La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

22/03/2023 | FRANCE | N°20/04244

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 2e chambre sociale, 22 mars 2023, 20/04244


Grosse + copie

délivrées le

à















COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

2e chambre sociale

ARRET DU 22 MARS 2023



Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 20/04244 - N° Portalis DBVK-V-B7E-OWTK



Décision déférée à la Cour :

Jugement du 10 SEPTEMBRE 2020

CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE PERPIGNAN N° RG F 18/00456



APPELANT :



Monsieur [X] [O]

[Adresse 4]

[Localité 3] MAROC

Repré

senté par Me ROUSSEAU avocat pour Me Sarah MASOTTA de la SELARL ALTEO, avocat au barreau de MONTPELLIER



INTIMEE :



S.A.S. FONTALVIE

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Michel ARIES de la SCP DONNADIEU-BRI...

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

2e chambre sociale

ARRET DU 22 MARS 2023

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 20/04244 - N° Portalis DBVK-V-B7E-OWTK

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 10 SEPTEMBRE 2020

CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE PERPIGNAN N° RG F 18/00456

APPELANT :

Monsieur [X] [O]

[Adresse 4]

[Localité 3] MAROC

Représenté par Me ROUSSEAU avocat pour Me Sarah MASOTTA de la SELARL ALTEO, avocat au barreau de MONTPELLIER

INTIMEE :

S.A.S. FONTALVIE

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Michel ARIES de la SCP DONNADIEU-BRIHI-REDON-CLARET-ARIES-ANDRE, avocat au barreau de PYRENEES-ORIENTALES

Ordonnance de clôture du 20 Décembre 2022

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 10 JANVIER 2023,en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Véronique DUCHARNE, Conseillère, chargé du rapport.

Ce(s) magistrat(s) a (ont) rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

M. Jean-Pierre MASIA, Président

Mme Véronique DUCHARNE, Conseillère

Mme Isabelle MARTINEZ, Conseillère

Greffier lors des débats : M. Philippe CLUZEL

ARRET :

- contradictoire ;

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par Mme Véronique DUCHARNE, Conseillère, en l'absence du Président empêché, et par M. Philippe CLUZEL, Greffier.

*

* *

FAITS ET PROCÉDURE

Selon contrat de travail à durée indéterminée du 29 octobre 2008 à effet au 2 février 2009, M. [X] [O] a été embauché par la SAS Fontalvie, dont l'objet principal est le développement de prestations dans le domaine de la santé, le conseil et les systèmes d'information, en qualité de chef de projet Win.Age, catégorie cadre, moyennant une rémunération de 3 411,32 € brut par mois.

Le jour de la signature de ce contrat, les parties ont signé une lettre d'engagement « sur le projet Win.Age [Localité 3] », par laquelle

* le groupe Fontalvie s'est engagé notamment

- à confier au cocontractant, « sous forme de mandat ou de salarié au choix de la société Fontalvie, la direction générale déléguée de la société Win.Age [Localité 3] actuellement en phase de création », cette fonction étant « prévue pour mise en oeuvre dans un délai maximum de 24 mois »,

- à rémunérer l'intéressé « sur une base fixe + part variable + autres avantages complémentaires », éléments précisés dans le document.

* M. [X] [O] s'est engagé notamment à démissionner de son poste de salarié sans contrepartie ni indemnité.

Le 18 juin 2014, les parties ont signé une lettre de mission portant sur « le développement du Groupe Fontalvie » au Maroc et impliquant le détachement du salarié à [Localité 3] avec pour objectif, la création d'une société Win.Age Maroc (qui s'appelera en définitive Fontalvie Maroc).

Courant septembre 2014, cette société a été créée.

M. [X] [O], actionnaire, a été investi du mandat de directeur général avec les pouvoirs les plus étendus.

Le 30 septembre 2014, le salarié a démissionné de son poste de chef de projet Win.Age de la SAS Fontalvie France.

Les documents de fin de contrat lui ont été remis le 1er octobre 2014.

Trois contrats de prestations de service ont été conclus successivement :

- le 1er octobre 2014, entre la société Fontalvie SAS France et la SARL.AU Olympe, société de droit marocain créée et représentée par M. [X] [O] son gérant, pour une durée d'un an renouvelable, moyennant une rémunération mensuelle de 9.075,82€ hors taxes par mois,

- le 2 janvier 2015, ce contrat annulant et remplaçant le précédent, entre la société Fontalvie SAS France et la société en nom propre [O] [X], représentée par M. [X] [O] son gérant, aux mêmes conditions,

- le 27 juin 2017 à effet au 1er juillet 2017 jusqu'au 30 juin 2018, sans reconduction automatique, entre la société Fontalvie SAS France et la société en nom propre [O] [X], représentée par M. [X] [O] son gérant, les missions étant modifiées ainsi que la rémunération mensuelle fixée à 6 400€ hors taxes à compter du 1er juillet 2017.

Le 21 décembre 2017, la résiliation du contrat de prestation de service du 27 juin 2017 a été signée par la SAS Fontalvie et [X] [O] société en nom propre, la résiliation prenant effet au 31 mars 2018 à l'expiration du préavis contractuel de trois mois.

Le 20 mars 2018, M. [X] [O] a démissionné de son mandat de directeur général de la SA Fontalvie Maroc à compter du 1er avril 2018.

Par requête du 13 novembre 2018, faisant valoir que la relation de travail à compter de 27 juin 2017 devait être requalifiée en relation salariée, M. [X] [O] a saisi le conseil de prud'hommes de Perpignan aux fins d'obenir la condamnation de la SAS Fontalvie à lui payer l'indemnité forfaitaire de travail dissimulé, des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ainsi que des sommes au titre des indemnités de rupture.

Par jugement du 10 septembre 2020, le conseil des prud'hommes a :

- constaté qu'à compter du 1er octobre 2014, il n'y avait plus eu de lien de subordination entre la Société Fontalvie et M. [X] [O] et qu'ils ont été liés par des contrats successifs de prestation de services jusqu'à la fin de leurs relations,

- rejeté la demande de requalification en contrat de travail salarié,

- dit que les contrats de services ont été exécutés en toute indépendance,

- débouté M. [X] [O] de toutes ses demandes,

- condamné ce dernier aux entiers dépens ainsi qu'à verser à la SAS Fontalvie la somme de 1.500 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- débouté les parties de leurs autres demandes.

Par déclaration enregistrée au RPVA le 8 octobre 2020, M. [X] [O] a régulièrement interjeté appel de toutes les dispositions de ce jugement.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Aux termes de ses dernières conclusions enregistrées au RPVA le 23 décembre 2020, M. [X] [O] demande à la Cour de :

- réformer l'intégralité des dispositions du jugement ;

- requalifier la relation de travail en relation salariée ;

- condamner en conséquence la société Fontalvie à lui payer les sommes suivantes étant précisé que les montants indemnitaires s'entendent net de CSG CRDS :

* 51.200 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 17.599 € au titre de l'indemnité de licenciement,

* 12.800 € au titre du reliquant d'indemnité compensatrice de préavis,

* 1.280 € à titre de congés payés sur préavis,

* 22.170 € à titre d'indemnité compensatrice de congés payés,

* 76.800 € à titre d'indemnité de travail dissimulé,

* 3.000 € en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;

* « entiers dépens ».

Aux termes de ses dernières conclusions enregistrées au RPVA le 17 février 2021, la SAS Fontalvie demande à la Cour, au visa de l'article L.8221-6 du Code du travail, de :

- confirmer le jugement ;

- constater qu'à compter du 1er octobre 2014 elle et M.[X] [O] étaient liés par des contrats de prestations de services ;

- dire et juger que ces contrats ont été exécutés en toute indépendance en dehors de tout lien de subordination ;

- débouter M. [X] [O] de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

- le condamner à lui payer la somme de 3.000 € au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, outre aux dépens de l'instance.

Pour l'exposé des prétentions des parties et leurs moyens, il est renvoyé, conformément à l'article 455 du Code de procédure civile, à leurs conclusions ci-dessus mentionnées et datées.

La procédure a été clôturée par ordonnance du 28 septembre 2022.

MOTIFS

Sur l'existence d'une relation salariée.

Il résulte des articles L1221-1 et L1221-2 du Code du travail que le contrat de travail suppose un engagement à travailler pour le compte et sous la subordination d'autrui moyennant rémunération.

En l'absence d'un contrat de travail écrit, c'est à celui qui allègue l'existence d'un tel contrat d'en rapporter la preuve. Le contrat de travail se caractérise par un lien de subordination juridique qui consiste pour l'employeur à donner des ordres, à en surveiller l'exécution et, le cas échéant, à en sanctionner les manquements.

En l'espèce, l'appelant fait valoir que la relation de travail avec l'intimée était, non pas une relation de prestation de services mais une relation salariée.

Il se fonde sur les éléments suivants :

- la concomitance entre sa nomination en qualité de directeur général de la SA Fontavie France et la signature des contrats de prestation de services, ses fonctions étant identiques et la SA ayant cherché à contourner les règles applicables au contrat de travail pour réduire ses charges sociales,

- leurs liens antérieurs dans le cadre d'une relation salariée et la poursuite de fonctions similaires,

- l'existence d'un lien de subordination en ce qu'il n'avait qu'un seul donneur d'ordres,

- la conservation du véhicule de fonction, du portable de fonction et de l'indemnité logement.

Tout d'abord, il doit être relevé que seule la période postérieure au 30 septembre 2014 est concernée par l'éventuelle requalification de la relation de travail en contrat de travail, cette date correspondant à la rupture du contrat de travail du 29 octobre 2008.

Ensuite, contrairement à ce que soutient l'appelant, la concomitance entre sa nomination en tant que directeur général et la signature du premier contrat de prestation de services ne suffit pas à établir la relation de travail salariée.

En effet, il ressort de la lettre d'engagement signée le jour de la conclusion du contrat de travail que la nomination de l'intéressé en qualité de directeur général de la structure devant être créée au Maroc dans le cadre du projet Win.Age (dont il était le chef de projet) était prévue dès la signature du contrat de travail et qu'il était convenu que les missions lui seraient alors confiées soit en tant que salarié soit de mandataire social « au choix ».

La circonstance selon laquelle l'appelant aurait poursuivi les fonctions qui lui avaient été confiées dans le cadre du contrat de travail de 2008 est contredite par les éléments du dossier.

En effet, l'analyse des documents contractuels produits montre que :

- dans le cadre du contrat de travail, il a été engagé en tant que chef de projet pour créer la structure Win.Age au Maroc, avant d'être détaché au Maroc dans le cadre de la lettre de mission de juin 2014, pour devenir chef de projet de la société marocaine et réaliser une étude de marché, une étude juridique, l'investissement, les travaux, le recrutement, la formation et l'exploitation,

- dans le cadre des deux premiers contrats de prestation de services, la société Olympe dont il était le gérant puis sa société en nom propre devaient mettre à disposition de la société ses connaissances et compétences en matière de conseil dans le domaine du management et stratégie des projets en cours de réalisation, développer l'activité de la société au Magrheb et au Moyen-Orient et prospecter le marché afin de faciliter l'implantation de la société dans différentses villes marocaines, au Maghreb et au Moyen-Orient,

- dans le cadre du dernier contrat de prestation de services, sa société en nom propre devait assurer le développement de la société marocaine sur le plan juridique, socio-économique et médico-scientifique, assurer le sérieux des prestations fournies, assurer régulièrement, au moins mensuellement, le reporting des activités, coordonner les actions de l'entreprise marocaine avec celles des filiales françaises, notamment la société R Révolution Santé Montpellier en vue d'une optimisation des différentes structures, assurer le transfert de compétences et de contenus entre les projets de Montpellier et de [Localité 3], développer les activités sur d'autres sites du Maroc et du Maghreb et mettre à disposition du conseil d'administration et de la SAS Fontalvie, ses connaissances et compétences.

Aucun autre élément objectif susceptible de prouver qu'il aurait, dans les faits, exercé les mêmes missions, n'est produit ni même allégué.

Le moyen tiré de l'existence d'un lien de subordination résultant des échanges de courriels produits est également inopérant.

En effet, aucun de ces échanges électroniques ne démontre l'existence d'un lien de subordination juridique entre lui et la SAS Fontalvie France.

Si cette dernière lui a réclamé un projet d'établissement à soumettre au commissaire aux comptes et si le responsable de la SAS Fontalvie France lui a signalé que les documents envoyés ne constituaient pas un tel projet, ces éléments ont été échangés dans le cadre du contrat de prestation de services dont l'objet a été rappelé ci-dessus.

Aucune de ces discussions ne démontre que l'intimée aurait eu la faculté de sanctionner l'appelant, autrement que par la résiliation du contrat de prestation de services.

Enfin, s'agissant de la conservation d'avantages tels qu'un véhicule de fonction, il ressort d'un courriel du 2 août 2017 produit par l'appelant que les dirigeants de l'intimée ont échangé un message relatif notamment au fait que l'intéressé prenait en charge son véhicule depuis le 1er juillet 2017.

Cet élément ne démontre pas à lui seul le lien de subordination juridique allégué.

Au surplus, l'intimée verse aux débats les factures établies à son nom :

- par la SARL Olympe pour les mois d'octobre et décembre 2014,

- par la société en nom propre [X] [O] pour les mois de janvier, février, juin 2015, février, juillet et septembre 2016, avril et octobre 2017 et février 2018.

Est également produit le courriel adressé le 1er octobre 2014 par l'appelant à la direction de la SAS Fontalvie dont il résulte que M. [O] lui-même a adressé le premier contrat de prestation de services, celui-ci précisant :

« (...) je te prie de trouver ci-joint le contrat de prestation entre ma société de consulting (en cours de constitution) et Fontalvie SAS.

Ce contrat est rédigé par le cabinet de Casablanca en droit marocain. (...) ».

Faute de preuve de l'existence d'une relation salariée à compter du 1er octobre 2014, l'intégralité des demandes de l'appelant doit être rejetée, y compris celle relative à l'indemnité forfaitaire de travail dissimulé.

Le jugement doit être confirmé en toutes ses dispositions.

Sur les demandes accessoires.

L'appelant sera tenu aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Il est équitable de le condamner à payer à l'intimée la somme de 3000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile pour les frais exposés en première instance et en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS :

La Cour, après en avoir délibéré, par arrêt mis à disposition au greffe ;

CONFIRME l'intégralité des dispositions du jugement du 10 septembre 2020 du conseil de prud'hommes de Perpignan ;

Y ajoutant,

CONDAMNE M. [X] [O] à payer à la SAS Fontalvie la somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

CONDAMNE M. [X] [O] aux entiers dépens de l'instance ;

LE GREFFIER P/ LE PRESIDENT EMPECHE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 2e chambre sociale
Numéro d'arrêt : 20/04244
Date de la décision : 22/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-22;20.04244 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award