l'employeur de répondre.

Celui-ci verse aux débats les relevés mensuels des heures travaillées, lesquels mentionnent précisément, pour chaque journée, le début et la fin du travail, le temps de conduite et le temps de travail.

S'agissant du mois de décembre 2014, le nombre d'heures de service s'établit à 198,55 €, ce qui correspond au nombre d'heures payées (bulletin de paie de janvier 2015).

S'agissant du mois de janvier 2015, le nombre d'heures de service s'établit à 115,75. Certes, le bulletin de paie de février 2015 ne fait état que de 753,83 € brut après déduction des heures d'absence due à l'accident du travail, tout en mentionnant « à régulariser ultérieurement », mais le bulletin de paie de mars 2015 opère une régularisation des sommes dues, en ajoutant le montant du salaire de mars, à déduire du fait de l'arrêt de travail, en sorte que le salarié a été rempli de ses droits au titre des heures travaillées en janvier 2015.

La demande au titre des heures supplémentaires doit en conséquence être rejetée par substitution de motifs.

Sur le travail dissimulé.

La dissimulation d'emploi salarié prévue à l'article L 8221-5 du Code du travail n'est caractérisée que s'il est établi que l'employeur a, de manière intentionnelle, omis d'accomplir la formalité relative à la déclaration préalable à l'embauche ou de déclarer l'intégralité des heures travaillées.

L'article L 8223-1 du même Code, dans sa version applicable, prévoit qu'en cas de rupture de la relation de travail, le salarié concerné par le travail dissimulé a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

En l'espèce, la demande du salarié au titre du travail dissimulé est exclusivement liée à sa demande en paiement d'un rappel de salaire pour heures supplémentaires. Compte tenu de ce qui précède, il doit être débouté de sa demande en paiement d'une indemnité forfaitaire pour travail dissimulé.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il l'a débouté de cette demande.

Sur le licenciement pour faute grave et le licenciement nul.

La faute grave résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise. La charge de la preuve de la gravité de la faute privative des indemnités de préavis et de licenciement incombe à l'employeur débiteur qui prétend en être libéré.

La lettre de licenciement fixe les limites du litige et c'est au regard des motifs qui y sont énoncés que s'apprécie le bien-fondé du licenciement.

En l'espèce, la lettre de licenciement, est rédigée comme suit :

« Nous faisons suite à l'entretien préalable du 27 février dernier, et nous vous notifions par la présente votre licenciement motivé par les faits suivants :

Le vendredi 23 janvier 2015 vers 19h45, alors que vous conduisiez l'ensemble [Immatriculation 4]/[Immatriculation 6] sur l'autoroute A7 dans le sens sud-nord, au niveau de [Localité 8](84), vous avez perdu le contrôle du véhicule et heurté violemment le poteau en béton d'un pont.

Votre responsabilité est engagée à 100% dans cet accident.

Vous avez-vous-même été blessé lors du choc, et par chance, aucun tiers n'a subi les conséquences de cet accident. Le métier de conducteur routier exige une rigueur et une vigilance de tous les instants, et ce afin de maîtriser son véhicule et ainsi de s'assurer tant du maintien en bon état du matériel confié, que de la sécurité du chargement, de la sécurité des autres usagers de la route, et bien sûr de votre propre sécurité.

Nous déplorons les conséquences financières de cet accident. En effet, non seulement nous avons dû régler le dépannage du véhicule pour un montant de 1.837,80 €, mais le tracteur [Immatriculation 4] a été classé « épave ». La perte de ce véhicule professionnel a entraîné une désorganisation de notre activité, car il nous était nécessaire pour assurer nos tournées.

Ces fait sont tout à fait inadmissibles, d'autant plus qu'ils ne sont pas isolés. En effet, le 20 décembre 2014, à [Localité 7](84), vous avez heurté un pont, causant des dégâts très importants sur la semi-remorque immatriculée [Immatriculation 5]. Dans ce cas, votre responsabilité tait également engagée à 100%.

Vous avez été embauché le 25 novembre 2014. Nous constatons donc, en 2 mois

seulement d'activité, 2 accidents importants, qui, au-delà de leurs conséquences économiques, ont très sérieusement entaché notre confiance en vous en matière de sécurité routière. En effet, par un tel comportement, vous mettez en danger votre intégrité physique ainsi que celle des autres usagers de la voie publique, ce que nous ne pouvons accepter. Nous avons une obligation de résultats quant à votre intégration physique. Nous ne pouvons risquer de voir notre responsabilité engagée à cause de votre conduite dangereuse.

Votre comportement accidentogène étant de nature à augmenter grandement les probabilités de survenance d'un accident de la circulation, et risquant donc d'engager notre responsabilité sur ce point, vous comprendrez aisément que nous ne pouvons cautionner ce manque de professionnalisme, et qu'il nous est dès lors impossible de vous garder au sein de notre entreprise.

Ces agissements étant constitutifs de fautes graves, votre licenciement sans préavis prend effet immédiatement.

(...) ».

Pour établir la faute grave du salarié, l'employeur verse aux débats un bulletin météorologique du jour de l'accident contenant une carte de France dont il résulte que du vent était annoncé toute la journée dans le secteur géographique concerné, jusqu'à 100 kilomètre/heure l'après midi.

Alors que la charge de la preuve de la faute grave incombe exclusivement à l'employeur et que le salarié fait valoir qu'il a été contraint de prendre la route au volant d'un camion sous-chargé et qu'un vent violent était annoncé et soufflait au moment de l'accident, l'employeur ne produit aucun autre élément objectif relatif à l'accident de la circulation, notamment s'agissant du poids transporté par le véhicule.

La faute grave n'est par conséquent pas démontrée.

A la date de la rupture, le contrat de travail était suspendu du fait de l'arrêt de travail consécutif à l'accident du travail.

Or, en application de l'article L 1226-9 du Code du travail, la cessation de la relation contractuelle au cours de la période de suspension du contrat de travail, en l'absence de toute faute grave ou d'impossibilité pour l'employeur de maintenir le contrat pour un motif étranger à l'accident, s'analyse en un licenciement nul.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a dit le licenciement nul.

Sur les conséquences pécuniaires de la rupture.

Après avoir rappelé les dispositions légales et conventionnelles, constaté que le salarié sollicitait l'équivalent de six mois de salaire au titre du licenciement nul et qu'il devait bénéficier d'un préavis d'une semaine, le premier juge a, à raison, condamné l'employeur à verser au salarié les sommes suivantes :

- 12 380 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul,

- 476,52 € brut au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

- 47,65 € brut au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés afférents.

Sur le manquement de l'employeur à son obligation de sécurité.

L'article L 4121-1 du Code du travail dispose que l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Ces mesures comprennent

1° des actions de prévention des risques professionnels et de la pénibilité au travail,

2° des actions d'information et de formation,

3° la mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.

L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes.

En l'espèce, le salarié expose que son accident est en lien direct avec le manquement de l'employeur à son obligation de sécurité (véhicule sous-chargé malgré le vent violent annoncé) et sollicite la réparation de son préjudice physique et moral.

L'employeur oppose, pour la première fois en cause d'appel, l'exception d'incompétence du conseil de prud'hommes pour connaître de ce chef de demande, au profit du tribunal des affaires de sécurité sociale alors en vigueur au moment de la saisine.

Par message envoyé le 9 février 2023 par voie de RPVA aux conseils des deux parties, la cour a sollicité les observations de ces dernières sur la question de l'irrecevabilité de l'exception d'incompétence de la juridiction pour statuer sur la demande en dommages et intérêts liée au manquement de l'employeur à l'obligation de sécurité, cette exception de procédure étant soulevée pour la première fois en cause d'appel.

L'employeur a répondu s'en rapporter s'agissant de l'irrecevabilité de l'exception d'incompétence au profit du Pôle social, tandis que le salarié demande qu'elle soit déclarée irrecevable.

L'article 74 alinéa 1er du Code de procédure civile dispose que les exceptions doivent, à peine d'irrecevabilité, être soulevées simultanément et avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir. Il en est ainsi alors même que les règles invoquées au soutien de l'exception seraient d'ordre public.

Il résulte de ces dispositions légales que lorsqu'une exception de procédure est soulevée pour la première fois en appel, elle est irrecevable dans la mesure où des défenses au fond ont été présentées en première instance et où la condition tenant à l'invocation à titre in limine litis des exceptions de procédure n'est, de ce fait, pas remplie.

En l'espèce, l'exception d'incompétence pour connaître du manquement à l'obligation de sécurité est irrecevable faute d'avoir été soulevée avant toute défense au fond.

Si l'employeur, à qui incombe la charge de la preuve du respect de son obligation de sécurité, verse aux débats le document unique d'évaluation des risques, en revanche il ne produit aucun élément objectif relatif au chargement du véhicule conduit par le salarié alors qu'un vent jusqu'à 100 kilomètre/heure était annoncé pour l'après midi.

Il convient en conséquence de le condamner à payer au salarié la somme de 5.000 € à ce titre.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur les demandes accessoires.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a ordonné à l'employeur de délivrer sous astreinte au salarié un bulletin de salaire récapitulatif ainsi que l'attestation destinée à Pôle emploi, rectifiés.

Il sera tenu aux entiers dépens.

Il est équitable de le condamner à payer au salarié la somme de 2000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile pour les frais exposés en première instance et en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS :

La Cour, après en avoir délibéré, par arrêt mis à disposition au greffe ;

DECLARE irrecevable l'exception d'incompétence soulevée par la SAS Ter Transports pour la première fois en cause d'appel ;

CONFIRME le jugement du 1er septembre 2020 du conseil de prud'hommes de Montpellier ;

Y ajoutant,

CONDAMNE la SAS Ter Transports à payer à M. [I] [D] la somme de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile pour les frais exposés en première instance et en cause d'appel ;

CONDAMNE la SAS Ter Transports aux entiers dépens de l'instance ;

LE GREFFIER P/LE PRÉSIDENT EMPECHE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 2e chambre sociale
Numéro d'arrêt : 20/04259
Date de la décision : 22/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-22;20.04259 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award