Grosse + copie
délivrées le
à
COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
3e chambre civile
ARRET DU 09 FEVRIER 2023
Numéro d'inscription au répertoire général :
N° RG 18/04241 - N° Portalis DBVK-V-B7C-NZDW
Décision déférée à la Cour :
Ordonnance du 19 juillet 2018
TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE CARCASSONNE
N° RG 17/00267
APPELANTE :
SARL PLASTRAL
RCS de Carcassonne n° 400 287 652, prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié ès qualités au siège social
[Adresse 8]
[Localité 4]
Représentée par Me Pascal LORENT, avocat au barreau de CARCASSONNE
INTIMEES :
SARL GILLES FAGES CONSTRUCTIONS, venant aux droits de la SARL GILLES FAGES ARCHITECTEURS
prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié ès qualités au siège social
[Adresse 5]
[Localité 2]
Représentée par Me Sebastien PINET de la SARL SPE GRESSIER PINET EXPERT COMPTABLE AVOCAT, avocat au barreau de NARBONNE, substitué à l'audience par Me Valérie PICHON, avocat au barreau de PARIS
SAS COLAS FRANCE venant aux droits de la SAS COLAS MIDI MEDITERRANEE
RCS de Paris n°329 338 883, prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié ès qualités au siège social
[Adresse 1]
[Localité 6]
Représentée par Me Delphine SOUBRA ADDE de la SCP GRAPPIN - ADDE - SOUBRA, avocat au barreau de MONTPELLIER, substitué à l'audience par Me Daniel DUCO de la SELARL DUCO-FABRY, avocat au barreau de TOULOUSE
SMABTP
prise en la personne de son Directeur, domicilié ès qualités au siège social
[Adresse 3]
[Localité 7]
Représentée par Me Gilles ARGELLIES de la SCP GILLES ARGELLIES, EMILY APOLLIS - AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER, substitué à l'audience par Me Jacques-Henri AUCHE de la SCP AUCHE HEDOU, AUCHE - AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER
Ordonnance du 14 décembre 2022 de révocation de la clôture du 23 novembre 2022 et prononçant une nouvelle clôture
COMPOSITION DE LA COUR :
En application de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 14 décembre 2022, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l'article 804 du même code, devant la cour composée de :
M. Gilles SAINATI, président de chambre
M. Thierry CARLIER, conseiller
Mme Emmanuelle WATTRAINT, conseillère
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mme Camille MOLINA
ARRET :
- contradictoire ;
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
- signé par M. Gilles SAINATI, président de chambre, et par Mme Camille MOLINA, Greffière.
*
* *
EXPOSE DU LITIGE
Par contrat du 12 mai 2011, la SCI Ventilo a confié à la SARL Gilles Fages Architecteurs, entrepreneur principal, assurée auprès de la compagnie assurance MMA, la construction d'un bâtiment à usage commercial et industriel à Carcassonne pour un montant de 1 526 412 euros.
La SARL Gilles Fages Architecteurs a sous-traité le lot menuiserie à la SARL Plastral, assurée auprès de la SMABTP pour la garantie décennale, et le lot VRD à la société Screg Sud-Est aux droits de laquelle vient la SA Colas Midi Méditerranée.
L'ouvrage a été réceptionné avec réserves le 30 juin 2014.
Le bâtiment a été donné à bail à la SARL Aude Auto Expertise.
Invoquant le non règlement du solde de ses marchés par ses cocontractantes, la SARL Gilles Fages Architecteurs a sollicité en référé la condamnation de la SCI Ventilo et de la SARL Auto Aude Expertise à lui payer diverses provisions de ce chef.
La SCI Ventilo et la SARL Auto Aude Expertise ont quant à elles invoqué l'existence de désordres et malfaçons affectant l'ouvrage, et ont obtenu par ordonnance du 29 janvier 2015 la désignation de M. [P] [K] en qualité d'expert judiciaire.
M. [K] a déposé son rapport le 9 juin 2017, selon lequel les malfaçons et non conformités aux règles de construction par les différentes entreprises sous-traitantes ont conduit à un sinistre dont le coût des travaux de réparation est estimé à 313 000 euros, augmenté de 27 000 euros pour les dégradations constatées en façade sur les menuiseries provoquées par des éléments extérieurs au chantier.
L'expert ajoute que ces désordres ne compromettent pas la stabilité et la solidité de l'ouvrage ; « par contre, la multiplicité des désordres rend difficile l'utilisation et la jouissance complète des locaux ». Il relève que la SCI Ventilo et la SARL Aude Auto Expertise subissent les préjudices suivants :
- préjudice esthétique du fait de l'aspect dégradé de certains ouvrages,
- difficulté d'utilisation du parking véhicules du fait de son état détérioré,
- travaux intérieurs de finition des locaux non achevés,
- dégradation des installations du fait des défauts d'exécution.
En lecture de ce rapport, la SCI Ventilo et la SARL Aude Auto Expertise ont assigné le 21 novembre 2017 la SARL Gilles Fages Architecteurs et son assureur la MMA devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Carcassonne en paiement d'une indemnité provisionnelle à chacune d'elles.
Le 5 décembre 2017 la SARL Gilles Fages Architecteurs a assigné en garantie la SARL Plastral et la SAS Colas Midi Méditerranée. La SA MMA est intervenue volontairement en la cause. Le 20 décembre 2017 la SARL Plastral a appelé en la cause la compagnie d'assurances SMABTP.
Par ordonnance de référé du 5 avril 2018, le président du tribunal de grande instance de Carcassonne a condamné la SARL Gilles Fages Architecteurs à verser à la SCI Ventilo une provision de 230 964,42 euros et à la SARL Aude Auto Expertise la somme de 34 609,49 euros, constaté qu'il existait des contestations sérieuses concernant la mobilisation de la garantie responsabilité civile de la compagnie MMA par la SARL Gilles Fages Architecteurs et débouté en conséquence la SCI Ventilo, la SARL Aude Auto Expertise, la SARL Gilles Fages Architecteurs de leurs demandes à son encontre.
Au regard de cette première décision, la compagnie d'assurances MMA s'est désistée de son intervention volontaire.
Sur appel de cette ordonnance de référé, la cour d'appel de Montpellier, par arrêt du 20 novembre 2018, a annulé cette décision.
Par une seconde ordonnance de référé du 19 juillet 2018 (dont appel), le président du tribunal de grande instance de Carcassonne a :
- constaté le désistement de la compagnie MMA de son intervention volontaire ;
- au principal renvoyé les parties à se pourvoir mais dès à présent,
- condamné la SAS Colas Méditerranée à payer à la SARL Gilles Fages Architecteurs une provision d'un montant de 59 009,52 euros ;
- condamné la SARL Plastral à payer à la SARL Gilles Fages Architecteurs une provision d'un montant de 38 183,97 euros ;
- débouté la SARL Plastral de sa demande de se voir relevée et garantie par la SMABTP ;
- condamné in solidum la SAS Colas et la SARL Plastral aux dépens ainsi qu'à payer à la SARL Gilles Fages Architecteurs la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et dit que dans les rapports entre elles le paiement de cette somme sera assumé à hauteur des deux tiers par la SAS Colas et de un tiers par la SARL Plastral ;
- rejeté les autres demandes ;
- rappelé que la décision bénéficie de l'exécution provisoire de droit en application de l'article 514 du code de procédure civile.
Par déclaration du 13 août 2018, la SARL Plastral a relevé appel de cette décision.
CONTEXTE PROCEDURAL
Le 4 décembre 2018, la SCI Ventilo et la SARL Aude Autos Expertise ont saisi le tribunal de grande instance de Carcassonne en indemnisation de leur préjudice.
Par jugement contradictoire du 26 mars 2019 assorti de l'exécution provisoire, au visa des articles 1792 et suivants du code civil et au vu du rapport d'expertise de M. [K], le tribunal de grande instance de Carcassonne a notamment :
- condamné la SARL Gilles Fages Architecteurs à payer à la SCI Ventilo et à la SARL Aude Auto Expertise diverses sommes au titre de la reprise des désordres de nature décennale (148 451,52 euros et 36 850,45 euros), des pénalités de retard (43 655,38 euros et 1 615 euros) et pour la seconde du préjudice de jouissance (5 000 euros) ;
- condamné la compagnie MMA à relever et garantir la SARL Gilles Fages Architecteurs des condamnations prononcées à son encontre au titre de la reprise des désordres de nature décennale ;
- condamné la SCI Ventilo à payer à la SARL Gilles Fages Architecteurs la somme de 52 597,18 euros au titre du solde des travaux et ordonné la compensation entre les créances réciproques des parties ;
- condamné la SARL Aude Auto Expertise à payer à la SARL Gilles Fages Architecteurs la somme de 15 337,34 euros au titre du solde des travaux et ordonné la compensation entre les créances réciproques des parties.
La SCI Ventilo et la SARL Aude Autos Expertise ont relevé appel de cette décision.
Par arrêt du 18 avril 2019, la cour d'appel de Montpellier a dit sans objet la demande de la SARL Gilles Fages Architecteurs en sursis à statuer jusqu'au prononcé de sa décision par cette juridiction et ordonné la réouverture des débats à l'audience du 12 novembre 2019, à charge pour les parties d'être en l'état pour cette date et de tirer, si elles l'estiment nécessaire, toutes conséquences que de droit de la décision rendue le 26 mars 2019.
Par un arrêt du 28 mai 2020, la cour d'appel de Montpellier a sursis à statuer jusqu'au prononcé de l'arrêt dans l'appel formé contre le jugement au fond rendu le 26 mars 2019 par le tribunal de grande instance de Carcassonne dans l'instance pendante entre la SARL Aude Autos Expertise et la SCI Ventilo d'une part, la SARL Gilles Fages Architecteurs et la compagnie MMA IARD d'autre part.
Le 30 juin 2020, la SARL Gilles Fages Architecteurs a été absorbée par la société FM Architecteurs qui est devenue la SARL Gilles Fages Constructions après changement de dénomination sociale.
Par un arrêt du 10 février 2022, la cour d'appel de Montpellier a :
- dit que toute décision concernant la SARL Gilles Fages Architecteurs dans la présente instance s'entend comme s'appliquant à la SARL Gilles Fages Constructions ;
- confirmé le jugement du 26 mars 2019 en ce qu'il a rejeté la fin de non-recevoir présentée par la SARL Gilles Fages Architecteurs ;
- rejeté la fin de non-recevoir présentée à nouveau par la SARL Gilles Fages Constructions ;
- débouté la SARL Gilles Fages Constructions de sa demande de contre-expertise ;
- confirmé le jugement du 26 mars 2019 en ce qu'il :
1°) condamne la SARL Gilles Fages Architecteurs à payer à la SCI Ventilo les sommes de :
* 148 451,52 euros de reprise des désordres de nature décennale ;
* 43 655,38 euros de pénalités de retard ;
* 2 000 euros d'indemnité pour les frais irrépétibles ;
2°) condamne la SARL Gilles Fages Architecteurs à payer à la SARL Aude Auto Expertise les sommes de :
* 36 854,45 euros de travaux de reprise de nature décennale ;
* 1 615 euros de pénalités de retard ;
* 2 000 euros d'indemnité pour les frais irrépétibles ;
3°) déboute la SCI Ventilo de sa demande de dommages-intérêts en réparation d'un préjudice de jouissance ;
4°) déboute la SARL Aude Auto Expertise et la SCI Ventilo de leurs demandes de dommages-intérêts pour résistance abusive et préjudice économique et financier ;
5°) condamne la SCI Ventilo à payer à la SARL Gilles Fages Architecteurs la somme de 52 597,18 euros de solde des travaux et ordonne la compensation entre les créances réciproques des parties ;
6°) condamne la SARL Aude Auto Expertise à payer à la SARL Gilles Fages Architecteurs la somme de 15 337,34 euros de solde des travaux et ordonne la compensation entre les créances réciproques des parties ;
7°) condamné la SA MMA IARD à relever et garantir indemne la SARL Gilles Fages Architecteurs des condamnations ainsi prononcées à son encontre au seul titre de la reprise des désordres de nature décennale ;
8°) dit que la SA MMA IARD est fondée à opposer à son assurée l'application de la franchise contractuelle ;
9°) déboute la SA MMA IARD de sa demande d'indemnité d'indemnité représentative des frais et honoraires exposés par elle et non compris dans les dépens en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Y ajoutant, dit que l'application de la franchise contractuelle par la SA MMA IARD à son assurée la SARL Gilles Fages Constructions s'élève à 1 089,57 euros pour la garantie « responsabilité civile décennale contractant général » et également pour la garantie « responsabilité civile décennale architecte » ;
- Infirmé le jugement attaqué en ce qu'il :
1°) déboute la SCI Ventilo de ses demandes de condamnation de la SARL Gilles Fages Constructions à lui payer les sommes de :
- 10 566,00 euros TTC de travaux de reprise de serrureries ;
- 78 491,60 euros TTC pour les travaux de reprise de la voirie et des réseaux ;
- 17 317,23 euros TTC pour les travaux de reprise des espaces verts ;
2°) déboute la SARL Aude Auto Expertise de ses demandes de condamnation de la SARL Gilles Fages Constructions à lui payer les sommes de :
- 11 481,38 euros TTC pour les finitions et réparation des peintures ;
- 9 782,40 euros TTC pour les finitions diverses électriques, carrelage et menuiseries ;
3°) condamne la SARL Gilles Fages Architecteurs à payer à la SARL Aude Auto Expertise la somme de 5 000,00 euros de dommages et intérêts pour préjudice de jouissance ;
Statuant à nouveau sur ces chefs de demande,
- Condamné la SARL Gilles Fages Constructions à payer à la SCI VENTILO les sommes de :
- 10 566,00 euros TTC de travaux de reprise de serrureries de nature décennale ;
- 78 491,60 euros TTC pour les travaux de reprise de la voirie et des réseaux de nature contractuelle ;
17 317,23 euros TTC pour les travaux de reprise des espaces verts de nature contractuelle ;
- Condamné la SARL Gilles Fages Constructions à payer à la SARL Aude Auto Expertise les sommes de :
- 11 481,38 euros TTC pour les finitions et réparation des peintures de nature contractuelle ;
- 9 782,40 euros TTC pour les finitions diverses électriques, carrelage et menuiseries de nature contractuelle ;
- Débouté la SARL Aude Auto Expertise de sa demande de dommages-intérêts en réparation d'un préjudice de jouissance ;
- Confirmé le jugement attaqué en ce qu'il condamne la SARL Gilles Fages Architecteurs aux dépens de première instance comprenant les frais d'expertise ;
Condamné la SARL Gilles Fages Constructions aux dépens d'appel ;
Y ajoutant,
- Condamné la SARL Gilles Fages Constructions à payer à la SCI Ventilo la somme de 1 000 euros d'indemnité représentative des frais exposés en appel et non compris dans les dépens en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamné la SARL Gilles Fages Constructions à payer à la SARL Aude Auto Expertise la somme de 1 000 euros d'indemnité représentative des frais exposés en appel et non compris dans les dépens en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Débouté la SA MMA IARD de sa demande d'indemnité représentative des frais exposés en appel et non compris dans les dépens en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile .
Par ordonnance du 19 mai 2022, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Carcassonne a constaté qu'au vu de l'arrêt rendu le 10 février 2022, la demande de sursis à statuer était devenue sans objet.
Vu les dernières conclusions de la SARL Plastral remises au greffe le 17 novembre 2022 ;
Vu les dernières conclusions de la SAS Colas France venant aux droits de la SAS Colas Midi Méditerranée remises au greffe le 21 novembre 2022 ;
Vu les dernières conclusions de la SARL Gilles Fages Constructions remises au greffe le 22 novembre 2022 ;
Vu les dernières conclusions de la SMABTP remises au greffe le 24 novembre 2022 ;
MOTIFS
I/ Sur la procédure
Conformément à l'ordonnance du 14 décembre 2022, l'ordonnance de clôture du 23 novembre 2022 est révoquée et prononcée lors de l'audience du 14 décembre 2022.
II/ Sur l'appel
La cour est saisie d'un appel partiel de l'ordonnance de référé du 19 juillet 2018 par la SARL PLASTRAL en ce :
- la SARL Plastral, sous-traitante pour le lot menuiserie, a été condamné à payer la SARL Gilles Fages Architecteurs (entrepreneur principal) une provision :
- d'un montant de 32 543, 97 euros au titre des travaux de réparation des menuiseries extérieures.
- d'un montant de 3 640 euros au titre de la reprise de la porte d'entrée.
- a été déboutée de sa demande de garantie par la SMABTP.
- condamné la SARL Plastral et la SAS Colas Méditerranée à payer à la SARL Gilles Fages Architecteurs un montant de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Le dispositif de l'ordonnance fixe la somme due par la SARL Plastral à la somme de 3 8183, 97 euros par erreur de plume.
La SARL Plastral, appelante, sollicite la réformation de l'ordonnance et soulève l'irrecevabilité des demandes de la SARL Gilles Fages Construction en raison de l'existence de contestations sérieuses liées au défaut d'intérêt à agir du fait de l'annulation de l'ordonnance de référé du 5 avril 2018 : la SARL Gilles Fages Construction n'étant plus tenue de verser des sommes aux sociétés Ventilo et Aude Auto Expertise sur le fondement de cette ordonnance, elle ne peut demander à être relevée et garantie par la SARL Plastral et tenant à la nullité du contrat de sous-traitance conclu entre la SARL Plastral et la SARL Gilles Fages Construction pour défaut de délivrance du cautionnement obligatoire.
Par ailleurs, la SARL Plastral invoque l'irrecevabilité des demandes nouvelles de la SARL Gilles Fages Construction sur le fondement de l'article 564 du code de procédure civile. A titre subsidiaire, elle demande à être relevée et garantie par la SMABTP.
A) Sur la contestation sérieuse du fait de l'annulation de l'ordonnance de référé du 5 avril 2018,
La cour de céans, par arrêt en date du 20/11/2018, a annulé l'ordonnance de référé du 5 avril 2018 du fait de l'annulation des assignations du 21 et 23 novembre 2017 compte tenu de l'absence de fondement juridiques et factuels des demandes de condamnations provisionnelles des sociétés Ventilo et Aude Auto Expertises.
L'annulation de l'ordonnance du 5 avril 2018, décision provisoire par définition, est sans incidence sur la validité de l'ordonnance du 19 juillet 2018 dont appel alors même que le jugement du 26 mars 2019 a condamné la SARL Gilles Fages Construction à payer les sociétés Ventilo et Aude Auto Expertis confirmé par arrêt du 10 février 2022.
Il n'y a donc pas contestation sérieuse en l'espèce.
B) Sur la contestation sérieuse du fait de la nullité du contrat de sous-traitance conclu entre la SARL Plastral, la SA COLAS et la SARL Gilles Fages Construction,
L'article 14 de la loi du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance énonce " qu'à peine de nullité du sous-traité, les paiements de toutes les sommes dues par l'entrepreneur au sous-traitant, en application de ce sous-traité sont garantis par une caution personnelle et solidaire obtenue par l'entrepreneur à un établissement qualifié, agréé dans des conditions fixées par décret. Cependant, la caution n'aura pas lieu d'être fournie si l'entrepreneur délégue le maître de l'ouvrage au sous-traitant dans les termes de l'article 1338 du code civil".
Comme il est produit en pièce 95, la SARL Gilles Fages Construction a signé une caution bancaire en date du 21 janvier 2016 à l'entête de Euler Hermès, elle rapporte donc la preuve d'avoir respecté le cadre légal prévu.
Le moyen soulevé à ce titre sera rejeté, la demande d'astreinte de la société Colas France déboutée.
C) Sur la garantie decennale de la SARL Gilles Fages Construction et la garantie de la MMA
Il convient de constater que le jugement du 26 mars 2019 a condamné la SARL Gilles Fages Construction (avec garantie de son assureur MMA pour la responsabilité décennale), entrepreneur principal, sur le fondement de l'article 1792 du code civil, considérant le caractère décennal des désordres constatés reprenant en cela les conclusions de l'expert, estimant que ces désordres, tout comme l'intégralité de ceux qui ont été constatés, relèvent de non conformités contratuelles, de malfaçons sur les travaux exécutés et de non conformité aux règles de construction en vigueur, normes et DTU et précise que " s'ils ne compromettent pas la stabilité et la solidité de l'ouvrage, leur multiplicité rend en revanche difficile l'utilisation et la jouissance complète des locaux et des espaces extérieurs, de sorte que l'impropriété à destination est caractérisée",
La cour d'appel de Montpellier par arrêt du 10 février 2022 a confirmé le caractère décennal des désordres et la condamnation de l'entrepreneur principal Gilles Fages Construction et sa garantie par son assureur MMA à ce titre.
Dès lors ce point est définitivement acquis, aucune contestation sérieuse ne pouvant être invoqué à ce titre.
D) Sur la condamnation de la SARL Plastral à payer à la SARL Gilles Fages Architecteurs une provision,
Il est à noter que par l'ordonnance de référé dont appel, la SARL Plastral a été condamné à verser à la SARL Gilles Fages les sommes de 3 640 euros au titre de la reprise de la porte d'entrée des locaux du contrôle technique et la somme de 32 543,51 euros au titre des travaux de réparation des menuiseries.
Que concernant la somme de 3 640 euros l'expert constate que pour la pose de la porte d'entrée du contrôle technique il existerait un problème " d'altimétrie du carrelage", mais toutefois il sera relevé que la pose de cette porte incombait à la SARL Plastral professionnel tenu à une obligation de résultat qui engage sa responsabilité à l'égard de la SARL Gilles Fages, l'ordonnance sera donc confirmée.
Que concernant la somme de 32 543,97 euros, la SARL Plastral estime que les désordres affectant les menuiseries extéreures étaient visibles à la réception alors que le jugement du 29 mars 2019 estime : " dès lors que si les réglages des menuiseries extérieures et leur accessoires sont mentionnés dont le procès verbal réception comme réserves, il ressort toutefois de la constatations de l'expert que certians défauts imposent de changer la menuiserie et notamment les défauts sur les volets roulants qui impliquent leur remplacement ".
Que sur la base de ce constat de l'expert ( page 7, 51 du rapport de l'expert), il s'avère que ces désordres sont indépendants de l'épandage de chaux sur le terrain voisin dont la réparation incombe à la SARL Plastral, l'ordonnance de référé sera confirmé à ce titre.
E) Sur la garantie par la SMABTP de la SARL Plastral,
La SMABTP s'oppose à sa garantie au motif que les désordres ne compromettraient pas la stabilité et la solidité de l'ouvrage, de telle sorte qu'ils ne présenteraient pas de caractère décennal.
Qu'il a été déjà souligné que le caractère decennal des désordres a été définitivement tranché et que les menuiseries posées par la SARL Plastral sont impropres à destination puisqu'elles doivent être remplacées intégralement et selon le contrat conclu avec la SMABTP, la garantie s'applique.
L'ordonnance de référé du 19 juillet 2018 sera infirmée en ce sens, l'assurance étant fondée à opposer sa franchise contractuelle d'un montant de 20 % avec une application minimale de 1 700 euros.
F) Sur les pénalités de retard dûes par la SARL Plastral,
L'ordonnance de référé du 19 juillet 2018 dont appel mentionne " l'expertise ne permet pas de déterminer le ou les lots responsable du retard apporté à la livraison de la construction et en conséquence aucune provsion ne peut être mise à la charge de la SARL PLASTRAL à ce titre".
Sans qu'il soit contesté l'existence de retard de livraison, en appel la SARL Gilles Fages Constructions se contente d'affirmer que " le retard de livraison incombe necessairement aux entreprises sous traitantes " et sollicite ainsi la condamnation de la SARL Plastral à lui payer 45 270,38 euros outre 5000 euros au titre du préjudice de jouissance.
Que ces demandes se heurtent à une contestation sérieuse, en effet la SARL Gilles Fages produit un historique qui reconstitue les évènements en date du 24 mai 2018 (pièce 83) qui n'a aucune valeur contradictoire, ainsi que des lettres de relances (pièces 85 à 92) qui mélange des remarques sur la levée des réserves et sur les délais, mais s'abstient de produire un planning d'exécution que la SARL Plastral devait respecter ni même un décompte fiable des jours de retard imputables à cette société.
Qu'ainsi l'ordonnance de référé sera confirmée de ce chef.
G) Sur les demandes nouvelles de la SARL Gilles Fages Constructions,
1) à l'égard de la SARL Plastral
L'article 564 du code de procédure civile dispose : " A peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait",
La SARL Gilles Fages Constructions sollicite les sommes de 10 566,00 euros TTC de travaux de reprise de serrurerie de nature décennale, 11 481,38 euros TTC pour les finitions et réparations des peintures de nature contractuelle, 9 782,40 euros TTC pour les finitions diverses électriques, carrelage et menuiserie de nature contractuelle, en exposant qu'elle a été condamnée à régler ces sommes à la SCI Ventilo et la société Aude Auto Expertise par jugement du 26 mars 2019 confirmé par arrêt du 10 février 2022.
Ces prétentions sont des appels en garanties, sans qu'il soit d'ailleurs démontré leurs réalités factuelles précises et engendrent de nombreuses contestations sérieuses. Elles ne reposent que sur un syllogisme général et constituent des demandes nouvelles qui sont irrecevables.
2) à l'égard de la société Colas France venant aux droits de la société Colas Mediterranée
La SARL Gilles Fages Construction sollicite les sommes de :
- 148 451,52 euros pour les travaux de la voierie des réseaux et des espaces verts
- 2 456 euros au titre travaux de reprise des conséquences dommageables
- avec la SARL Plastral la somme de 45 270, 38 euros au titre des pénalités de retard
- 70 491,60 euros TTC pour les travaux de reprise de la voierie et des réseaux de nature contractuelle
- 17 317,23 euros pour les travaux de reprise des espaces verts de nature contractuelle estimant qu'elle a été condamnée en qualité de maître d'oeuvre non réalisateur du fait de fautes dont la réalisation incombe aux sous traitants,
- 5 000 euros au titre du préjuidce de jouissance
Ces prétentions sont à la fois considérées comme des demandes additionnelles par la mention dans le dispositif des dernières conclusions de " statuant à nouveau ", puis de demandes nouvelles par la mention " y ajoutant ", sans que ces demandes soient discutées dans les motifs.
Il sera retenu que l'ordonnance de référé du 19 juillet 2018 condamne la société Colas France à la somme de 59 009, 92 euros en se basant sur une somme de 70 677,47 euros accordée à la SCI Ventilo à laquelle est soustraite 17 317,23 euros et 11 667,95 euros du fait de non paiement et de contestations sérieuses.
La société Colas France estime que l'absence de réalisation par l'expert du chef de sa mission tenant à l'apurement des comptes constitue une contestation sérieuse car elle empêche la détermination des pourcentages de contribution à la dette et de la condamnation provisionnelle des locateurs d'ouvrage, autant de demandes qui ressortiraient d'un débat de fond excédant les compétences du juge des référés.
En effet, l'analyse et le partage des parts de responsabilites incombant à la société Colas France du fait d'erreurs de réalisation et délai d'exécution mais aussi incombant à la SARL Gilles Fages Construction du fait de son obligation générale de surveillance et donc de contrôle des opérations sous traitées sous sa propre responsabilité font totalement défaut car n'ayant pas été effectués par l'expert et necessitent l'appréciation de chacun des lots et prestations compte tenu du nombre et du montant des sommes demandées. Cette appréciation relève du juge du fond.
Dès lors, l'ordonnance de référé sera infirmée en ce sens, la SARL Gilles Fages Construction déboutée pour le surplus.
H) Sur les dépens et l'article 700 code de procédure civile
La SARL Plastral, succombe intégralement en sa demande principale, elle sera donc condamnée à supporter l'intégralité des dépens d'appel.
L'équité commande en outre de :
- condamner la SARL Plastral, qui a initié l'instance, à payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile à la SARL Gilles Fages Architecture en première instance et en cause d'appel.
- condamner la SMABTP à payer à la SARL Plastral la somme de 1 500 euros au titrede l'article 700 code de procédure civile,
- condamner la SARL Gilles Fages Architecture à payer la somme de 3 000 euros à la Société Colas France.
PAR CES MOTIFS,
Infirme l'ordonnance du 19 juillet 2018 sauf en ce qu'elle a condamné la SARL Plastral au paiement des sommes de 3 640 euros et de 32 543,51 euros à la SARL Gilles Fages Architecture ;
Y ajoutant et statuant à nouveau,
Dit que la SMABTP doit sa garantie à la SARL Plastral sauf a opposer sa franchise contractuelle d'un montant de 20 % avec une application minimale de 1 700 euros ;
Déboute la SARL Gilles Fages Constructions, venant aux droits de la SARL Gilles Fages Architecteurs, de sa demande de provision au titre de pénalités de retard à l'égard de la SARL Plastral ;
Déclare irrecevable la SARL Gilles Fages Constructions, venant aux droits de la SARL Gilles Fages Architecteurs, de ses demandes nouvelles à l'égard de la SARL Plastral ;
Déboute la SARL Gilles Fages Constructions, venant aux droits de la SARL Gilles Fages Architecteurs, de ses demandes nouvelles de provision à l'égard de la société Colas France venant aux droits de la SAS Colas Méditérranée ;
Rejette la demande d'astreinte de la société Colas France, venant aux droits de la SAS Colas Méditérranée, au titre de la caution de la SARL Gilles Fages Constructions, venant aux droits de la SARL Gilles Fages Architecteurs ;
Condamne la SARL Plastral a payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile à la SARL Gilles Fages Constructions, venant aux droits de la SARL Gilles Fages Architecteurs en première instance et en cause d'appel ;
Condamne la SMABTP à payer à la SARL Plastral la somme de 1 500 euros au titrede l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la SARL Gilles Fages Architecture à payer la somme de 3 000 euros à la société Colas France venant aux droits de la SAS Colas Méditérranée ;
Condamne la SARL Plastral à supporter l'intégralité des dépens d'appel.
La greffière, Le président,