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01/03/2023 | FRANCE | N°20/02727

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 2e chambre sociale, 01 mars 2023, 20/02727


Grosse + copie

délivrées le

à































COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

2e chambre sociale

ARRET DU 01 MARS 2023



Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 20/02727 - N° Portalis DBVK-V-B7E-OTZS



Décision déférée à la Cour :

Jugement du 28 MAI 2020

CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE CARCASSONNE N° RG F 19/00066



APPELANTE :



S.A.S. PROMAN 7

4

[Adresse 6]

[Localité 1]

Représentée par Me CULOT avocat pour Me Christine ANDREANI de la SELARL JURIS VIEUX PORT, avocat au barreau de MARSEILLE



INTIMES :



Monsieur [L] [V]

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représenté par Me Aude DENARNAUD, av...

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

2e chambre sociale

ARRET DU 01 MARS 2023

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 20/02727 - N° Portalis DBVK-V-B7E-OTZS

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 28 MAI 2020

CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE CARCASSONNE N° RG F 19/00066

APPELANTE :

S.A.S. PROMAN 74

[Adresse 6]

[Localité 1]

Représentée par Me CULOT avocat pour Me Christine ANDREANI de la SELARL JURIS VIEUX PORT, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMES :

Monsieur [L] [V]

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représenté par Me Aude DENARNAUD, avocat au barreau de CARCASSONNE

S.A.S. PAPREC SUD OUEST

[Adresse 4]

[Localité 5]

Représentée par Me Murielle VANDEVELDE-PETIT de la SELAS KPMG AVOCATS, avocat au barreau de LYON

Ordonnance de clôture du 12 Décembre 2022

COMPOSITION DE LA COUR :

En application de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 09 JANVIER 2023, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l'article 804 du même code, devant la cour composée de :

M. Jean-Pierre MASIA, Président

Mme Véronique DUCHARNE, Conseillère

Monsieur Jacques FOURNIE, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : M. Philippe CLUZEL

ARRET :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par M. Jean-Pierre MASIA, Président, et par M. Philippe CLUZEL, Greffier.

*

* *

FAITS ET PROCÉDURE

A compter du 16 décembre 2015 jusqu'au 29 décembre 2017 inclus, M. [L] [V] a travaillé pour la SAS Proman 074, entreprise de travail temporaire (ETT), dans le cadre de contrats de mission temporaire successifs s'exécutant au sein de la SAS Paprec Sud-Ouest (entreprise utilisatrice) à temps partiel et à temps complet selon les périodes, en qualité de chauffeur super poids lourds.

A compter du 2 janvier 2018 jusqu'au 11 janvier 2019 inclus, il a exécuté ses missions à temps complet au sein de la société Ariège Déchets.

Entre-temps, le 17 décembre 2018, la SAS Paprec Sud-Ouest avait proposé au salarié un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 14 janvier 2018 avec reprise d'ancienneté au 15 décembre 2015, en qualité de chauffeur super poids lourds, proposition qui n'avait pas été acceptée par l'intéressé.

Par courrier du 28 mars 2019, le salarié a demandé à l'entreprise utilisatrice de lui payer les primes de treizième mois des trois dernières années ainsi que le reliquat dû au titre des paniers repas des deux dernières années.

Par requête enregistrée le 11 juillet 2019, faisant valoir que le délai de carence n'avait pas été respecté par la SAS Proman 074 entre les nombreux contrats de mission temporaire signés entre décembre 2015 et janvier 2019, que des rappels de salaire lui étaient dus en raison d'une rupture d'égalité, le salarié a saisi le conseil de prud'hommes de Carcassonne en requalification de la relation de travail en contrat à durée indéterminée, en paiement de sommes au titre des rappels de salaire et de la rupture abusive.

Par jugement du 28 mai 2020 notifié le 17 juin 2020, le conseil de prud'hommes

- s'est déclaré territorialement compétent pour juger le litige,

- dit que la société Proman n'a pas respecté le délai de carence entre les contrats de mission,

- dit que la société Paprec Sud-Ouest a violé les articles L 1251-5 et 1251-6,

- requalifié les contrats de mission en un contrat à durée indéterminée à compter du 19 décembre 2015,

- condamné in solidum à proportion égale les sociétés Proman et Paprec Sud-Ouest à verser à M. [V] les sommes suivantes :

* 2 446,18 € à titre d'indemnité de requalification,

* 7 338,54 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 1 223,09 € à titre d'indemnité de licenciement,

* 4 894,36 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

* 489,23 € à titre de congés payés sur préavis,

* 1 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté les parties de l'ensemble des autres demandes,

- condamné les sociétés Proman et Paprec Sud-Ouest in solidum à proportion égale aux entiers dépens.

Par déclaration du 6 juillet 2020 enregistrée au RPVA le 8 juillet 2020, la SAS Proman 74 a régulièrement interjeté appel de ce jugement.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Aux termes de ses dernières conclusions enregistrées au RPVA le 16 mars 2021, la SAS Proman 074 demande à la Cour

- d'infirmer le jugement qui a requalifié les contrats de mission en contrat à durée indéterminée pour non-respect d'un délai de carence entre les contrats de mission et qui l'a condamnée « in solidum » avec la Société Paprec Sud Ouest sur les conséquences d'une rupture du contrat de travail analysée comme un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Statuant à nouveau,

A titre principal, de

- constater qu'elle a respecté ses obligations ;

- débouter M. [V] de l'ensemble de ses demandes formées à son encontre notamment la demande de condamnation « in solidum » ;

- constater qu'aucune solidarité, ni condamnation solidaire ne pourra être prononcée à son encontre dans l'hypothèse d'une requalification prononcée à l'encontre de la Société utilisatrice, la Société Paprec Sud Ouest ;

- prononcer sa mise hors de cause ;

En tout état de cause, de

- débouter M. [V] de toutes demandes à son encontre, y compris celles tendant à un rappel de salaire ;

- constater l'irrecevabilité de l'appel en garantie formulée par la Société Paprec Sud Ouest pour la première fois en cause d'appel à son encontre, constituant de ce fait une demande nouvelle ;

- débouter la Société Paprec Sud Ouestde sa demande à être relevée et garantie ;

- la débouter de toutes ses demandes à son encontre ;

- condamner M. [V] au paiement de la somme de 1 500 € au titre l'article 700 du Code de procédure civile.

Aux termes de ses dernières conclusions enregistrées au RPVA le 28 décembre 2020, M. [L] [V] demande à la Cour, au visa des articles L1251-18 à L1251- 43, L1255-2, L3221-3 et L6321-1 du Code du travail, 515 et 700 du Code de procédure civile, de :

- confirmer le jugement concernant la requalification des contrats de mission en contrat à durée indéterminée et ses conséquences de droit ;

- constater sa compétence territoriale pour le présent litige ;

- déclarer recevable sa demande ;

- constater le non-respect par la société Proman 074 du délai de carence entre deux contrats de travail temporaire ;

- constater les manquements distincts tant de Proman 074 que de la société Paprec Sud Ouest ;-prononcer la requalification de ses contrats de mission en contrat à durée indéterminée à l'égard de la société Paprec Sud-Ouest ;

- condamner en conséquence in solidum la société Proman et la société Paprec Sud-Ouest au versement des sommes suivantes :

' 2 446,18 € au titre de l'indemnité de requalification,

' 9 742,72 € au titre de l'indemnité spécifique au licenciement sans cause réelle et sérieuse,

' 1 834,64 € au titre de l'indemnité de licenciement,

' 4 892,36 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

' 489,24 au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés ;

- infirmer le jugement en constatant la rupture d'égalité de rémunération entre le salarié permanent de l'entreprise et lui-même ;

- condamner la société Proman au versement de la somme de 5 983,14 € au titre du rappel de salaire composés comme il suit :

' 740, 68 € au titre de la prime de 13 e mois pour l'année 2016 ;

' 1 461,78 € au titre de la prime de 13 e mois pour l'année 2017;

' 2 446,18 € au titre de la prime de 13 e mois pour l'année 2018;

' 824,50 € au titre de la prime d'assiduité pour les années 2016 et 2017 ;

' 510 € au titre de la prime d'assiduité pour l'année 2018 ;

- condamner la société Proman au versement de la somme de 3 495,98 € net de dommages et intérêts au titre du défaut d'égalité de traitement sur les paniers repas ;

- la condamner au remboursement des frais inhérents aux trois contrats de mission-formation ;

- condamner solidairement la société Proman et la société Paprec Sud-Ouest au versement de la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance ;

Pour l'exposé des prétentions et des moyens des parties, il est renvoyé, conformément à l'article 455 du Code de procédure civile, à leurs conclusions ci-dessus mentionnées et datées.

La procédure a été clôturée par ordonnance du 12 décembre 2022.

MOTIFS

I- Les manquements de l'entreprise utilisatrice.

Sur la rupture d'égalité et les rappels de primes.

En vertu du principe « à travail égal, salaire égal », l'employeur est tenu d'assurer l'égalité de rémunération entre les salariés effectuant un même travail ou un travail de valeur égale. En cas de demande fondée sur une différence de rémunération, il incombe tout d'abord au salarié de produire des éléments de fait susceptibles de caractériser une inégalité de rémunération avec des salariés placés dans une situation identique. Au vu de ces éléments, il appartient ensuite à l'employeur de rapporter la preuve d'éléments objectifs justifiant la différence de rémunération.

En matière de travail intérimaire, il n'est pas dérogé à ce principe, le salarié intérimaire disposant, pendant sa mission, des mêmes droits que les salariés de l'entreprise utilisatrice.

La rémunération de l'intérimaire doit être au moins égale à celle que percevrait, après période d'essai, un salarié de l'entreprise utilisatrice, sous contrat à durée indéterminée, de qualification équivalente et occupant le même poste de travail.

En l'espèce, le salarié fait valoir qu'il n'avait pas les mêmes droits que les salariés permanents en ce qui concerne la prime d'assiduité, la prime de treizième mois, la prime de panier-repas et le remboursement des frais de formation.

Pour établir l'inégalité de traitement, il verse aux débats les bulletins de salaire de M. [I] [N], salarié permanent de la société Polybenne, ainsi que la proposition de contrat de travail à durée indéterminée qui lui a été soumise par l'entreprise utilisatrice.

Si M. [N] a été engagé en qualité de chauffeur super poids lourd comme le salarié, en revanche, l'entreprise qui l'emploie est une personne morale différente de l'entreprise utilisatrice et, en outre, ce salarié justifie d'une ancienneté plus importante que lui (3 ans et 2 mois en janvier 2016).

Par ailleurs, le salarié ne saurait exciper d'une rupture d'égalité entre sa propre situation d'intérimaire et la situation proposée par l'entreprise utilisatrice dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée, qu'il a refusé de signer.

Il s'ensuit que le salarié ne produit pas les éléments de fait susceptibles de caractériser une inégalité de rémunération avec des salariés permanents placés dans une situation identique.

S'agissant de la prime d'assiduité, la demande est fondée exclusivement sur la rupture d'égalité et doit être rejetée.

S'agissant des panier-repas, le salarié ajoute qu'au regard de la convention collective nationale industries et commerces du recyclage, il a perçu une somme inférieure à celle qui lui était due en 2016 et 2017.

L'article 74 de la convention collective stipule en effet qu'au titre des petits déplacements, pour les salariés en déplacement occupés hors des locaux de l'entreprise ou sur un chantier extérieur, lorsque les conditions de travail leur interdisent de regagner leur résidence ou leur lieu habituel de travail pour le repas et qu'il n'est pas démontré que les circonstances ou les usages de la profession les obligent à prendre ce repas au restaurant, il sera versé une indemnité forfaitaire dont le montant minimum est égal à 6,82 €.

Or, il ressort des contrats de mission temporaire produits aux débats que le salarié n'a perçu que 6,36 € par jour de travail à ce titre, soit une somme inférieure au minimum conventionnel et une différence de 0,46 € par prime de repas due par l'entreprise utilisatrice entre le 5 janvier 2016 et le 29 décembre 2017 inclus.

Aucune pièce du dossier ne permet de justifier cette différence, en sorte que la rupture d'égalité est démontrée sur ce point.

S'agissant de la prime de treizième mois réclamée au titre de la période comprise entre le 1er janvier 2016 et le 29 décembre 2017, elle n'est prévue ni par la convention collective, ni par les contrats de mission temporaire et le salarié ne verse aux débats aucun justificatif de l'existence d'un usage au sein de l'entreprise, le contrat de travail à durée indéterminée non signé ne suffisant pas à démontrer les caractéristiques d'un tel usage, soit la généralité de la prime, la constance du versement de la prime et la fixité du calcul de celle-ci.

S'agissant de la prime de treizième mois réclamée au titre de la période postérieure, elle n'est pas due par l'entreprise utilisatrice puisque le salarié travaillait au sein de la société Ariège Déchets, personne morale distincte, régie par une autre convention collective et non attraite à la cause.

S'agissant enfin du remboursement des frais de formation, le salarié ne produit aucun justificatif de frais susceptibles d'être remboursés par l'entreprise de travail temporaire.

Il y a lieu de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté le salarié de ses demandes au titre de la prime d'assiduité, de la prime de treizième mois et de l'infirmer en ce qu'il l'a débouté de sa demande au titre du panier-repas.

Sur la requalification des contrats de mission en contrat de travail à durée indéterminée.

L'article L 1251-5 prévoit que le contrat de mission, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise utilisatrice.

Selon l'article L 1251-6, dans sa rédaction applicable au cas d'espèce, sous réserve des dispositions de l'article L. 1251-7, il ne peut être fait appel à un salarié temporaire que pour l'exécution d'une tâche précise et temporaire dénommée "mission " et seulement dans des cas limitativement énumérés, dont l'accroissement temporaire de l'activité de l'entreprise.

L'article L 1251-36, dans sa rédaction alors applicable, précise qu'à l'expiration d'un contrat de mission, il ne peut être recouru, pour pourvoir le poste du salarié dont le contrat a pris fin, ni à un contrat à durée déterminée ni à un contrat de mission, avant l'expiration d'un délai de carence calculé en fonction de la durée du contrat de mission incluant, le cas échéant, son ou ses deux renouvellements. Ce délai de carence est égal :

1° Au tiers de la durée du contrat de mission venu à expiration si la durée du contrat incluant, le cas échéant, son ou ses deux renouvellements, est de quatorze jours ou plus ;

2° A la moitié de la durée du contrat de mission venu à expiration si la durée du contrat incluant, le cas échéant, son ou ses deux renouvellements, est inférieure à quatorze jours.

Les jours pris en compte pour apprécier le délai devant séparer les deux contrats sont les jours d'ouverture de l'entreprise ou de l'établissement utilisateurs.

Enfin, l'article L 1251-40, dans sa rédaction alors applicable, permet au salarié d'une entreprise de travail temporaire, en cas de non-application de ces dispositions par l'entreprise utilisatrice, de faire valoir auprès de l'entreprise utilisatrice les droits correspondant à un contrat de travail à durée indéterminée prenant effet au premier jour de sa mission.

En l'espèce, pour obtenir la requalification de la relation de travail en contrat de travail à durée indéterminée, le salarié fait valoir deux motifs :

- le non-respect du délai de carence par l'entreprise utilisatrice,

- le non-respect des motifs de recours au travail temporaire et le fait que son emploi était lié à l'activité normale de l'entreprise.

Le délai de carence.

Il résulte de l'analyse des contrats de mission et de leurs avenants de prolongation que l'entreprise utilisatrice n'a pas systématiquement respecté le délai de carence, alors même que l'exception au délai de carence, prévue par l'article L 1251-37 du code du travail, ne s'applique pas au motif du recours choisi, à savoir l'accroissement temporaire d'activité, et que le poste auquel était affecté le salarié était identique pour chaque mission.

Ainsi :

Le deuxième contrat du mardi 5 janvier 2016 au vendredi 8 janvier 2016, prolongé jusqu'au mercredi 13 janvier 2016 comptait 9 jours de travail, en sorte que le délai de carence correspondait à la moitié de la durée du contrat, soit 4,5 jours.

Les fiches établies pour chaque semaine de travail montrent que l'entreprise utilisatrice était ouverte 5 jours sur 7 jours, du lundi au vendredi.

Les jours de carence étaient par conséquent le jeudi 14 janvier, le vendredi 15 janvier, le lundi 18 janvier, le mardi 19 janvier et le mercredi 20 janvier au matin.

Or, le contrat de mission suivant signé le lundi 18 janvier 2016 a pris effet ce même jour, soit avant l'expiration du délai de carence.

Le motif du recours.

Alors que le salarié expose que le motif du recours choisi pour la quasi-totalité des contrats, soit l'accroissement temporaire d'activité, n'est pas démontré par l'entreprise utilisatrice et que les contrats de mission temporaire se sont succédé en son sein de décembre 2015 à décembre 2017, celle-ci ne produit aucun élément concret susceptible de corroborer le fait que l'engagement de l'intérimaire aurait été justifié par l'accroissement temporaire de son activité.

Il s'ensuit que le recours au travail temporaire permettait à l'entreprise utilisatrice de pourvoir durablement un emploi lié à son activité normale et permanente.

L'argumentation tirée du fait de ce le refus par le salarié de signer un contrat de travail à durée indéterminée constituerait une exécution déloyale du contrat de travail et ferait obstacle à ce que la relation de travail soit requalifiée en contrat à durée indéterminée, n'est pas fondée juridiquement. En effet, le salarié était libre d'accepter ou non la proposition présentée par l'entreprise de travail temporaire qui, elle-même, était libre de soumettre au salarié intérimaire un contrat de travail à durée indéterminée.

Dès lors, il convient de requalifier le contrat de mission temporaire du 5 janvier 2016 en contrat à durée indéterminée et de condamner l'entreprise de travail temporaire à payer au salarié l'indemnité de requalification d'un montant de 2 441 €.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a fait droit à la demande en requalification et en paiement de l'indemnité subséquente.

Sur la rupture.

Par l'effet de la requalification de la relation de travail en contrat de travail à durée indéterminée, la rupture est irrégulière et abusive et produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur les conséquences pécuniaires de la rupture.

Dans la mesure où le salarié a travaillé au sein de l'entreprise utilisatrice du 16 décembre 2015 au 29 décembre 2017 ' la période postérieure concernant une autre entreprise utilisatrice ainsi que cela a été indiqué ci-dessus ' l'ancienneté est de plus de 2 ans.

L'article L 1235-3 du Code du travail, dans sa rédaction en vigueur du 24 septembre 2017 au 1er avril 2018 issue de l'ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017, applicable au cas d'espèce, prévoit que l'indemnisation du licenciement sans cause réelle et sérieuse d'un salarié totalisant 2 années d'ancienneté dans une entreprise employant habituellement au moins onze salariés, doit être comprise entre 3 et 3,5 mois de salaire brut.

Compte tenu de l'âge du salarié (né le 31/08/1976), de son ancienneté à la date de la rupture (plus de 2 ans), du nombre de salariés habituellement employés (au moins 11 salariés), de sa rémunération mensuelle brut (2 441 €) et de l'absence de tout justificatif relatif à sa situation actuelle, il convient de fixer les sommes suivantes à son profit :

- 7 323 € au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 4 882 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis (2 mois),

- 488,20 € au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés afférents,

- 1 220,50 € au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement (article 79 de la convention collective : 1/4 de mois de salaire par année d'ancienneté pour les années jusqu'à 10 ans),

- 244,10 € au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés.

II- Sur les manquements de l'entreprise de travail temporaire.

Les manquements reprochés par le salarié à l'entreprise de travail temporaire sont identiques à ceux avancés au soutien de la demande en requalification des contrats de mission temporaire en contrat à durée indéterminée, soit :

- non-respect du délai de carence,

- non-respect des motifs de recours et avoir de ce fait pourvu durablement à un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise utilisatrice.

Il a été retenu ci-dessus que d'une part, l'emploi du salarié dans le cadre de missions temporaires successives pendant plus de deux ans avait permis de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise utilisatrice et d'autre part, que le délai de carence entre deux missions n'avait pas été respecté alors que le motif du recours était l'accroissement temporaire d'activité.

Ces deux faits imputables à l'entreprise de travail temporaire caractérisent les manquements de cette dernière aux obligations qui lui sont propres dans l'établissement des contrats de mission et justifient sa condamnation in solidum avec l'entreprise utilisatrice à supporter les conséquences de la requalification de la relation de travail en contrat à durée indéterminée, à l'exception de l'indemnité de requalification, dont l'entreprise utilisatrice est la seule débitrice.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a retenu une condamnation solidaire des deux entreprises sauf en ce qu'il a inclu l'indemnité de requalification.

III ' Sur la demande en garantie présentée pour la première fois en cause d'appel.

La demande de garantie des condamnations de l'entreprise utilisatrice par l'entreprise de travail temporaire n'a pas lieu d'exister s'agissant des condamnations au paiement des sommes dues, excepté l'indemnité de requalification, puisque les deux entreprises ont été condamnées in solidum.

S'agissant de la demande de garantie du paiement de l'indemnité de requalification, ainsi que le relève l'entreprise de travail temporaire, la demande est nouvelle en cause d'appel et est par conséquent irrecevable.

En tout état de cause, le paiement de cette indemnité ne peut être supporté par l'entreprise de travail temporaire.

IV - Sur les demandes accessoires.

Les deux entreprises seront tenues in solidum de rembourser à Pôle Emploi les allocations chômage versées au salarié dans la limite de six mois.

Elles seront tenus in solidum aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Il est équitable de les condamner in solidum à payer au salarié la somme de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile pour les frais exposés en première instance et en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS :

La Cour, après en avoir délibéré, par arrêt mis à disposition au greffe ;

CONFIRME le jugement du 28 mai 2020 du conseil de prud'hommes de Carcassonne en ce qu'il a

- prononcé la requalification de la mission de travail temporaire de M. [L] [V] en contrat à durée indéterminée et fixé l'indemnité de requalification,

- dit que la rupture s'analysait en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- fait droit à la fixation de sommes au titre de la rupture abusive et condamné in solidum les sociétés Proman et Paprec Sud-Ouest à les payer à M. [L] [V] ;

INFIRME ledit jugement pour le surplus y compris les montants des sommes fixées ;

Statuant à nouveau sur les seuls chefs infirmés,

PRÉCISE que la requalification en contrat de travail à durée indéterminée concerne le contrat de mission temporaire du 5 janvier 2016 ;

CONDAMNE la SAS Paprec Sud-Ouest à payer à M. [L] [V] la somme de 2 441 € au titre de l'indemnité de requalification ;

DÉCLARE irrecevable la demande en garantie de la condamnation au paiement de l'indemnité de requalification, demande nouvelle ;

CONDAMNE in solidum la SAS Paprec Sud-Ouest et la SAS Proman 074 à payer à M. [L] [V] les sommes suivantes :

- 0,46 € par prime de repas au titre du reliquat dû pour la prime de repas due entre le 5 janvier 2016 et le 29 décembre 2017 inclus,

- 7 323 € au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 4 882 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

- 488,20 € au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés afférents,

-1220,50 € au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,

- 244,10 € au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés ;

Y ajoutant,

ORDONNE le remboursement in solidum par la SAS Paprec Sud-Ouest et la SAS Proman 074 à Pôle Emploi des indemnités de chômage payées à M. [L] [V] dans la limite de six mois ;

CONDAMNE in solidum la SAS Paprec Sud-Ouest et la SAS Proman 074 à payer à M. [L] [V] la somme de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile pour les frais exposés en première instance et en cause d'appel ;

CONDAMNE in solidum la SAS Paprec Sud-Ouest et la SAS Proman 074 à payer à M. [L] [V] aux entiers dépens de première instance et d'appel ;

DIT que conformément aux dispositions des articles L 1235-4 et R 1235-2 du Code du travail, une copie du présent arrêt sera adressée par le greffe au Pôle Emploi du lieu où demeure le salarié.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 2e chambre sociale
Numéro d'arrêt : 20/02727
Date de la décision : 01/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-01;20.02727 ?
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