Grosse + copie
délivrées le
à
COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
2e chambre civile
ARRET DU 09 FEVRIER 2023
Numéro d'inscription au répertoire général :
N° RG 22/02944 - N° Portalis DBVK-V-B7G-POAI
Décision déférée à la Cour : Jugement du 09 MAI 2022
JUGE DE L'EXECUTION DE [Localité 1] N° RG 21/01271
APPELANTE :
SARL FOUR SOLAIRE DEVELOPPEMENT prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié es qualité au siège social situé
[Adresse 3]
[Localité 2]
Représentée par Me Marie-Pierre CUSSAC de la SCP AYRAL-CUSSAC, avocat au barreau des PYRENEES-ORIENTALES
INTIMEE :
Madame LA DIRECTRICE DEPARTEMENTALE DES FINANCES PUBLIQUES DES PO
[Adresse 4]
[Localité 1]
Représentée par Me Céline THAI THONG de la SCP CASANOVA - MAINGOURD - THAI THONG, avocat au barreau de MONTPELLIER substituée par Me PERROT
Ordonnance de clôture du 05 Décembre 2022
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 12 DECEMBRE 2022,en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Eric SENNA, Président de chambre et Madame Nelly CARLIER, Conseiller, chargée du rapport.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Eric SENNA, Président de chambre
Madame Myriam GREGORI, Conseiller
Madame Nelly CARLIER, Conseiller
Greffier lors des débats : M. Salvatore SAMBITO
lors du délibéré : Mme Laurence SENDRA
ARRET :
- contradictoire ;
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
- signé par Monsieur Eric SENNA, Président de chambre, et par Mme Laurence SENDRA, Greffier.
La commune de [Localité 2] est propriétaire d'un four solaire depuis 1946.
Le 29 juin 1993, elle a consenti un bail d'exploitation de cet équipement appartenant au domaine privé à la SARL FSD pour une durée de 3, 6 ou 9 années courant à compter du 1er juillet 1993.
Ce bail prévoyait qu'en cas de cessation totale d'activité, la commune de [Localité 2] reprendrait l'exploitation des visites du four solaire en régie.
Par avenant en date du 16 février 2002, ce bail a été reconduit du 1er janvier 2002 au 31 décembre 2010.
La commune de [Localité 2] a notifié à la SARL FSD qu'elle n'entendait pas reconduire leurs relations contractuelles à la date d'échéance du bail soit le 1er janvier 2011.
Suite à cela, la SARL FSD a assigné la commune de [Localité 2]'aux fins d'obtenir la requalification du contrat en un bail commercial qu'elle estimait s'être renouvelé le 1er janvier 2011, faute de congé régulier.
Par jugement en date du 10 juin 2014, le tribunal de grande instance de Perpignan a dit que le bail liant les parties était un bail commercial et fait droit aux demandes de la SARL FSD.
Le 27 juin 2017, la cour d'appel de Montpellier a confirmé ce jugement.
Le 20 décembre 2018, la Cour de cassation a cassé l'arrêt de la cour d'appel de Montpellier et a renvoyé le contentieux relatif à la requalification du contrat devant la cour d'appel de Nîmes.
Par arrêt en date du 26 septembre 2019, la cour d'appel de Nîmes a déclaré prescrite l'action en requalification.
Les 24 novembre 2020 et 1er décembre 2020, la trésorerie de [Localité 2] a délivré à l'encontre de la SARL FOUR SOLAIRE DEVELOPPEMENT deux saisies administratives à tiers détenteur entre les mains du Crédit Agricole Sud Méditerranée pour avoir paiement de la somme totale de 81.977,92 euros à titre d'indemnités d'occupation sans titre valant loyers.
Par acte en date du 25 janvier 2021, la SARL FOUR SOLAIRE DEVELOPPEMENT a assigné la commune de [Localité 2] devant le tribunal judiciaire de Perpignan aux fins d'annulation des titres exécutoires et des saisies administratives à tiers détenteur
Par acte en date du 20 mai 2021, la SARL FOUR SOLAIRE DEVELOPPEMENT a assigné la direction départementale des finances publiques des PO devant le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Perpignan en contestation et en mainlevée de ces saisies. Sa contestation des saisies était fondée sur les motifs suivants':
l'existence d'un vice de procédure tenant à l'absence de phase amiable préalable pour certains ordres de recouvrement, notamment la mise en demeure du 02 septembre 2016, entraînant l'irrégularité de la saisie à tiers détenteur,
l'irrégularité de forme des saisies administratives à tiers détenteur, lesquelles ne comportent pas de fondement légal en vertu duquel elles sont pratiquées,
l'absence d'exigibilité de la créance tenant à la prescription d'une partie des créances, et en tout état de cause à l'absence de caractère certain, liquide, exigible des sommes réclamées compte tenu des différents contentieux l'opposant à la commune [Localité 2] sur la nature du contrat, son renouvellement et les obligations légales et contractuelles en résultant.
Par jugement du 09 mai 2022, le juge de l'exécution a statué comme suit':
a déclaré irrecevable le moyen de la société FOUR SOLAIRE DEVELOPPEMENT visant à remettre en cause le bien fondé de la créance,
a déclaré recevable le moyen de la société FOUR SOLAIRE DEVELOPPEMENT tiré de la prescription, ce moyen portant sur l'exigibilité de la créance et pouvant être soulevé devant le juge de l'exécution,
a rejeté la demande de la société FOUR SOLAIRE DEVELOPPEMENT tendant à voir établie la prescription des créances, les litiges ayant opposé les parties entre 2011 et 2019 sur le fondement même de ces créances constituent des actes interruptifs de prescription, de même que les mises en demeure et voies d'exécution diligentées,
a rejeté la demande de mainlevée des saisies des 24 novembre 2020 et 1er décembre 2020 et les a déclaré régulières.
Par déclaration en date du 1er juin 2022, la SARL FOUR SOLAIRE DEVELOPPEMENT a relevé appel de la décision.
Dans ses dernières conclusions en date du 29 novembre 2022 auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, la SARL FOUR SOLAIRE DEVELOPPEMENT sollicite de la cour l'infirmation de la décision comme suit :
-DIRE ET JUGER les saisies administratives à tiers détenteur exercées le 24 novembre 2020 et le 1er décembre 2020 irrégulières, nulles et de nul effet.
-ORDONNER la mainlevée immédiate des saisies administratives à tiers détenteur 24 novembre 2020 et le 1er décembre 2020 à son encontre.
-CONDAMNER la Directrice départementale des finances publiques Pyrénées-Orientales à restituer à la SARL FOUR SOLAIRE DEVELOPPEMENT les sommes irrégulièrement prélevées par l'effet des saisies administratives à tiers détenteur du 24 novembre et du 1er décembre 2020.
-DECHARGER la SARL FOUR SOLAIRE DEVELOPPEMENT de l'obligation de payer la somme de 81.977,92 € dont le recouvrement forcé est poursuivi par la direction générale des finances publiques par voie de saisies administratives à tiers détenteur du 24 novembre 2020 et du 1er décembre 2020.
A titre très subsidiaire,
-Si la Cour de céans devait suivre l'argumentation de la direction des 'nances publiques sur la prétendue incompétente du juge de l'exécution sur le moyen tiré de l'absence de créance liquide,certaine et exigible, sursoir à statuer dans l'attente de la décision que rendra le Tribunal Judiciaire de Perpignan saisi par la SARL FOUR SOLAIRE DEVELOPPEMENT.
En toute hypothèse,
-CONDAMNER Mme La Directrice départementale des finances publiques Pyrénées-Orientales à lui payer la somme de 5 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
-La condamner aux entiers dépens.
Subsidiairement, elle demande, si elle entendait suivre l'argumentation de la directrice des finances publiques sur l'incompétence du juge de l'exécution, il conviendrait de surseoir à statuer dans l'attente de la décision que rendra le tribunal judiciaire de Perpignan qu'elle a saisi.
Dans ses dernières conclusions en date du 25 juillet 2022 auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, la direction départementale des finances publiques des PO sollicite la confirmation de la décision en ces termes :
-CONFIRMER en toutes ses dispositions le jugement rendu par le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Perpignan en date du 21 mai 2022,
-JUGER les saisies administratives à tiers détenteur des 24 novembre et 1er décembre 2020 régulières,
-DEBOUTER la SARL FOUR SOLAIRE DEVELOPPEMENT de l'ensemble de ses
demandes,
-CONDAMNER la SARL FOUR SOLAIRE DEVELOPPEMENT à payer à la DDFIP des Pyrénées-Orientales la somme de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
-CONDAMNER la SARL FOUR SOLAIRE DEVELOPPEMENT aux entiers dépens.
MOTIFS DE LA DECISION
L'appel interjeté dans les formes et délai de la loi est donc recevable.
Sur la recevabilité des moyens tendant à remettre le bien fondé de la créance.
La SARL FOUR SOLAIRE DEVELOPPEMENT conteste la fin de non recevoir soulevée par l'intimée pour s'opposer aux moyens qu'elle a développés tendant à remettre le bien fondé de la créance.
Aux termes de l'article 281 du livre des procédures fiscales (...) : «'les contestations relatives au recouvrement ne peuvent pas remettre en cause le bien-fondé de la créance. Elles peuvent porter (') :
c) Pour les créances non fiscales des collectivités territoriales, des établissements publics locaux et des établissements publics de santé, devant le juge de l'exécution (') .
Comme le souligne l'intimée, le juge de l'exécution ne peut pas connaître des moyens tirés de l'absence de créance liquide, certaine et exigible, moyens sous entendant la contestation de la liquidation des titres exécutoires et le défaut de base légale de ces derniers, qui relève de la seule compétence du tribunal judiciaire.
En effet, l'appelante qui soutient que le bail commercial sur lequel sont assis les titres émis à l'encontre de la SARL FSD ne peut constituer le fondement de ces titres, a saisi le 25 janvier 2021 à cette fin le tribunal judiciaire de Perpignan pour les voir annulés.
En l'espèce, il s'agit bien d'une dette non fiscale d'une collectivité territoriale, c'est donc à juste titre, que le juge de l'exécution a considéré qu'il ne pouvait pas connaître des contestations relatives au bien fondé de la créance et a déclaré irrecevable ces moyens.
En conséquence de quoi, le jugement sera confirmé de ce chef.
Sur le sursis à statuer quant à l'existence d'une créance certaine, liquide et exigible.
Aux termes de l'article R 2342-4 du code général des collectivités territoriales :«'les produits des communes, des établissements publics communaux et intercommunaux et de tout organisme public résultant d'une entente entre communes ou entre communes et toute autre collectivité publique ou établissement public, qui ne sont pas assis et liquidés par les services fiscaux de l'Etat en exécution des lois et règlements en vigueur, sont recouvrés :
- soit en vertu de jugements ou de contrats exécutoires ;
- soit en vertu de titres de recettes ou de rôles émis et rendus exécutoires par le maire en ce qui concerne la commune et par l'ordonnateur en ce qui concerne les établissements publics.
Les mesures d'exécution forcée pour le recouvrement de ces produits sont effectuées comme en matière de contributions directes.
Toutefois, l'ordonnateur autorise ces mesures d'exécution forcée selon les modalités prévues à l'article R. 1617-24.
Les oppositions,lorsque la matière est de la compétence des tribunaux judiciaires, sont jugées comme affaires sommaires.'»
L'appelante sollicite subsidiairement, au cas de rejet de sa contestation du chef de l'irrecevabilité des moyens qu'elle a développés tendant à remettre le bien fondé de la créance,le sursis à statuer dans l'attente de la décision du tribunal judiciaire de Perpignan à intervenir.
Si l'intimée évoque dans ses dernières conclusions, l'existence de ce contentieux pendant devant le tribunal judiciaire de Perpignan auquel elle n'est pas partie, celle-ci ne s'est pas prononcée expressément sur cette demande de sursis.
En application des dispositions de l'article 378 du code de procédure civile, le juge peut ordonner le sursis à statuer si la question que doit trancher une autre juridiction civile est susceptible d'exercer une influence sur la solution du litige.
En l'espèce, les titres exécutoires émis entre le 13 octobre 2009 et le 17 mars 2020 par la commune de [Localité 2] qui sont visés par les saisies administratives litigieuses concernent tour à tour sans autre précision, une indemnité d'occupation sans titre, un loyer, une indemnité d'occupation équivalente au loyer, une indemnité d'occupation équivalente à la redevance ou au loyer.
Ainsi que le soutient l'appelante, à ce jour il n'est pas démontré qu'une décision de justice ait constaté ou prononcé la fin des relations contractuelles entre la SARL FSD et la commune de [Localité 2] et qu'une indemnité d'occupation ait été mise à sa charge comme cela a d'ailleurs été rappelé dans l'arrêt opposant ces mêmes parties rendu le 8 septembre 2022 par la cour de ce siège (n° RG 21-7437).
Dans ces conditions, l'issue de l'action engagée par cette dernière aux fins d'annulation des titres exécutoires et des saisies administratives à tiers détenteur sur le fondement de l'article L 1617-5 du code général des collectivités territoriales devant le tribunal judiciaire de Perpignan à l'encontre de la commune de Mont-Louis est susceptible d'avoir une influence sur la solution du présent litige, en sorte qu'il convient d'ordonner le sursis à statuer sur les autres chefs de demande dans l'attente de cette décision.
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Reçoit l'appel de la SARL FOUR SOLAIRE DEVELOPPEMENT.
Confirme le jugement déféré en ce qu'il a déclaré irrecevable le moyen de la SARL FOUR SOLAIRE DEVELOPPEMENT visant à remettre en cause le bien fondé de la créance.
Sursoit à statuer sur les autres chefs de demande dans l'attente de la décision à intervenir du tribunal judiciaire de Perpignan dans le dossier n° RG 21-00330 opposant la SARL FOUR SOLAIRE DEVELOPPEMENT à la commune de Mont-Louis.
Ordonne la radiation de l'affaire enregistrée au greffe de la Cour d'Appel de Montpellier sous le numéro RG 22/02944.
Dit que l'affaire sera réinscrite sur justification de la décision rendue à l'initiative de la partie la plus diligente.
Réserve les dépens.
LE GREFFIER LE PRESIDENT