Grosse + copie
délivrées le
à
COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
3e chambre civile
ARRET DU 09 MARS 2023
Numéro d'inscription au répertoire général :
N° RG 22/01057 - N° Portalis DBVK-V-B7G-PKM3
Décision déférée à la Cour :
Jugement du 25 JANVIER 2022
TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE MONTPELLIER
N° RG 18/06083
APPELANTE :
SCI RIBEIRO immatriculée au RCS de MONTPELLIER sous le n° 791 808 751, représentée par son gérant en exercice, domicilié en cette qualité au siège social sis
[Adresse 4]
[Localité 2]
Représentée par Me Philippe SENMARTIN de la SELARL CSA, avocat au barreau de MONTPELLIER, substitué par Me Stéphane ROCHIGNEUX, avocat au barreau de MONTPELLIER
INTIMEE :
SCI JOACQUIM prise en la personne de son gérant en exercice domicilié ès qualités au siège social sis
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Yann GARRIGUE de la SELARL LEXAVOUE MONTPELLIER GARRIGUE, GARRIGUE, LAPORTE, avocat au barreau de MONTPELLIER, substitué par Me Jean-Pierre BERTHOMIEU, avocat au barreau de MONTPELLIER
Ordonnance de clôture du 23 Décembre 2022
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 13 JANVIER 2023,en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Emmanuelle WATTRAINT, conseillère, chargée du rapport.
Ce(s) magistrat(s) a (ont) rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
M. Gilles SAINATI, président de chambre
M. Thierry CARLIER, conseiller
Mme Emmanuelle WATTRAINT, conseillère
Greffier lors des débats : Mme Sabine MICHEL
ARRET :
- contradictoire ;
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
- signé par M. Gilles SAINATI, président de chambre, et par Mme Sabine MICHEL, Greffière.
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EXPOSE DU LITIGE
Le 10 octobre 2013, la SCI Joacquim a acquis auprès de la SCI Fluides différents lots de copropriété dans un ensemble d'immeubles de bureaux et parkings sis [Adresse 4], à [Localité 2] pour le prix de 598 000 euros TTC. La SCI Joacquim a également acquis des parkings en sous sol et un parking extérieur.
Le 20 janvier 2014 une modification de l'état descriptif de la copropriété a été effectuée et a renuméroté le lot 15 en quatre nouveaux lots :
- lot 35 : un sas au rez-de-chaussée, en indivision entre la société Joacquim et la société Fluides ;
- lot 36 : des sanitaires ;
- lot 37 : des stationnements au rez-de-chaussée
- lot 38 : un local à usage de bureaux et stationnements sur deux niveaux rez-de-chaussée et R+1.
Le 28 juillet 2015, la SCI Ribeiro a fait l'acquisition auprès de la société Fluides de la moitié indivise du lot 35 et du lot 37 ainsi que de deux parkings extérieurs lots 24 et 25.
Le 15 juin 2016, la SCI Ribeiro a signé avec la SCI Joacquim un compromis de vente ayant pour objet la vente 'd'une partie du lot 15 constitué par un local professionnel d'une surface d'environ 220 mètres carré à usage de stationnement au rez-de-chaussé du bâtiment B, livré brut de béton, ledit bien étant inachevé, et lot 34, parking extérieur cote bâtiment B et la moitié indivise du lot 35" moyennant un prix de vente fixé à 240 000 euros TTC. La condition suspensive d'obtention d'un prêt ne s'étant pas réalisée, le compromis est devenu caduque.
Le 25 juillet 2017, la SCI Ribeiro a signé avec la SCI Joacquim un nouveau compromis de vente ayant pour objet la moitié indivise du lot 35, local à usage de sas, situé au rez-de-chaussée du bâtiment B et les 43/10 000ème des parties communes générales et le lot 38, un local à usage de bureau et de stationnement réparti sur deux niveaux et les 2518/10.000 ème des parties communes générales pour un prix de 240 000 euros TTC. Le notaire y a indiqué que le lot 38 était issu de la division du lot 15.
Le 9 février 2018, la SCI Ribeiro a, par acte d'huissier, sommé la SCI Joacquim de se présenter aux fins de réitération de l'acte de vente sous forme authentique, à l'étude notariale à Baillargues le 27 février 2018.
Le 27 février 2018, un procès-verbal de difficultés a été dressé par l'étude notariale, aux termes duquel notamment le vendeur a déclaré que le deuxième compromis de vente était entaché d'une erreur manifeste puisqu'elle avait entendu vendre uniquement le rez-de-chaussée du lot n°38, soit 241,57 m².
Le 17 décembre 2018, la SCI Ribeiro a assigné la SCI Joacquim devant le tribunal de grande instance de Montpellier aux fins de voir dire la vente parfaite, le jugement à venir suppléant l'acte de vente authentique.
Le 21 février 2019, la société Joacquim a assigné la SCI Ribeiro devant le Président du tribunal de grande instance de Montpellier, statuant en référé,aux fins notamment de constater la caducité du compromis de vente en date du 25 juillet 2017 et d'ordonner la restitution des sommes versées par l'acheteur. Cette action a été déclarée irrecevable par ordonnance du 29 mai 2019.
Le 25 janvier 2022, le tribunal judiciaire de Montpellier a notamment :
- prononcé la nullité du compromis de vente du 25 juillet 2017, conclu entre la SCI Ribeiro et la SCI Joacquim,
- enjoint à Maître [Z] de débloquer la somme de 24 000 euros séquestrée au profit de la SCI Ribeiro,
- débouté la SCI Joacquim de sa demande de condamnation au paiement d'une indemnité d'occupation formée à l'encontre de la SCI Ribeiro,
- condamné la SCI Ribeiro aux dépens,
- condamné la SCI Ribeiro à payer à la SCI Joacquim la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Le 23 février 2022, la SCI Ribeiro a régulièrement interjeté appel de ce jugement.
Par ses conclusions enregistrées au greffe le 20 mai 2022, la SCI Ribeiro sollicite l'infirmation de la décision déférée. Elle demande à la cour de juger que la vente est parfaite et que la décision à intervenir suppléera l'acte de vente authentique et vaudra vente. Elle sollicite également de se voir autoriser à porter publication de la décision à intervenir au service de la publicité foncière de [Localité 2]. Elle demande enfin la condamnation de la SCI Joacquim aux entiers dépens et à lui verser la somme de 9 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Par ses conclusions enregistrées au greffe le 21 juin 2022, la SCI Joacquim sollicite au principal la confirmation de la décision entreprise. Subsidiairement, elle demande à voir juger l'action de la SCI Ribeiro irrecevable car prescrite. Plus subsidiairement, elle demande la condamnation de la SCI Ribeiro à exercer l'option offerte par l'article 1681 du code civil en précisant dans le délai d'un mois courant à compter de la signification du jugement à intervenir si elle rend la chose ou si elle la conserve en payant un supplément de prix de 481 980 euros, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard pendant un délai de deux mois. En tous cas, elle sollicite la condamnation de la SCI Ribeiro aux dépens, en ce compris les frais de constat d'huissier des 12 août 2016, 28 mars 2019, 5 avril, 18 avril et 10 septembre 2019 et 14 janvier 2020, et au paiement de la somme de 6 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
La clôture de la procédure a été prononcée le 23 décembre 2022.
Pour un plus ample exposé du litige, il est expressément renvoyé aux conclusions des parties et au jugement déféré.
MOTIFS
Sur l'erreur
Le tribunal, au visa des articles 1583, et 1130 à 1133 du code civil, a jugé que la SCI Joacquim rapportait la preuve d'une part de l'erreur substantielle portant sur la consistance des biens cédés, le compromis et ses annexes comportant une incohérence manifeste entre les lots et les surfaces mentionnées, d'autre part du caractère déterminant et excusable de ladite erreur eu égard au compromis signé un an auparavant portant, concernant le lot 38, uniquement sur le rez de chaussée, du modificatif de l'état descriptif de division, et de l'erreur commise par le notaire sur les lots et surfaces.
La SCI Ribeiro, comme en première instance, considère au contraire que le compromis est parfait. Elle souligne la qualité de professionnelle de la SCI Joacquim qui n'a pu selon elle, du fait de cette qualité, se méprendre sur un élément aussi important que la surface du bien vendu. Elle insiste sur le procès verbal d'assemblée générale du 22 juin 2017 préalable à la vente, aux termes duquel la SCI Joacquim donnait mandat à son gérant de passer la vente des biens décrits dans le compromis au prix fixé au compromis, le lot 38 représentant 2 518/10 000èmes des parties communes de l'immeuble.
Il résulte des pièces du dossier que :
- le compromis de vente du 15 juin 2016 (pièce 4 de l'intimée) signé entre les mêmes parties, devenu caduque, portait essentiellement sur une partie du lot n°15 d'une surface de 220 m² environ à usage de stationnement, pour un prix de 240 000 euros,
- le compromis de vente du 25 juillet 2017 ( pièce 1 de l'appelante) mentionne que le lot 38 est 'un local à usage de bureaux et stationnement réparti sur deux niveaux' (page 3) d'une superficie de 241,57 m² (page 4),
- le certificat de mesurage du 28 septembre 2021 laisse apparaître pour le lot n°38 une surface de 477,80 m² (pièce 20 de l'intimée),
- le dossier de diagnostic et le certificat de superficie annexés au compromis mentionnent tous deux une surface d'un peu plus de 241,50 m² (241,57 et 241,565 m²) pour le lot n°38.
- le compromis devenu caduque, signé entre les mêmes parties le 15 juin 2016 (pièce 4 de l'intimée), soit un an plus tôt, au même prix portait principalement sur la vente d'un rez de chaussée d'une surface d'environ 220 m².
Dans ces conditions, le compromis de vente du 25 juillet 2017 apparaît comme affecté d'une erreur puisque les deux niveaux mentionnés correspondent non pas à la superficie de 241,57 m² également mentionnée dans le compromis, et dans le dossier de diagnostic et le certificat de superficie qui y sont annexés, mais à une surface de 477,80 m².
Par ailleurs, si le procès verbal d'assemblée générale du 22 juin 2017 de la SCI Joacquim (pièce 7 de l'appelante) mentionne que le lot 38 comprend deux niveaux, il mentionne également, comme le compromis de vente du 25 juillet 2017, une superficie de 241,57 m², très largement inférieur deux niveaux susvisés'. de sorte qu'il ne fait que confirmer ( a priori) l'incohérence contenue dans l'acte du 25 juillet 2017.
Le prix prévu dans le compromis de vente du 25 juillet 2017 (240 000 euros) étant très inférieur au prix du marché qui se situe, et ce uniquement pour le 1er étage, entre 435 000 et 267 000 euros hors taxes, selon les évaluations versées aux débats par la SCI Joacquim (pièces 23 et 24 de l'intimée), il apparaît clairement que la SCI Joacquim n'aurait pas contracté aux mêmes conditions si elle avait pensé vendre les deux étages du lot 38.
Enfin, eu égard au fait que :
- l'état descriptif de division des lots a été modifié (pièce 5 de l'intimée), la modification portant notamment sur le lot 38 litigieux, composé dorénavant de deux étages,
- la SCI Joacquim avait signé un compromis avec le même acheteur un an auparavant au même prix, compromis qui portait uniquement sur un rez de chaussée d'environ 220 m² composé de parkings (pièce 4 de l'intimée),
- l'erreur a été manifestement initiée ou reprise par le notaire rédacteur de l'acte, professionnel du droit,
l'erreur de la SCI Joacquim apparaît parfaitement excusable, nonobstant sa qualité de professionnelle de l'immobilier.
Dans ces conditions, le compromis étant affecté d'une erreur déterminante et excusable pour le vendeur, le jugement sera confirmé en ce qu'il a prononcé la nullité du compromis de vente.
La SCI Ribeiro ayant consigné la somme de 24 000 euros, le jugement sera également confirmé en ce qu'il a ordonné la restitution de ces fonds au profit de la SCI Ribeiro.
Sur les demandes accessoires
Eu égard à l'issue du litige, le jugement sera confirmé.
En cause d'appel, la SCI Ribeiro, succombante, sera condamnée à payer à la SCI Joaquim la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle sera également condamnée aux entiers dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 25 janvier 2022 par le tribunal judiciaire de Montpellier,
Y ajoutant,
Condamne la SCI Ribeiro à payer à la SCI Joaquim la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,
Condamne la SCI Ribeiro aux entiers dépens d'appel.
Le greffier, Le président,