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08/03/2023 | FRANCE | N°20/03215

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 2e chambre sociale, 08 mars 2023, 20/03215


Grosse + copie

délivrées le

à































COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

2e chambre sociale

ARRET DU 08 MARS 2023



Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 20/03215 - N° Portalis DBVK-V-B7E-OUVJ



Décision déférée à la Cour :

Jugement du 06 JUILLET 2020

CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE MONTPELLIER N° RG F18/00052



APPELANT :



Monsieur [U]

[D]

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représenté par Me Gautier DAT, avocat au barreau de MONTPELLIER



INTIMEE :



S.A. WURTH FRANCE

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représentée par Me Caroline GUILLAUME, avocat au barreau de MONTPELLIER

Représentée par M...

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

2e chambre sociale

ARRET DU 08 MARS 2023

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 20/03215 - N° Portalis DBVK-V-B7E-OUVJ

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 06 JUILLET 2020

CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE MONTPELLIER N° RG F18/00052

APPELANT :

Monsieur [U] [D]

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représenté par Me Gautier DAT, avocat au barreau de MONTPELLIER

INTIMEE :

S.A. WURTH FRANCE

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représentée par Me Caroline GUILLAUME, avocat au barreau de MONTPELLIER

Représentée par Me LIONS avocat pour Me Christine TSCHEILLER-WEISS, avocat au barreau de STRASBOURG

Ordonnance de clôture du 27 Décembre 2022

COMPOSITION DE LA COUR :

En application de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 17 JANVIER 2023, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l'article 804 du même code, devant la cour composée de :

M. Jean-Pierre MASIA, Président

Monsieur Richard BOUGON, Conseiller

Madame Magali VENET, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : M. Philippe CLUZEL

ARRET :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par M. BOUGON Conseiller, en l'absence du Président empêché, et par M. Philippe CLUZEL, Greffier.

*

* *

FAITS ET PROCEDURE

Monsieur [U] [D] a été engagé à compter du 23 août 1993 pour une durée indéterminée par la sarl Visserie Boulonnerie Würth, aujourd'hui la sas Würth France, en qualité de VRP exclusif, le contrat de travail ayant réservé à l'employeur la faculté de modifier le secteur géographique et la clientèle du représentant en fonction des nécessités de l'organisation commerciale.

Le salarié a été en arrêt de travail du 11 août 2016 au 24 janvier 2017.

A l'issue des deux visites de reprise, le 13 décembre 2016, le salarié a été déclaré inapte par le médecin du travail dans les termes uivants: ' VRP:Inapte. Confirmation de l'inaptitude médicale au poste de VRP établie le 29/11/16, après étude de poste et des conditions de travail faite le 05/12/16 en application de l'article R4624-31 du Code du Travail.Vu l'état de santé actuel du salarié, pas de proposition de reclassement.'

Le 20 janvier 2017, l'employeur a adressé au salarié 9 propositions de reclassement que, par lettre du 26 janvier 2017, le salarié a réfusées.

Par lettre du 8 février 2017 , l'employeur a convoqué le salarié à un entretien préalable, fixé au 17 février 2017, en vue de son éventuel licenciement.

Par lettre du 13 février 2017, le salarié a fait connaître que son état de santé ne lui permettait pas de se rendre audit entretien.

Par lettre du 24 février 2017, l'employeur a licencié le salarié pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

Invoquant une exécution déloyale du contrat de la part de l'employeur, contestant son licenciement et demandant le paiement de diverses sommes, le salarié a saisi, le 18 janvier 2018, le conseil de prud'hommes de Montpelllier lequel, par jugement du 6 juillet 2020, l'a débouté de toutes ses demandes.

C'est le jugement dont Monsieur [U] [D] a interjeté appel.

MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES

Vu les dernières conclusions n°2 de Monsieur [U] [D] régulièrement notifiées et déposées au RPVA le 15 décembre 2022.

Vu les dernières conclusions récapitulatives et responsives en défense de la sas Würth France régulièrement notifiées et déposées au RPVA le 23 décembre 2022.

Pour l'exposé des prétentions des parties et leurs moyens, il est renvoyé, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, à leurs conclusions ci-dessus mentionnées et datées.

Vu l'ordonnance de clôture du 27 décembre 2022.

SUR CE

I - Sur l'exécution déloyale du contrat

Pour obtenir la réformation du jugement qui l'a débouté de sa demande indemnitaire au titre de l'exécution déloyale du contrat, Monsieur [U] [D] soutient que la société Würth France avait modifié ses fonctions ainsi que ses conditions de rémunération de manière unilatérale, l'avait placé dans une situation de grande incertitude quant à son avenir professionnel ce qui avait conduit à la dégradation de son état de santé.

La sa Würth France qui conteste l'exécution déloyale du contrat de travil conclut à la confirmation du jugement ayant débouté Monsieur [U] [D].

Sur la modification des fonctions

Monsieur [D] vise ici 3 situations qu'il dit avoir subies :

- les conditions d'affectation sur un poste de chef de vente (1);

- l'impossibilité de reprendre son poste de VRP suite à la suppression de son poste d'animateur produits (2) ;

- son affectation au poste de vendeur C3 et les conditions de sa rémunération (3);

1 - Monsieur [D] expose qu'il exerçait à l'époque les fonctions d'animateur produits, que l'employeur lui avait demandé d'assurer temporairement les fonctions de chef des ventes du mois d'août 2014 au mois de mars 2015 en remplacement du titulaire, Monsieur [W], en maladie puis du mois d'avril 2015 au mois de décembre 2015 en remplacement du titulaire, Monsieur [X], également en maladie, qu'ilavait supporté cette charge de travail supplémentaire sans perçevoir aucune contrepartie financière malgré ses demandes en ce sens alors que ce poste était d'une catégorie supérieure,que le principe 'à travail égal, salaire égal' aurait du s'appliquer mais que l'employeur n'avait toujours pas produit, malgré une sommation, les éléments de la rémunération des deux chefs de vente remplacés .

La société intimée réplique que Monsieur [D] n'avait pas effectué un remplacement total puisqu'il ne lui avait pas été confié le recrutement et le pouvoir hiérachique d'un chef de vente mais seulement le soutien aux vendeurs,qu'elle lui avait toujours assuré sa garantie de rémunération laquelle était supérieure à celle d'un chef de vente comme le montrait la comparaison entre la rémunération perçue en 2015 par Monsieur [D] et le système de rémunération applicable aux chefs de vente la même année, que Monsieur [D] avait accepté sans réserve cette situation, qu'à aucun moment elle ne s'était engagée à lui verser un complément de salaire pour ces remplacements temporaires et ce n'est qu'en 2016 qu'il avait, pour la première fois, formulé une réclamation de ce chef.

Il est établi, comme le reconnaît la société Würth France, que Monsieur [D] avait dû assumer les fonctions de chef de vente sur deux périodes de temps l'une d'une durée de 8 mois, l'autre d'une durée de 9 mois soit une durée totale ininterrompue de 17 mois. Si la société Würth France fait valoir que Monsieur [D] n'avait pas exercé toutes les missions dévolues habituellement au chef de vente et que Monsieur [D] ne s'était vu déléguer que celles afférentes au soutien aux vendeurs, elle n'en rapporte pas pour autant la preuve et au contraire la teneur des courriels échangés faisant état de ce qu'il assurait l'interim pendant l'arrêt maladie du titulaire et de ce qu'il assurait l'encadrement et la direction d'une équipe de vendeurs ainsi que certains déplacements à l'extérieur de l'entreprise milite incontestablement en faveur d'une délégation totale des missions de chef des ventes.

Au demeurant et même en présence d'une délégation limitée au seul soutien aux vendeurs et au rapports d'activité, ce qui en soi aurait déjà représenté une part importante des missions de chef de vente, la société Würth France ne soutient pas ni démontre que Monsieur [D] aurait bénéficié pendant toute la durée de ces deux remplacements d'un allégement proratisé des missions d'animateur produits qu'il occupait jusqu'alors. Il est donc établi que Monsieur [D] avait dû pendant 17 mois exercer des missions se rapportant à deux fonctions différentes ce qui avait induit pour lui une charge de travail supplémentaire.

En outre, cette charge de travail supplémentaire emportait de nouvelles responsabilités. En effet, quand bien même la sa Würth France aurait-elle assuré à Monsieur [D] son niveau de rémunération contractuelle, ce qui n'était en définitive que la stricte application des obligations de l'employeur, il n'en demeure pas moins que le poste de chef des ventes occupé provisoirement par Monsieur [D] était hiérarchiquemment supérieur à celui d'animateur produits comme cela résulte de l'avenant contractuel de Monsieur [D] du 4 janvier 2012 dans lequel il est expressément indiqué que l' animateur produits est placé ssous l'autorité hiérarchique du chef des ventes.

Lors du remplacement successif de deux chefs des ventes, en 2014 et 2015, Monsieur [D] s'était donc vu confier non seulement des tâches nouvelles mais aussi des responsabilités nouvelles correspondant à un niveau de responsabilités supérieur au niveau de responsabilités du poste d'animateur produits.

La société Würth ne pouvait ignorer ni la surcharge de travail ni l'élévation du niveau hiérarchique.

Certes, Monsieur [D] avait accepté d'accomplir des missions supplémentaires ne relevant pas de son niveau hiérarchique mais il n'avait pas pour autant renoncé expressément à solliciter une contrepartie à la surcharge de travail que cela entraînait.

Ainsi et comme le soutient Monsieur [D], l'existence de tâches supplémentaires avec un niveau de responsabilité supérieur sans réaction de l'employeur qui n'avait pris aucune mesure en faveur du salarié face à cette surcharge de travail puisqu'il avait refusé d'accéder à la demande de contrepartie présentée par le salarié révèle de la part de la société Würth France une exécution déloyale du contrat de travail.

2 - Monsieur [D] expose qu'en application de son avenant contractuel du 4 janvier 2012 le nommant animateur produits en plus de l'activité de son secteur, il était stipulé qu'en cas de fin de sa mission d'animateur produits, il devait reprendre son activité de vendeur à 100% sur son secteur de vente dernièrement attribué, que ce secteur avait été redifini dans un avenant du 5 décembre 2012, que toutefois à la suite de la suppression du poste d'animateur produits, l'employeur n'avait pas pu le réaffecter sur son potse de VRP sur le secteur de vente qui lui avait été attribué dans la mesure où la majeure partie des clients VRP continuaient à être réaffectés à d'autres vendeurs en 2016 et ce sans son accord, que l'employeur avait continué à réduire son secteur d'activité sans son accord ce qui constituait un manquement grave.

La société intimée réplique que si effectivement la mission liée au poste d'animateur produits de Monsieur [D] n'avait pas été renouvelée par en elle en 2016, celui-ci avait néanmoins conservé son poste de VRP qu'il devait reprendre à plein temps comme prévu dans son contrat, que son secteur avait été réduit pendant la durée de la mission avec son accord car il ne pouvait pas mener de front les deux missions, qu'à la fin de la mission d'animateur produits, la reprise à temps complet de ses fonctions de VRP aurait impliqué des objectifs et une rémunération adaptée en conséquence mais le salarié avait refusé lors de ses nombreuses discussions avec sa hiérarchie de reprendre ses anciennes fonctions.

Il résulte des termes contractuels de l'avenant du 4 janvier 2012 que Monsieur [D], qui avait accepté le poste d'animateur produits, devait reprendre son activité de vendeur à 100% au cas où l'employeur décidait de mettre fin à l'activité d'animateur produits et que ce secteur de vente ainsi retrouvé était celui défini en l'état du dernier avenant conclu.

En l'espèce, l'employeur ayant décidé de mettre fin à l'activité d'animateur produits de Monsieur [D] à compter de l'année 2016, le secteur de vente que le salarié devait retrouver à 100% était celui défini dans le dernier état des relations contractuelles soit l'avenant signé entre les parties le 4 décembre 2012 et ayant pris effet le 1er janvier 2013.

Monsieur [D] produit la liste de ses clients visés par l'avenant du 5 décembre 2012 et celle des clients qui, bien que visés dans cet avenant, avaient été réaffectés à d'autres vendeurs au cours de l'année 2016. La comparaison de ces deux listes permet de constater que, comme il le soutient, Monsieur [D] n'avait pas retrouvé 100% de son secteur à la fin de sa mission d'animateur produits en 2016.

La société Würth France, qui ne conteste pas cet état de fait, ne peut pas soutenir, comme elle le fait pourtant dans ses conclusions d'intimée, que 'Bien entendu, la reprise à temps complet des fonctions de VRP aurait impliqué de nouveaux objectifs avec une rémunération adaptée en conséquence, voire une rédifinition de secteur et une garantie de rémunération adéquate' alors que l'avenant du 4 janvier 2012 et celui du 5 décembre 2012 prévoyaient sans autre condition que la fin de sa mission d'animateur produits le retour de plein droit à Monsieur [D] de 100% de son secteur. Ainsi, en voulant lui imposer de nouvelles discussions, voire de nouvelles règles, au motif qu'elle avait confié définitivement et non provisoirement une partie de son secteur à d'autre vendeurs, la société Würth n'a pas respecté les engagements contractuels qu'elle avait pourtant pris. Ce faisant, elle n' a pas exécuté loyalement le contrat.

3 - Monsieur [D] expose qu'en 2016, la restructuration décidée par l'employeur sous le terme ' Neo' avait entraîné la suppression de son poste d'animateur produits, que la société Wûrth, consciente de ce qu'elle aurait dû lui restituer 100% de son secteur, avait alors exercé sur lui des pressions afin de lui faire accepter le poste de vendeur C3 [appelé en interne 'canal 3" correspondant aux clients ou prospects ayant 10 utilisateurs ou plus], que n'ayant pas retrouvé son secteur de vendeur et désireux de conserver son emploi, il avait finalement candidaté le 1er avril 2016 sur le poste de vendeur C3, que l'employeur avait accepté sa candidtaure le 25 avril 2016 mais sans lui faire signer d'avenant, qu'ainsi, ce n'est qu'à la réception de son bulletin de paie du mois d'avril 2016 qu'il avait constaté une modification unilatérale de sa rémunération, que malgré ses demandes et un entretien avec le directeur régional des ventes, il n'avait pas pu obtenir les éléments chiffrés lui permettant de vérifier le montant de sa rémunération compte tenu de la complexité du système de rémunération, que ce n'est que le 3 juin 2016, soit près de deux mois après sa prise de poste, qu'il avait eu enfin connaissance des modalités de calcul de sa rémunération lesquelles s'avéraient différentes de son ancien système de rémunération, qu'il avait dans ces conditions dénoncé, le 8 juin 2016, la perte de son niveau antérieur de rémunération.

La société Würth France réplique qu'elle n'avait exercé aucune pression, qu'au contraire, c'est Monsieur [D] qui avait lui-même postulé en février 2016 aux fonctions de vendeur C3, qu'il avait été reçu plusieurs fois en entretien et avait réitéré sa candidature par écrit, qu'il avait accepté le poste,qu'il avait interrogé à nouveau son employeur qui lui avait chaque fois répondu, que les témoignages rapportant que le salarié avait postulé à la demande de l'employeur sont des témoignages indirects et donc inopérants, que le système de rémunération lui avait été présenté à plusieurs reprises avant qu'il n'accepte le poste, que son niveau de rémunération avait été garanti.

Indépendamment de l'existence ou non de pressions qui auraient été prétenduement exercées par l'employeur et de l'acceptation du poste de vendeur C3 que Monsieur [D] aurait donnée en connaissance de cause, il n'en demeure pas moins:

- d'une part, que c'est bien la méconnaissance par la société Würth France de ses obligations contractuelles concernant la non restitution du secteur de vente à Monsieur [D], comme il a été démontré au paragraphe 2 ci-dessus, qui a été à l'origine de la candidature du salarié au poste de vendeur C3 sauf pour ce dernier à quitter l'entreprise et donc perdre son emploi;

- d'autre part,que si la société Würth France invoque l'existence de plusieurs entretiens préalables, elle ne démontre pas pour autant la teneur des informations qu'elle aurait précisément données au salarié sur les éléments de sa rémunération, qu'en réalité, il n'y avait eu qu'un seul entretien préalable à la prise de poste vendeur C3, celui s'étant tenu le 3 mars 2016, le second entretien du 3 mai 2016 et le troisième entretien du 2 juin 2016 s'étant tenus après cette prise de poste (cf courriel du directeur régional des ventes du 3 juin 2016 et lettre de l'employeur du 22 août 2016 ), qu'en tout état de cause, aucun avenant contractuel fixant les conditions de la rémunération n'avait été proposé par l'employeur au salarié au plus tard lors de cette prise de poste alors que dans sa lettre du 25 avril 2016 acceptant la candidature du salarié, l'employeur s'engageait à lui communiquer cet avenant dans 'les meilleurs délais', que le 3juin 2016 , soit après la prise du poste vendeur C3, la grille de rémunération spécifique, déterminante pourtant dans la connaissance par le salarié des modalités de la rémunération de son poste C3, ne lui avait toujours pas été communiquée , que sur la garantie de la rémunération alors que Monsieur [D] s'il avait accepté le poste de vendeur C3 avait néanmoins demandé que sa rémunération antérieure soit maintenue, la société Würth France ne s'était engagée finalement à la maintenir que sur une durée d'un an (cf courriel du 3 juin 2016 du gestionnaire paies externes), cette information n'étant donnée au salarié là encore que bien après la prise de poste.

Ainsi, les conditions dans lesquelles Monsieur [D] avait dû accepter son nouveau poste de vendeur C3 sans information préalable sur les éléments de sa rémunération laquelle à terme allait être inférieure à celle qu'il aurait du percevoir si l'employeur avait respecté ses engagements des 4 janvier 2012 et 5 janvier 2012, caractérisent elles aussi une exécution déloyale du contrat.

En l'état des constatations qui précèdent, la cour considère que Monsieur [D] rapporte suffisamment la preuve de ce que la société Würth France n'avait pas exécuté de manière loyale le contrat de travail.

Ces manquements contractuels répétés ont causé à Monsieur [D] un préjudice qui sera indemnisé par la condamnation de la société Würth France à lui payer la somme de 14000€ à titre de dommages et intérêts.

Le jugement sera réformé en ce qu'il a statué sur l'exécution du contrat.

II- Sur le licenciement

Pour obtenir la réformation du jugement qui l'a débouté de sa demande indemnitaire au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse, Monsieur [D] soutient que l'inaptitude est due aux manquements de l'employeu et que l'obligation de reclassement avait été violée par l'employeur.

Pour obtenir la confirmation du jugement sur ce point, la société Würth France soutient sur l'origine de l'inaptitude que Monsieur [D] n'avait jamais fait état de la moindre difficulté, que ses arrêts de travail avaient été prescrits au titre de la maladie ordinaire, qu'il n'avait jamais saisi le médecin du travail ni formé de demande de reconnaissance de maladie professionnelle et qu'enfin, hormis des témoignages indirects, dépourvus de toute valeur, il n'apportait aucune preuve.

La société Würth France ne peut pas soutenir que l'inaptitude ne trouve pas son origine dans ses manquements contractuels.

En effet, la cour a dit dans les paragraphes qui précédent que la société Würth France avait manqué à ses obligations contractuelles.Or, la gravité desdits manquements et leur répétition sur la période d'août 2014 à août 2016 ont été telles que Monsieur [D] a pu légitimement considérer, face à des conditions de travail qui ne cessaient de se dégrader, que malgré ses 23 années d'ancienneté son avenir professionnel dans l'entreprise était sérieusement compromis provoquant ainsi chez lui une altération de son état de santé à l'origine de son arrêt de travail. La concordance des dates corrobore de plus fort l'existence d'un lien entre l'inaptitude et les manquements de l'employeur puisque l'arrêt de travail et ses prolonggations ont été prescrits à la suite de ces manquements et notamment à la suite immédiate des derniers faits commis tout au long du premier semestre 2016. C'est d'ailleurs à l'issue de ces arrêts de travail que Monsieur [D], qui n'avait jamais repris le travail, avait été déclaré inapte par le médecin du travail.

La circonstance tirée de ce que Monsieur [D] n'avait jamais demandé la reconnaissance d'une inaptitude d'origine professionnelle est sans conséquence sur le constat d'une inaptitude imputable aux manquements contractuels de l'employeur.

De même, la circonstance tirée de ce que Monsieur [D] n'aurait jamais fait état de la moindre difficulté est sans incidence et, au demeurant, cette affirmation est contredite par les multiples courriels échangés entre les parties portant réclamations du salarié sur ses conditions de travail .

Dès lors que l'inaptitude du salarié est imputable à l'employeur et sans qu'il ne soit besoin d'examiner le second moyen fondé sur la violation de l'obligation de reclassement, il y a lieu de déclarer le licenciement de Monsieur [D] sans cause réelle et sérieuse.

Compte tenu de l'ancienneté du salarié, du nombre de salariés dans l'entreprise ( plus de 4000), du salaire brut mensuel selon la moyenne la plus favorable ( 4751,35€), de l'âge du salarié ( né en 1957), des éléments produits afférents à sa prise en charge par pôle -emploi et ses recherches d'emploi, de ce qu'il a fait valoir ses droits à la retraite 18 mois après la rupture et des circonstances de la rupture, il y a lieu de condamner la société Würth France à lui payer la somme de 50000€ à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

A cette somme s'ajoutent celles de 14254,04€ en brut au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, 1425,40€ en brut au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis.

Le jugement sera réformé en ce qu'il a statué sur le licenciement.

III - Sur les autres demandes

Il sera statué sur les intérêts, la remise des documents sociaux comme dit au dispositif.

L'équité commande de condamner la société Würth France à payer à Monsieur [D] la somme de 1500€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la première instance en sorte que le jugement sera réformé également sur ce chef de demande et la somme de 1500€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la préocédure d'appel.

IV- Sur pôle-emploi

La société Würth France sera condamnée à rembourser à pôle-emploi les indemnités chômage versées à Monsieur [D] dans la limite de six mois de versement.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Réforme le jugement du conseil de prud'hommes de Montpellier du 6 juillet 2020 en toutes ses dispositions.

Statuant à nouveau,

Dit que la sas Würth France n'a pas exécuté loyalement le contrat de travail de Monsieur [U] [D] et que le licenciement de ce dernier est sans cause réelle et sérieuse;

En conséquence, condamne la sas Würth France à payer à Monsieur [U] [D] les sommes de:

-14000€ en net à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail;

-50000€ en net à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse;

-14254,04€ en brut au titre de l'indemnité compensatrice de préavis;

-1425,40€ en brut au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis;

-1500€ en net au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la première instance;

-1500€ en net au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour l'instance d'appel;

Dit que la sas Würth France devra délivrer à Monsieur [U] [D] un bulletin de paie récapitulatif et une attestation pôle emploi rectifiés et conformes à l'arrêt dans les deux mois de la signification de l'arrêt;

Dit que les intérêts sur les sommes allouées sont dûs à compter de la réception par le débiteur de la première demande en justice pour les sommes de nature salariale et à compter de l'arrêt pour les sommes de nature indemnitaire;

Condamne la sas Würth France à rembourser à pôle-emploi, dans la limite de six mois de versement, les indemnités chômage versées par cet organisme à Monsieur [U] [D];

Condamne la sas Würth France aux entiers dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER P/ LE PRESIDENT EMPÊCHE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 2e chambre sociale
Numéro d'arrêt : 20/03215
Date de la décision : 08/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-08;20.03215 ?
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