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délivrées le
à
COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
1ère chambre sociale
ARRET DU 22 FEVRIER 2023
Numéro d'inscription au répertoire général :
N° RG 18/01213 - N° Portalis DBVK-V-B7C-N5JF
Décision déférée à la Cour :
Jugement du 07 NOVEMBRE 2018
CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE NARBONNE - N° RG F 16/00197
APPELANTE :
SARL PLAISIR DE VIVRE devenue 'AUXILIA SERVICES'
[Adresse 6]
[Localité 2]
[Adresse 3]
[Localité 2]
Représentée par Maître Marie-Hélène REGNIER de la SELAS FIDAL, avocat au barreau de CARCASSONNE
INTIMES :
Monsieur [T] [Y]
né le 01 Août 1984 à ALBATERA (ESPAGNE)
de nationalité Française
[Adresse 4]
[Adresse 7]
[Localité 2]
Représenté par Maître David VAYSSIE de la SCP DAVID VAYSSIE, avocat au barreau de NARBONNE
Association UNEDIC DELEGATION AGS CGEA DE TOULOUSE prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 1]
[Localité 5]
Représentée par Maître Michel PIERCHON, avocat au barreau de MONTPELLIER
Ordonnance de clôture du 03 Janvier 2023
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 17 JANVIER 2023,en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Caroline CHICLET, Conseiller, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Philippe DE GUARDIA, Président de chambre
Madame Caroline CHICLET, Conseiller
Monsieur Jacques FOURNIE, Conseiller
Greffière lors des débats : Madame Isabelle CONSTANT
ARRET :
- Contradictoire ;
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
- signé par Monsieur Philippe DE GUARDIA, Président de chambre, et par Madame Isabelle CONSTANT, Greffière.
*
* *
EXPOSE DU LITIGE :
[T] [Y] a été engagé le 5 juillet 2013 par la Sarl Plaisir de vivre, entreprise d'aide à domicile employant au moins onze salariés, en qualité d'employé polyvalent dans le cadre d'un contrat à durée déterminée à temps partiel expirant le 28 juillet 2013 et qui s'est poursuivi par la signature, le 10 août 2013, d'un contrat à durée indéterminée à temps partiel de 21 heures par mois.
La relation de travail était soumise à la convention collective des entreprises d'accompagnement, soins et services de l'aide à domicile.
Divers avenants ont modifié la durée mensuelle du travail entre le 31 août 2013 et le 24 novembre 2014 et le salarié effectuait, en dernier lieu, un horaire de 87 heures par mois.
Le 10 novembre 2015, les parties ont signé une rupture conventionnelle à effet du 15 décembre 2015.
[T] [Y] a saisi le Conseil de prud'hommes de Narbonne le 29 juin 2016 afin de voir requalifier son premier contrat à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée ainsi que sa relation de travail à temps partiel en une relation à temps plein, voir annuler la rupture conventionnelle, dire que la rupture du contrat doit s'analyser en un licenciement abusif et obtenir la réparation de ses préjudices et l'application de ses droits.
Dans un jugement rendu le 16 mai 2017, le tribunal de commerce de Narbonne a ordonné l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société Plaisir de vivre.
Le 23 janvier 2018, un plan de continuation a été adopté au bénéfice de la société redevenue in bonis pour une durée d'au moins 10 ans, avec nomination de Maître [B] [K] en qualité de commissaire à l'exécution du plan.
Par un jugement du 7 novembre 2018, le conseil de prud'hommes de Narbonne a :
- dit et jugé que les demandes de requalification du contrat de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée à compter du 5 juillet 2013 et ses conséquences sont prescrites ;
- requalifé la relation de travail à temps partiel en contrat à temps plein ;
- condamné la société Plaisir de vivre à verser à [T] [Y] les sommes de :
$gt;10.628 € à titre de rappel de salaire sur temps plein,
$gt; 1.062, 80 € à titre de congés payés afférents,
$gt;1.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire ;
- ordonné la remise des documents sociaux sous astreinte ;
- déclaré la décision opposable au commissaire à l'exécution du plan ;
- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires;
- condamné la société employeur aux dépens.
Le 5 décembre 2018, la société Plaisir de Vivre a relevé appel des chefs du jugement ayant accueilli les prétentions du salarié.
Par une ordonnance du 20 juin 2022, la conseillère de la mise en état a prononcé la caducité de la déclaration d'appel formée par la société Auxilia Services, anciennement dénommée Plaisir de Vivre, à l'encontre de Maître [B] [K], en sa qualité de commissaire à l'exécution du plan.
Vu les conclusions de la société Auxilia Services, anciennement dénommée Plaisir de Vivre, remises au greffe le 27 décembre 2022;
Vu les conclusions de l'Unedic CGEA AGS de Toulouse remises au greffe le 17 décembre 2021;
Vu les conclusions d'[T] [Y], appelant à titre incident, remises au greffe le 4 avril 2019 ;
Vu l'ordonnance de clôture en date du 3 janvier 2023 ;
MOTIFS :
Sur les limites de l'appel :
Ni l'appelant principal ni l'appelant à titre incident ne conteste le chef du jugement ayant dit que la demande de requalification du contrat de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée à compter du 5 juillet 2013 était prescrite.
Ce chef du jugement, dont la connaissance n'est pas dévolue à la cour, a donc acquis force de chose jugée.
Sur la demande de requalification du temps partiel en temps complet :
La société Auxilia Services et l'AGS concluent à l'infirmation du jugement en ce qu'il a requalifié la relation de travail à temps partiel en temps complet et en ce qu'il a condamné l'employeur à verser diverses sommes au titre d'un rappel de salaire et des congés payés y afférents.
[T] [Y] conclut à la confirmation du jugement sur ce point.
L'article L.3123-14 du code du travail, dans sa version antérieure à la loi du 8 août 2016, prévoit que le contrat de travail du salarié à temps partiel est un contrat écrit.
L'alinéa 1 de cet article précise que le contrat mentionne la qualification du salarié, les éléments de la rémunération, la durée hebdomadaire ou mensuelle prévue et, sauf pour les salariés des associations et entreprises d'aide à domicile et les salariés relevant d'un accord collectif de travail conclu en application de l'article L.3122-2, la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois.
Il en résulte que les associations et entreprises d'aide à domicile peuvent, même lorsqu'elles ne relèvent pas d'un accord collectif autorisant la répartition des horaires de travail sur une période supérieure à la semaine et au plus égale à l'année, ne pas mentionner la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois.
Selon l'alinéa 3 de cet article, le contrat écrit doit mentionner les modalités selon lesquelles les horaires de travail pour chaque journée travaillée sont communiqués par écrit au salarié. Dans les associations et entreprises d'aide à domicile, les horaires de travail sont communiqués par écrit chaque mois au salarié.
Il s'évince de ces dispositions qu'en l'absence de stipulations relatives au jour du mois auxquels sont communiqués par écrit les horaires de travail des salariés des entreprises et association d'aide à domicile, ceux-ci doivent l'être avant le début de chaque mois.
L'absence de mention de la durée mensuelle du travail dans le contrat ou d'une communication des plannings conforme aux stipulations contractuelles ou, à défaut, avant le début de chaque mois, fait présumer que l'emploi est à temps complet et il incombe alors à l'employeur de rapporter la preuve, d'une part, de la durée exacte hebdomadaire ou mensuelle convenue, d'autre part, que le salarié n'était pas placé dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu'il n'avait pas à se tenir constamment à la disposition de l'employeur.
En l'espèce, les contrats de travail signés le 5 juillet 2013 et le 10 août 2013, de même que les avenants ayant modifié la durée mensuelle du travail, mentionnent, tous, la durée mensuelle du travail, ce qui est conforme aux exigences précitées, peu important qu'ils ne prévoient pas la répartition des horaires entre les jours de la semaine ou les semaines du mois puisque l'employeur est une entreprise d'aide à domicile.
Le fait que les contrats de travail prévoient que 'les parties conviennent que l'activité de l'agence et du salarié est soumise à d'importantes variations susceptibles d'avoir des répercussions sur les horaires de travail. La durée du travail pourra en conséquences varier à la hausse ou à la baisse. Des avenants seront reformalisés en ce sens. La répartition des horaires réguliers pourra être modifiée par la direction sous réserve d'un délai de prévenance de 7 jours minimum conformément aux code du travail...' ne démontre pas, en soi, qu'[T] [Y] devait se tenir à la disposition permanente de son employeur et ce moyen de l'intimé sera rejeté.
Contrairement à ce que soutient à tort [T] [Y], aucun des articles de la convention collective applicable n'oblige l'employeur à prévoir une date précise de remise des plannings ; la seule obligation afférente à l'embauche d'un salarié à temps partiel consistant dans le respect d'un délai de prévenance de 3 jours, au minimum, en cas de modification dans la répartition de l'horaire initialement prévu pour l'une des causes énumérées à l'article 2.i de la section 2 de la convention.
La cour observe qu'aucun des contrats de travail ou de leurs avenants ne précise le jour du mois auquel les plannings mensuels devaient être communiqués au salarié; le délai de prévenance de 7 jours prévu à l'article 5 s'appliquant exclusivement en cas de modification dans la répartition des horaires réguliers (c'est à dire ceux du planning mensuel) rendue nécessaire par l'une des six éventualités énumérées dans la clause, ce qui est conforme aux exigences de la convention collective.
En l'absence de stipulation relative au jour du mois auquel devaient lui être communiqués par écrit ses horaires de travail, les plannings mensuels d'[T] [Y] devaient lui être remis avant le début de chaque mois.
Or, ainsi que le conclut lui-même [T] [Y] en page 3 de ses écritures, ses plannings lui ont tous été remis par l'employeur, au plus tard, la veille du mois, ce qui est conforme aux exigences précitées.
L'employeur s'étant conformé à ses obligations en matière de temps partiel en spécifiant la durée mensuelle du travail dans les contrats de travail et leurs avenants et en remettant les horaires de travail par écrit au salarié avant le début de chaque mois, aucune présomption de travail à temps complet ne peut se déduire de ce qui précède, contrairement à ce qu'a retenu le conseil des prud'hommes, et [T] [Y] sera débouté de sa demande de requalification du temps partiel en temps complet et de ses demande de rappels de salaire subséquentes, le jugement étant infirmé de ces chefs.
Sur la demande de nullité de la rupture conventionnelle :
[T] [Y], formant appel incident, conclut à l'infirmation du jugement en ce qu'il l'a débouté de sa demande d'annulation de la rupture conventionnelle et de ses demandes subséquentes et demande à la cour de faire droit à ses prétentions.
La société Auxilia Services et l'AGS service concluent à la confirmation du jugement sur ce point.
Selon l'article L.1237-11 du code du travail, l'employeur et le salarié peuvent convenir en commun des conditions de la rupture du contrat qui les lie. La rupture conventionnelle ne peut être imposée par l'une ou l'autre des parties.
Il appartient au salarié qui invoque un vice du consentement d'en rapporter la preuve.
En l'espèce, [T] [Y] fonde sa demande de nullité de la rupture conventionnelle en invoquant le fait qu'il ne pouvait rester corvéable à merci et se tenir en permanence à la disposition de l'employeur tout en étant payé à temps partiel et en soutenant que c'est ce comportement fautif de l'employeur qui l'a contraint à accepter la rupture conventionnelle.
Cependant, dès lors qu'il résulte des motifs qui précèdent que l'employeur s'est conformé à ses obligations d'une part, en spécifiant la durée mensuelle du travail dans les contrats de travail et leurs avenants et d'autre part, en remettant les horaires de travail par écrit au salarié avant le début de chaque mois, ce dont la cour a déduit l'absence de présomption de travail à temps complet, [T] [Y] n'est pas fondé à invoquer un vice du consentement du fait de prétendus manquements fautifs de l'employeur de chef et il sera débouté de sa demande d'annulation de la rupture conventionnelle, le jugement étant confirmé sur ce point
Sur les autres demandes :
Le présent arrêt sera opposable à l'AGS CGEA de Toulouse.
[T] [Y] qui succombe, sera condamné aux entiers dépens de première instance et d'appel et le jugement sera infirmé de ce chef.
Il ne paraît pas inéquitable de laisser à la charge de la société Auxilia Services et de l'AGS les frais irrépétibles qu'elles ont engagés sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en première instance et en cause d'appel et elles seront déboutées de leurs demandes de chef, le jugement étant infirmé en ce qu'il a condamné l'employeur à payer à [T] [Y] la somme de 1.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant publiquement et dans les limites de l'appel ;
Infirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a débouté [T] [Y] de sa demande d'annulation de la rupture conventionnelle et de ses demandes subséquentes ;
Statuant à nouveau sur les chefs infirmés ;
Déboute [T] [Y] de sa demande de requalification du temps partiel en temps complet et de ses demandes de rappels de salaire subséquentes ;
Dit la présente décision opposable à l'AGS CGEA de Toulouse ;
Condamne [T] [Y] aux entiers dépens de première instance et d'appel ;
Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en première instance comme en cause d'appel et déboute l'appelante et l'AGS de leurs prétentions de ce chef.
la greffière, le président,