La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

09/03/2023 | FRANCE | N°17/03264

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 3e chambre civile, 09 mars 2023, 17/03264


Grosse + copie

délivrées le

à









COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



3e chambre civile



ARRET DU 09 MARS 2023



Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 17/03264 - N° Portalis DBVK-V-B7B-NGLQ



Décision déférée à la Cour :

Jugement du 27 avril 2017

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE NARBONNE

N° RG 15/00795



APPELANTE :



Madame [O] [V]

née le 08 Mars 1954 à [Localité 9]

de nationalité Française
>[Adresse 2]

[Localité 1]

Représentée à l'instance et à l'audience par Me Nicolas SAINTE CLUQUE de la SELARL SAINTE-CLUQUE - SARDA - LAURENS, avocat au barreau de NARBONNE

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale nu...

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

3e chambre civile

ARRET DU 09 MARS 2023

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 17/03264 - N° Portalis DBVK-V-B7B-NGLQ

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 27 avril 2017

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE NARBONNE

N° RG 15/00795

APPELANTE :

Madame [O] [V]

née le 08 Mars 1954 à [Localité 9]

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représentée à l'instance et à l'audience par Me Nicolas SAINTE CLUQUE de la SELARL SAINTE-CLUQUE - SARDA - LAURENS, avocat au barreau de NARBONNE

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2017/009442 du 02/08/2017 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de MONTPELLIER)

INTIMES :

Monsieur [T] [P], [S] [L]

né le 23 Octobre 1957 à [Localité 6]

de nationalité Française

Chez Mme [K] [L]

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Localité 8]

Représenté par Me Philippe SENMARTIN de la SELARL CSA, avocat au barreau de MONTPELLIER, substitué à l'audience par Me Célia VILANOVA, avocat au barreau de MONTPELLIER

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2017/011349 du 30/08/2017 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de MONTPELLIER)

Madame [K] [W] veuve [L]

née le 27 Mars 1931 à [Localité 8]

de nationalité Française

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Localité 8]

Représentée par Me Philippe SENMARTIN de la SELARL CSA, avocat au barreau de MONTPELLIER, substitué à l'audience par Me Célia VILANOVA, avocat au barreau de MONTPELLIER

Ordonnance de clôture du 07 mars 2022

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 09 Janvier 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. Thierry CARLIER, conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

M. Gilles SAINATI, président de chambre

M. Thierry CARLIER, conseiller

M. Fabrice DURAND, conseiller

Greffier lors des débats : Mme Camille MOLINA

ARRET :

- contradictoire ;

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par M. Gilles SAINATI, président de chambre, et par Mme Camille MOLINA, Greffière.

*

* *

EXPOSE DU LITIGE

Monsieur [T] [L] et Madame [K] [W] veuve [L], ont été propriétaires d'un actif immobilier situé [Adresse 4].

Le 29 juin 2011, un compromis de vente a été signé, sous forme notariée, entre Monsieur [T] [L], Madame [K] [W] veuve [L] et Madame [V] pour un prix de 1 100 000,00 euros. Il a été convenu que Madame [V] occuperait le bien de manière anticipée à compter du 8 août 2011, moyennant une redevance mensuelle de 1 700,00 euros et un dépôt de 3 400 euros " dans la mesure où la réitération de la vente en acte authentique est tenue pour certaine du chef de Madame [O] [V] ; cette dernière reconnaissant qu'elle n'aura pendant cette période que la qualité d'occupante précaire, et qu'elle ne pourra pas arguer de la qualité de locataire, à peine de dommages et intérêts ".

Madame [V] s'engageait à quitter les lieux sans délai en cas de refus de sa part de régulariser l'acte authentique pour quelque cause que ce soit à peine d'astreinte de 150 euros par jour outre une clause pénale de 100 000 euros.

La date de signature de l'acte authentique de vente a été prévue, au plus tard, pour le 8 août 2012, ce délai pouvant être prorogé jusqu'au 25 août 2012 au cas où les pièces administratives nécessaires à la rédaction de l'acte n'auraient pas toutes été réunies.

La date d'expiration du délai n'est pas extinctive mais marque le point de départ de la période à partir de laquelle le constat de la vente peut être demandé en justice, nonobstant la mise en oeuvre de la clause pénale.

Il est prévu une clause suspensive relative à l'état hypothécaire qui ne doit pas révéler " des inscriptions dont la charge augmentée du coût de la radiation à effectuer serait supérieure au prix et pour lesquelles inscriptions il n'aurait pas été obtenu de dispense de purge des hypothèques".

Enfin, l'acte ne prévoit aucune clause suspensive relative à l'obtention d'un prêt. D'un commun accord, il n'est versé aucun dépôt de garantie.

Par acte du 3 août 2012, les parties ont décidé de proroger le délai à la date du 8 février 2013, celui-ci ne pouvant excéder le 15 février 2013.

Le 20 février 2013, il était fait sommation à Madame [V] de payer le prix de la vente.

La caisse régionale du Crédit Agricole Mutuel du Languedoc, sous la constitution de la SCP Gouiry-Mary-Calvet-Benet Avocat, inscrit au barreau de Narbonne, a procédé à la vente sur surenchère d'une partie de l'actif immobilier sur les poursuites engagées à l'encontre de Monsieur [T] [L].

Par jugement d'orientation du 27 février 2012, la vente amiable du bien saisi a été autorisée pour un prix ne pouvant être inférieur à 1 100 000,00 euros.

Par jugement du 18 juin 2012, le juge de l'exécution a ordonné le renvoi de l'affaire à l'audience du 10 septembre 2012 pour constater la réalisation de la vente en la forme authentique. Par jugement du 10 décembre 2012, le juge de l'exécution a constaté la carence du débiteur et ordonné la reprise de la procédure de vente aux enchères publiques pour l'audience des criées du lundi 11 février 2013.

Le 27 mai 2013, Madame [O] [V] a acquis par le biais de la procédure de vente sur surenchère le bien pour le prix de 300 000 euros. Cependant, par arrêt en date du 27 juin 2013, la cour d'appel de Montpellier a déclaré nuls et de nuls effets les actes de la procédure de saisie immobilière du fait de la nullité du jugement postérieur au jugement d'orientation.

Le 16 juillet 2013, la caisse régionale de Crédit Agricole Mutuel du Languedoc a donné assignation à Monsieur [L] d'avoir à comparaitre à l'audience du 9 septembre 2013 pour voir ordonner la reprise de la procédure de saisie immobilière sur vente forcée des immeubles situés à [Localité 7].

Le 18 juillet 2013, Monsieur [T] [L] et Madame [K] [W] veuve [L], ont assigné Madame [V] devant le juge des référés du tribunal d'instance de Narbonne, afin de voir constater qu'elle était occupante sans droit ni titre des lieux litigieux tenant à l'annulation de la procédure de surenchère par la cour d'appel et ordonner son expulsion. Le 16 septembre 2013, l'ordonnance de référé a débouté Monsieur [L] et Madame [W] veuve [L] de leur demande.

Le 10 février 2014, le juge de l'exécution a constaté l'absence de vente amiable et a autorisé la banque à poursuivre la vente forcée du bien. Un jugement d'adjudication a été rendu le 12 mai 2014. Mais le 21 mai 2014, une nouvelle déclaration de surenchère a été formée.

Madame [V] et son fils créaient, le 5 mai 2014, la SCI " Les Rochettes", laquelle devenait adjudicataire sur surenchère de l'ensemble immobilier pour un prix de 385 000 euros à l'audience du 1er septembre 2014, consignant pour ce faire la somme de 21 110 euros.

Madame [V] ne parvenait pas à réunir les fonds nécessaires au paiement des sommes dues au titre de l'adjudication, de sorte que le juge de l'exécution, saisi sur requête de la CRCAM, délivrait un certificat ayant pour but de procéder à une réitération des enchères, Madame [V] et son fils perdant alors la somme de 21 110 euros qu'ils avaient consigné en compte CARPA.

Le 13 avril 2015, la société d'aménagement foncier et d'établissement rural (SAFER) du Languedoc Roussillon a exercé son droit de préemption sur cette adjudication et est devenue propriétaire.

Le 26 mai 2015, Monsieur [T] [L] et Madame [K] [W] ont fait assigner Madame [O] [V] afin de la voir condamner à leur verser une somme de 715 000 euros en réparation du préjudice subi par eux du fait de la non réalisation de la promesse de vente.

Le 27 avril 2017 le tribunal de grande instance de Narbonne a :

- condamné Madame [V] à verser à Monsieur [T] [L] les sommes de 100 000 euros et de 59 500 euros ;

- dit que de cette dernière somme devra être déduite celle de 3 400 euros correspondant au dépôt de garantie ;

- rejeté toute autre demande des parties ;

- ordonné l'exécution provisoire de la présente décision ;

- dit n'y avoir lieu à indemnité au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- laissé les dépens de l'action à la charge des parties qui les ont exposés.

Le 12 juin 2017, Madame [O] [V] a interjeté appel.

Vu les conclusions de Madame [O] [V] remises au greffe le 14 septembre 2017.

Elle sollicite :

- qu'il soit constaté aux termes du courrier écrit par Monsieur [T] [L] à Madame [O] [V] le 03 mai 2011, que la convention signée par eux le 29 juin 2011 était une convention sui generis régie par la liberté contractuelle, et non une promesse synallagmatique de vente soumise au régime des articles 1589 et suivants du code civil. Madame [V] relève notamment qu'il est d'usage que l'acquéreur verse entre 5 et 10 % du montant total du prix afin de démontrer son intention non équivoque d'acheter le bien. L'absence d'un tel dépôt de garantie démontre qu'il ne s'agit donc pas d'une promesse synallagmatique de vente ;

- qu'il soit constaté, eu égard aux éléments ayant trait au prétendu financement de l'acquisition, que Madame [O] [V] ne pouvait nullement acquérir l'ensemble immobilier au prix de 1 100 000 euros fixé par Monsieur [T] [L], cette dernière n'ayant pas réussi à l'acquérir au prix de 385 000 euros et ayant perdu la somme de 21 100 euros. Madame [V] soutient également que si elle avait réellement attendu le déblocage d'un héritage pour acquérir le bien litigieux, cet évènement aurait fait l'objet d'une condition suspensive dans le compromis, lui permettant de se dégager de son engagement en cas de difficulté;

- qu'il soit constaté que la convention baptisée « avenant à compromis de vente » que Monsieur [T] [L] a fait signer à Madame [O] [V] le 03 août 2012 ne fait nullement état de la prétendue raison pour laquelle elle n'aurait pu, à cette date, acquérir l'ensemble immobilier au prix convenu ;

- qu'il soit constaté qu'en dépit de l'approche de l'expiration du délai fixé par le juge de l'exécution pour parvenir à la vente amiable au 27 septembre 2012, Monsieur [T] [L] n'a pas entendu poursuivre l'exécution forcée de la convention mais a délibérément fait le choix de conclure un avenant au prétendu compromis de vente le 03 août 2012, permettant à Madame [O] [V] de se prévaloir d'une prorogation de la « convention d'occupation précaire » en échange de la perception de loyers occultes durant six mois supplémentaires ;

- qu'il soit constaté que Monsieur [T] [L] et Madame [K] [W] veuve [L] ont donné mandat sans exclusivité à l'Agence immobilière AB Real Estate le 11 janvier 2013, soit pendant la durée de validité du prétendu compromis de vente les liant à Madame [O] [V], afin de parvenir à la vente de l'ensemble immobilier au prix de 990 000 euros ;

- que soit infirmé le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Narbonne le 27 avril 2017 en ce qu'il a considéré que « Madame [V] a manqué à son obligation contractuelle de procéder à l'acquisition prévue dans le compromis du 29 juin 2011 dont elle ne démontre pas qu'elle ne l'a pas signé en parfaite connaissance de cause ou dans un but occulte » ;

- qu'il soit dit et jugé que l'intention des parties n'était pas de conclure un compromis de vente mais en réalité de créer une convention sui generis permettant à Monsieur [T] [L] de percevoir mensuellement des loyers qui échappaient au gage de ses créanciers poursuivants, cette convention n'étant pas soumise à la loi n° 89-462 du 06 juillet 1989 régissant les baux d'habitation ;

- que la convention signée le 29 juin 2011 par Madame [O] [V] d'une part et Monsieur [T] [L] et Madame [K] [W] veuve [L] d'autre part, baptisée « compromis de vente », soit requalifiée en un contrat de bail d'habitation soumis aux dispositions de la loi n° 89-462 du 06 juillet 1989 ;

- que Monsieur [T] [L] et Madame [K] [W] veuve [L] soient déboutés de leurs demandes de réparation du préjudice qu'ils auraient subi du fait de la non réalisation de la promesse de vente au prix convenu initialement ;

- que Monsieur [T] [L] et Madame [K] [W] veuve [L] soient déboutés de leur demande de condamnation au paiement d'une indemnité de 100 000 euros au titre de la clause pénale ;

- subsidiairement , qu'il soit constaté que le compromis de vente ne fait pas état de la moindre hypothèque sur l'ensemble immobilier constitué par le [Adresse 5] alors qu'il était grevé, au moment de sa signature, d'hypothèques pour un montant total de 688 403,95 euros ;

- qu'il soit constaté que si Madame [O] [V] avait eu connaissance de l'existence de ces suretés et par la même occasion de l'imminence de la procédure de saisie immobilière, elle n'aurait pas signé le compromis de vente et attendu la vente aux enchères publiques du bien ;

- que le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Narbonne le 27 avril 2017 soit infirmé en ce qu'il a rejeté l'exception de nullité affectant le compromis de vente signé le 29 juin 2011 ;

- qu'il soit dit et jugé que le fait pour Monsieur [T] [L] et Madame [K] [W] veuve [L] de ne pas mentionner l'existence d'hypothèques grevant le bien et l'imminence d'une procédure de saisie immobilière au moment de la signature du compromis de vente est constitutif d'une réticence dolosive ;

- qu'il soit dit et jugé que cette réticence dolosive a vicié le consentement de Madame [O] [V], laquelle n'aurait pas contracté si elle avait connu la réalité de la situation juridique du bien ;

- qu'il soit dit et jugé que le compromis de vente du 29 juin 2011 est nul et de nul effet ;

- que Monsieur [T] [L] et Madame [K] [W] veuve [L] soient déboutés de l'intégralité de leurs demandes de réparation du préjudice qu'ils auraient subi du fait de la non réalisation de la promesse de vente au prix convenu initialement ;

- que Monsieur [T] [L] et Madame [K] [W] veuve [L] soient déboutés de leur demande de condamnation au paiement d'une indemnité de 100 000 euros au titre de la clause pénale ;

- à titre infiniment subsidiaire, qu'il soit constaté que le compromis de vente comporte une condition suspensive de non révélation de servitudes ou de charges ;

- qu'il soit constaté que le compromis de vente ne fait pas état de la moindre hypothèque sur l'ensemble immobilier constitué par le [Adresse 5] alors qu'il était grevé, au moment de sa signature, d'hypothèques pour un montant total de 688 403,95 euros ;

- qu'il soit constaté que les documents sollicités par le notaire rédacteur de l'acte authentique ont nécessairement révélés l'existence des hypothèques ;

- qu'il soit constaté que le montant des sûretés diminue la valeur de l'immeuble ;

- qu'il soit constaté la défaillance de la condition suspensive mise à la charge du vendeur ;

- que le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Narbonne le 27 avril 2017 soit infirmé en ce qu'il a rejeté la caducité du compromis de vente signé le 29 juin 2011 ;

- de prononcer la caducité de la convention signée le 26 juin 2011 par Madame [O] [V] d'une part, et Monsieur [T] [L] et Madame [K] [W] veuve [L] d'autre part ;

- que Monsieur [T] [L] et Madame [K] [W] veuve [L] soient déboutés de l'intégralité de leurs demandes du fait de la non réalisation de la promesse de vente au prix convenu initialement ;

- qu'il soit constaté que Madame [O] [V] rapporte la preuve d'avoir régulièrement payé les sommes dues au titre de l'occupation du [Adresse 5] jusqu'au 16 septembre 2013 ;

- qu'il soit constaté qu'à compter de la signification du commandement de payer valant saisie de l'immeuble le 1er août 2011, Monsieur [T] [L] n'avait plus qualité pour percevoir les fruits produits par l'immeuble ;

- que soit infirmé le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Narbonne le 27 avril 2017 en ce qu'il a condamné Madame [O] [V] à régler à Monsieur [L], la somme de 59.500 euros au titre des indemnités d'occupation, déduction faite de la somme de 3.400 euros au titre du dépôt de garantie ;

- à titre principal, que Monsieur [L] soit débouté de l'intégralité de ses demandes au titre des indemnités contractuelles d'occupation ;

- de réduire, à titre subsidiaire, la condamnation de Madame [O] [V] au titre des indemnités d'occupation à la somme de 26 350 euros, soit pour la période du 16 septembre 2013 au 28 février 2015 ;

- qu'il soit constaté que les consorts [L]-[W] ont tenté d'obtenir près de 870 000 euros de la part de Madame [O] [V] dans l'unique but de pallier leur carence à trouver un acquéreur pour le [Adresse 5] avant sa vente aux enchères à la barre du tribunal ;

- d'infirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Narbonne le 27 avril 2017 en ce qu'il a rejeté la demande de condamnation pour procédure abusive et injustifiée formulée par Madame [O] [V] à l'égard de Monsieur [T] [L] et de Madame [K] [W] ;

- qu'il soit dit et jugé que les demandes formulées par Monsieur [L] et Madame [W] sont pour le moins abusives et malhonnêtes ;

- de condamner solidairement Monsieur [T] [L] et Madame [K] [W] veuve [L] à lui régler une indemnité de 15.000 euros à titre de dommages et intérêts pour son préjudice moral, sur le fondement de l'article 1382 du Code civil ;

- de condamner solidairement Monsieur [T] [L] et Madame [K] [W] veuve [L] au paiement d'une amende civile d'un montant de 3 000 euros ;

- de rejeter comme injustes et mal fondées, en tout cas injustifiées, toutes demandes, fins ou conclusions contraires aux présentes écritures ;

- de condamner solidairement Monsieur [T] [L] et Madame [K] [W] veuve [L] , au visa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, à régler une indemnité de 5 000 euros à la SCP Sainte-Cluque, représentée par Maître Nicolas Sainte-Cluque, laquelle disposera d'un délai de 12 mois à compter du jour où la décision est passée en force de chose jugée pour recouvrer la somme qui lui sera alloué ;

- de condamner solidairement Monsieur [T] [L] et Madame [K] [W] veuve [L] aux entiers dépens de première instance et d'appel, en ceux compris les frais liés à l'exécution de l'arrêt à intervenir et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Vu les conclusions de Monsieur [T] [L] et de Madame [K] [W] veuve [L] remises au greffe le 2 novembre 2017 ;

Ils demandent :

- la confirmation du jugement en ce qu'il a :

'condamné Madame [O] [V] à verser à Monsieur [T] [L] les sommes de 100 000 euros et de 59 500 euros ;

'dit que de cette dernière somme devra être déduite celle de 3 400 euros correspondant au dépôt de garantie ;

- l'infirmation du jugement pour le surplus et demandent à la cour :

'que Madame [V] soit déboutée de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions.

'qu'il soit constaté les manoeuvres frauduleuses de Madame [V] afin de diminuer le prix de vente contractuellement prévu au compromis.

'que Madame [V] soit condamnée à verser 779 000 euros à Monsieur [T] [L] et Madame [K] [W] veuve [L], en réparation du préjudice subi par les requérants du fait de la non réalisation de la promesse de vente au prix convenu initialement;

- que Madame [V] soit condamnée au paiement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction au profit de la SELARL Chabannes-Senmartin.

MOTIFS DE L'ARRÊT

Sur la qualification de l'acte notarié en date du 29 juin 2011,

Aux termes de l'article 1156 du code civil " On doit dans les conventions rechercher quelle a été la commune intention des parties contractantes plutôt que de s'arrêter au sens littéral des termes ".

Madame [V] rappelle justement qu'il appartient aux juges du fond de rechercher l'intention des parties contractantes dans les termes employés par elles comme dans tout comportement ultérieur de nature à la manifester.

En l'espèce, Madame [V] soutient que la convention signée le 29 juin 2011 n'avait absolument pas pour objet l'acquisition du bien litigieux par elle mais qu'il s'agissait en réalité pour Monsieur [L] et Madame [W] de louer l'ensemble immobilier afin d'une part de faire patienter leurs créanciers tout en recherchant un acquéreur fortuné et d'autre part, de percevoir des loyers non déclarés.

Elle ajoute que, fort heureuse de s'installer au sein du [Adresse 5], elle n'a eu d'autre choix que de se soumettre à la stratégie contractuelle de Monsieur [L] qui s'est montré extrêmement directif et persuasif.

Au préalable, et sur le plan factuel, Madame [V] n'explicite pas pourquoi elle souhaitait absolument louer le bien litigieux et les raisons qui l'auraient quasiment contrainte, selon elle, à signer un " faux " compromis de vente alors même que le loyer convenu était élevé (1 700 euros ) et que ses moyens financiers étaient, selon ses propres propos, relativement limités.

Par ailleurs, dans l'hypothèse d'une volonté de Monsieur [L] de dissimuler l'existence de sa locataire, ce dernier avait la possibilité louer son bien sans déclarer les loyers dans l'attente de trouver un acquéreur sans avoir recours à la signature d'un " faux " compromis de vente conclu devant notaire.

D'autre part, il ressort du courrier du 3 mai 2011 adressé à Madame [V], que l'utilisation par Monsieur [L] du terme " convention sui generis" régie par la liberté contractuelle vise la convention d'occupation des lieux sous condition d'acquisition du bien, le courrier précisant que la justification de la précarité de la convention d'occupation des lieux réside dans la volonté manifeste pour le bailleur de vendre et pour le preneur d'acquérir le bien.

Par conséquent, ce courrier n'est pas de nature à démontrer, comme le soutient Madame [V], l'intention de Monsieur [L] de conclure uniquement une convention d'occupation et non un compromis de vente.

Il résulte également du compromis de vente litigieux, passé devant notaire, que l'occupation anticipée du bien était justifiée par le délai souhaité par l'acquéreur pour réitérer la vente, l'acte disposant que cette occupation est consentie dans la mesure où la réitération de la vente en acte authentique est tenue pour certaine du chef de Madame [V], cette dernière reconnaissant qu'elle n'aura pendant cette période que la qualité d'occupante précaire et s'engageant à libérer les lieux sans délai en cas de refus de sa part de régulariser l'acte authentique.

L'absence de condition suspensive d'obtention d'un prêt ne résulte que de la seule volonté de Madame [V] et n'est pas de nature à elle seule à remettre en cause la nature de la convention, le tribunal relevant à juste titre que des dispositions sont prévues pour garantir les intérêts de l'acheteur ou du vendeur et que rien ne les empêche d'y renoncer à leurs risques et périls, l'attente du déblocage d'un héritage pouvant expliquer l'absence d'une condition suspensive d'obtention d'un prêt, même si aucun élément ne permet de corroborer le financement du bien par ce moyen.

La signature d'un avenant à compromis de vente le 3 août 2012 avant la vente forcée du bien résulte, selon cet acte, de la volonté réciproque des parties sans que l'on puisse en tirer des conclusions définitives quant à la nature réelle de la convention signée le 29 juin 2011.

En tout état de cause, aucun des arguments avancées par Madame [V] n'apparaît suffisamment probant pour établir de façon incontestable que Monsieur [L] et Madame [W] n'avait pas réellement l'intention de céder leur bien immobilier à Madame [V] ni que cette dernière n'avait pas l'intention de l'acquérir.

Sur ce dernier point, force est de constater que Madame [V] a tenté à deux reprises d'acquérir le [Adresse 5], une première fois par jugement d'adjudication sur surenchère en date du 27 mai 2013, annulé par la cour d'appel de Montpellier, au prix de 300 000 euros, puis par l'intermédiaire de la SCI " Les Rochettes" crée pour l'occasion, par jugement d'adjudication sur surenchère en date du 1er septembre 2014, au prix de 385 000 euros, ce qui caractérise à l'évidence sa réelle intention d'acquérir ce bien et ce, nonobstant son manque de moyens financiers.

Compte tenu de ces éléments, la demande de requalification du compromis de vente signé le 29 juin 2011 en un contrat de bail d'habitation soumis aux dispositions de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 sera rejetée, le jugement étant confirmé de ce chef.

Sur la nullité du compromis de vente pour dol,

Madame [V] soutient que son consentement aurait été surpris par dol, le compromis ne faisant pas état des hypothèques prises sur l'ensemble immobilier pour un montant de 688 403,95 euros ni de l'imminence d'une procédure de saisie immobilière, faisant valoir que si elle avait été informée de cette situation, elle n'aurait pas signée le compromis de vente au prix de 1 100 000 euros.

D'une part, le compromis dispose que l'état hypothécaire ne révèle pas des inscriptions dont la charge augmentée du coût des radiations à effectuer serait supérieur au prix, et pour lesquelles hypothèques il n'aurait pas été obtenu de dispense de purge des hypothèques étant relevé qu'en l'espèce, le montant prévu de la vente de 1 100 000 euros couvrait largement le montant des sommes garanties et des frais ( 688 403,95 euros).

Par conséquent, il ne peut être soutenu que l'existence d'hypothèques aurait été dissimulée à Madame [V].

D'autre part, s'agissant de l'absence d'information sur la procédure imminente de saisie vente, outre que la caisse régionale de Crédit Agricole Mutuel du Languedoc n'avait pas encore fait délivrer les deux commandements valant saisie vente à la date du compromis, cette circonstance, comme l'a relevé le tribunal, n'affectait pas la valeur intrinsèque de l'immeuble ni son état et n'a d'ailleurs pas empêché Madame [V] de tenter d'acquérir le bien à un moindre prix dans le cadre des ventes forcées.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de nullité du compromis pour dol.

Sur la caducité du compromis de vente,

Madame [V] fait état des dispositions du compromis de vente indiquant notamment, au titre des conditions suspensives dont la non réalisation entraînera la caducité du compromis " Que l'état hypothécaire ne révèle pas des inscriptions dont la charge augmentée du coût des radiations à effectuer serait supérieur au prix, et pour lesquelles inscriptions il n'aurait pas été obtenu de dispense de purge des hypothèques" .

En l'espèce, il a été précédement développé que le compromis stipulait que l'état hypothécaire ne révèlait pas des inscriptions dont la charge augmentée du coût des radiations à effectuer serait supérieur au prix et que le montant prévu de la vente couvrait largement le montant des sommes garanties et des frais de sorte qu'il n'est pas démontré la défaillance de la condition suspensive mise à la charge du vendeur.

Madame [V] sera donc déboutée de sa demande de caducité du compromis de vente, le jugement étant confirmé de ce chef.

Sur la mise en oeuvre de la clause pénale,

Le compromis de vente stipule que Madame [V] s'engage à libérer les lieux sans délais en cas de refus de sa part de régulariser l'acte authentique pour une cause quelconque qui lui serait imputable, et ce, sous astreinte de 150 euros par jour, et en outre du versement d'une clause pénale de 100 000 euros qui serait due à Monsieur [T] [L].

En l'espèce, il résulte des pièces versées aux débats que malgré la mise en demeure adressée le 20 février 2013 par le notaire, Madame [V] a refusé de réitérer la vente.

Elle est donc redevable de la somme de 100 000 euros au titre de la clause pénale prévue au compromis, le jugement étant confirmé sur ce point.

Sur le paiement aux vendeurs de la différence entre le montant prévu dans le compromis et celui de l'adjudication,

En l'espèce, Monsieur [L] et Madame [W] font valoir que le comportement de Madame [V] qui a refusé de réitérer la vente et qui a usé de manoeuvres frauduleuses pour parvenir à acquérir le bien objet du compromis à un prix inférieur leur a causé un préjudice d'un montant de 779 000 euros.

D'une part, la circonstance que Madame [V] ait cherché à acquérir le bien à l'occasion des procédures de saisie immobilière ne suffit pas à elle seule à caractériser de sa part l'existence de manoeuvres frauduleuses.

D'autre part, le compromis sanctionne déjà le refus de l'acquéreur de régulariser l'acte authentique par le versement au vendeur d'une clause pénale à titre de dommages et intérêts, à l'exclusion de toute autre somme.

Monsieur [L] et Madame [W] seront donc déboutés de leur demande de paiement de la somme de 779 000 euros correspondant à la différence entre le montant prévu dans le compromis et celui de l'adjudication.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur le paiement de l'indemnité contractuelle d'occupation,

Le compromis de vente disposait que l'occupation était consentie moyennant une redevance mensuelle de 1 700 euros, outre un dépôt de garantie de 3 400 euros.

Comme l'a relevé le tribunal, il appartient à Madame [V] de rapporter la preuve des paiements effectués.

Si Madame [V] expose qu'elle réglait mensuellement son loyer à Monsieur [L] soit en espèces, soit par le biais de virements bancaires ou de mandats cash ou mandats compte à l'ordre de son frère ou de Madame [W], il convient d'une part de constater qu'elle ne justifie aucunement des paiements effectués en espèces alors qu'elle aurait pu solliciter de la part de Monsieur [L] un reçu en justifiant, comme cela a été le cas concernant les redevances d'août à décembre 2011.

Par ailleurs, les mandats et l'ordre de virement versés aux débats ne permettent aucunement d'imputer les sommes y figurant au paiement de l'indemnité d'occupation, ces sommes étant d'un montant bien inférieur au montant convenu (550 euros , 380 euros, 485 euros, 700 euros ), Madame [V] ne pouvant se contenter d'affirmer qu'il importe peu que le montant des sommes ou que la cause des paiements ne soit pas indiquée sans apporter plus d'explication sur ce point, aucun élément au dossier ne permettant en tout état de cause d'établir avec certitude que les sommes invoquées aient été affectées au paiement des loyers.

D'autre part, le tribunal a justement relevé qu'il n'était pas démontré que le Crédit Agricole, banque saisissante, se soit opposé, conformément aux dispositions de l'article R 321-18 du code des procédures d'exécution, au paiement des loyers entre les mains de son débiteur et lui ait fait obligation de les verser entre les mains d'un sequestre, le texte précisant qu'à défaut d'opposition, les paiements faits au débiteur sont valables et celui-ci est séquestre des sommes reçues.

La circonstance que l'assignation en référé délivrée le 18 juillet 2013 à la demande des vendeurs ne sollicite le paiement d'une indemnité d'occupation qu'à partir du 27 juin 2013 ne dispense Madame [V], dans le cadre de la présente instance, de rapporter la preuve qu'elle a bien acquitté l'indemnité d'occupation contractuellement prévue depuis sa prise de possession du bien le 8 août 2011.

Or, elle ne justifie que des paiements d'août à décembre 2011 et de septembre à novembre 2012.

Par conséquent, elle reste redevable, pour la période 2012 - 16 mars 2015, date du jugement d'adjudication, d'une somme de 59 500 euros qu sera diminuée du montant du dépôt de garantie de 3 400 euros.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

PAR CES MOTIFS,

La cour ,

Confirme le jugement en toutes ses dispositions ;

Condamne, en application des articles 42 et 75 de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, Madame [O] [V] à payer à Monsieur [T] [L] et Madame [K] [W] veuve [L] la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, pour leurs frais engagés en appel ainsi qu'aux entiers dépens, avec autorisation de recouvrement direct, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

La greffière, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 3e chambre civile
Numéro d'arrêt : 17/03264
Date de la décision : 09/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-09;17.03264 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award