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22/03/2023 | FRANCE | N°20/03197

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 2e chambre sociale, 22 mars 2023, 20/03197


Grosse + copie

délivrées le

à































COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

2e chambre sociale

ARRET DU 22 MARS 2023



Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 20/03197 - N° Portalis DBVK-V-B7E-OUUH



Décision déférée à la Cour :

Jugement du 02 JUILLET 2020

CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE CARCASSONNE N° RG 18/00127



APPELANTE :



Madame [E] [U

]

[Adresse 3]

[Localité 1]

Représentée par Me Valérie RENEAUD, avocat au barreau de CARCASSONNE



INTIMEE :



Société ATALIAN PROPRETE PACA (SAS)

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représentée par Me Yann GARRIGUE de la SELARL LEXAVOUE M...

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

2e chambre sociale

ARRET DU 22 MARS 2023

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 20/03197 - N° Portalis DBVK-V-B7E-OUUH

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 02 JUILLET 2020

CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE CARCASSONNE N° RG 18/00127

APPELANTE :

Madame [E] [U]

[Adresse 3]

[Localité 1]

Représentée par Me Valérie RENEAUD, avocat au barreau de CARCASSONNE

INTIMEE :

Société ATALIAN PROPRETE PACA (SAS)

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représentée par Me Yann GARRIGUE de la SELARL LEXAVOUE MONTPELLIER GARRIGUE, GARRIGUE, LAPORTE, avocat au barreau de MONTPELLIER

Représentée par Me Daniel SAADAT de la SELARL LPS AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS

Ordonnance de clôture du 27 Décembre 2022

COMPOSITION DE LA COUR :

En application de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 17 JANVIER 2023, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l'article 804 du même code, devant la cour composée de :

M. Jean-Pierre MASIA, Président

Monsieur Richard BOUGON, Conseiller

Madame Magali VENET, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : M. Philippe CLUZEL

ARRET :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, délibéré prorogé au 22/03/2023, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par M. Richard BOUGON, Conseiller, en l'absence du Président empêché, et par M. Philippe CLUZEL, Greffier.

*

* *

FAITS ET PROCÉDURE

Mme [E] [U] a été engagée à compter du 1er mai 2016 par la société TFN Propreté, devenue la Sas Atalian Proprete Paca en qualité d'agent de service, échelon 3, catégorie A selon plusieurs contrats de travail à durée déterminée à temps complet moyennant, au dernier état de la relation contractuelle, une rémunération brute mensuelle de 1545,51€.

Le dernier contrat à durée déterminée conclu entre les parties a pris fin le 31 mai 2018.

Par courrier du 1er juillet 2018, Mme [U] a sollicité la régularisation de ses bulletins de paie après avoir constaté plusieurs erreurs.

Par courrier du 27 juillet 2018, la société a répondu que les bulletins de paie étaient conformes aux relevés d'heures établis.

Sollicitant la requalification de ses CDD en CDI ainsi que diverses sommes à titre salariale et indemnitaire, la salariée a saisi le 21 octobre 2018 le conseil de prud'hommes de Carcassonne lequel par jugement du 2 juillet 2020 a :

Dit que les demandes additionnelles sont recevables, les retenues sur salaire pour 'absence autorisée' sont irrégulières, le contrat à durée déterminée du 1/10/2016 au 31/10/16 est requalifié en contrat à durée indéterminée, l'ensemble des autres contrats à durée déterminée sont réguliers, l'employeur ne s'est pas rendu coupable de travail dissimulé.

Condamné la société TFN Propreté à verser à Mme [U] les sommes suivantes :

*3080,20€ à titre de rappel de salaire sur retenue pour absences,

*779,59€ à titre de rappel de salaire sur jours feriés,

*385,92€ à titre de congés payés sur rappel de salaire,

*1547€ à titre d'indemnité de requalification de CDD en CDI,

*100€ au titre du non respect de la procédure de licenciement,

*1000€ au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 357,27€ au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

* 3572€ au titre des congés payés sur préavis,

- ordonné la remise de l'attestation Pôle emploi et des bulletins de paie rectifiés en conformité avec le présent jugement sous astreinte de 10€ par jour à compter d'un mois après la notification du présent jugement et ce pour une durée de deux mois,

- ordonné l'exécution provisoire du présent jugement,

- débouté les parties de l'ensemble des autres demandes,

- condamné la société TFN à verser à Mme [U] la somme de 1250€ au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

C'est le jugement dont Mme [E] [U] a régulièrement interjeté appel le 30 juillet 2020.

MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES

Dans ses dernières conclusions déposées par RPVA le 4 février 2021, Madame [E] [U] demande à la Cour de :

- Réformer le jugement du conseil de prud'hommes en ce qu'il a debouté Mme [U] de ses demandes en paiement des sommes suivantes :

* 385,92€ à titre de prime de précarité sur le rappel de salaire due au titre des heures d'absences autorisées,

* 147, 27€ au titre des heures supplémentaires,

* 14, 72€ à titre de congés payés sur les heures supplémentaires,

* 9282€ à titre d'indemnité pour travail dissimulé,

* 2000€ au titre du préjudice subi du fait du non respect de l'amplitude horaire et des temps de repos,

* 713,50€ au titre de l'indemnité de licenciement.

- Réformer le jugement en ce qu'il a considéré qu'un seul contrat à durée déterminée, le CDD en date du 1/10/2016 devait être requalifié en CDI, et a alloué des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse, indemnité compensatrice de préavis, et indemnité de congés payés sur préavis en se fondant sur une ancienneté d'un mois.

En conséquence,

- Dire et juger que les contrats à durée déterminée doivent être requalifiés en contrat à durée indéterminée,

- Dire et juger que la rupture du contrat de travail de Mme [U] est abusive et s'analyse en un licenciement sans cause réelle ou sérieuse,

- Condamner, en conséquence, la société TFN Propreté à payer à Mme [U] les sommes suivantes :

* 3080,20€ à titre de rappel de salaire pour la période de mai 2016 à mai 2018 correspondant au différentiel entre le salaire payé et le salaire dû à temps complet,

* 308,08€ au titre des congés payés sur le rappel de salaire,

* 308,02€ au titre de la prime de précarité sur le rappel de salaire,

* 779,59€ à titre de rappel de salaire correspondant à des jours feriés,

* 77, 95€ à titre de congés payés sur le rappel de salaire,

* 77,95€ à titre de prime de précarité sur le rappel de salaire,

* 147,27€ à titre de rappel de salaire en paiement d'heures supplémentaires,

* 14,74€ à titre de congés payés sur le rappel de salaire,

* 14,74€ à titre de prime de précarité sur le rappel de salaire,

* 9282€ à titre d'indemnité pour travail dissimulé,

* 2000€ à titre de requalification d'un CDD en CDI,

* 4641,12€ à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 1500€ à titre de non-respect de la procédure de licenciement,

* 713,50€ à titre d'indemnité de licenciement,

* 3094€ à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

* 309,40€ à titre de congés payés sur le préavis,

* 2000€ à titre de réparation du préjudice subi du fait du non-respect de l'amplitude horaire et des temps de repos,

A titre subsidiaire,

Si la Cour considérait que Mme [U] a perdu son ancienneté entre deux CDD du fait de la période d'interruptuon, elle est fondée à solliciter une indemnité de requalification pour chacun de ses CDD irréguliers, soit la somme de 20.000€.

En toute hypothèse,

Ordonner la remise de l'attestation Pôle emploi et des bulletins de paie rectifiés sous astreinte de 50€ par jour de retard à compter de la décision à intervenir,

Débouter la société Atalian Propreté de l'ensemble de ses demandes,

Condamner la société TFN Propreté à verser à Mme [U] la somme de 1250€ à titre d'article 700 du Code de procédure civile de première instance et la somme de 2000€ sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, outre les entiers dépens.

Dans ses dernières conclusions déposées par RPVA le 16 décembre 2020, la Sas Atalian Propreté Paca demande à la cour de :

Infirmer le jugement rendu le 2 juillet 2020 par le conseil de prud'hommes de Carcassonne en ce qu'il a :

- Dit que les demandes additionnelles sont recevables, les retenues sur salaire pour absences sont irrégulières, le contrat à durée déterminée du 1/10/2016 au 31/10/16 est requalifié en contrat à durée indéterminée,

Condamné la société TFN Propreté à verser à Mme [U] les sommes suivantes :

*3080,20€ à titre de rappel de salaire sur retenue pour absences,

*779,59€ à titre de rappel de salaire sur jours feriés,

*385,92€ à titre de congés payés sur rappel de salaire,

*1547€ à titre d'indemnité de requalification de CDD en CDI,

*100€ au titre du non respect de la procédure de licenciement,

*1000€ au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 357,27€ au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

* 3572€ au titre des congés payés sur préavis

* 1250€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné la remise de l'attestation Pôle emploi et des bulletins de paie rectifiés en conformité avec le présent jugement sous astreinte de 10€ par jour à compter d'un mois après la notification du présent jugement et ce pour une durée de deux mois,

Confirmer le jugement du conseil de prud'hommes en ce qu'il a :

- dit que l'ensemble des autres contrats à durée déterminée sont réguliers,

- dit que l'employeur ne s'est pas rendu coupable de travail dissimulé,

- débouté la salariée du surplus de ses demandes.

Sur ce la Cour, statuant à nouveau,

Dire et juger irrecevables les demandes nouvelles formulées par Mme [U] en cours de procédure à savoir :

*779,59€ à titre de rappel de salaire correspondant à des jours feriés dont les heures ont été retenues indûment,

* 280,56€ à titre de rappel de salaire pour le 1er mai 2016 et le 1er mai 2018 outre les sommes de 28,05€ pour les congés payés afférents et de 28,05€ à titre de rappel de prime de précarité,

* 9282€ à titre d'indemnité pour travail dissimulé,

* 1500 à titre de dommages et intérêts pour non-respect de la procédure de licenciement,

- débouter Mme [U] de l'intégralité de ses demandes,

- la condamner au paiement de la somme de 1000€ sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Pour l'exposé des moyens il est renvoyé aux conclusions précitées en application des dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile.

L'instruction du dossier a été clôturée par ordonnance du 27 février 2022 fixant la date d'audience au 17 janvier 2023.

SUR CE

Sur la recevabilité des demandes additionnelles

La société Atalian Propreté conclut à l'infirmation du jugement du conseil des prud'hommes qui a déclaré recevable les demandes additionnelles formulées par la salariée en cours d'instance prud'homale.

L'employeur fait valoir que les demandes additionnelles au titre du travail dissimulé, du non respect de la procédure de licenciement et du rappel de salaire au titre des jours fériés ne se rattachent pas par un lien suffisant aux prétentions originaires, ce qui est contesté par Mme [U].

La requête introductive d'instance saisissant le conseil de prud'hommes de Perpignan date du 26 octobre 2018, soit postérieurement à l'abrogation de la règle de l'unicité de l'instance.

Dès lors que la requête introductive d'instance du 21 octobre 2018 fait mention de prétentions salariales au titre d'heures non rémunérées pour la période de mai 2016 à mai 2018, les demandes de rappel de salaire pour la même période au titre des jours fériés et la demande d'indemnisation au titre du travail dissimulé qui en découle se rattachent par un lien suffisant à ces prétentions originaires. Il en est de même de la demande d'indemnité pour non respect de la procédure de licenciement qui se rattache par un lien suffisant à la demande originaire de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Il y a lieu confirmer le jugement du conseil de prud'hommes sur ce point.

Sur l'exécution du contrat de travail,

Sur le rappel de salaire au titre des heures supplémentaires,

Mme [U] conclut à l'infirmation du jugement du conseil de prud'hommes qu'il l'a déboutée de sa demande de rappel au titre des heures supplémentaires. Elle sollicite les sommes de 147, 27€ à titre rappel de salaire, 14,72€ de congés payés afférents et 14,74€ à titre de prime de précarité sur le rappel de salaire.

Elle produit aux débats :

- ses plannings mensuels et quotidiens de septembre à novembre 2016 et de janvier 2017 à mai 2018 signés par son responsable.

- un tableau manuscrit récapitulant le nombre d'heures supplémentaires effectuées, à titre hebdomadaire, pour la période d'octobre 2016 à mai 2018. Elle indique avoir effectué, sur une période de 8 semaines, entre une heure et demi et huit heures supplémentaires par semaine, soit une moyenne de 5,5 heures supplémentaires par semaine.

Ces éléments sont suffisamment précis pour permettre à l'employeur d'y répondre.

L'employeur conteste la réalité des heures supplémentaires effectuées par Mme [U] mais ne produit aucune pièce permettant de contredire les éléments produits par la salariée, étant rappelé que les plannings ont été signés par le responsable hiérarchique de la salariée.

Il y a lieu de réformer le jugement du conseil de prud'hommes et d'accorder à Mme [U] la somme de 147,27€ à titre de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires effectuées, outre la somme de 14,72€ à titre de congés payés afférents.

Sur les retenues sur salaire pour absences

La Sas Atalian Propreté conclut à la réformation du jugement du conseil de prud'hommes qu'il l'a condamné à verser à la salariée les sommes de 3080,20€ à titre de rappel de salaire sur retenue pour absences injustifiées et 308,20€ au titre des congés payés afférents.

Il fait valoir que le conseil de prud'hommes a inversé la charge de la preuve en estimant que l'employeur ne rapportait pas la preuve de l'absence de la salariée aux dates pour lesquelles des retenues sur salaire avaient été effectuées. Il ajoute que la salariée n'a pas contesté ces retenues sur salaire jusqu'à la saisine du conseil de prud'hommes, que celles-ci correspondent à la prise autorisée de congés sans solde et non à des impératifs de changements de service et que le décompte des jours fériés produits par la salariée, établi a posteriori pour les seuls besoins de la cause, est dépourvu de force probante.

Mme [U] conclut à la confirmation du jugement du conseil de prud'hommes. Elle fait valoir qu'elle a travaillé pendant les périodes pour lesquelles des retenues sur salaire ont été effectuées, n'a sollicité aucune absence aux dates indiquées et pour preuve, n'a jamais rempli le document type de demande d'autorisation d'absence. Elle précise que cette déduction d'heures, réitérée tous les mois, était délibérée et constituait pour l'employeur un moyen d'échapper au paiement du salaire à temps plein.

Elle produit aux débats un tableau manuscrit détaillant les retenues sur salaire opérées par l'employeur pour la période de mai 2016 à mars 2018, pour un total de 3080,20€ ainsi que le formulaire vierge de demande d'autorisation d'absence qui doit en principe être transmis et validé par la hiérarchie.

L'employeur, auquel incombe la charge de la preuve du paiement du salaire et qui se prétend libérer de ce paiement doit en justifier. Dès lors que l'employeur ne produit aucun justificatif des absences de la salariée alors qu'un formulaire type de demande d'autorisation d'absence était spécifiquement établi à ce titre, échoue à apporter la preuve des absences de la salariée. Il y a lieu de confirmer le jugement du conseil de prud'hommes qui a alloué à Mme [U] les sommes de 3080,20€ à titre de rappel de salaire, outre la somme de 308,20€ au titre des congés payés afférents.

Sur le rappel de salaire correspondant à des jours fériés

La Sas Atalian Propreté conclut à la réformation du jugement du conseil de prud'hommes qui l'a condamnée à verser à Mme [U] les sommes de 779,59€ à titre de rappel de salaire, outre la somme de 77, 95€ de congés payés afférents correspondant à des retenues sur salaire pour jours feriés injustifiées.

La société fait valoir que la salariée ne bénéficiait pas de l'ancienneté minimum de 3 mois requise pour bénéficier de la rémunération des jours fériés. Elle se prévaut également de l'article 4.7.5 de la convention collective applicable selon laquelle le paiement des jours fériés chômés est conditionné à l'accomplissement de la dernière journée de travail précédant le jour férié et de la journée suivant le jour férié, ce qui n'était, selon elle, pas le cas en l'espèce.

Mme [U] conclut à la confirmation du jugement du conseil de prud'hommes. Elle produit aux débats ses bulletins de paie, un tableau récapitulatif des retenues sur salaire effectuées au titre des jours fériés et ses plannings.

Les bulletins de paie indiquent que les retenues sur salaire suivantes ont été effectuées:

- 140,28€ en mai 2016 correspondant à deux jours fériés,

- 140,28€ en novembre 2016 correspondant à deux jours fériés,

- 70, 63€ en avril 2017 au titre du lundi de Pâques (17 avril 2017),

- 71,40€ en avril 2018 au titre du lundi de Pâques (2 avril 2018),

- 214,20€ en mai 2018.

Les plannings, qui ne sont pas contestés, indiquent que la salariée a travaillé le 17 avril 2017 (lundi de Pâques), les 1er, 8 et 10 mai 2018. En revanche, elle n'a pas travaillé le 1er et le 11 novembre 2016, ni le 2 avril 2018.

L'article 4.7.5 de la convention collective nationale des entreprises de propreté prévoit que:

' les jours fériés sont ceux qui sont déterminés par la législation en vigueur.

Les jours fériés chômés sont payés, sauf s'ils tombent un jour de repos habituel, à tout salarié ayant 3 mois d'ancienneté révolus et ayant accompli à la fois la dernière journée de travail précédant et la première journée de travail suivant le jour férié, sauf absence autorisée.

Ces conditions d'ancienneté et de présence ne sont pas requises pour le 1er Mai.

Les jours fériés sont rémunérés sur la base de l'horaire journalier habituel de travail.

Lorsque ces jours sont travaillés, les heures de travail sont majorées dans les conditions ci-après ' heures de travail effectuées normalement les jours fériés conformément au planning et/ou contrat de travail du salarié : 50 % ;

' heures de travail effectuées exceptionnellement les jours fériés non prévues au planning ni au contrat de travail : 100 %.'

Il résulte des dispositions susvisées que les cinq jours fériés travaillés par Mme [U] devaient être rémunérés et faire l'objet d'une majoration de 50%, ce qui, après analyse des bulletins de salaire, n'a pas été le cas.

En revanche, le paiement des jours fériés non travaillés était subordonnée, selon la convention collective applicable, à une condition d'ancienneté de trois mois. Or, Mme [U] ne bénéficiait pas de l'ancienneté suffisante car celle-ci avait été perdue à chaque période d'interruption de ses CDD.

Après rectificatifs des calculs effectués, il convient de réformer le jugement du conseil de prud'hommes sur le quantum des sommes allouées à ce titre et d'accorder à Mme [U] la somme de 637,66€ à titre de rappel de salaire sur jours fériés outre la somme de 63,76€ de congés payés afférents.

Sur le travail dissimulé,

Mme [U] sollicite la somme de 9282€ à titre d'indemnité pour travail dissimulé. Elle fait valoir que son employeur a volontairement omis de déclarer certaines heures de travail. Elle ajoute que la déduction des heures d'absences, réitérée tous les mois, constituait un mode de gestion imposé aux salariés à temps plein, lié aux impératifs de management d'agents de service à l'hôpital, démontrant l'intention de l'employeur d'échapper au paiement des heures dues.

La dissimulation d'emploi salarié prévue à l'article L. 8221-5 du code du travail n'est caractérisée que s'il est établi que l'employeur a, de manière intentionnelle, mentionné sur le bulletin de paie un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement effectué.

Les circonstances ci-dessus dans lesquelles les heures supplémentaires ont été accomplies et les retenues sur salaire effectuées au titre des jours fériés et des heures d'absence autorisée, de surcroît pour un nombre limité, ne permettent pas d'en déduire ou de retenir l'existence d'une intention coupable de dissimuler sciemment une partie de l'activité salariée. Il y a lieu de confirmer le jugement du conseil de prud'hommes sur ce point.

Sur le non-respect des durées de repos quotidien et hebdomadaire

Mme [U] sollicite la somme de 2000€ au titre du préjudice subi du fait du non respect du repos quotidien et hebdomadaire.

Sur le repos hebdomadaire

Mme [U] soutient qu'elle a travaillé plus de six jours par semaine, du dimanche 6 mai 2018 au samedi 12 mai 2018 inclus, en violation des dispositions de l'article L. 3132-1 du code du travail.

L'article L. 3132-1 du code du travail prévoit qu'il est interdit de faire travailller un même salarié plus de six jours par semaine. L'article L. 3121-35 du code du travail précise que la semaine débute le lundi à 0 heure et se termine le dimanche à 24 heures.

La société rétorque que le contrôle du repos hebdomadaire s'opère par semaine civile calendaire, du lundi au dimanche, et non sur sept jours glissants et fait valoir que la salariée n'a jamais travaillé sept jours consécutifs d'une même semaine calendaire.

En vertu des dispositions susvisées, toute semaine civile, du lundi 0h au dimanche 24h, doit comporter un jours de repos de 24 heures consécutives minimum. Le fait que Mme [U] ait été occupée 7 jours consécutifs ne contrevient pas à cette règle dans la mesure ou son repos hebdomadaire pouvait lui être accordée par roulement et qu'elle bénéficiait au moins d'un jour de repos au cours de la semaine civile. Il y a lieu de confirmer le jugement du conseil de prud'hommes sur ce point.

Sur le repos quotidien

Mme [U] soutient qu'elle n'a pas pu bénéficier de la durée minimale de repos quotidien prévu par l'article L. 3131-1 du code du travail.

L'article L. 3131-1 du code du travail fixe à onze heures consécutives la période minimale du repos journalier, ce dont il se déduit l'interdiction de dépasser une amplitude journalière de treize heures.

En l'espèce, la salariée démontre avoir ponctuellement bénéficié d'un temps de repos quotidien inférieur à onze heures. Cependant, la salariée qui se borne à invoquer un préjudice 'du fait de la violation par l'employeur des dispositions légales' ne caractérise pas et ne justifie pas le préjudice qui en serait résulté pour elle. En conséquence, il y a lieu de confirmer le jugement qui l'a deboutée de sa demande à ce titre.

Sur la requalification des CDD en CDI,

Mme [U] conclut à la réformation du jugement du conseil de prud'hommes en ce qu'il a considéré qu'un seul contrat à durée déterminée, le CDD du 1 octobre 2016 au 31 octobre 2016 devait être requalifié en contrat à durée indéterminée. Elle fait valoir que ses autres contrats à durée déterminée devaient également être requalifiés.

La salariée qui était embauchée pour pourvoir le remplacement d'un salarié absent, nommément désigné sur le contrat de travail, soutient qu'en pratique elle remplaçait plusieurs salariés absents, différents de ceux mentionnés au contrat. Elle ajoute qu'elle était affectée à différents services alors qu'en principe chaque agent d'entretien titulaire est affecté à un seul service. Elle produit aux débats :

- une attestation de Mme [V], agent d'entretien, ancienne employée de la société, qui indique avoir été titulaire d'un poste fixe, au sein d'un service défini le SMUR/SAMU, au centre hospitalier et ne se déplaçait sur aucun autre service,

- une attestation de Mme [M], aide soignante embauchée par la société de 2010 à 2018 qui indique que toutes les aides titulaires étaient affectées à un seul et même service,

- ses plannings mensuels, signés par son responsable, pour la période de septembre 2016 à mai 2018. Certains plannings font mention d'un ou plusieurs salariés remplacés différents de ceux mentionnés au contrat de travail :

* le contrat du 1er octobre au 31 octobre 2016 mentionne le salarié absent ([Y]) différent de ceux indiqués sur le planning ([I] et [K]),

* le contrat du 03 janvier 2017 au 31 janvier 2017 mentionne le salarié absent ([D]) et le planning du même mois indique le remplacement de deux salariés ([D] et Mme [R]),

* le contrat du 1er avril 2017 au 30 avril 2017 mentionne le salarié absent ([N]), et le planning mentionne des noms de salariés remplacés différents ([V], [N], [W]).

En réplique, la société fait valoir que la demande de requalification, qui porte sur le non respect du formalisme des CDD est irrecevable, la prescription biennale applicable ayant été dépassée. Par ailleurs, elle soutient qu'elle était libre d'affecter la salariée au sein de différents services en application de la clause prévue à l'article 6 de son contrat de travail qui prévoit son affectation sur l'intégralité du centre hospitalier de [Localité 5], et non sur un service spécifique. Elle ajoute que la mention, sur les plannings, de deux salariés (le nom du salarié remplacé et le nom du salarié dont le poste était réellement occupé) s'explique par le recours à la technique du remplacement en cascade, pour éviter que Mme [U] soit affectée sur les services les plus sensibles du centre hospitalier.

En l'espèce, il s'agit d'une action en contestation qui porte sur la réalité du motif de remplacement et non sur le non respect du formalisme des contrats, celui-ci n'étant pas contesté. La prescription biennale s'applique et le point de départ du délai de prescription court, en présence de contrats successifs, à compter du terme du dernier contrat à durée déterminée, soit le 31 mai 2018. Lors de la saisine du conseil de prud'hommes, le 21 octobre 2018, cette action n'était pas prescrite.

Tous les contrats signés par Mme [U] ont été motivés pour pourvoir le remplacement de salariés absents, nommément désignés sur les contrats. Toutefois, certains plannings produits aux débats font mention d'un ou plusieurs salariés remplacés différents de ceux mentionnés sur les contrats de travail. Tel est le cas du contrat conclu pour le mois d'octobre 2016, qui fait mention d'un salarié remplacé différent de ceux indiqués sur le planning. Il ne s'agit pas d'un remplacement en cascade, puisque dans un tel cas de figure, la salariée n'aurait remplacé qu'un seul salarié, et non plusieurs. Un contrat à durée déterminée ne pouvant être conclu pour le remplacement de plusieurs salariés absents, la relation de travail doit être requalifiée en contrat à durée indéterminée à compter du 1 octobre 2016.

En revanche, contrairement à ce que soutient la salariée, l'employeur n'était pas tenu de l'affecter à un seul service précisément défini, sauf hypothèse de contractualisation dudit service, ce qui n'est pas démontré. Ni les contrats, ni les témoignages produits par la salariée ne font mention d'une telle contractualisation.

Il y a lieu de confirmer le jugement du conseil de prud'hommes sur ce point.

Sur les conséquences de la requalification du CDD en CDI,

La relation de travail ayant été requalifiée à durée indéterminée, il convient d'analyser la rupture intervenue le 30 novembre 2016 sans mise en oeuvre de la procédure de licenciement en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Mme [U], née le 21 septembre 1976, disposait d'une ancienneté de 3 mois le 30 novembre 2016, celle-ci ayant été acquise à compter du 16 août 2016. Elle travaillait dans une entreprise de plus de 11 salariés et percevait en dernier lieu une rémunération mensuelle brute de 1545,51€. Mme [U] justifie avoir perçu une allocation Pôle emploi de juillet 2018 à décembre 2019 et dit avoir été contrainte d'accepter des contrats précaires et être à être à ce jour sans emploi.

Il y a lieu de confirmer le jugement du conseil de prud'hommes qui a alloué à Mme [U] les sommes suivantes :

-1547€ au titre de l'indemnité de requalification,

- 1000€ à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 357,27€ à titre d'indemnité compensatrice de préavis.

En revanche, il y a lieu de réformer le jugement du conseil de prud'hommes qui a alloué à Mme [U] la somme de 3572€ au titre des congés payés afférents à l'indemnité compensatrice de préavis et de rectifier cette erreur en lui allouant la somme de 35,72€ à ce titre.

Le jugement sera également confirmé en ce qu'il a condamné l'employeur à verser la somme de 100€ au titre du non-respect de la procédure de licenciement.

Il convient de débouter la salariée de sa demande au titre de l'indemnité de licenciement, cette dernière ne bénéficiait pas de l'ancienneté requise pour en bénéficier.

Sur l'indemnité de précarité,

Madame [U] sollicite des sommes à titre de prime de précarité sur les rappels de salaire au titre des retenues sur salaire et des heures supplémentaires. L'indemnité de fin de contrat n'étant pas due en cas de requalification du CDD en CDI, il convient de débouter Madame [U] de ses demandes à ce titre.

Sur les demandes accessoires,

Il est équitable de ne pas faire application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS:

La Cour,

Réforme le jugement du conseil de prud'hommes de Carcassonne du 2 juillet 2020 en ce qu'il a :

- débouté Madame [E] [U] de sa demande de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires,

- condamné La Sas Atalian Propreté au versement des sommes de 3572€ au titre des congés payés sur préavis et 779,59€ à titre de rappel de salaire sur jours fériés,

Statuant à nouveau sur ces points réformés,

Condamne la Sas Atalian Propreté Paca à verser à Madame [E] [U] les sommes suivantes:

- 147,27€ à titre de rappel de salaire sur heures supplémentaires,

- 14,72€ à titre de congés payés afférents au rappel de salaire sur heures supplémentaires,

- 637,66€ à titre de rappel de salaire sur jours fériés,

- 63,76€ à titre de congés payés afférents au rappel de salaire sur jours feriés,

- 35,72€ au titre des congés payés afférents à l'indemnité compensatrice de préavis,

Confirme le jugement du conseil de prud'hommes pour le surplus,

Dit n'y avoir lieu à condamnation au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Condamne la Sas Atalian Propreté PACA, qui succombe partiellement, aux entiers dépens.

LE GREFFIER P/LE PRESIDENT EMPECHE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 2e chambre sociale
Numéro d'arrêt : 20/03197
Date de la décision : 22/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-22;20.03197 ?
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