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23/02/2023 | FRANCE | N°18/03194

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 3e chambre civile, 23 février 2023, 18/03194


Grosse + copie

délivrées le

à















COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



3e chambre civile



ARRET DU 23 FEVRIER 2023



Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 18/03194 - N° Portalis DBVK-V-B7C-NWVM





Décision déférée à la Cour :

Jugement du 22 mai 2018

TRIBUNAL D'INSTANCE DE MONTPELLIER

N° RG 11-17-001622





APPELANTE :



SCI RUE LEONARD DE VINCI MONTPELLIER

RCS de Montpelli

er n°798 710 349, agissant en la personne de son représentant légal domicilié ès qualités au siège social

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Philippe BEZ de la SCP BEZ, DURAND, DELOUP, GAYET, avocat au barreau ...

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

3e chambre civile

ARRET DU 23 FEVRIER 2023

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 18/03194 - N° Portalis DBVK-V-B7C-NWVM

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 22 mai 2018

TRIBUNAL D'INSTANCE DE MONTPELLIER

N° RG 11-17-001622

APPELANTE :

SCI RUE LEONARD DE VINCI MONTPELLIER

RCS de Montpellier n°798 710 349, agissant en la personne de son représentant légal domicilié ès qualités au siège social

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Philippe BEZ de la SCP BEZ, DURAND, DELOUP, GAYET, avocat au barreau de MONTPELLIER substitué à l'audience par Me Charles ZWILLER, avocat au barreau de MONTPELLIER

INTIME :

Monsieur [K] [D]

né le 18 Mars 1989 à MONTPELLIER

de nationalité Française

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représenté par Me Vanessa MENDEZ, avocat au barreau de MONTPELLIER

Ordonnance de clôture du 02 janvier 2023

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 23 janvier 2023,en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. Fabrice DURAND, conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

M. Gilles SAINATI, président de chambre

M. Thierry CARLIER, conseiller

M. Fabrice DURAND, conseiller

Greffier lors des débats : Mme Camille MOLINA

ARRET :

- contradictoire ;

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par M. Gilles SAINATI, président de chambre, et par Mme Camille MOLINA, Greffière.

*

* *

EXPOSE DU LITIGE

Par acte authentique du 20 janvier 2017, la SCI Rue Léonard de Vinci Montpellier a vendu en état futur d'achèvement à M. [K] [D] un appartement de type T2 avec parking formant les lots n°3 et n°63 au sein de la [Adresse 3] sise [Adresse 3] au prix de 226 000 euros TTC.

L'acte de vente stipulait une livraison au second trimestre 2017 sauf survenance d'un cas de force majeure ou de toute autre cause légitime de suspension du délai de livraison.

Par courrier du 10 février 2017, la SCI Rue Léonard de Vinci Montpellier informait M. [D] de ce que la livraison serait retardée de 41 jours en raison des intempéries survenues entre le 1er janvier 2016 et le 31 décembre 2016.

Par courir du 9 août 2017, la SCI Rue Léonard de Vinci Montpellier informait son client de ce que la livraison interviendrait le 27 septembre 2017.

M. [D] a pris possession de son appartement le 27 septembre 2017.

Par acte d'huissier du 6 octobre 2017, M. [D] a fait assigner la SCI Rue Léonard de Vinci Montpellier devant le tribunal d'instance de Montpellier aux fins de voir engager sa responsabilité contractuelle et condamner à lui payer les sommes suivantes :

- 2 013,15 euros représentant les loyers de l'appartement précédemment loué pour la période de juillet à septembre 2017 ;

- 180 euros représentant les frais de parking pour la même période ;

- une provision de 367,08 euros représentant les intérêts intercalaires résultant du prêt immobilier payés pour la même période ;

- 6 000 euros en réparation du préjudice matériel et moral subi avec les intérêts au taux légal à compter de la date de la décision ;

- 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens.

Par jugement rendu le 22 mai 2018, le tribunal d'instance de Montpellier a :

- dit que la SCI Rue Léonard de Vinci Montpellier avait manqué à ses obligations contractuelle ;

- condamné la SCI Rue Léonard de Vinci Montpellier à verser à M. [D] les sommes suivantes :

* 2 013,15 euros représentant les loyers payés pour la période de juillet à septembre 2017 ;

* 180 euros représentant les frais de parking pour la même période ;

* 400 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

- ordonné l'exécution provisoire de la décision ;

- condamné la SCI Rue Léonard de Vinci à supporter les dépens ;

- débouté les parties de leurs autres demandes.

Par deux déclarations successives au greffe du 20 juin 2018, la SCI Rue Léonard de Vinci Montpellier a relevé appel de ce jugement.

Par ordonnance du 20 juillet 2018, le conseiller de la mise en état a joint le dossier RG n°18/03194 au dossier RG n° 18/03202.

Vu les dernières conclusions de la SCI Rue Léonard de Vinci Montpellier remises au greffe le 21 mars 2019 ;

Vu les dernières conclusions de M. [D] remises au greffe le 15 septembre 2022 ;

L'ordonnance de clôture a été rendue le 2 janvier 2023.

MOTIFS DE L'ARRÊT

Sur le manquement aux obligations contractuelles,

Le contrat de vente en état futur d'achèvement du 20 janvier 2017 ne met expressément à la charge du promoteur vendeur aucune pénalité en cas de retard de livraison des appartements non imputable à une cause étrangère.

Toutefois, en application des articles 1231-1, 1610 et 1611 du code civil, l'acquéreur d'un bien immobilier en état futur d'achèvement peut toujours solliciter l'octroi de dommages-intérêts en réparation du préjudice causé par le retard de livraison du bien si le promoteur vendeur ne justifie pas que l'exécution a été empêchée par la force majeure.

La responsabilité contractuelle de la SCI Rue Léonard de Vinci Montpellier est donc engagée en cas de retard de livraison, et ce même si des pénalités de retard n'étaient pas expressément prévues dans les contrats de vente conclus avec les acquéreurs.

Le contrat de vente en état futur d'achèvement conclu entre la SCI Rue Léonard de Vinci Montpellier et M. [D] stipule une livraison de l'immeuble au plus tard le 30 juin 2017.

Les parties s'accordent sur le fait que la livraison est intervenue le 27 septembre 2017, ce qui représente 89 jours de retard par rapport au délai contractuellement prévu.

Le contrat se réfère à la liste des causes légitimes de suspension du délai de livraison figurant au cahier des conditions générales des ventes en date du 16 octobre 2015 (page 38) qui prend en compte notamment les deux situations suivantes dont se prévaut la SCI Rue Léonard de Vinci Montpellier pour prétendre s'exonérer de sa responsabilité pour retard de livraison :

- b) les intempéries et phénomènes climatiques retenus par le maître d''uvre et justifiés par les relevés de la station météorologique la plus proche du chantier ;

- d) la défaillance des ou de l'une des entreprises effectuant les travaux ou encore de leurs fournisseurs ou sous-traitants (la justification sera apportée par le vendeur à l'acquéreur au moyen de la production de la copie de toute lettre recommandée AR adressée par le maître d''uvre à l'entrepreneur défaillant.

Sur le retard de 58 jours causé par les intempéries,

Concernant la période antérieure au 20 janvier 2017,

Les 41 journées d'intempéries antérieures à la date de signature de l'acte de vente du 20 janvier 2017 ne peuvent pas être retenues comme une cause légitime de retard de livraison du bien vendu.

Il appartenait à la SCI Rue Léonard de Vinci de consulter son maître d''uvre avant de s'engager contractuellement le 20 janvier 2017 avec M. [D] afin de prendre connaissance du nombre de journées d'intempéries ayant retardé le chantier antérieurement à la date de conclusion du contrat.

Contrairement à la position soutenue dans ses écritures, la SCI Rue Léonard de Vinci était parfaitement en mesure d'accéder à ces informations suivies au jour le jour par son maître d''uvre.

Ces événements météorologiques parfaitement prévisibles, car déjà survenus à la date de conclusion du contrat, ne peuvent pas caractériser un cas de force majeure.

Le principe de formation et d'exécution de bonne foi du contrat impose aussi à la société venderesse de respecter de délai contractuel de livraison sans prétendre s'en exonérer en invoquant des événements antérieurs à la date de conclusion du contrat dont elle avait connaissance ou qu'elle était en capacité de connaître.

Connaissance prise de ces éléments, la SCI Rue Léonard de Vinci se devait d'en tenir compte pour fixer son délai contractuel de livraison, les stipulations relatives aux causes légitimes de retard ne pouvant jouer que pour les événements survenus postérieurement à la signature de l'acte, ainsi que l'a exactement retenu le premier juge par des motifs pertinents que la cour adopte.

Par ailleurs, la signature d'un contrat de réservation le 22 septembre 2016 ne dispensait pas davantage le promoteur vendeur de tenir compte des journées d'intempéries survenues entre le 22 septembre 2016 et le 20 janvier 2017 pour ajuster le délai de livraison dans l'acte définitif de vente qui constitue un contrat autonome.

A défaut de stipulation contraire, le délai contractuel de livraison figurant dans l'acte de vente du 20 janvier 2017 ne pouvait ensuite être retardé que pour des motifs survenus postérieurement au 20 janvier 2017.

La SCI Rue Léonard de Vinci Montpellier n'est pas donc fondée à invoquer un retard de 41 jours afférent à une période antérieure à la signature du contrat de vente du 20 janvier 2017.

Concernant la période postérieure au 20 janvier 2017,

S'agissant du retard de 17 jours causé par les intempéries durant la période comprise entre le 20 janvier 2017 et le 27 septembre 2017, la société appelante verse aux débats :

- une attestation établie le 4 septembre 2017 par le maître d''uvre GPCE mentionnant la survenue de 17 jours d'intempéries entre le 10 février 2017 et le 30 août 2017 ;

- les relevés de suivi météorologique de la station [Localité 2]-Aéroport pour la période de janvier 2017 à octobre 2017 comportant un relevé du cumul de précipitations diurnes chaque jour entre 6 heures et 18 heures.

Ni l'attestation du maître d''uvre, ni les conclusions de la SCI Rue Léonard de Vinci Montpellier ne précisent quelles sont les journées d'intempéries qui ont précisément retardé le chantier.

Ces pièces ne précisent pas davantage l'état d'avancement du chantier et les travaux précisément impactés par les phénomènes météorologiques survenus les jours de ces intempéries.

La preuve n'est donc pas rapportée par le vendeur de ce que 17 jours d'intempéries peuvent être contractuellement retenus (au sens de la clause page 38-b des conditions générales de vente) en fonction des contraintes de déroulement du chantier et du phénomène météorologique perturbateur pour chaque jour concerné.

La survenue d'un cas de force majeure n'est pas davantage démontré par le maître d'ouvrage.

Le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de la SCI Rue Léonard de Vinci invoquant 58 jours de retard prétendument causés par les intempéries.

Sur le retard de 31 jours causé par la défaillance de l'entreprise de carrelage,

La cour relève, à l'instar du premier juge, que le maître d'ouvrage a été destinataire de la copie de la lettre de mise en demeure adressée le 27 janvier 2017 par le maître d''uvre GP Consultants Engineering à la société Carrelage du Duché concernant un retard de six semaines imputable à cette entreprise pour la pose des carrelages et faïences.

Parmi ces cinq semaines ce retard, cinq semaines concernent la période antérieure à la signature de l'acte de vente du 20 janvier 2017.

Il appartenait au promoteur de tenir compte du retard affectant l'opération immobilière à la date du 20 janvier 2017 pour fixer la date de livraison du bien et la retarder si nécessaire dans le nouveau contrat par rapport à la date de livraison mentionnée dans des contrats de vente conclus antérieurement par le promoteur avec d'autres acquéreurs.

Si la société appelante avait procédé à cette démarche avant le 20 janvier 2017, elle aurait eu connaissance du fait qu'à cette date la société Carrelage du Duché accusait déjà un retard de cinq semaines.

Contrairement à la position soutenue dans ses écritures, la SCI Rue Léonard de Vinci Montpellier était parfaitement en mesure de connaître les retards constatés sur le chantier à la date du 20 janvier 2017, et notamment le retard imputable à l'entreprise chargée de poser le carrelage.

Cet événement parfaitement prévisible, car déjà survenu à la date de conclusion du contrat, ne peut pas caractériser un cas de force majeure.

Le principe de formation et d'exécution de bonne foi du contrat impose aussi à la société venderesse de respecter de délai contractuel de livraison sans pourvoir s'en exonérer en invoquant des événements antérieurs à la date de conclusion du contrat dont elle avait connaissance ou qu'elle était parfaitement en capacité de connaître.

La SCI Rue Léonard de Vinci Montpellier était ainsi tenue de s'informer auprès de son maître d''uvre des retards avérés au 20 janvier 2017 et d'en tenir compte pour fixer son délai contractuel de livraison, les stipulations relatives aux causes légitimes de retard ne pouvant jouer que pour les événements survenus postérieurement à la signature de l'acte.

Le jugement déféré sera donc également confirmé en ce qu'il a rejeté les demandes formées par la SCI Rue Léonard de Vinci Montpellier visant à voir retenir 31 jours de retard suite à la défaillance de l'entreprise Carrelage du Duché.

Sur les demandes indemnitaires formées par M. [D],

Sur l'indemnisation du préjudice matériel,

M. [D] justifie avoir supporté un préjudice matériel représentant le coût de la location de son appartement pendant la période de retard de livraison entre le 1er juillet 2017 et le 27 septembre 2017 :

671,05 euros x 3 mois = 2 013,15 euros.

Le coût de location d'un emplacement de stationnement sur la même période d'un montant de 180 euros doit également être remboursé à M. [D].

Ainsi que l'a exactement retenu le jugement déféré, M. [D] n'est pas fondé à solliciter le paiement d'intérêts intercalaires d'un montant de 367,08 euros dans la mesure où ce chef de demande vise à indemniser deux fois le même préjudice.

Le jugement déféré sera donc confirmé en toutes ses dispositions ayant statué sur l'indemnisation du préjudice matériel subi par M. [D].

Sur l'indemnisation du préjudice moral,

La demande de réparation de son préjudice moral à hauteur de 6 000 euros formée par M. [D] sera partiellement accueillie à hauteur de 2 000 euros en considération des désagréments administratifs et des tracasseries liés à l'obligation pour ce dernier d'engager une procédure judiciaire à défaut de réponse donnée par le promoteur à sa demande amiable du 24 juillet 2017 réitérée le 31 août 2017 par son conseil.

Le jugement déféré sera donc infirmé en ce qu'il a intégralement rejeté cette demande.

Sur les demandes accessoires,

Le jugement déféré sera intégralement confirmé en ses dispositions afférentes aux dépens et aux demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile.

La SCI Rue Léonard de Vinci Montpellier succombe intégralement en appel et sera donc tenue de supporter les entiers dépens d'appel.

L'équité commande en outre d'allouer à M. [D] une indemnité de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais non compris dans les dépens supportés en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions à l'exception de celle ayant débouté M. [D] de sa demande de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral ;

Statuant à nouveau sur le chef infirmé,

Condamne la SCI Rue Léonard de Vinci Montpellier à payer à M. [K] [D] la somme de 2 000 euros en réparation de son préjudice moral ;

Y ajoutant,

Condamne la SCI Rue Léonard de Vinci Montpellier à supporter les entiers dépens d'appel ;

Condamne la SCI Rue Léonard de Vinci Montpellier à payer à M. [K] [D] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

La greffière, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 3e chambre civile
Numéro d'arrêt : 18/03194
Date de la décision : 23/02/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-02-23;18.03194 ?
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