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01/03/2023 | FRANCE | N°20/03129

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 2e chambre sociale, 01 mars 2023, 20/03129


Grosse + copie

délivrées le

à































COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

2e chambre sociale

ARRET DU 01 MARS 2023



Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 20/03129 - N° Portalis DBVK-V-B7E-OUQR



Décision déférée à la Cour :

Jugement du 06 JUILLET 2020

CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE MONTPELLIER N° RG 17/01303



APPELANTE :



S.A.S. NG PRO

MOTION

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Romain GEOFFROY de la SELARL SELARL ORA, avocat au barreau de MONTPELLIER



INTIMEE :



Madame [R] [L]

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représentée par Me Natacha YEHEZKIELY, avocat au...

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

2e chambre sociale

ARRET DU 01 MARS 2023

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 20/03129 - N° Portalis DBVK-V-B7E-OUQR

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 06 JUILLET 2020

CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE MONTPELLIER N° RG 17/01303

APPELANTE :

S.A.S. NG PROMOTION

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Romain GEOFFROY de la SELARL SELARL ORA, avocat au barreau de MONTPELLIER

INTIMEE :

Madame [R] [L]

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représentée par Me Natacha YEHEZKIELY, avocat au barreau de MONTPELLIER

Ordonnance de clôture du 05 Janvier 2023

COMPOSITION DE LA COUR :

En application de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 09 JANVIER 2023, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l'article 804 du même code, devant la cour composée de :

M. Jean-Pierre MASIA, Président

Mme Véronique DUCHARNE, Conseillère

Monsieur Jacques FOURNIE, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : M. Philippe CLUZEL

ARRET :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par M. FOURNIE conseiller en l'absence du Président empêché, et par M. Philippe CLUZEL, Greffier.

*

* *

EXPOSE DU LITIGE

Madame [R] [L] a été engagée à compter du 17 mai 2016 par la SAS NG Promotion exerçant une activité de promotion immobilière selon contrat de travail à durée indéterminée en qualité de responsable commerciale relevant de la catégorie cadre, niveau 1 moyennant une rémunération brute annuelle fixe de 17 600 euros ainsi qu'une rémunération variable, outre un véhicule de fonction, pour une durée annuelle de travail fixée à 217 jours, l'année de référence s'entendant du 1er janvier au 31 décembre.

Madame [R] [L] a été placée en arrêt de travail à compter du 3 mai 2017.

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 23 mai 2017 la salariée a été convoquée à un entretien de rupture conventionnelle auquel elle indiquait ne pas souhaiter participer par courrier du 29 mai 2017.

À l'occasion de la visite de reprise du 2 octobre 2017 le médecin du travail a déclaré la salariée inapte définitivement à son poste de travail en une seule visite en raison d'un danger immédiat. Le médecin du travail précisant à cette occasion que « tout maintien du salarié à un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé. Il n'y a pas de reclassement professionnel possible pour cette salariée».

L'employeur a notifié à Madame [R] [L] son licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement le 20 octobre 2017.

Le 21 novembre 2017, la salariée a saisi le conseil de prud'hommes de Montpellier aux fins de condamnation de l'employeur à lui payer les sommes suivantes :

'35 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul et dépourvu de cause réelle et sérieuse,

'17 578,49 euros à titre de solde des commissions,

'2500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle réclamait également que soit ordonnée la remise par l'employeur à son profit d'une attestation pôle-emploi rectifiée comprenant les commissions versées depuis le 2 mai 2017, et le cas échéant les rappels de commissions résultant des condamnations prononcées, le tout sous astreinte de 150 € par jour de retard à compter du huitième jour suivant la notification du jugement.

Par jugement du 6 juillet 2020, le conseil de prud'hommes de Montpellier a condamné la société NG Promotion à verser à Madame [R] [L] les sommes suivantes :

'6031 euros nets de prélèvements à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

'17 578,49 euros nets de rappel de commissions,

'1000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

La société NG Promotion a relevé appel de la décision du conseil de prud'hommes le 28 juillet 2020.

Aux termes de ses dernières écritures notifiées par RPVA le 27 octobre 2020, la société NG Promotion conclut à l'infirmation du jugement entrepris, au débouté de la salariée de l'ensemble de ses demandes, et considérant indue la somme de 11.566,13 euros net qui lui a été versés, elle en sollicite reconventionnellement le remboursement ainsi que la condamnation de Madame [L] à lui payer une somme de 3000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans ses dernières écritures notifiées par RPVA le 28 octobre 2022, Madame [R] [L] conclut à la confirmation du jugement entrepris, sauf à augmenter le quantum des dommages et intérêts dus au titre de la rupture, y ajouter l'indemnité compensatrice de préavis et congés payés y afférents et les congés payés sur le rappel des commissions. Elle sollicite que son licenciement soit déclaré nul et à tout le moins dépourvu de cause réelle et sérieuse et demande la condamnation de l'employeur à lui payer les sommes suivantes :

' 35.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif nul,

' 9807 euros d'indemnité compensatrice de préavis, outre 980,70 euros de congés

payés y afférents,

' 17.578,49 euros nets à titre de solde des commissions dues à Madame [L], outre

1757,84 euros de congés payés y afférents,

' 3000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle demande en outre que soit ordonnée la remise par l'employeur de l'attestation Pôle-Emploi rectifiée comprenant les commissions versées à Madame [L] depuis le 2 mai 2017 (dernier jour effectivement travaillé) et, le cas échéant, les rappels de commissions qui seront portés en condamnation.

L'ordonnance de clôture était rendue le 5 janvier 2023.

SUR QUOI

$gt; Sur la demande de rappel de commissions

L'article 6 du contrat de travail relatif à la rémunération variable stipule que « cette rémunération sera calculée sur la base du prix de vente TTC du bien concerné de la façon suivante :

'vente réalisée en direct, sans intermédiaire, signature de l'acte chez le notaire dans les 100 jours à compter de la signature du contrat de réservation : 1,20 %,

'vente réalisée en direct, sans intermédiaire : 1 %,

'vente réalisée par l'intermédiaire d'un prescripteur dont la rémunération est inférieure à 7 % du prix de vente TTC du bien : 0,80 %,

'vente réalisée par l'intermédiaire d'un prescripteur dont la rémunération est supérieure ou égale à 7 % et inférieure à 11 % du prix de vente TTC du bien : 0,60 %,

'vente réalisée par l'intermédiaire d'un prescripteur dont la rémunération est supérieure ou égale à 11 % : 0,40 %.

Il est précisé que 50 % de la rémunération variable seront versés à la signature du contrat de réservation, sous réserve de l'obtention du prêt par le client, sur présentation de son offre de prêt conforme aux conditions suspensives prévues dans le contrat de réservation (taux, montant et durée maximum du crédit), et uniquement si la signature des actes de VEFA a été rendue effective pour le programme immobilier concerné soit à compter de la date d'acquisition du terrain.

Le solde de la rémunération variable interviendra après la signature de l'acte notarial définitif, sauf en cas de rupture du présent contrat. Dans ce cas la totalité de la rémunération variable interviendra postérieurement à la rupture du contrat de travail.

Par ailleurs, seuls 25 % de la rémunération variable seront versés en cas de signature d'un contrat de réservation, payable après l'acte notarial définitif, si la rupture du contrat de travail intervient avant l'obtention du prêt par le client conforme aux conditions suspensives prévues dans le contrat de réservation (taux, montant et durée maximum du crédit).

Enfin, la totalité de la rémunération variable ne sera versée que si les grilles de prix ont été respectées et que les objectifs de vente ont été atteints (les grilles de prix et les objectifs de vente étant déterminés en phase de lancement commercial). Dans l'hypothèse où une réduction de chiffre d'affaires générerait une réduction de la marge incombant exclusivement à la gestion de la commercialisation (non compensation de la réduction du chiffre d'affaires par une réduction des frais commerciaux, par exemple), une minoration du montant total de la rémunération variable à percevoir sur le programme immobilier concerné sera appliquée selon les modalités de calcul suivante :

Minoration: Rémunération variable du programme X (Marge finale du programme-Marge initiale du programme)/Marge initiale du programme

Dans l'hypothèse où la totalité de la rémunération variable à percevoir pour le programme immobilier concerné serait inférieure au montant de la minoration ainsi applicable, cette dernière sera retenue sur la rémunération variable à percevoir au titre d'autres programmes jusqu'à apurement complet. »

$gt;

Au soutien de sa demande la salariée verse aux débats un tableau des commissions qu'elle prétend lui devoir être dues sur les programmes Shoko, Coloramor, Aurora, Lemon, Pura Vida et La Parenthèse selon des montants respectifs de 16 969 € et de 4644 € au 31 octobre 2017 déduction faite des commissions versées par la société avant cette date. Considérant qu'en novembre 2017 la société a procédé à un virement de 4034,51 euros, elle estime que celle-ci reste lui devoir une somme de 17 578,49 euros, outre 1757,84 euros au titre des congés payés afférents.

L'employeur qui s'oppose au paiement des commissions fait valoir qu'en aucun cas la salariée ne peut toucher un pourcentage pour les ventes réalisées par un réseau pour lequel elle n'a aucune action et dont le pourcentage est déjà de 14 %. Elle ajoute que c'est seulement à titre exceptionnel, et dans un souci de valorisation de son travail, que l'entreprise lui a accordé un pourcentage pour les programmes Shoko et Pura Vida car tout le programme n'avait pas été transmis aux réseaux, alors qu'il en allait différemment pour le programme La Parenthèse qui avait été transmis dans son intégralité au réseau Valority si bien qu'elle ne pouvait percevoir aucune commission à ce titre, la logique étant la même pour le programme Lemon. Elle ajoute que par ailleurs certains acheteurs ont annulé leur commande si bien qu'en application des stipulations contractuelles aucune indemnité n'était due en cas d'annulation de la vente.

$gt;

En l'espèce, si la société NG Promotion se prévaut d'annulations de vente, la pièce 10 qu'elle produit aux débats à cet égard ne permet pas d'en justifier dans la mesure où il s'agit d'attestations notariées de vente en état de futur achèvement dont aucun élément, au-delà de la seule affirmation de l'appelante, ne permet d'établir qu'elles aient été annulées par la suite.

Ensuite, les stipulations contractuelles prévoient que les ventes réalisées par l'intermédiaire d'un prescripteur dont la rémunération est supérieure ou égale à 11 % est de 0,40 %. Si elles prévoient également des possibilités de minoration voire de retenue sur la rémunération variable à percevoir au titre d'autres programmes jusqu'à apurement complet, aucun élément sur les marges initiales et finales des programmes concernés permettant de justifier que les grilles de prix n'ont pas été respectées ou que les objectifs de vente n'ont pas été atteints n'est versée aux débats, si bien que l'employeur qui se limite à produire un tableau des commissions qu'il prétend devoir ne caractérise pas en quoi les prétentions de la salariée relativement au rappel de salaire sur sa rémunération variable seraient infondées alors même que celle-ci justifie du bien-fondé de ses prétentions sur la base même des stipulations contractuelles.

C'est pourquoi, il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a fait droit à la demande de rappel de commissions formée par la salariée pour un montant de 17 578,49 euros, et y ajoutant, dès lors que les commissions dues au commercial après son départ de l'entreprise, étant fonction des résultats produits par le travail personnel du salarié, entrent dans le calcul de l'indemnité compensatrice de congés payés, de faire droit à la demande du dixième au titre des congés payés afférents, pour un montant de 1757,84 euros.

$gt; Sur le harcèlement moral

En application de l'article L1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

En application de l'article L1154-1 du code du travail, lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L 1152-1 à L 1152-3 et L 1153-1 à L 1153-4 le candidat à un emploi, à un stage ou à une pèriode de formation en entreprise où le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement et il incombe alors à l'employeru, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement

$gt;

À ce titre, la salariée fait valoir que dès le début de sa relation contractuelle elle a dû faire face à un management particulièrement agressif de son supérieur hiérarchique Monsieur [S] [C], qu'en sa qualité de cadre elle interpellait sa direction sur les prix particulièrement élevés fixés de façon parfaitement unilatérale et autoritaire par Monsieur [C] seul alors que sa rémunération variable en dépendait et qu'il lui opposait une fin de non recevoir en lui indiquant qu'il était seul décideur, que seul lui « savait » qu'elle n'avait rien à dire. Elle expose que dans ce contexte ses convocations tous les deux jours sans objet défini à l'avance à des réunions qui ne donnaient lieu à aucun suivi, aucun compte-rendu ou plan d'action n'ont fait qu'accentuer l'insécurité liée à ce management à son égard et l'ont conduite être placée en arrêt de travail à compter du 3 mai 2017, que convoquée à un entretien en vue d'une rupture conventionnelle par courrier recommandé de son employeur elle ne s'y est pas rendue car elle dénonçait dans son courrier ses conditions de travail, l'employeur n'ayant pas davantage répondu au courrier de son avocat du 1er juin 2017.

Pour étayer ses affirmations, Madame [L] verse aux débats :

'sa convocation à un entretien préalable dans le cadre d'une procédure de rupture conventionnelle le 23 mai 2017,

'le courrier en réponse adressé par la salariée à l'employeur le 29 mai 2017 aux termes duquel elle indiquait notamment : «Au vu du contexte actuel, à savoir toujours en arrêt maladie et prolongé-ainsi que la façon dont vous procédez à mon égard, il est hors de question que je signe quoi que ce soit, ce n'est pas mon souhait. Sachez que de toutes les façons j'ai pris attache auprès de mon conseil qui interviendra sous peu... »,

'un courrier portant la date du 27 juillet 2017 aux termes duquel elle faisait grief à l'employeur de ne pas maintenir son salaire pendant l'arrêt maladie et le mettait en demeure de le faire avant le 4 août 2017,

'des échanges de courriels d'août 2017 entre l'employeur et la salariée relatif au maintien du salaire pendant l'arrêt maladie,

'la réponse apportée par l'employeur le 30 août 2017 au courrier de la salariée daté du 27 juillet 2017,

'un courriel par lequel, le 5 septembre 2017, elle faisait grief à l'employeur de ne pas avoir reçu son bulletin de salaire et son tableau des commissions du mois d'août 2017,

'un courrier adressé par son conseil à l'employeur le 1er juin 2017 aux termes duquel il lui fait grief d'avoir balayé d'un revers de main les critiques de la salariée sur les prix beaucoup trop élevés qu'il fixait alors que sa rémunération variable était dépendante des ventes réalisées. Il lui reprochait également l'organisation de réunions à laquelle elle était astreinte pratiquement tous les deux jours, sans aucun suivi, compte-rendu ou construction d'un plan d'action et sans aucune ligne commerciale fiable, ce qui n'avait eu pour effet que d'accentuer le caractère autoritaire de son management dénué de toute efficience,

'le certificat de visite médicale de reprise du 2 octobre 2017 aux termes duquel le médecin du travail a déclaré la salariée inapte définitivement à son poste de travail en une seule visite en raison d'un danger immédiat. Le médecin du travail précisant à cette occasion que « tout maintien du salarié à un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé. Il n'y a pas de reclassement professionnel possible pour cette salariée ».

-Le compte rendu d'entretien préalable signé du seul conseiller du salarié mentionnant notamment que le président de l'entreprise se dit « ravi de voir Madame [L] en si bonne forme car son état de santé lui a donné beaucoup d'inquiétude, surtout après une si longue absence (cinq mois d'arrêt maladie). Il dit qu'une relation commune lui a fait savoir que Madame [L] avait participé une réception et qu'on lui a rapporté qu'on avait vu à plusieurs endroits le véhicule de fonction de Madame [L] qu'il avait d'ailleurs sur [Localité 4] plusieurs informateurs' »

-une prescription d'antidépresseurs et d'anxiolytiques par le médecin traitant le 1er juin 2017 et son renouvellement les 26 juillet et 30 août 2017,

- une attestation de Madame [E] [V], assistante administrative laquelle indique avoir « assisté plusieurs fois de la part de Monsieur [C] envers Madame [L] à ce qui est qualifié de pression morale, dénigrement, rabaissement et humiliation notamment lors de réunions. Il aimait prendre plaisir à ceci puisque dans le temps ce comportement s'est accentué. L'objectif étend clairement de pousser Madame [L] à bout sans considération. Comportement qu'il reproduit avec tous ses salariés »,

-une attestation de Madame [D], responsable de programmes immobiliers au sein de la société NG Promotion d'octobre 2012 à décembre 2017 laquelle indique avoir assisté à un turn-over qui n'a fait qu'augmenter au fil des années à cause du directeur général, Monsieur [S] [C], et explique que : « ce dernier a pour habitude de dénigrer, maltraiter, manquer de respect, harceler ses salariés. Durant la période pendant laquelle Madame [R] [L] était en poste au sein de NG promotion en tant que responsable commerciale j'ai pu constater l'investissement de Madame [R] [L] dans son travail. Elle ne comptait pas ses heures, restant travailler pendant ses pauses déjeuner et au-delà de ses horaires de travail. Malgré son efficacité, son investissement dans le travail, elle subissait au quotidien des pressions injustifiées par Monsieur [S] [C], il la sollicitait sans cesse même en dehors des horaires de travail. Elle recevait de la part de Monsieur [S] [C] des mails en quantité abusive. Durant les différentes réunions auxquelles j'assistais en présence de Madame [L] j'ai été témoin d'un acharnement et d'un harcèlement de la part de Monsieur [S] [C] envers Madame [R] [L]. Il la rabaissait, il était irrespectueux envers elle, il avait des propos mal placés. Plusieurs fois elle a été convoquée par Monsieur [S] [C] a des entretiens où il la menaçait de licenciement. Il s'emportait facilement sans raison justifiée. Il se mettait à lui crier dessus, des cris que l'ensemble des salariés entendait ».

-Le registre unique du personnel de la société.

$gt;

Si le courrier qu'adressait la salariée à l'employeur le 29 mai 2017 laissait présumer l'existence d'un désaccord entre les parties il ne contient en revanche l'énoncé d'aucun fait précis susceptible de caractériser un harcèlement moral. De la même manière, le courrier adressé par le conseil de la salariée à l'employeur le 1er juin 2017 qui critique l'efficience de la gestion de l'entreprise ne contient pas davantage d'élément permettant de caractériser un harcèlement moral, étant observé que la fixation des prix de vente relève d'un pouvoir propre de l'employeur et qu'il n'est justifié d'aucun élément permettant de laisser supposer que celui-ci ait recherché à faire échouer les ventes dont l'entreprise bénéficiait. Les deux attestations imprécises produites aux débats par madame [L] ne contiennent en outre aucun fait datable ou identifiable par un élément objectif. Ensuite, le compte rendu d'entretien préalable dont il est au demeurant précisé qu'il ne rapporte pas l'intégralité de l'entretien n'est pas signé de l'employeur. De plus, les échanges de courriels que la salariée produit elle-même aux débats démontrent qu'au 8 août 2017 l'employeur avait pris en compte la demande de la salariée afin de permettre le maintien du salaire pendant l'arrêt maladie et que par la suite il lui demandait régulièrement de transmettre ses attestations d'indemnités journalière de sécurité sociale pour permettre le versement de l'indemnité complémentaire par la prévoyance. Enfin, l'examen du registre unique du personnel qui permet de constater l'existence de nombreux recrutements par contrat à durée déterminée prenant régulièrement fin à leur terme ne permet pas de caractériser le turn-over allégué dans le secteur d'activité concerné. Le retard de cinq jours dans l'envoi du bulletin de salaire et du tableau des commissions d'août 2017 ne suffit par conséquent pas à lui seul à expliquer ou à établir un quelconque lien avec la prescription médicamenteuse versée aux débats ou avec la déclaration d'inaptitude.

En l'état des explications et des pièces fournies, la matérialité d'éléments de fait précis et concordants laissant supposer l'existence d'un harcèlement moral n'est pas démontrée. Les demandes relatives au harcèlement et à la nullité du licenciement doivent par conséquent être rejetées.

$gt; Sur le manquement à l'obligation de sécurité

Au-delà des griefs non établis venant au soutien de la demande de nullité du licenciement pour harcèlement moral, Madame [L] invoque un manquement à l'obligation de sécurité en ce que l'employeur aurait manqué à son obligation de prévention des risques professionnels à l'égard de l'ensemble des salariés de l'entreprise. Elle soutient en particulier à cet égard que dans son document d'évaluation des risques psychosociaux et des risques liés à l'organisation du travail, la société ne cite même pas le poste de travail de responsable commerciale de Madame [L].

Or, comme il a été vu précédemment, ni le courrier par lequel la salariée rejette l'éventualité d'une rupture conventionnelle, ni le courrier adressé par son conseil à l'employeur le 1er juin 2017 ne contiennent d'éléments permettant de laisser supposer que la salariée a été confrontée à une situation de harcèlement de nature à nécessiter la mise en place d'une phase informelle de résolution préalable des difficultés, d'une enquête ou d'une médiation.

Ensuite, contrairement à ce que soutient la salariée le document d'évaluation des risques psychosociaux et des risques liés à l'organisation du travail contient très précisément pour l'ensemble des personnels sédentaires la prise en compte de ces risques par des mesures de prévention générale mais également par un développement de la communication interne et des échanges individuels ainsi que l'organisation de l'intégration des nouveaux embauchés.

Or tandis qu'au regard des griefs invoqués, l'employeur justifie avoir pris toutes les mesures prévues par les articles L4121-1 et L4121-2 du code du travail, aucun lien ne peut être établi entre l'inaptitude de la salariée et le manquement invoqué.

Il en résulte, que la demande de la salariée sur ce fondement ne saurait être accueillie.

$gt; Sur le licenciement

Selon l'article L. 1226-2-1 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, l'employeur ne peut rompre le contrat de travail que s'il justifie soit de son impossibilité de proposer un emploi dans les conditions prévues à l'article L. 1226-2, soit du refus par le salarié de l'emploi proposé dans ces conditions, soit de la mention expresse dans l'avis du médecin du travail que tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi.

Il s'ensuit que, lorsque le médecin du travail a mentionné expressément dans son avis que tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi, l'employeur, qui n'est pas tenu de rechercher un reclassement, n'a pas l'obligation de consulter les délégués du personnel.

Or en l'espèce, le médecin du travail a expressément mentionné dans son avis d'inaptitude du 2 octobre 2017 : « tout maintien du salarié à un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé. Il n'y a pas de reclassement professionnel possible pour cette salariée », en sorte que l'employeur qui n'était pas tenu de rechercher un reclassement n'avait pas l'obligation de consulter les délégués du personnel.

Partant, il convient, infirmant en cela le jugement entrepris de débouter la salariée de l'ensemble de ses demandes relatives à une rupture abusive de la relation de travail ainsi que des demandes indemnitaires subséquentes.

$gt; Sur les demandes accessoires et reconventionnelles

Compte tenu de la solution apportée au litige, la demande reconventionnelle de remboursement de la somme de 11 566,13 euros formée par la société NG Promotion sera rejetée.

La remise par l'employeur à la salariée d'une attestation à destination de pôle-emploi rectifiée conformément au présent arrêt étant de droit, il y a lieu de l'ordonner.

La société NG Promotion qui succombe partiellement conservera la charge des dépens ainsi que de ses propres frais irrépétibles et elle sera également condamnée à payer à la salariée qui a dû exposer des frais pour faire valoir ses droits une somme de 1500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire mis à disposition greffe,

Confirme le jugement rendu le 6 juillet 2020 par le conseil de prud'hommes de Montpellier sauf en ce qu'il a fait droit à la demande d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse formée par la salariée;

Y ajoutant

Condamne la société NG Promotion à payer à Madame [R] [L] une somme de 1757,84 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés portant sur les commissions qui lui étaient dues;

Déboute Madame [R] [L] de ses demandes indemnitaires pour licenciement nul ou abusif;

Ordonne la remise par la société NG Promotion à Madame [R] [L] d'une attestation à destination de pôle-emploi rectifiée conformément au présent arrêt;

Déboute la société NG Promotion de ses demandes reconventionnelles;

Condamne la société NG Promotion à payer à Madame [R] [L] une somme de 1500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile;

Condamne la société NG Promotion aux dépens.

LE GREFFIER P/LE PRESIDENT EMPECHE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 2e chambre sociale
Numéro d'arrêt : 20/03129
Date de la décision : 01/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-01;20.03129 ?
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