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01/03/2023 | FRANCE | N°20/02899

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 2e chambre sociale, 01 mars 2023, 20/02899


Grosse + copie

délivrées le

à































COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

2e chambre sociale

ARRET DU 01 MARS 2023



Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 20/02899 - N° Portalis DBVK-V-B7E-OUC6



Décision déférée à la Cour :

Jugement du 26 MAI 2020

CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION DE DEPARTAGE DE MONTPELLIER N° RG F16/00384





APPELANTE :



Assoc

iation UNEDIC DELEGATION AGS

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Michel PIERCHON, avocat au barreau de MONTPELLIER



INTIMES :



Maître [K] [N] Es qualité de mandataire liquidateur de Monsieur [O] [X]

de nationalité Française

[Adresse 6]

...

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

2e chambre sociale

ARRET DU 01 MARS 2023

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 20/02899 - N° Portalis DBVK-V-B7E-OUC6

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 26 MAI 2020

CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION DE DEPARTAGE DE MONTPELLIER N° RG F16/00384

APPELANTE :

Association UNEDIC DELEGATION AGS

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Michel PIERCHON, avocat au barreau de MONTPELLIER

INTIMES :

Maître [K] [N] Es qualité de mandataire liquidateur de Monsieur [O] [X]

de nationalité Française

[Adresse 6]

[Localité 3]

Représenté par Me BURGER avocat pour Me Christiane CHECRI, avocat au barreau de MONTPELLIER

Madame [P] [S] épouse [S]

[Adresse 5]

[Localité 4]

Représentée et assistée par Me Ratiba OGBI, avocat au barreau de MONTPELLIER

Ordonnance de clôture du 12 Décembre 2022

COMPOSITION DE LA COUR :

En application de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 09 JANVIER 2023, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l'article 804 du même code, devant la cour composée de :

M. Jean-Pierre MASIA, Président

Mme Véronique DUCHARNE, Conseillère

Monsieur Jacques FOURNIE, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : M. Philippe CLUZEL

ARRET :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par M. FOURNIE conseiller, en l'absence du Président empêché, et par M. Philippe CLUZEL, Greffier.

*

* *

EXPOSE DU LITIGE

Madame [P] [S] a été engagée en qualité de conditionneuse, vendeuse, coefficient 100 de la convention collective des pharmacies d'officine par Monsieur [O] [X], exerçant en nom personnel une activité de pharmacien, selon contrat de travail à durée indéterminée à temps complet à effet du 1er octobre 1990.

Le 16 janvier 2016, l'employeur a notifié à Madame [P] [S] une mise à pied conservatoire et il l'a parallèlement convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement pour faute grave fixé au 29 janvier 2016.

Madame [P] [S] a été placée en arrêt de travail à compter du 16 janvier 2016.

Elle a été licenciée pour faute grave le 26 février 2016.

Le 16 mars 2016, Madame [P] [S] a saisi le conseil de prud'hommes de Montpellier aux fins de condamnation de l'employeur à lui payer les sommes suivantes :

'889 euros à titre de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire, outre 88,90 au titre des congés payés afférents,

'85 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

'3844 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 384,40 euros titrent des congés payés afférents,

'8066 euros à titre d'indemnité de licenciement,

'2400 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du tribunal de commerce de Montpellier du 16 mars 2018, l'entreprise [O] [X] a été placée en liquidation judiciaire et Me [K] [N] a été désigné en qualité de mandataire liquidateur.

Par jugement du 16 juillet 2020, le conseil de prud'hommes de Montpellier, statuant en formation de départage, a fixé, avec exécution provisoire et intérêts au taux légal au jour de l'ouverture de la procédure collective pour ce qui concerne les sommes de nature salariale, et à la date du jugement s'agissant des sommes de nature indemnitaire, la créance de Madame [P] [S] aux montants suivants :

'5000 euros à titre de dommages-intérêts pour manquement de l'employeur à son obligation de formation et d'adaptation de la salariée à son poste de travail,

'40 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

'3704,70 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 370,47 euros au titre des congés payés afférents,

'8066 euros à titre d'indemnité de licenciement,

'1000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans ses dernières écritures notifiées par RPVA le 12 janvier 2021, l'entreprise [O] [X] représentée par Me [K] [N] conclut à l'infirmation du jugement entrepris, à titre principal au débouté de la salariée de sa demande d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, à titre subsidiaire, à la limitation du montant des sommes allouées à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à trois mois de salaire, en tout état de cause au débouté de la salariée de sa demande de dommages-intérêts pour manquement de l'employeur à son obligation de formation et d'adaptation à l'emploi ainsi que de ses autres demandes et à sa condamnation à payer à l'AGS une somme de 2500 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans ses dernières écritures notifiées par RPVA le 6 décembre 2022, l'UNEDIC, délégation AGS, CGEA de [Localité 2] conclut à l'infirmation du jugement entrepris quant aux condamnations prononcées, à sa confirmation en ce qu'il a débouté la salariée du surplus de ses demandes et notamment de sa demande au titre de la période de mise à pied, en ce qu'il a constaté qu'il n'était pas saisi d'une demande de reclassification ou de rectification des documents contractuels et en ce qu'il a rappelé le plafonnement de la garantie de l'AGS. Elle sollicite reconventionnellement le remboursement à son profit de la somme de 57 141,17 euros qu'elle a été contrainte d'avancer en exécution du jugement intégralement assorti de l'exécution provisoire ainsi que la condamnation de la salariée à lui payer une somme de 500 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Aux termes de ses dernières écritures notifiées par RPVA le 11 décembre 2022, Madame [P] [S] conclut à la confirmation du jugement rendu par le conseil de prud'hommes ainsi qu'à la condamnation de Monsieur [O] [X] à lui payer une somme de 2400 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture était rendue le 12 décembre 2022.

SUR QUOI

$gt; Sur la demande de dommages-intérêts pour manquement de l'employeur à son obligation de formation et d'adaptation à l'emploi

L'obligation de l'employeur en matière de formation lui impose d'une part d'assurer l'adaptation des salariés à leur poste de travail et d'autre part de veiller au maintien des salariés à occuper un emploi.

Cette seconde obligation, différente de l'obligation d'adaptation au poste de travail procède de l'idée que le salarié peut être un jour amené à rechercher du travail hors de l'entreprise et qu'il ne doit pas s'être sclérosé dans un métier qui a évolué.

En l'espèce, il est constant que l'employeur n'a fait suivre aucune formation à Madame [S] au cours des vingt-cinq années de la relation contractuelle.

À la suite de la perte de son emploi, Madame [S] justifie d'une période de chômage et d'une succession de contrats à durée déterminée dans des emplois peu qualifiés et nettement moins bien rémunérés que l'emploi qu'elle occupait avant son licenciement en dépit des recherches opérées. Elle caractérise ainsi l'existence d'un préjudice résultant d'une moindre employabilité dans des fonctions relevant de sa qualification en raison d'une absence d'actualisation de ses connaissances au cours de la relation contractuelle.

C'est donc par une juste appréciation des éléments de la cause, et au vu des éléments produits aux débats que le premier juge a fixé à 5000 € le montant des dommages-intérêts pour manquement de l'employeur à son obligation d'adaptation de la salariée à l'emploi.

$gt; Sur le licenciement

Madame [S] a été licenciée pour faute grave au motif de la création de toute pièce d'ordonnances et de la falsification d'ordonnances existantes dans le but d'obtenir le remboursement par les organismes de sécurité sociale et les mutuelles de produits qu'elle ne prenait pas dans le but de se servir d'autres produits non remboursés au sein de la pharmacie au prix du remboursement effectué, et ce, de mai 2013 au 9 avril 2015. Il lui était en particulier reproché de s'être prescrit des produits pris en charge au titre du tiers payant et d'avoir utilisé les remboursements effectués par la sécurité sociale et la mutuelle pour payer les produits pris au sein de la pharmacie figurant sur son compte salarié. Enfin, aux termes de la lettre de licenciement à laquelle il convient de se reporter pour plus ample exposé des motifs, l'employeur lui reprochait d'avoir mis en danger la société en raison de ses agissements.

Si la salariée invoque la prescription des faits fautifs, la lettre de licenciement lui fait cependant grief d'avoir opéré des falsifications d'ordonnances jusqu'au 9 avril 2015 et d'avoir crédité sur son compte salarié les sommes correspondant aux remboursements opérés par la caisse pour la dernière fois le 31 décembre 2015. Il ressort en effet des pièces produites et en particulier du détail des crédits non soldés que les dernières falsifications d'ordonnances ont été réalisées le 9 avril 2015 et que le dernier remboursement par les organismes sociaux n'a été opéré que le 31 décembre 2015, date à laquelle le montant correspondant de 227,13 euros était crédité sur le compte de la salariée. D'où il suit, que l'employeur n'a eu connaissance de l'intégralité des faits reprochés qu'à cette date, si bien que la prescription ne saurait être acquise dès lors que la procédure disciplinaire a été engagée le 16 janvier 2016.

Comme l'a relevé exactement le premier juge sans que la matérialité des faits ne soit utilement discutée, l'enquête de la caisse primaire d'assurance-maladie portant sur la période du 1er mars 2014 14 au 29 février 2016 a permis de confirmer que Madame [S] s'était fait délivrer des médicaments sans acte médical associé et avait falsifié des ordonnances réutilisées de manière abusive.

Si au terme de l'enquête pénale, le tribunal correctionnel dans son jugement du 3 juin 2019 a pu relever que les faits commis par Madame [S] s'inscrivaient dans un système déviant mis en place par l'employeur dans un objectif d'« optimisation du chiffre d'affaires à des fins d'enrichissement personnel » et si la participation personnelle de la salariée s'est limitée à des falsifications d'ordonnances dont l'employeur avait connaissance et qu'elle a reconnues, les reversements qu'elle a opérés sur le compte salarié dont elle a personnellement bénéficié s'élèvent, à l'examen des pièces produites, à la somme de 1886,43 euros entre le 18 juin 2014 et le 31 décembre 2015.

Par jugement du tribunal correctionnel de Montpellier devenu définitif à son égard, Madame [S] a été condamnée pour ces faits de faux, usage de faux en écriture et escroquerie à un mois d'emprisonnement avec sursis et 1000 euros d'amende.

Il en résulte au regard des faits venant au soutien du licenciement et établis par l'appelante, qu'en dépit du système mis en place par l'entreprise qui suffisait par lui-même à mettre la société en danger, les manquements fautifs imputables à la salariée dans un but de bénéfice personnel dont il n'est justifié par aucun élément qu'ils lui aient été commandés par l'employeur, étaient par eux-mêmes suffisamment graves pour empêcher la poursuite du contrat de travail sans que les fautes personnelles de l'employeur au préjudice des organismes sociaux puissent exonérer les manquements de la salariée à ses obligations contractuelles même s'ils avaient pu en faciliter la réalisation.

C'est pourquoi, la preuve de la faute grave étant rapportée, qu'infirmant en cela le jugement entrepris, il convient de débouter la salariée de l'ensemble de ses demandes relatives à une rupture abusive du contrat de travail.

$gt; Sur les demandes accessoires et reconventionnelles

En considération de la solution apportée au litige, il convient de faire droit à la demande de remboursement formée par l'UNEDIC, délégation AGS à concurrence d'une somme de 52 141,17 euros correspondant à la somme avancée par l'AGS dans le cadre de l'exécution provisoire déduction faite de la somme de 5000 € correspondant au montant des dommages-intérêts pour manquement de l'employeur à son obligation d'adaptation de la salariée à l'emploi.

L'équité commande de dire n'y avoir lieu à condamnation au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Compte tenu de la solution apportée au litige il y a lieu de dire que les dépens seront supportés par Monsieur [O] [X] représenté par Me [K] [N], es-qualités de mandataire-liquidateur de Monsieur [O] [X], et de les déclarer frais privilégiés au passif de la liquidation judiciaire de Monsieur [O] [X].

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,

Confirme le jugement rendu le 16 juillet 2020 par le conseil de prud'hommes de Montpellier sauf en ce qu'il a dit sans cause réelle et sérieuse le licenciement de Madame [P] [S] et en ce qu'il lui a alloué des indemnités afférentes à une rupture abusive de la relation travail;

Et statuant à nouveau des seuls chefs infirmés,

Déboute Madame [P] [S] de l'ensemble de ses demandes relatives à une rupture abusive de la relation travail;

Condamne Madame [P] [S] à rembourser à l'UNEDIC, délégation AGS-CGEA de [Localité 2] une somme de 52 141,17 euros.

Dit n'y avoir lieu à condamnation au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile;

Dit que les dépens seront supportés par Monsieur [O] [X] représenté par Me [K] [N], es-qualités de mandataire-liquidateur de Monsieur [O] [X], et les déclare frais privilégiés au passif de la liquidation judiciaire de Monsieur [O] [X];

LE GREFFIER P/LE PRESIDENT EMPECHE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 2e chambre sociale
Numéro d'arrêt : 20/02899
Date de la décision : 01/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-01;20.02899 ?
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