La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

14/03/2023 | FRANCE | N°21/00603

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 5e chambre civile, 14 mars 2023, 21/00603


Grosse + copie

délivrées le

à















COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



5e chambre civile



ARRET DU 14 MARS 2023



Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 21/00603 - N° Portalis DBVK-V-B7F-O3GK





Décision déférée à la Cour :

Jugement du 05 JANVIER 2021

JUGE DES CONTENTIEUX DE LA PROTECTION DE PERPIGNAN

N° RG 20-000343





APPELANT :



Monsieur [H] [C]

agissant tant en son n

om personnel, qu'en qualité d'héritier de Madame [P] [C], décédée le [Date décès 3] 2020.

né le [Date naissance 4] 1961 à [Localité 8] (ALGERIE)

[Adresse 6]

[Localité 5]

Représenté par Me David DUPETIT de la SCP GIPULO - DUPETIT - M...

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

5e chambre civile

ARRET DU 14 MARS 2023

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 21/00603 - N° Portalis DBVK-V-B7F-O3GK

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 05 JANVIER 2021

JUGE DES CONTENTIEUX DE LA PROTECTION DE PERPIGNAN

N° RG 20-000343

APPELANT :

Monsieur [H] [C]

agissant tant en son nom personnel, qu'en qualité d'héritier de Madame [P] [C], décédée le [Date décès 3] 2020.

né le [Date naissance 4] 1961 à [Localité 8] (ALGERIE)

[Adresse 6]

[Localité 5]

Représenté par Me David DUPETIT de la SCP GIPULO - DUPETIT - MURCIA, avocat au barreau de PYRENEES-ORIENTALES, avocat plaidant non postulant

INTIME :

Monsieur [M] [A]

né le [Date naissance 2] 1964 à [Localité 9] (ALLEMAGNE)

[Adresse 1]

[Localité 7]

Représenté par Me Simon LAMBERT de la SCP D'AVOCATS COSTE, DAUDE, VALLET, LAMBERT, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant

assisté de Me Séverine VALLET, de la SCP D'AVOCATS COSTE, DAUDE, VALLET, LAMBERT, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat plaidant

Ordonnance de clôture du 16 Janvier 2023

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 06 FEVRIER 2023,en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. Emmanuel GARCIA, Conseiller, chargé du rapport.

Ce(s) magistrat(s) a (ont) rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Philippe GAILLARD, Président de chambre

Madame Nathalie AZOUARD, Conseiller

Monsieur Emmanuel GARCIA, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Estelle DOUBEY

ARRET :

- Contradictoire ;

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par Monsieur Philippe GAILLARD, Président de chambre, et par Madame Estelle DOUBEY, Greffier.

*

* *

EXPOSE DU LITIGE

Le 8 janvier 2004, [U] [I] a donné à bail à [P] [C] un appartement situé à [Localité 10], pour un loyer mensuel de 350 euros, outre 30 euros de provisions sur charges.

Le 2 mai 2007, les époux [A] ont acquis ce logement et un avenant au contrat de location de [P] [C] a été régularisé.

Suite à son divorce, [M] [A] est devenu seul propriétaire du logement.

Parallèlement, le 9 mars 2018, [M] [A] a donné à bail à [S] [V], vivant avec son fils, [G] [W], un appartement situé dans le même immeuble que celui de [P] [C].

Le 14 février 2019, [M] [A] a fait délivrer à [S] [V] un congé avec effet à l'expiration du bail, le 2 avril 2021, pour motifs légitimes et sérieux caractérisés par des troubles de voisinage.

Le 28 février 2019, [H] [C] a demandé au bailleur de prendre des mesures pour faire cesser les troubles de voisinage subis.

Le 7 février 2020, [M] [A] a fait signifier un commandement de payer visant la clause résolutoire à [P] [C] pour obtenir le paiement de la somme de 2 257,29 euros au titre des loyers et charges impayés.

Le 24 février 2020, les consorts [C] ont mis en demeure le bailleur de justifier, sous huit jours, de l'engagement d'une action visant à obtenir l'expulsion des consorts [V].

Le 10 mars 2020, [M] [A] a fait assigner [S] [V], représentée par [Y] [D], afin d'obtenir la résiliation du bail pour troubles de jouissance.

Le 15 juin 2020, [P] [C] et [H] [C], son fils qui vit avec elle, ont fait assigner [M] [A] aux fins d'obtenir 40 000 euros de dommages et intérêts du fait des troubles de jouissance subis, outre la nullité du commandement de payer, l'autorisation de consigner les loyers et, subsidiairement, l'octroi de délais de paiement. Ils ont fait valoir les troubles de jouissance subis du fait du voisinage de [S] [V] et surtout de son fils.

Le 3 juillet 2020, les deux instances ont été jointes.

Le 26 juin 2020, [M] [A] a fait assigner [P] [C] et [H] [C] aux fins d'obtenir la résiliation du bail pour non paiement des loyers. Les consorts [C] ont opposé l'exception d'inexécution du fait des troubles subis. Subsidiairement, ils ont sollicité des délais de paiement.

[Z] [O], qui réside dans le même immeuble, est intervenue volontairement à la procédure aux fins d'obtenir 30 000 euros de dommages et intérêts de [M] [A] en raison du préjudice de jouissance subi du fait de [S] [V] et de son fils. Elle a fait valoir la jurisprudence rendue en application de l'article 9 de la loi du 10 juillet 1965, en vertu de laquelle le copropriétaire bailleur est responsable des infractions mêmes ignorées de lui au règlement de copropriété commises par le locataire de ses lots, et la responsabilité du bailleur de faire cesser les troubles de voisinage causés à des tiers.

[P] [C] est décédée le [Date décès 3] 2020.

[H] [C] a revendiqué le bénéfice des dispositions de l'article 14 de la loi du 6 juillet 1989 prévoyant le transfert du contrat de location aux descendants vivant avec le locataire depuis au moins un an à la date du décès.

[S] [V] a fait valoir sa bonne foi, son âge et son placement sous tutelle en indiquant qu'elle ne pouvait exiger de son fils un comportement plus mesuré ni pouvoir s'opposer à lui.

Le jugement rendu le 5 janvier 2021 par le tribunal judiciaire de Perpignan énonce dans son dispositif :

Prononce la jonction des affaires ;

Prononce la résiliation judiciaire du contrat de bail en date du 9 mars 2018 liant [M] [A] et [S] [V] ;

Condamne [S] [V] à évacuer de corps et de biens ainsi que tous occupants de son chef les lieux loués selon la procédure habituelle ;

Fixe l'indemnité d'occupation due par [S] [V] à [M] [A] au montant des loyers et charges qui auraient été dus en l'absence de résiliation et condamne en tant que de besoin [S] [V] à payer le montant précité ;

Déboute [H] [C] et [Z] [O] de leurs demandes ;

Constate la résiliation judiciaire du bail en date du 8 janvier 2004 entre [M] [A] et [P] [C] ;

Condamne [H] [C] à évacuer de corps et de biens ainsi que de tous occupants de son chef les lieux occupés selon la procédure habituelle ;

Fixe l'indemnité d'occupation due par [H] [C] à [M] [A] à compter du 20 juin 2020 à la somme de 558,10 euros par mois ;

Rappelle que l'exécution provisoire est de droit ;

Condamne in solidum [S] [V], [Z] [O] et [H] [C] à payer à [M] [A] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Déboute de toutes conclusions plus amples ou contraires ;

Condamne in solidum [S] [V], [Z] [O] et [H] [C] aux dépens.

Le tribunal décide de joindre les instances puisque le litige concerne le même immeuble.

En ce qui concerne la demande formée par le bailleur contre [S] [V], le jugement constate l'existence de manquements graves et répétés du locataire à ses obligations justifiant la résiliation judiciaire du bail. Plusieurs plaintes pénales et mains courantes versées au dossier permettent d'établir que le fils de la locataire est à l'origine de nombreux troubles, notamment des coups portés sur les portes à toute heure, des menaces et des injures adressées aux voisins, à la factrice et à l'infirmière libérale qui venait prodiguer des soins à [P] [C]. Le jugement expose qu'en sa qualité de locataire, [S] [V] répond des occupants de son chef.

En ce qui concerne la demande de dommages et intérêts pour troubles de jouissance formée par [H] [C] contre [M] [A], le jugement relève qu'aucune mise en demeure antérieure au 28 novembre 2019 n'est versée aux débats. Il importe peu que ce courrier émane du fils de la locataire et non de la locataire elle-même puisque l'article 6-1 de la loi du 6 juillet 1989 qui mentionne les troubles de voisinage causés à des tiers ne réserve pas l'action au locataire. Le jugement constate qu'antérieurement à cette mise en demeure, le bailleur avait été informé des troubles de jouissance imputables à [G] [W] et avait fait délivrer à [S] [V], le 14 février 2019, un congé pour motif légitime et sérieux caractérisé par des troubles de voisinage pour l'expiration du bail, soit le 2 avril 2021. La tutrice de la locataire a également affirmé que [S] [V] acceptait de quitter le logement avant la date du préavis. [M] [A] justifie donc d'un motif légitime quant au délai entre la mise en demeure du 28 septembre 2019 émanant des consorts [C], et celle du 24 février 2020 ayant amené à l'assignation du 10 mars 2020. En outre, [M] [A] justifie avoir introduit l'instance en résiliation expulsion 15 jours après la mise en demeure du 24 février 2020.

En ce qui concerne la demande de dommages et intérêts pour troubles de jouissance, formée par [Z] [O] contre [M] [A], le jugement relève que le règlement de copropriété n'est pas produit au débat, ce qui ne permet pas de retenir la responsabilité du bailleur sur le fondement de la jurisprudence rendue de l'article 9 de la loi du 10 juillet 1965. Le jugement constate que [Z] [O] justifie d'avoir mis en demeure le bailleur, le 13 novembre 2019, de faire cesser les troubles du voisinage dénoncés. Il est établi que [M] [A] avait été averti antérieurement des troubles de jouissance imputables à [G] [W] et avait fait délivrer un congé pour motif légitime et sérieux, le 14 févier 2019, à [S] [V]. La tutrice de la locataire a affirmé que [S] [V] acceptait de quitter les lieux avant la fin du préavis. Le jugement constate que [M] [A] a engagé une action en expulsion de [S] [V] et de son fils, le 10 mars 2020, soit 15 jours après la mise en demeure qui lui a été délivrée le 24 février 2020. En outre, il justifie d'un motif légitime pour le délai ayant couru entre la date de la première mise en demeure, le 13 novembre 2019, et la seconde puisque la locataire avait accepté de quitter les lieux. Le jugement souligne que le comportement de [G] [W] est susceptible de recevoir une qualification pénale et que l'article 6-1 de la loi du 6 juillet 1989 instaure un régime de responsabilité au titre de l'inaction du bailleur, qui ne saurait être transformé en régime de responsabilité du fait d'autrui.

En ce qui concerne la demande de résiliation judiciaire du bail formée par [M] [A] contre les consorts [C], le jugement constate qu'il résulte du commandement délivré le 7 février 2020 que les consorts [C] restaient devoir 2 257,29 euros au titre de l'arriéré de loyers et charges, la dette étant à la date du 31 octobre 2020 de 5 203,72 euros. Le décompte n'est pas utilement contesté, faute de justificatif de paiement. Le jugement rappelle que l'exception d'inexécution n'autorise le locataire à s'abstenir de payer le loyer que dans le cas unique de l'impossibilité totale d'habiter le logement. Le jugement constate également que le bailleur justifie d'avoir délivré une assignation à [S] [V] le 10 mars 2020 et d'avoir donc respecté son obligation au titre de l'article 6-1 de la loi du 6 juillet 1989. Aucun manquement du bailleur n'est démontré. Postérieurement à l'assignation, les consorts [C] n'ont pas repris le paiement régulier des loyers, le bail se trouve donc résilié à la date du 7 avril 2020.

Le jugement rejette la demande de délais de paiement formée à titre subsidiaire par les consorts [C] puisqu'il apparaît que la dette locative ne cesse d'augmenter et que [H] [C] ne démontre pas être en mesure de dégager mensuellement une somme supérieure à 140 euros pour apurer l'arriéré, tout en réglant le loyer courant.

Le jugement expose que [H] [C] ne peut pas invoquer le bénéfice de la loi du 6 juillet 1989 dans la mesure où le bail était résilié antérieurement au décès de sa mère. [H] [C] n'ayant pas la qualité de locataire et en l'absence de tout élément d'appréciation sur l'acceptation de la succession de [P] [C], la demande du bailleur en paiement des loyers et indemnités d'occupation pour la période courant jusqu'au 20 juin 2020 doit être rejetée.

[H] [C] a relevé appel du jugement par déclaration au greffe du 29 janvier 2021, en son nom personnel et en qualité d'héritier de [P] [C].

[S] [V] et son fils ont quitté les lieux en mars 2021.

Le 27 août 2021, un procès-verbal d'expulsion constate que [H] [C] a quitté les lieux.

La clôture de la procédure a été prononcée par ordonnance du 16 janvier 2023.

Les dernières écritures pour [H] [C] ont été déposées le 14 avril 2021.

Les dernières écritures pour [M] [A] ont été déposées le 22 décembre 2022.

Le dispositif des écritures pour [H] [C] énonce :

Réformer en toutes ses dispositions le jugement dont appel ;

Condamner [M] [A] à payer à [H] [C] une indemnité de 40 000 euros de dommages et intérêts au titre du trouble de jouissance subi ;

Débouter [M] [A] de sa demande de résiliation judiciaire du contrat de bail ;

Subsidiairement, déterminer le montant des sommes restant éventuellement dues par [H] [C] à [M] [A] après compensation de la créance de dommages et intérêts due par [M] [A] à [H] [C] et juger que les sommes résiduelles restant éventuellement dues pourront être acquittées en 36 échéances mensuelles ;

Condamner [M] [A] à payer à [H] [C] une indemnité de 3 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens avec distraction.

[H] [C] sollicite le bénéfice de l'article 14 de la loi du 6 juillet 1989. Il fait valoir qu'il vit depuis plusieurs années en compagnie de sa mère. Il avance que dès sa plainte auprès des services de gendarmerie le 3 juillet 2019, il a précisé qu'il habitait avec sa mère dans l'appartement litigieux. Il ajoute qu'il a adressé divers courriers à son bailleur dans lesquels il fait clairement état de sa qualité de locataire, sans que [M] [A] n'ait jamais contesté ce fait. Il apparaît également que les voisins ont toujours considéré [H] [C] comme leur voisin. Il ajoute que [M] [A] savait que [H] [C] résidait avec sa mère dans la mesure où ils sont cousins.

[H] [C] fait valoir que [M] [A] a saisi la juge d'une demande de résiliation judiciaire du bail pour non-paiement des loyers sans viser le constat du jeu de la clause résolutoire du bail suite au commandement de payer délivré. Or, le premier juge a considéré que le bail s'était trouvé résilié de plein droit par effet du jeu de la clause résolutoire du bail à la suite du commandement de payer. Selon l'appelant, le juge ne pouvait donc retenir comme date de fin de contrat la date d'effet du commandement de payer visant la clause résolutoire alors même que ce fondement n'était pas invoqué par le demandeur. Dès lors, la résolution ne pouvait prendre effet au plus tôt qu'au jour de l'assignation en justice soit le 26 juin 2020, six jours après le décès de [P] [C].

[H] [C] sollicite des dommages et intérêts au titre des troubles de jouissance subis par sa mère et lui, sur le fondement de l'article 6 de la loi du 6 juillet 1989 et de l'article 1719 du code civil. Il rappelle que le tiers mentionné à l'article 6-1 de la loi du 6 juillet 1989, sont tous les occupants de l'immeuble, lui inclus. [H] [C] soutient que le bailleur n'a pas respecté son obligation d'assurer la jouissance paisible des lieux loués. Il fait valoir les multiples mails, courriers et mises en demeure émanant de lui ou d'autres locataires de l'immeuble et dénonçant les agissements de [S] [V] et de son fils. Les troubles invoqués étaient quotidiens et concernaient tant des nuisances sonores que des troubles olfactifs, des injures et des menaces qui trouvent d'autant plus crédit dans le fait que [G] [W] présente une force physique impressionnante. [H] [C] soutient que le comportement de [M] [A] depuis la délivrance du commandement de payer visant la clause résolutoire du bail participe aux troubles subis et que les SMS envoyés par le bailleur à [P] [C] ont eu comme conséquence son hospitalisation.

[H] [C] soutient que c'est à tort que le premier juge a considéré que [M] [A] ne disposait d'aucun autre moyen légal que le congé délivré le 14 février 2019 pour mettre fin aux troubles avant l'expiration du bail en cours de [S] [V]. Le bailleur aurait pu engager une action en résiliation du bail dès le 14 avril 2019 s'il avait délivré un commandement visant la clause résolutoire du bail pour non respect des obligations locatives le 14 février 2019 en lieu et place du simple congé avec effet plus de deux ans après.

[H] [C] conteste la résiliation judiciaire du contrat de bail liant sa mère et [M] [A]. Il fait valoir qu'il a cessé, avec sa mère, de payer les loyers en raison du trouble anormal de jouissance subi dont la responsabilité incombait au bailleur. Il avance que c'est de mauvaise foi, en réaction à leur demande au titre du trouble de jouissance, que le bailleur a invoqué la clause résolutoire. [H] [C] fait valoir un arrêt de la troisième chambre civile de la Cour de cassation du 17 juillet 1992, qui sanctionne par la nullité du commandement de payer visant la clause résolutoire les situations dans lesquelles le comportement reproché au locataire résulte du propre manquement du bailleur à ses obligations. L'exception d'inexécution serait donc pleinement justifiée en l'espèce puisque les locataires se trouvaient dans l'impossibilité continue de jouir de leur bien. [H] [C] ajoute que sa mère résidait dans les lieux depuis 35 ans et aspirait à finir ses jours paisiblement, ce qu'elle n'a pas pu faire puisque ses dernières années de vie ont été ponctuées par les cris et menaces de son voisin. Selon lui, l'arriéré locatif invoqué par le bailleur se trouve absorbé par la créance de dommages et intérêts qu'il convient de lui attribuer.

Subsidiairement, [H] [C] sollicite des délais de paiement.

Le dispositif des écritures pour [M] [A] énonce :

Condamner [H] [C] à payer à [M] [A] la somme de 11 002,65 euros au titre de la dette locative selon décompte arrêté au mois d'août 2021 ;

Prononcer la résiliation du bail consenti par [M] [A] à [P] [C] et transféré à [H] [C] ;

Condamner [P] [C] à payer à [M] [A] la somme de 720 euros au titre des réparations locatives ;

Confirmer le jugement en ce qu'il a débouté [H] [C] de toute demande indemnitaire pour troubles de jouissance ;

Débouter [H] [C] de l'intégralité de ses prétentions ;

Condamner [H] [C] à payer à [M] [A] la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Le condamner aux entiers dépens dont distraction.

[M] [A] soutient que puisque [H] [C] sollicite le bénéfice du transfert du bail consenti à sa mère, il est donc tenu de l'intégralité de la dette locative. Il produit un décompte établissant un total de la dette à 11 002,65 euros au mois d'août 2021. Le montant de la dette caractérise la faute et le manquement du locataire à ses obligations, ce qui justifie la résiliation du bail. [M] [A] ajoute que [H] [C] a manifestement manqué à son obligation d'entretien du logement puisque suite à son départ, d'importants travaux de nettoyage, pour un montant de 750 euros, ont été rendus nécessaires et doivent être mis à sa charge.

[M] [A] conteste la demande formulée par [H] [C] au titre des dommages et intérêts. Il fait valoir qu'une seule des pièces versées au débat constitue une réclamation de [H] [C] auprès du bailleur pour les troubles de jouissance. En outre, ce dernier n'avait ni intérêt ni qualité à invoquer un quelconque trouble de jouissance puisqu'il n'avait pas la qualité de locataire. Le courrier du 24 février 2020 n'émane pas plus de [P] [C], qui avait seule la qualité de locataire à ce moment. En tout état de cause, le bailleur soutient qu'il a immédiatement demandé la résiliation du bail de [S] [V]. A la date de la mise en demeure du 28 novembre 2019, [M] [A] avait déjà fait délivrer un congé à [S] [V]. En outre, la tutrice de celle-ci s'était engagée à ce qu'elle libère le logement avant le terme du bail. Il estime que le premier juge a correctement retenu qu'il justifiait d'un motif légitime quant au délai ayant couru entre la première mise en demeure et la deuxième.

En tout état de cause, [M] [A] soutient qu'il n'est pas rapporté la preuve de l'existence de troubles anormaux de voisinage, réguliers, persistants et actuels. Il ajoute qu'il s'est rapproché de l'agence gestionnaire, par courriel du 13 mars 2019, pour connaître la solution qui pourrait être envisagée pour mettre un terme aux réclamations vis-à-vis de [S] [V] et de son fils mais que jamais l'agence ne lui a conseillé d'engager une action en résiliation du bail compte tenu du congé notifié. Le caractère anormal du trouble n'est pas plus démontré.

[M] [A] conteste l'exception d'inexécution opposée par [H] [C] en faisant valoir qu'aucun manquement ne pouvait être retenu à son encontre. En tout état de cause, la Cour de cassation a pu rappeler plusieurs fois que les locataires ne pouvaient de leur propre chef interrompre tout règlement de loyer en invoquant l'exception d'inexécution pour trouble de jouissance, notamment dans un arrêt du 5 octobre 2017. Il apparaît que seule l'impossibilité totale d'habiter les lieux permet de se prévaloir de l'exception d'inexécution, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.

MOTIFS

1. Sur la résiliation du bail dont était titulaire [P] [C]

Dès lors que [P] [C] est décédée le [Date décès 3] 2020 et que son fils, [H] [C], a quitté le logement en litige le 27 août 2021, il n'y a pas lieu de statuer sur la résiliation du bail d'habitation et son expulsion, ces prétentions étant devenues sans objet.

2. Sur la demande de dommages-intérêts pour trouble de jouissance formée par [H] [C] à l'encontre de [M] [A]

L'article 6-1 de la loi du 6 juillet 1989 dispose qu'après mise en demeure dûment motivée, les propriétaires des locaux à usage d'habitation doivent, sauf motif légitime, utiliser les droits dont ils disposent en propre afin de faire cesser les troubles de voisinage causés à des tiers par les personnes qui occupent ces locaux, étant précisé, comme l'a justement relevé le premier juge, qu'un simple occupant a qualité pour se prévaloir de ces dispositions.

Il en résulte que l'envoi au locataire fauteur de troubles d'une lettre recommandée avec demande d'avis de réception non suivi d'une action en résiliation du bail n'est pas suffisant.

En l'espèce, il est constant que [M] [A] a été informé des troubles de voisinage imputables à [G] [W] dès avant le congé délivré à [S] [V], le 14 février 2019.

Or, ce congé a été donné pour l'expiration de son bail, soit le 2 avril 2021, de sorte que [H] [C] est fondé à soutenir que pour ne pas laisser les autres occupants exposés jusqu'à cette date, [M] [A] aurait dû engager à l'encontre de [S] [V] une action en résiliation du bail dès le 14 avril 2019, soit deux mois après le commandement délivré le 14 février 2019 au lieu de délivrer un congé avec effet plus de deux ans après, ceci afin de répondre, en considération de la gravité des troubles de jouissance, parfaitement établie à ce moment, à son obligation d'engager une action en résiliation du bail.

En procédant de la sorte, [M] [A] a causé préjudice aux autres occupants de l'immeuble, qui sont en droit de demander réparation.

Il s'ensuit que le jugement dont appel sera réformé en ce qu'il a débouté [H] [C] de ses prétentions indemnitaires.

Statuant à nouveau, [H] [C] sera indemnisé de son trouble de jouissance d'avril 2019, date à laquelle le bail de [S] [V] aurait pu être résilié, au mois de mars 2021, date du départ effectif de cette dernière avec son fils, soit 24 mois x 200 euros = 4 800 euros, somme totale que [M] [A] sera condamné à lui payer.

3. Sur les demandes en paiement formées par [M] [A]

La cour constate que [H] [C] n'apporte pas contradiction autrement qu'en arguant de l'exception d'inexécution, dont il ne peut toutefois se prévaloir au cas d'espèce à défaut d'établir l'impossibilité d'habiter les lieux en raison du trouble de voisinage en débat.

S'agissant de la dette locative arrêtée au mois d'août 2021 et selon le décompte produit par le bailleur, [H] [C] sera condamné à payer à [M] [A] la somme totale de 11 002,65 euros.

Il ne lui sera pas accordé de délais de paiement dès lors qu'il ne justifie aucune cette demande.

[M] [A] sera en revanche débouté de sa prétention visant à voir [H] [C] condamné à lui payer la somme de 720 euros au titre des frais de nettoyage, dès lors que si elle justifiée dans son montant, elle n'est aucunement justifiée dans sa nécessité à défaut de toute démonstration que l'état de l'appartement aurait nécessité une telle prestation, pour ce montant total.

4. Sur les dépens et les frais non remboursables

Le jugement sera confirmé en ce qui concerne les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile.

Chacune des parties conservera ses dépens de l'appel.

Il ne sera pas fait application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire et mis à disposition au greffe ;

CONFIRME le jugement rendu le 5 janvier 2021 par le tribunal judiciaire de Perpignan, sauf en ce qu'il a débouté [H] [C] de ses prétentions indemnitaires ;

Statuant à nouveau,

CONDAMNE [M] [A] à payer à [H] [C] la somme de 4 800 euros à titre de dommages-intérêts, en réparation de son préjudice de jouissance ;

Statuant pour le surplus,

CONDAMNE [H] [C] à payer à [M] [A] la somme de somme totale de 11 002,65 euros au titre de la dette locative, arrêtée au mois d'août 2021 ;

DEBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;

DIT n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais non remboursables exposés en appel ;

DIT que chacune des parties conservera ses dépens.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 5e chambre civile
Numéro d'arrêt : 21/00603
Date de la décision : 14/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-14;21.00603 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award