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16/03/2023 | FRANCE | N°21/06988

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 2e chambre de la famille, 16 mars 2023, 21/06988


Grosse + copie

délivrées le

à











COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



2e chambre de la famille



ARRET DU 16 MARS 2023



Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 21/06988 - N° Portalis DBVK-V-B7F-PHKP





Décision déférée à la Cour :

Jugement du 15 NOVEMBRE 2021

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BEZIERS

N° RG 16/02464





APPELANTE :



Madame [T] [G]

née le 02 Janvier 1964 à [Localité 3] (34)

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Nicolas RENAULT, avocat au barreu de BEZIERS substituant Me Yannick CAMBON de la SELARL M3C, avocat au barreau de BEZIERS





INTIME :



Monsieur [X] [K]

né l...

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

2e chambre de la famille

ARRET DU 16 MARS 2023

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 21/06988 - N° Portalis DBVK-V-B7F-PHKP

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 15 NOVEMBRE 2021

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BEZIERS

N° RG 16/02464

APPELANTE :

Madame [T] [G]

née le 02 Janvier 1964 à [Localité 3] (34)

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Nicolas RENAULT, avocat au barreu de BEZIERS substituant Me Yannick CAMBON de la SELARL M3C, avocat au barreau de BEZIERS

INTIME :

Monsieur [X] [K]

né le 05 Octobre 1949 à [Localité 3] (34)

de nationalité Française

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représenté par Me Christine AUCHE HEDOU, avocat au barreau de MONTPELLIER substituant Me Jacques Henri AUCHE de la SCP AUCHE HEDOU, AUCHE - AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant

Représenté par Me Fleur NOUGARET-FISCHER, avocat au barreau de BEZIERS, avocat plaidant

Ordonnance de clôture du 12 Janvier 2023

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 02 FEVRIER 2023,en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Sylvie DODIVERS, Présidente de chambre chargée du rapport et Mme Karine ANCELY, Conseillère.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Mme Sylvie DODIVERS, Présidente de chambre

Mme Karine ANCELY, Conseillère

Mme Morgane LE DONCHE, Conseillère

Greffier lors des débats : Madame Audrey VALERO

ARRET :

- Contradictoire ;

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par Mme Sylvie DODIVERS, Présidente de chambre, et par Madame Audrey VALERO, Greffière.

*

* *

EXPOSE DU LITIGE

1-Madame [T] [G] et Monsieur [X] [K] avaient alors qu'ils vivaient en concubinage acquis le 28 avril 1991 un appartement dans une copropriété située au lieu-dit [Localité 5] à [Localité 3] (34) avec une clause d'accroissement stipulant « qu'ils en jouiront en commun pendant leur vie, mais il est formellement convenu entre eux à titre de pacte aléatoire, que la pleine propriété dudit immeuble appartiendra en totalité au dernier mourant et que le prédécédé sera considéré comme n'ayant jamais eu aucun droit à cet immeuble à l'égard de leurs héritiers et représentants (qui) ne pourront ensuite élever aucune prétention ;

En conséquence, aucun des acquéreurs ne pourra disposer de la pleine propriété de l'immeuble, objet des présentes, en totalité ou en partie, à quelque titre que ce soit, ni le grevé d'aucun droit réel sans le concours et le consentement exprès des autres ;

le survivant aura la propriété dudit immeuble dans l'état où se trouvera alors, avec toutes les améliorations et augmentations qui auront pu être apportées, sans indemnité au profit de qui que ce soit»;

2 ' à la suite de leur séparation, en juin 1995, Madame [T] [G] a, le 9 septembre 2016 assigné Monsieur [X] [K] devant le tribunal judiciaire Béziers aux fins de licitation et de paiement d'une indemnité d'occupation ;

3 ' par ordonnance du 15 mars 2018, le juge de la mise en état a ordonné une expertise aux fins notamment de fixer le montant de l'indemnité d'occupation ;

4 ' par jugement du 15 novembre 2021, le tribunal judiciaire de Béziers a :

' débouté les parties de leurs demandes au fond ;

' ordonné l'exécution provisoire du jugement ;

' condamné [T] [G] à payer à [X] [K] la somme de 2000 € sur le fondement de l'article 700 du CPC et aux dépens avec droit de recouvrement direct au profit de la SCP ÉLEOM ;

5 ' par déclaration informatique du 2 décembre 2021, Madame [T] [G] a régulièrement interjeté appel de ce jugement en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes d'indemnité d'occupation ainsi qu'en ce qu'il l'a condamnée aux dépens et au paiement d'une somme au titre de l'article 700 du CPC ;

6 ' Vu les dernières conclusions transmises le 25 août 2022 par Madame [T] [G], qui demande à la cour de :

' infirmer le jugement en ce qu'il a rejeté sa demande d'indemnité d'occupation ;

' homologuer le rapport d'expertise en ce qu'il a dit que la valeur locative doit être évaluée à la somme de 12'000 € par an ;

' condamner Monsieur [X] [K] à lui payer la somme de 140'000 € arrêtés au 31 octobre 2018 avec des intérêts au taux légal à compter de la décision jusqu'à parfait paiement au titre de l'indemnité d'occupation due pour la période du 1er juillet 1995 au 31 octobre 2018 ;

' condamner Monsieur [X] [K] à lui payer la somme de 500 € par mois avec des intérêts au taux légal à compter de la décision jusqu'à parfait paiement au titre de l'indemnité d'occupation due à compter du 1er novembre 2018 jusqu'au décès de l'un deux ;

' le condamner au paiement de la somme de 3000 € sur le fondement de l'article 700 du CPC ainsi qu'aux entiers dépens y compris ceux d'expertise et infirmer le jugement en ce qu'elle a été condamnée sur la base de ce texte ;

' À titre subsidiaire, prononcer l'annulation de la clause de tontine;

' homologuer le rapport d'expertise quant à la valeur locative annuelle ;

' condamner Monsieur [X] [K] lui payer la somme de 140'000 € arrêtés au 31 octobre 2018, avec des intérêts à compter de la décision à intervenir, au titre de l'indemnité d'occupation due pour la période du 1er juillet 1995 au 31 octobre 2018 ;

' le condamner à lui payer la somme de 500 € par mois avec des intérêts au taux légal à compter de la décision au titre de l'indemnité d'occupation due à compter du 1er novembre 2018 jusqu'au décès de l'un d'eux ;

' ordonner la licitation du bien sis à [Localité 3] lieu-dit [Localité 5] ;

' et préalablement à cette opération et pour y parvenir,

' constater que l'immeuble indivis ne peut être partagé en nature ;

' dire que sous le ministère de la SCP Magna et associé à laquelle il appartiendra de dresser le cahier des conditions de vente, il sera procédé à la licitation du bien sur la mise à prix fixé par l'expert judiciaire ;

' dire que les dépens seront employés en frais privilégiés avec distraction au profit de son avocat ;

' condamner Monsieur [X] [K] à lui payer la somme de 3000 € en application de l'article 700 du CPC et aux entiers dépens;

7 ' Vu les dernières conclusions transmises le 21 décembre 2022 par Monsieur [X] [K] qui demande à la cour de :

' confirmer le jugement en ce qu'il a débouté Madame [G] de ses demandes ;

' la déclarer irrecevable en sa demande de nullité de la clause de tontine ainsi que mal fondée en toutes ses demandes et l'en débouter ;

' subsidiairement dire que le versement de l'indemnité d'occupation est soumise à la prescription quinquennale de l'article 815 ' 10 du Code civil ;

' en tout état de cause, condamner Madame [G] à lui payer la somme de 3000 € en application de l'article 700 du CPC et aux entiers dépens avec droit de recouvrement direct au profit de la SELARLFischer et associés ainsi que de la SCP Hauché-Hédou ;

8 ' Madame [T] [G] soutient que :

' chaque acquéreur en tontine ayant un droit égal de jouissance, celui qui occupe privativement l'immeuble doit à l'autre une indemnité d'occupation ;

' il n'a jamais été contesté que Monsieur [K] qui lui avait demandé de quitter le domicile et qu'il lui a interdit de le réintégrer depuis juin 1995 ;

' la différence de 15 ans est suffisante pour caractériser la nullité de la clause de tontine, ce qui n'est plus sollicité par Monsieur [K] ;

' en réalité, Monsieur [K] s'est comporté comme seul acquéreur du bien en réglant le prêt et en écrivant à la banque qu'elle se serait désistée de tous ses droits sur l'immeuble en sa faveur, ce qui caractérise la volonté de Monsieur [K] de conserver le bien pour lui seul et de l'empêcher d'en jouir, ce qui lui ouvre droit à une indemnité d'occupation ;

9' Monsieur [K] fait valoir que :

' la validité de la clause de tontine suppose un aléa qui n'est pas forcément présent ici alors qu'il a plus de 15 ans que Madame [G];

' Madame [G] se contredit en concluant tantôt à la validité tantôt à la nullité de la clause de tontine ;

' la question de la validité de la clause est sans incidence quant à l'indemnité d'occupation ;

' pour qu'il y ait un droit à une indemnité d'occupation il faut que l'impossibilité d'occuper l'immeuble procède d'un fait de celui qui en jouit et elle doit être exclusive ;

' en l'espèce le fait non contesté qu'il occupe seul le bien commun depuis le départ de Madame [G] ne suffit pas à caractériser une occupation privative ;

' il appartient à l'appelante de démontrer qu'elle se trouvait du fait de son ex-conjoint dans l'impossibilité de droit ou de fait d'occuper le bien ;

' l'occupation privative par lui résulte de la seule volonté de quitter le domicile de Madame [G] qui n'a pas été forcée ;

' subsidiairement la prescription quinquennale de l'article 815-10 du Code civil est applicable de sorte qu'aucune demande n'est recevable plus de cinq ans après la date à laquelle l'indemnité aurait pu être perçue ;

' cette prescription est aussi prévue par l'article 2224 du Code civil de sorte que l'indemnité ne peut être due depuis 1994 mais seulement pour les cinq dernières années soit à raison de 12'000 € par an pendant cinq ans / 2 le montant de 30'000 € ;

' enfin le droit de recouvrement direct ne peut être accordé qu'à l'avocat de la partie gagnante ;

MOTIVATION :

10' sur la recevabilité et sur l'étendue de l'appel :

L'appel de Madame [G] est régulier en la forme et recevable ; il tend à la réformation du jugement en ce qu'il a débouté l'appelante de ses demandes principales et subsidiaires ;

11 ' sur la demande d'indemnité d'occupation présentée à titre principal par Madame [G] :

La cour ne doit répondre qu'aux prétentions qui sont énoncées au dispositif des conclusions des parties ; par ailleurs, les prétentions présentées à titre principal doivent être examinées en premier lieu et la cour ne peut se prononcer sur les prétentions émises à titre subsidiaire qu'en cas de rejet des prétentions principales ;

En l'espèce, dans le dispositif de ses conclusions d'appel, Madame [G] demande à titre principal la réformation du jugement en ce qu'il l'a déboutée de sa demande d'indemnité d'occupation et ne sollicite qu'à titre subsidiaire l'annulation de la clause de tontine ;

Il en découle que cette dernière demande et celles qui en découlent, ne peuvent être examinées qu'en cas de rejet de la demande d'indemnité d'occupation présentée à titre principal ;

Ensuite, en raison de la clause d'accroissement, tant que la condition de prédécès de l'un des acquéreurs ne s'est pas réalisée, ils ont sur le bien des droits concurrents, dont celui, pour chacun d'eux, d'en jouir individuellement, droit dont l'exercice peut être organisé par le juge de sorte qu'une indemnité d'occupation est due à la partie aussi titulaire du droit de jouissance par celle qui en a la jouissance exclusive ;

Par ailleurs, une indemnité d'occupation peut être due même en l'absence de faute de la part de celui qui a conservé la jouissance exclusive du bien ;

En l'espèce, Monsieur [K] admet qu'il jouit seul du bien acheté en commun depuis la séparation du couple ; il en découle qu'il doit une indemnité d'occupation à Madame [G] à défaut de convention contraire non établie ni même alléguée ;

Néanmoins, Monsieur [K] invoque à bon droit la prescription quinquennale édictée par les articles 815-10 alinéa 3 et 2224 du Code civil ; en l'espèce, l'assignation du 9 septembre 2016 de Madame [G] constitue le premier acte interupctif de la prescription quinquennale dès lors que cette assignation tendait notamment au paiement d'une indemnité d'occupation ;

Il en découle que l'indemnité est due à compter du 9 septembre 2011 et que la période antérieure à cette date est prescrite ;

Dans son rapport du 28 octobre 2018, l'expert judiciaire désigné par le juge de la mise en état avait estimé l'indemnité d'occupation annuelle calculée en fonction de la valeur locative au montant de 12'000 € ;

Sur cette base à compter du 9 septembre 2011 et jusqu'au 31 octobre 2018 pour la durée de 7 ans et un mois à raison de 6000 € par an et de 500 euros par mois, il y a lieu de condamner Monsieur [K] à payer à Madame [G] la somme de 42'500 € avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;

Enfin, à compter du 1er novembre 2018, Monsieur [K] doit être condamné à payer à Madame [G] le montant de 500 € par mois jusqu'au dénouement de l'opération avec des intérêts au taux légal à compter du présent arrêt pour les créances échues et à compter de chaque échéance pour les créances postérieures ;

12 ' sur les dépens et sur l'article 700 du code de procédure civile:

Il y a lieu de réformer encore le jugement en ce qu'il a condamné Madame [G] aux dépens et à payer une somme d'argent à Monsieur [K] au titre de l'article 700 du code de procédure civile; Monsieur [K] doit être condamné aux entiers dépens de première instance et d'appel ainsi qu'à payer à Madame [G] montant de 1000 € au titre de l'article 700 du CPC ;

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire,

En la forme, reçoit l'appel,

Au fond,

RÉFORME le jugement rendu le 15 novembre 2021 par le tribunal judiciaire de Béziers mais seulement ce qu'il a débouté Madame [T] [G] de sa demande d'indemnité occupation ainsi qu'en ce qu'il l'a condamnée aux dépens et au paiement d'une somme au titre de l'article 700 du CPC ;

Et, statuant à nouveau de ces chefs,

CONDAMNE Monsieur [X] [K] à payer à Madame [T] [G] à titre d'indemnité d'occupation, pour la période du 9 septembre 2011 au 31 octobre 2018, non prescrite, la somme de 42'500 € augmentée des intérêts au taux légal à compter du présent arrêt et à compter du 1er novembre 2018 le montant mensuel de 500€ jusqu'au dénouement de la situation avec intérêts au taux légal à compter de chaque échéance ;

CONDAMNE Monsieur [X] [K] aux entiers dépens de première instance ainsi que d'appel dont distraction au profit de la SELARL Fischer et à payer à Madame [T] [G] le montant de 1000 € au titre de l'article 700 du CPC.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 2e chambre de la famille
Numéro d'arrêt : 21/06988
Date de la décision : 16/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-16;21.06988 ?
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