La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

09/02/2023 | FRANCE | N°18/00387

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 3e chambre civile, 09 février 2023, 18/00387


Grosse + copie

délivrées le

à































COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



3e chambre civile



ARRET DU 09 FEVRIER 2023



Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 18/00387 - N° Portalis DBVK-V-B7C-NQFW





Décision déférée à la Cour :

Jugement du 17 juillet 2017

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE NARBONNE

N° RG 15/00895





APPELANTS :
>

M. [B] [Y] [T]

né le 10 Avril 1958 à [Localité 8] (IRLANDE)

de nationalité irlandaise

[Adresse 5]

[Adresse 5] (IRLANDE)

et

Madame [U] [S] [L] épouse [T]

née le 16 Mai 1960 à [Localité 10] (IRLANDE)

de nationalité irlandaise

[Adresse 5]

[Adresse 5] (IRLANDE)...

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

3e chambre civile

ARRET DU 09 FEVRIER 2023

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 18/00387 - N° Portalis DBVK-V-B7C-NQFW

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 17 juillet 2017

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE NARBONNE

N° RG 15/00895

APPELANTS :

M. [B] [Y] [T]

né le 10 Avril 1958 à [Localité 8] (IRLANDE)

de nationalité irlandaise

[Adresse 5]

[Adresse 5] (IRLANDE)

et

Madame [U] [S] [L] épouse [T]

née le 16 Mai 1960 à [Localité 10] (IRLANDE)

de nationalité irlandaise

[Adresse 5]

[Adresse 5] (IRLANDE)

Représentés par Me Karen FAUQUE, avocat au barreau de MONTPELLIER,

et assistés à l'instance par Me Indra BALASSOUPRAMANIANE, avocat au barreau de PARIS, substituée à l'audience par Me Eléonore VOISIN de la SELEURL ELEONORE VOISIN, avocat au barreau de PARIS

INTIMEES :

SA SOCIETE GENERALE

prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié ès qualités au siège social

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Représentée par Me Yann GARRIGUE de la SELARL LEXAVOUE MONTPELLIER GARRIGUE, GARRIGUE, LAPORTE, avocat au barreau de MONTPELLIER,

et assistée à l'instance par Me Etienne GASTEBLED de la SCP LUSSAN, avocat au barreau de PARIS

SCP BENEDETTI GROSJEAN GALLY DARISCON

prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié ès qualités au siège social

[Adresse 4]

[Adresse 4]

Représentée par Me Gilles LASRY de la SCP SCP D'AVOCATS BRUGUES - LASRY, avocat au barreau de MONTPELLIER

SARL HPA HOLDING anciennement GROUPE GARRIGAE et dont le nom commercial est « PROPIETE ET CO »

RCS de Béziers n°447 690 660, prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié ès qualités au siège social

[Adresse 11]

[Adresse 11]

et

SCI LES JARDINS DE [Localité 12]

RCS de Béziers n°487 721 268, prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié ès qualités au siège social

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentés par Me Yannick CAMBON de la SELARL M3C, avocat au barreau de BEZIERS, substitué à l'audience par Me Christian CAUSSE de la SELARL M3C, avocat au barreau de BEZIERS

TAUREAN PROPERTIES - SHARKEY MINK Limited trading as TAUREAN PROPERTIES

Company N°387730

[Adresse 9]

[Adresse 9] (IRLANDE)

(ordonnance du 4 octobre 2018 de caducité partielle de la déclaration d'appel)

Ordonnance de clôture du 26 octobre 2022

COMPOSITION DE LA COUR :

En application de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 16 NOVEMBRE 2022, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l'article 804 du même code, devant la cour composée de :

M. Gilles SAINATI, président de chambre

M. Thierry CARLIER, conseiller

Mme Emmanuelle WATTRAINT, conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Camille MOLINA

ARRET :

- contradictoire ;

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, fixée au 26 janvier 2023 et prorogée au 09 février 2023, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par M. Gilles SAINATI, président de chambre, et par Mme Camille MOLINA, greffière.

*

* *

EXPOSE DU LITIGE

Par acte authentique établi en l'étude notariale de la SCP Alain Benedetti et Stéphane Grosjean le 25 janvier 2008, la SCI Les Jardins de [Localité 12] ayant pour représentant légal de la SARL Garrigae Développement a conclu une vente en l'état futur d'achèvement avec M. [B] [T] et Mme [U] [S] [L] épouse [T], portant sur une maison d'habitation située dans un ensemble immobilier situé à [Localité 13], pour le prix de 326 508 euros.

La SA Société Générale est intervenue à l'acte notarié, l'acquisition étant financée au moyen d'un prêt de 236 000 euros.

Il s'agit d'une acquisition sur le modèle du "lease-back" consistant en l'achat d'un bien immobilier à un promoteur, financé par le paiement des loyers versés par la suite par ce promoteur à qui le bien est donné en bail commercial.

Ainsi, par acte sous seing privé du 20 septembre 2007, M. et Mme [T] ont donné à bail commercial à la SARL Garrigae Hotel and Resorts le bien immobilier pour une durée de neuf ans et pour un loyer fixé d'une part à 14 042 euros en numéraire, et d'autre part en nature par la mise à leur disposition de l'habitation quelques semaines dans l'année.

Un avenant au bail commercial a ensuite été conclu le 25 janvier 2012 au vu des difficultés rencontrées par la SARL Garrigae Hotel and Resorts, prévoyant une substitution de preneur (la SCI Les Jardins de [Localité 12]) et une réduction du loyer à 8 200,78 euros.

M. et Mme [T] ayant cessé de régler les échéances du prêt auprès de la SA Société Générale, celle-ci les a mis en demeure le 8 octobre 2014, avant de prononcer l'exigibilité anticipée du prêt et de leur réclamer le 9 septembre 2015 le remboursement sous huit jours de la somme de 218 241,85 euros.

La banque a ensuite fait délivrer à M. et Mme [T] un commandement aux fins de saisie vente par acte d'huissier du 15 décembre 2015.

Par acte du 18 février 2015, M. et Mme [T] ont assigné la SA Société Générale, la SCP Alain Benedetti et [N] [Z], la SARL Groupe Garrigae dénommée HPA Holding, la SCI Les Jardins de [Localité 12], la société Torean Properties ' Sharkey Mink Limited (société de commercialisation de programmes immobiliers) et M. [X] [D] afin de voir prononcer la nullité du contrat de vente et du contrat de prêt.

Par jugement réputé contradictoire du 17 juillet 2017, le tribunal de grande instance de Narbonne a :

- rejeté la demande de révocation de l'ordonnance de clôture et écarté des débats les conclusions de la SCI Les Jardins de [Localité 12] et de HPA Holding ;

- fait droit à la fin de non recevoir tenant à la prescription de l'action contractuelle et délictuelle à l'encontre de la Société Générale à l'exception de l'action du chef du dol ;

- rejeté la demande de nullité de la vente pour dol et les demandes de toute nature qui en découlent ;

- rejeté les demandes formulées à l'encontre de la société Torean Properties Limited, de la SCI Les Jardins de [Localité 12] et de la SARL HPA Holding sur le fondement de la responsabilité contractuelle et délictuelle ;

- rejeté les demandes formulées à l'encontre de la SCP Alain Benedetti et [N] [Z] et de M. [X] [D] ;

- rejeté toute autre demande des parties ;

- dit n'y avoir lieu à indemnité au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- laissé les dépens de l'action à la charge des demandeurs et autorisé les avocats qui en ont fait la demande à recouvrer directement ceux dont ils auraient fait l'avance sans en avoir reçu provision.

Le 23 janvier 2018, M. et Mme [T] ont relevé appel de ce jugement à l'encontre de la SA Société Générale, de la SCP Alain Benedetti et [N] [Z], de la SARL Groupe Garrigae dénommée HPA Holding, de la SCI Les Jardins de [Localité 12] et de la société Torean Properties ' Sharkey Mink Limited.

Par ordonnance du 4 octobre 2018, le conseiller de la mise en état a prononcé la caducité de la déclaration d'appel à l'égard de la société Torean Properties ' Sharkey Mink Limited.

Vu les dernières conclusions de M. [B] [T] et Mme [U] [S] [L] épouse [T] remises au greffe le 21 octobre 2022 ;

Vu les dernières conclusions de la SA Société Générale remises au greffe le 30 août 2018 ;

Vu les dernières conclusions de la SCI Les Jardins de [Localité 12] et de la SARL HPA Holding anciennement Groupe Garrigae remises au greffe le 24 septembre 2018 ;

Vu les dernières conclusions de la SCP Benedetti Grosjean Gally Dariscon remises au greffe le 5 septembre 2018 ;

La clôture de la procédure a été prononcée le 26 octobre 2022.

MOTIFS DE L'ARRÊT

I/ Sur la nullité de la vente pour dol

M. [B] [T] et Mme [U] [S] [L] épouse [T] concluent à l'infirmation du jugement.

A titre principal, ils sollicitent l'annulation de la vente et du prêt conclus le 25 janvier 2008 pour dol.

En conséquence de la nullité des effets des contrats de vente et de prêt conclus le 25 janvier 2008 entre la SCI Les jardins de [Localité 12], M. et Mme [T] et la Société Générale ; ordonner la restitution du bien immobilier au vendeur et celle corrélative des fonds perçus par la SCI Les Jardins de [Localité 12] à la Société Générale, outre la mainlevée de toutes les inscriptions de privilèges et hypothèques intervenues à la suite de la vente du 25 janvier 2008 aux frais exclusif des défendeurs supportés in solidum.

Ils sollicitent la condamnation in solidum de la SCI Les jardins de [Localité 12], la société HPA Holding et la SCP Benedetti et Grosjean à relever et les garantir de toutes les demandes tendant à la restitution des fonds du prêt des défendeurs, à les indemniser des préjudices spéciaux subis non couverts par les restitutions à hauteur de :

- 72 486 euros au titre de la restitution de leur apport personnel, assorti de l'intérêt aux taux légal à compter du 25 janvier 2008 ;

- 280 840 euros au titre du gain manqué correspondant à la perte de loyer ;

- 39 798 euros au titre des frais exposés dans le cadre de la vente et du prêt, assorti de l'intérêt aux taux légal à compter du 25 janvier 2008 ;

- 50 000 euros en indemnisation de leur préjudice moral.

A titre infiniment subsidiaire ils soulèvent la faute contractuelle de la SCI Les jardins de [Localité 12] et la société HPA Holding en n'exécutant pas leur obligation de garantie du revenu locatif de leur investissement et de la Société Générale au titre de sa responsabilité délictuelle pour manquement à son obligation d'information et de conseil.

La SCI Les Jardins de [Localité 12] et la SARL HPA Holding, anciennement dénommée SARL Groupe Garrigae, concluent à la confirmation du jugement.

La SARL HPA Holding, anciennement dénommée SARL Groupe Garrigae sollicite sa mise hors de cause car elle n'est signataire ni de l'acte de vente, ni du bail.

La SCI Les Jardins de [Localité 12] fait valoir qu'elle n'a pas proposé directement la vente aux époux [T] qui ne démontrent aucune man'uvre dolosive, ni intention dolosive et qu'elle n'a commis aucune faute, puisqu'elle a vendu un bien en VEFA achevé et livré. Elle indique qu'aucun document contractuel ne démontre qu'elle garantissait la rentabilité locative de l'opération et que les difficultés d'exécution d'un bail commercial constituaient un risque prévisible lors de la signature du contrat. Elle considère que l'élément essentiel du contrat était l'avantage fiscal et la jouissance des lieux à titre gratuit sur certaines périodes et non la garantie des loyers.

La SCI Les Jardins de [Localité 12] sollicite le rejet de la demande en réparation des divers préjudices et notamment celui résultant du gain manqué. Elle précise qu'elle ne peut être tenue en tant que vendeur à garantir le paiement des loyers. Elle estime que le défaut de paiement, qui était un risque prévisible lors de la signature du bail, aurait pu être couvert par une assurance de garantie des loyers impayés non souscrite par les époux [T], que le remboursement de l'apport personnel serait remboursé en cas d'annulation et qu'ils restent propriétaires des meubles.

La Société Générale conclut à la confirmation du jugement et à l'absence de dol du contrat de prêt. Elle fait valoir qu'elle n'a pas participé à l'opération de promotion et n'est pas intervenue dans la phase de commercialisation mais a été démarchée par les époux [T] qui ont été conseillés par un conseiller financier, qu'elle n'engage pas sa responsabilité sur un projet financier de défiscalisation et qu'il s'agissait de clients avertis.

En application de l'article 1116 du code civil dans sa version antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 applicable au litige, le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les man'uvres pratiquées par l'une des parties sont telles, qu'il est évident que, sans ces man'uvres, l'autre partie n'aurait pas contracté. Il ne se présume pas et doit être prouvé.

Le dol peut être constitué par le silence d'une partie dissimulant à son cocontractant un fait qui, s'il avait été connu de lui, l'aurait empêché de contracter.

L'erreur provoquée par un dol est toujours excusable même si elle ne porte pas sur la substance de la chose qui fait l'objet du contrat.

Les documents publicitaires peuvent avoir une valeur contractuelle dès lors que, suffisamment précis et détaillés, ils ont eu une influence sur le consentement du cocontractant.

Le dol ne peut être invoqué que dans le cas où les man'uvres émanent de l'une des parties contractantes ou de leur représentant ou gérant d'affaire.

Au terme d'un document commercial établi sous les références les «'Jardins de [Localité 12]'» et «'Garrigae Investissement'» rédigé en anglais, il est proposé différents investissements immobiliers vendus en vente en l'état futur d'achèvement, intitulés «'option de lease back'» ou «'achat pur et simple'» prévoyant pour les options en «'leaseback'» «'un rendement financier net'» par la conclusion d'un bail commercial.

Cette plaquette commerciale vante «'une variété d'option offrant une garantie de rentabilité locative et des options fiscales attractives en cas de non utilisation'». Le document précise «'le gouvernement français accepte de rembourser la TVA à l'achat, ce qui représente une remise effective de 19,6%'», «'le propriétaire a l'avantage de bénéficier d'un bien en pleine propriété avec un revenu garanti, sans les ennuis et incertitudes qui vont avec la location et l'entretien du bien. Le revenu garanti est de l'ordre de 2.5% à 4,5% par an''».

Il résulte de l'examen des pièces, que M. [B] [T] et Mme [U] [S] [L] épouse [T] signent, le 5 août 2007, avec la SCI Les Jardins de [Localité 12] représentée par la SARL Garrigae Développement son gérant elle-même représentée par M. [H] [I], un contrat préliminaire de réservation, d'une vente en l'état futur d'achèvement, rédigé en anglais et en français.

Cette réservation concerne le lot n°131 : une maison de type P3bis dite également P3Deluxe, élevée d'un étage sur simple rez-de-chaussée, d'une surface habitable de 69,36 m², comprenant : entrée séjour cuisine, WC, dégagement, deux chambres, deux salles de bain, penderie sous l'escalier menant à l'étage, tablettes sur l'escalier, terrasse à l'arrière de la maison, et jardin attenant, le tout cadastré Commune de [Localité 13] (Aude), « [Localité 12] », section [Cadastre 6], pour une contenance de 00 are 75 centiares.

La maison se situe donc dans la résidence et pour un prix de 326 508 euros TTC

L'acte de réservation stipule «'le réservataire promet de donner à bail commercial à Garrigae Hotels et Resorts, comme condition essentielle du présent contrat, les biens immobiliers meublés ainsi acquis, au plus tard au jour de la signature de l'acte authentique, selon les modalités annexées au présentes'».

La Société Générale, en qualité de prêteur intervenant à l'acte notarié du 25 janvier 2008, a financé cette acquisition au moyen d'un prêt notarié d'un montant en principal de 236 000 euros en principal garanti par un privilège de prêteur de deniers à concurrence de 218 760,36 euros et par une inscription d'hypothèque conventionnelle à concurrence de 17 239,64euros.

Par acte du 20 septembre 2007, M. et Mme [T] concluent avec la SARL Garrigae Hotels et Resorts, représentée par M. [H] [I], un bail commercial portant sur l'immeuble réservé, sous condition de son acquisition. Cet acte prévoit que le bail est consenti pour une durée de 9 années, moyennant :

- un loyer pour un montant annuel de 14 042 euros TTC,

- en nature, par le biais d'un « budget vacances » c'est-à-dire une mise à disposition de l'habitation quelques semaines dans l'année.

Compte tenu des difficultés financières un avenant fut signé concomitamment le 25 janvier 2012 entre la société Les jardins de [Localité 12] et M. et Mme [T] (Pièces n°8 et 9) et prévoyait notamment une substitution de preneur, en l'espèce la société Les Jardins de [Localité 12] se substituant à la SAS Garrigae Hotel And Resort, ainsi qu'une réduction du loyer annuel de 14 042 euros TTC à 8 200,78 euros TTC, soit une baisse de près de cinquante pour cent du loyer annuel, outre l'abandon de certains loyers moyennant un budget vacances compensatoire, prenant acte d'une absence de rentabilité locative. M. et Mme [T] acceptaient cette solution pour bénéficier d'un loyer, même symbolique, dans l'attente d'une solution plus pérenne, ainsi que du remboursement de la TVA, la Loi Demessine exigeant que le bien soit mis en location pendant une durée d'au moins 9 années consécutives.

La société Garrigae Hotels et Resorts était déclarée en redressement judiciaire par jugement du 30 janvier 2013 puis en liquidation judiciaire le 12 février 2014, après un plan de cession en date du 25 juin 2013.

1) Sur le dol

a ' Sur la mise hors de cause de la société HPA Holding et des intermédiaires

Il ressort de l'examen des documents produits que':

- la documentation commerciale est établie sous les références «'Les Jardins de [Localité 12] » et celles en bas de page de «'Garrigae Investissement'» avec le numéro de RCS 447'690'660 et son adresse [Adresse 2]';

- l'acte de réservation est conclu le 25 janvier 2008, par M. et Mme [T] avec la SCI Les Jardins de Saint-Benoit représentée par la SARL Garrigae Développement devenue HPA Holding, son gérant, et comporte le même logo en bas de page «'Garrigae Investissement'» que celui du document commercial';

- l'acte de bail commercial est signé avec la SARL Garrigae Hotels et Resorts représentée par M. [H] [I], son gérant';

- la vente de l'immeuble est conclue par la société Les Jardins de Saint-Benoit domiciliée [Adresse 2], représentée par la SARL Garrigae Développement devenue HPA Holding et la vente du mobilier par la société Garrigae Hotels et Resorts représentée M. [H] [I]';

- l'avenant du bail commercial du 25 janvier 2012 est régularisé entre M. et Mme [T], la SARL Les Jardins de [Localité 12] représentée par son gérant M. [H] [I] et la société Garrigae Hotels et Resorts, transformée en SAS représentée par la société Groupe Garrigae.

Si la SARL HPA Holding anciennement dénommée SARL Garrigae Développement, qui intervient comme holding du groupe Garrigae, n'a régularisé l'acte de réservation et l'avenant au bail conclu avec M. et Mme [T] qu'en qualité de gérante de la société Les Jardins de [Localité 12] et de la SAS Garrigae Hotels et Resorts et non en qualité de cocontractant direct. Par contre la plaquette publicitaire, détaillant le projet d'investissement et la garantie des loyers, est établie sous son logo suivi de son numéro RCS 447'690'660 et non celui de la société Les Jardins de [Localité 12].

Il en résulte qu'en qualité de rédacteur de cette plaquette publicitaire, dans laquelle elle est identifiée sous son numéro RCS, remise directement aux investisseurs, elle a contrôlé directement son contenu et a assuré elle-même, grâce à ce document, la commercialisation et promotion du programme d'investissement «'Les Jardins de [Localité 12]'».

A ce titre, elle n'est pas intervenue en qualité de gérante, mais comme représentante indépendante assurant la promotion du projet et agissant pour le compte de la société Les Jardins de [Localité 12] et de la SARL Garrigae Hotels et Resorts, preneuse du bail et doit répondre d'éventuels agissements de dol.

b ' Sur le dol de la SCI Les jardins de [Localité 12] et la SARL HPA Holding

Selon la plaquette de commercialisation présentée par «'Les jardins de St Benoît'» avec le logo Garrigae investissements et le numéro RCS 447'690'660, le projet d'investissement, à [Localité 13], est présenté comme un investissement dans une résidence de tourisme située dans une région déclarée «'comme la plus dynamique en France'». Elle précise que «'le Languedoc connaît une rapide croissance dans le tourisme international'» et que la résidence sera gérée par une société dirigée par l'ancien «'directeur commercial du Club Méditerranée et PDG du Club Med Australie et USA'».

Cette documentation stipule': «'le propriétaire à l'avantage de bénéficier d'un bien en pleine propriété avec un revenu garanti, sans les ennuis et les incertitudes qui vont avec la location et l'entretien du bien. Le revenu locatif garanti est de l'ordre de 2,5 à 4,5% par an en fonction de la situation du bien lui-même et de la part d'utilisation personnelle sollicitée'».

Le projet de bail commercial meublé, annexé à l'acte de réservation stipule «'un loyer annuel en numéraire TTC fixé à 4,76 % du prix d'acquisition HT (ce qui correspond à 4,50% HT » et le bail signé avant la signature de l'acte de vente et prévoit :

- un loyer pour un loyer pour un montant annuel de 14 042 euros TTC

- en nature, par le biais d'un « budget vacances » c'est-à-dire une mise à disposition de l'habitation quelques semaines dans l'année.

Il ressort de ces documents, que contrairement à ce que soutiennent la société Les Jardins de [Localité 12] et la SARL HPA Holding, l'élément essentiel qui a permis de convaincre M. et Mme [T] est la garantie de l'investissement présentée dans la documentation commerciale et non la seule économie fiscale consistant en la récupération de TVA du fait de l'activité de meublé.

Si la documentation commerciale «'Les jardins de St Benoît'» fait référence à la fin du texte à «'une garantie de rentabilité locative'», la mention expresse de'«' revenu garanti'sans les ennuis et les incertitudes qui vont avec la location et l'entretien du bien'» située dans le corps du texte, trompe l'investisseur étranger sur la réalité de la garantie.

M. et Mme [T] à la lecture de ces documents commerciaux, du prévisionnel et du bail signé dès la réservation avec la reprise expresse dans le paragraphe «'Loyers'», de la mention, en plus du montant du loyers, 4,76 % du prix d'acquisition HT du montant de l'investissement, qui n'est pas une mention généralement précisée dans la rédaction des baux, alors que le bail est conclu pour 9 années et que le montant des loyers pour cette période ne représente pas cette somme, pouvaient légitiment faire croire à une garantie de paiement et non à la garantie de la seule rentabilité.

En présentant à M. et Mme [T] un revenu et une rentabilité garantis, «'sans les ennuis et les incertitudes de la location'» tant sur la durée que dans son montant, tel que justifiés par le prévisionnel et le bail signé lors de la réservation, les sociétés les ont induit en erreur et justifié leur investissement, qu'ils n'auraient pas réalisé, à ces conditions, s'ils n'avaient pas été assurés de cette garantie, la seule défiscalisation si elle entrait dans leur décision, étant insuffisante à elle seule, par rapport aux risques d'une opération réalisée à l'étranger pour une maison d'habitation située dans un ensemble immobilier situé à [Localité 13], lieu inconnu de leur part, pour le prix de 326 508 euros.

En vendant à un investisseur étranger, éloigné géographiquement, une maison en VEFA louée en meublé dans une résidence para-hôtelière, située dans un secteur éloigné des sites touristiques réellement attractifs, le promoteur en sa qualité de vendeur professionnel devait informer les acquéreurs, sont de simples consommateurs, que la garantie annoncée concernait exclusivement, celle de la conclusion d'un bail commercial et non les loyers.

Il devait également l'avertir des risques éventuels d'impayés ou de révision à la baisse des loyers en cas de conjoncture défavorable et de la nécessité de couverture du risque par une assurance des loyers impayés si elle était possible, s'agissant d'une location commerciale.

Le promoteur ne démontre pas avoir donné cette information à M. et Mme [T], lors de la signature des différents actes, le 5 août 2007, le 20 septembre 2007 ou encore devant le notaire le 25 janvier 2008, dans le but de les incités à contracter, malgré les risques encourus qui leurs ont été cachés.

En effet, dans le même temps, le Groupe Garrigae, par courrier de la société Garrigae Investissement du 27 octobre 2008, justifiait le licenciement économique de leur juriste par les difficultés que le groupe rencontrait ou craignait de rencontrer, du fait de la crise financière et des problèmes de commercialisation de leurs programmes, qui se sont avérés directement ou indirectement fondés par l'absence de règlement des loyers, dès fin 2010, après une année d'exploitation.

Il s'ensuit que la société Les Jardins de [Localité 12] et la SARL HPA Holding ont sciemment provoqué l'erreur de M. et Mme [T] sur la garantie des loyers annoncée et commis un dol.

Contrairement à ce qu'a retenu le jugement et ce que soutiennent la société Les Jardins de [Localité 12] et la SARL HPA Holding, le montage de l'opération n'a pas été clairement expliqué aux acheteurs quant à la garantie des loyers.

Cette garantie constituait un élément déterminant de l'opération, la conclusion du bail commercial avec la société Garrigae Hotels et Resorts constituant une obligation essentielle du contrat mentionnée dans le contrat de réservation, sans disponibilité du bien, qui se situait dans la résidence para-hôtelière du groupe et ne pouvait être géré seul.

Cette attitude du promoteur est à l'origine de l'erreur de M. et Mme [T] toujours excusable en matière de dol, sur la garantie des loyers permettant de financer l'opération.

Cette erreur n'a pas été couverte par la signature de l'acte de vente tel que le soutient la société Les Jardins de [Localité 12]. Le dol résulte des argumentaires commerciaux précis et détaillés, qui ont servi de base à l'établissement de l'acte de vente, qui est un des éléments du montage juridique global défini dans les documents commerciaux, qui constituent de par leur contenu des documents contractuels.

En conséquence, il y a lieu d'infirmer le jugement qui a rejeté la demande de nullité de la vente pour dol et de prononcer la nullité pour dol du contrat de vente reçu par acte authentique établi en l'étude notariale de la SCP Alain Benedetti et [N] [Z] le 25 janvier 2008, la SCI Les Jardins de [Localité 12] ayant pour représentant légal la SARL Garrigae Développement a conclu une vente en l'état futur d'achèvement avec M. [B] [T] et Mme [U] [S] [L] épouse [T], portant sur une maison d'habitation située dans un ensemble immobilier situé à [Localité 13], pour le prix de 326 508 euros.

c ' Sur le dol de la Société Générale

Pour assurer le financement de leur investissement M. [B] [T] et Mme [U] [S] [L] épouse [T] signent avec la banque Société Générale, en qualité de prêteur intervenant à l'acte notarié du 25 janvier 2008, un prêt notarié d'un montant en principal de 236 000 euros garanti par un privilège de prêteur de deniers à concurrence de 218 760,36 euros et par une inscription d'hypothèque conventionnelle à concurrence de 17 239,64euros.

Comme l'a retenu le jugement à juste titre, M. et Mme [T] ne rapportent pas la preuve dont ils ont la charge, de la participation de la Société Générale à la commercialisation de l'opération financée, ni de liens avec le promoteur.

Les documents commerciaux «'Les Jardins de [Localité 12]'» définissant l'opération, se limitent à inciter les investisseurs à assurer leur financement par l'intermédiaire d'établissements bancaires français, en raison des taux d'intérêts plus bas et mentionnent «'certaines banques travaillant avec nos courtiers en crédits favoris'».

La Société Générale n'est pas la banque de financement de l'opération de construction en VEFA, le compte centralisateur mentionné dans l'acte authentique de vente étant la société Calyon.

La société Générale, intervient en qualité exclusive de prêteur de deniers d'un investissement locatif et il ne résulte d'aucun document produit une qualité de cocontractant de l'opération de commercialisation des maisons «'Résidence Les Jardins de [Localité 12]'» et elle ne peut être mise en cause pour dol à ce titre.

M. et Mme [T] ne rapportent pas la preuve dont ils ont la charge d'une dol dans la construction et conclusion du contrat de prêt, la banque étant par ailleurs intervenue postérieurement à la conclusion des conventions de réservation et de bail et sans que l'existence d'aucun lien ne soit démontré entre la banque et le promoteur.

En conséquence, le jugement sera confirmé de ce chef.

2) Sur les conséquences de l'annulation

Il est constant que la nullité a pour conséquence l'anéantissement rétroactif du contrat et la remise des parties en l'état où elles se trouvaient avant la passation du contrat.

a ' Sur les restitutions

L'acte notarié du 25 janvier 2008 porte sur la vente du Lot n°131 : une maison de type P3bis dite également P3Deluxe, élevée d'un étage sur simple rez-de-chaussée, d'une surface habitable de 69,36 m², comprenant : entrée séjour cuisine, WC, dégagement, deux chambres, deux salles de bain, penderie sous l'escalier menant à l'étage, tablettes sur l'escalier, terrasse à l'arrière de la maison, et jardin attenant, le tout cadastré Commune de [Localité 13] (Aude), « [Localité 12] », section [Cadastre 6], pour une contenance de 00 are 75 centiares pour un prix de 326 508 euros TVA incluse (soit 273 000 euros Hors taxes) payable au fur et à mesure de l'avancement des travaux financé avec un prêt notarié d'un montant en principal de 236 000 euros en principal garanti par un privilège de prêteur de deniers à concurrence de 218 760,36 euros et par une inscription d'hypothèque conventionnelle à concurrence de 17 239,64euros.

La vente de l'immeuble étant intervenue entre la société Les Jardins de [Localité 12] et M. [B] [T] et Mme [U] [S] [L] épouse [T], la Société Générale ayant participé à la vente pour un prêt certes distinct mais support indispensable du versement du prix.

En application de l'article L312-12 du code de la consommation devenu L313-36 l'offre est toujours acceptée sous la condition résolutoire de la non-conclusion, dans un délai de quatre mois à compter de son acceptation, du contrat pour lequel le prêt est demandé.

Du fait de l'effet rétroactif de l'annulation du contrat de vente, le contrat de prêt est censé n'avoir pas été conclu dans le délai fixé par la loi, de sorte que le prêt souscrit pour assurer le financement de l'opération se trouve annulé de plein droit.

En application de l'article 1378 du code civil, dans sa version antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 applicable au litige s'il y a eu mauvaise foi de la part de celui qui a reçu, il est tenu de restituer, tant le capital que les intérêts ou les fruits, du jour au paiement.

Il résulte de ces constatations, que le prêt contracté avec la Société Générale a été souscrit exclusivement pour l'acquisition de l'immeuble.

Il sera noté que la banque n'a pas été défaillante dans son devoir de mise en garde qui portait sur la capacité d'emprunt pour lequel aucun risque n'est né en l'absence d'impayés du prêt et non pas sur l'opportunité ou les risques de l'opération financée, alors qu'il n'est pas démontré que la banque avait des informations sur les risques de l'opération, cette dernière étant extérieure à l'opération de commercialisation et de l'opération immobilière dans son ensemble.

En l'absence de dol et de faute de la Société Générale au visa de l'article 1147 du code civil, dans sa version antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 applicable au litige, sa responsabilité ne peut être recherchée M. [B] [T] et Mme [U] [S] [L] épouse [T] seront déboutés de leur demande de condamnation, à son encontre, in solidum avec les autres intimés, du préjudice spécial réclamé.

Par contre l'annulation de la vente immobilière entraîne, en raison de son effet rétroactif, l'annulation du prêt affecté, ayant servi à l'acquisition immobilière, souscrit auprès de la banque Société Générale.

En conséquence, le jugement sera infirmé de ce chef et l'annulation du contrat de vente et de plein droit du contrat prêt reçu par Maître [N] [Z] notaire associé de la SCP Alain Benedetti et Stéphane Grosjean, le 25 janvier 2008, sera ordonnée, entraînant :

- la restitution par la banque à M. [B] [T] et Mme [U] [S] [L] épouse [T] des intérêts du prêt, qui n'ont pas à être assortis à l'intérêt légal depuis l'assignation,

- la restitution de la somme 72 486 euros par la SCI Les Jardins de [Localité 12] et la société HPA Holding au titre de la restitution de leur apport personnel, assorti de l'intérêt aux taux légal à compter du 18 février 2015 ;

- la restitution par la SCI Les Jardins de [Localité 12] du prix à la Société Générale prêteur disposant d'un privilège soit la somme de 326 508 euros correspondant à la restitution des fonds, demandée par ces derniers, qu'elle a perçus au titre de la vente de l'immeuble, incluant le montant de la restitution de TVA ayant servi à régler les trois dernières situations, avec intérêts au taux légal.

Cette restitution, concernant le seul prix d'achat réglé, résultant de l'annulation de la convention de vente pour dol, ne constitue en aucun cas un enrichissement sans cause, tel que le soutiennent la société Les Jardins de [Localité 12] et la SARL HPA Holding, qui ne justifient, à titre surabondant, d'aucun décompte.

Enfin compte tenu de la nullité du contrat de vente M. [B] [T] et Mme [U] [S] [L] épouse [T] restitueront l'immeuble objet de la vente annulée, au vendeur, la SCI Les jardins de [Localité 12] outre la mainlevée de toutes les inscriptions de privilèges et hypothèques intervenues à la suite de l'acte de vente du 25 janvier 2008, aux frais exclusifs de la SCI Les jardins de [Localité 12].

c ' Sur les autres sommes réclamées à titre de préjudice

En application de l'article 1382 du code civil, dans sa version antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 applicable au litige tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé, à le réparer.

La partie de bonne foi au contrat de vente annulé peut seule demander la condamnation de la partie fautive à réparer le préjudice qu'elle a subi en raison de la conclusion du contrat annulé.

Sur la restitution des loyers

Si la SCI Les jardins de [Localité 12] et la SARL HPA Holding avaient donné à M. et Mme [T] des informations complètes et précises sur l'absence de garantie des loyers du bien immobilier vendu comme un produit défiscalisé et sur l'aléa concernant la commercialisation de la résidence de tourisme, ces derniers n'auraient pas contracté aux mêmes conditions.

Le préjudice né du dol de la société Les Jardins de [Localité 12] et de la SARL HPA Holding ne peut donc consister, qu'en une perte de chance de contracter à des conditions plus avantageuses.

M. et Mme [T] demandent le règlement de la somme de 280 840 euros correspondant à la perte du préjudice direct de loyers et ne présentent aucune demande, même subsidiaire au titre de la perte de chance.

Le défaut d'information contractuel dolosif n'est pas à l'origine de la perte locative réclamée.

Si la rentabilité de la résidence avait été celle envisagée, l'opération aurait pu être rentable malgré le dol de la SCI Les Jardins de [Localité 12] et de la SARL HPA Holding.

Ainsi, par acte sous seing privé du 20 septembre 2007, M. et Mme [T] ont donné à bail commercial à la SARL Garrigae Hotel and Resorts le bien immobilier pour une durée de neuf ans et pour un loyer fixé d'une part à 14 042 euros en numéraire, et d'autre part en nature par la mise à leur disposition de l'habitation quelques semaines dans l'année.

Par ailleurs un avenant au bail commercial a ensuite été conclu le 25 janvier 2012 au vu des difficultés rencontrées par la SARL Garrigae Hotel and Resorts, prévoyant une substitution de preneur (la SCI Les Jardins de [Localité 12]) et une réduction du loyer à 8 200,78 euros, sans qu'il soit démontré que les loyers postérieurs au 25 janvier 2012 soient demeurés impayés.

Il n'est donc démontré aucun lien causal entre le dol et le préjudice de perte des loyers réclamé par M. [B] [T] et Mme [U] [S] [L] épouse [T] qui seront déboutés de leur demande de remboursement de loyers.

Sur la restitution des frais

M. et Mme [T] réclament en outre la restitution de la somme de 39 798 euros au titre des frais exposés dans le cadre de la vente et du prêt, assorti de l'intérêt aux taux légal à compter du18 février 2015.

La SCI Les jardins de [Localité 12] et la SARL HPA Holding reconnues responsables de dol, seront condamnées in solidum à régler cette somme résultant de l'annulation des conventions.

Sur le préjudice moral

La faute de la société Les Jardins de [Localité 12] et de la SARL HPA Holding a occasionné un préjudice moral à M. et Mme [T] qui ont dû engager une procédure judiciaire longue en France et subir les tracasseries inhérentes ce qui justifie que leur soit allouée une somme de 5'000 euros, aucun justificatif n'étant par contre produit à l'appui de leur demande de 50'000 euros.

III/ Sur la responsabilité du notaire

Deux actes ont été reçus par Maître [N] [Z] notaire associé de la SCP Alain Benedetti et Stéphane Grosjean, le 25 septembre 2008, M. et Mme [T] étant représentés par Mme [J] [P], clerc de notaire, l'un concernait la vente de la maison, l'autre le financement par prêt de la Société Générale.

M. et Mme [T] font valoir que la SCP Alain Benedetti, [N] [Z] a engagé sa responsabilité civile professionnelle en ne les informant pas des risques inhérents aux actes de son ministère. Ils estiment que la SCP de notaire était le notaire habituel de M. [H] [I] sous couvert du Groupe Garrigae. Ils demandent sa condamnation in solidum avec les autres intimés à les relever et garantir de toutes les demandes tendant à la restitution du prêt et à les indemniser de leur préjudice spécial.

La SCP Benedetti Grosjean Gally Dariscon sollicite la confirmation du jugement.

Elle conclut que le notaire n'a commis aucune faute et que M. et Mme [T] ne justifient pas d'un préjudice en lien de causalité directe avec la prétendue faute.

La restitution à laquelle un contractant est condamné ne constitue pas, par elle-même, un préjudice que le rédacteur de l'acte peut être tenu de réparer et qu'elle ne peut donc, en l'absence d'autres circonstances, donner lieu à la charge de ce dernier ni à réparation, ni à garantie.

Il est constant que les obligations du notaire qui tendent à assurer l'efficacité d'un acte instrumenté par lui et qui constituent le prolongement de sa mission de rédacteur d'acte relèvent de sa responsabilité délictuelle, dont son obligation de conseil érigée en devoir légal implicite.

Le devoir de conseil incombant au notaire consiste pour ce dernier à éclairer les parties et appeler leur attention sur la portée, les effets et les risques des actes auxquels il prête son concours.

Le notaire est tenu d'informer et d'éclairer les parties sur la portée et les effets, notamment quant à ses incidences fiscales, ainsi que sur les risques de l'acte auquel il prête son concours et le cas échéant, de le leur déconseiller, sans que leurs compétences personnelles ni la présence d'un conseiller à leur côté ne le dispensent de son devoir de conseil ; que cette obligation doit prendre en considération les mobiles des parties, extérieurs à l'acte, lorsque le notaire en a eu précisément connaissance.

Il est constant qu'il ressort du contrat de réservation que le dépôt de garantie a été payé par virement à l'ordre de la SCP Alain Benedetti et [N] [Z], et ce dès le 5 août 2007, il est stipulé que l'office notarial recevant la vente est l'office notarial du Palais représenté par Maître [N] [Z] et que le dépôt de garantie sera réglé par virement sur le compte de la SCP Alain Benedetti et Maître [N] [Z] ouvert auprès de la Trésorerie générale et dans la plaquette, qu'il est le notaire chargé des actes.

Par ailleurs, l'acte de vente reçu par la SCP Alain Benedetti et [N] [Z] stipule que les acquéreurs sont représentés à l'acte par un clerc de notaire, «'Le 9 novembre 2007, une procuration a été établie au profit de Madame [A] [W], clerc de notaire de l'Etude de Maître [Z], suivant acte reçu par Monsieur [X] [D], Notary Public à [Localité 7] (Irlande) ».

La procuration a été signée par-devant M. [X] [D] ayant le titre de « Notary Public », que l'immeuble vendu se trouve au stade d'avancement «'ouverture de chantier'». Il mentionne que la banque Calyon domiciliée [Adresse 1] garantit l'achèvement des maisons individuelles et des villas et la réalisation des équipements indispensables à l'utilisation de chacun de ces immeubles. Il indique que le remboursement de TVA, à hauteur de 16,39% du prix toutes taxes comprises, conséquence de la location commerciale consentie, sera affecté au paiement des trois derniers stades d'avancement des travaux.

Il n'est pas contesté que la construction est achevée, que les conditions de l'acte de vente sont exécutées, dans les termes de la convention et de l'opération de récupération de la TVA envisagée et que le notaire s'est assuré dans son acte de la garantie d'achèvement de l'opération et a donné les informations concernant les obligations à respecter afin d'obtenir les avantages fiscaux.

Si l'acte précise que le vendeur déclare donné son accord à l'acquéreur pour la conclusions de tout contrat de location au profit de la société Garrigae Hotels et Resorts et précise la nécessité d'option par l'acquéreur d'assujettir les loyers à TVA, ce qui constitue une condition du bénéfice de la récupération de cette dernière, il n'est pas démontré que le bail conclu avant la signature de l'acte et l'acte de réservation aient été établis par le notaire, alors qu'il résulte de l'arrêt de la cour d'appel de Montpellier du 8 décembre 2010, que la société Garrigae Investissement devenue SARL HPA Holding, disposait d'une responsable juridique embauchée depuis juillet 2006.

Le seul fait, que les coordonnées du notaire, chargé de l'établissement des actes notariés, soit mentionnées sur la plaquette qui indiquent «'que leur coordonnées peuvent être communiquées sur demande'» et sur l'acte de réservation et que le versement de l'acompte soit stipulé effectué sur son compte, s'agissant d'une garantie légale, ne prouve pas, contrairement à ce que soutiennent les M. et Mme [T] que le notaire soit intervenu au moment de la négociation et de la signature du contrat de réservation, ni qu'il était informé de la garantie de loyers annoncée dans les documents publicitaires diffusés pour la commercialisation en Angleterre, mais simplement qu'il était chargé de l'établissement des actes authentiques.

Aucun élément ne démontre que le notaire est intervenu dans la phase précontractuelle, son nom ayant été utilisé sur la plaquette par le Groupe Garrigae, sans la mention de ses coordonnées et il ne peut lui être reproché de ne pas avoir informé M.[B] [T] et Mme [U] [S] [L] épouse [T] :

- de l'absence de garantie des loyers annoncée dans la plaquette publicitaire qui ne faisait pas partie des actes nécessaires à l'établissement de l'acte authentique et des risques inhérents au bail commercial auquel il était étranger, ces actes n'étant pas annexés à l'acte authentique';

- de l'insolvabilité future du preneur, dont il n'est pas démontré, qu'il pouvait en avoir connaissance au jour de la signature de l'acte, alors que selon l'arrêt de cour d'appel de Montpellier, il ne restait en octobre 2008 que 10 villas à vendre sur les 180 logements du programme Résidence de [Localité 12] et que l'opération est chiffrée à plus de 50 millions d'euros par les appelants';

- de vérifier l'équilibre économique de l'opération, qui s'inscrivait par ailleurs dans un programme mixte de location et d'occupation, à défaut de mission particulière et d'éléments d'appréciation qu'il n'avait pas à rechercher d'office.

A titre surabondant si un manquement avait été commis par le notaire, dans son obligation de conseil, le préjudice éventuel ne pouvait être constitué que d'une perte de chance, dont il n'est pas demandé réparation.

En conséquence le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté les demandes dirigées contre le notaire.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Infirme le jugement déféré sauf en ce qu'il a rejeté les demandes de réparation formulées à l'encontre de la Société Générale et de la SCP Alain Benedetti et Stéphane Grosjean ;

Statuant à nouveau'sur les chefs infirmés et y ajoutant,

Prononce la nullité du contrat de vente reçu par Maître [N] [Z] notaire associé de la SCP Alain Benedetti et Stéphane Grosjean le 25 janvier 2008 pour dol entre la SCI Les jardins de [Localité 12] et M. [B] [T] et Mme [U] [S] [L] épouse [T] portant sur la vente du lot n°131 : une maison de type P3bis dite également P3Deluxe, élevée d'un étage sur simple rez-de-chaussée, d'une surface habitable de 69,36 m², comprenant : entrée séjour cuisine, WC, dégagement, deux chambres, deux salles de bain, penderie sous l'escalier menant à l'étage, tablettes sur l'escalier, terrasse à l'arrière de la maison, et jardin attenant, le tout cadastré Commune de Saint-Laurent-de-le-Cabrerisse (Aude), « Saint-Benoît », section [Cadastre 6], pour une contenance de 00 are 75 centiares pour un prix de 326 508 euros TVA incluse ;

Dit qu'à compter du prononcé de la nullité du contrat de vente M. [B] [T] et Mme [U] [S] [L] épouse [T] seront tenus de restituer l'immeuble objet de la vente annulée à la SCI Les jardins de [Localité 12]';

Constate l'annulation de plein droit du prêt consenti à M. [B] [T] et Mme [U] [S] [L] épouse [T] par la banque Société Générale, suivant offre acceptée et acte reçu par Maître [N] [Z] notaire associé de la SCP Alain Benedetti et Stéphane Grosjean, le 25 janvier 2008 ;

Dit que la résolution du prêt entraînera remboursement des intérêts du prêt versés à M. [B] [T] et Mme [U] [S] [L] épouse [T] par la SA Société Générale ;

Condamne in solidum la SCI Les jardins de [Localité 12] et la SARL HPA Holding anciennement Groupe Garrigae à régler à la SA Société Générale la somme de 236 000 euros TVA incluse, avec intérêts au taux légal à compter du 18 février 2015 ;

Condamne in solidum la SCI Les Jardins de [Localité 12] et la SARL HPA Holding anciennement Groupe Garrigae à régler à M. [B] [T] et Mme [U] [S] [L] épouse [T] les sommes de :

- 63 122 euros en restitution de leur apport personnel, assorti de l'intérêt aux taux légal à compter du 25 janvier 2008,

- 39 798 euros au titre des frais exposés dans le cadre de la vente et du prêt, assorti de l'intérêt aux taux légal à compter du 18 février 2015,

- 5'000 euros en réparation de leur préjudice moral ;

Déboute M. [B] [T] et Mme [U] [S] [L] épouse [T] du surplus de leurs demandes';

Déboute la SCI Les Jardins de [Localité 12] et la SARL HPA Holding anciennement Groupe Garrigae de leurs demandes';

Déboute la SA Société Générale de ses autres demandes';

Déboute la SCP Benedetti Grosjean Gally Dariscon de ses autres demandes ;

Condamne M. [B] [T] et Mme [U] [S] [L] épouse [T] à régler à la SCP Benedetti Grosjean Gally Dariscon, la somme de 2'000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour leurs frais engagés en cause d'appel';

Condamne in solidum la SCI Les Jardins de [Localité 12] et la SARL HPA Holding anciennement Groupe Garrigae à régler à M. [B] [T] et Mme [U] [S] [L] épouse [T] la somme de 8'000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour leurs frais engagés en première instance et en cause d'appel';

Condamne in solidum la SCI Les jardins de [Localité 12] et la SARL HPA Holding anciennement Groupe Garrigae aux entiers dépens de première instance et d'appel, sauf ceux concernant la SCP Benedetti Grosjean Gally Dariscon qui seront pour ce dernier recouvrés en application de l'article 699 du code de procédure civile et qui sont à la charge de M. [B] [T] et Mme [U] [S] [L] épouse [T] ;

Ordonne la publication du présent arrêt au service chargé de la publicité foncière de la situation des immeubles à la diligence de M. [B] [T] et Mme [U] [S] [L] épouse [T] ;

Dit qu'une copie du présent arrêt sera transmise à la diligence du greffe à la direction départementales des finances publiques de l'Aude en application des dispositions de l'article L.101 du livre des procédures fiscales.

La greffière, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 3e chambre civile
Numéro d'arrêt : 18/00387
Date de la décision : 09/02/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-02-09;18.00387 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award