La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

09/02/2023 | FRANCE | N°17/03810

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 3e chambre civile, 09 février 2023, 17/03810


Grosse + copie

délivrées le

à











COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



3e chambre civile



ARRET DU 09 FEVRIER 2023



Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 17/03810 - N° Portalis DBVK-V-B7B-NHQT



ARRET N°



Décision déférée à la Cour :

Jugement du 26 juin 2017

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE BEZIERS

N° RG 15/00966





APPELANTS :



Monsieur [F] [G]

né le 03 Avril 1931 à [Localité

4]

de nationalité Française

[Adresse 5]

[Adresse 5]

[Localité 2]

et

Madame [C] [R] épouse [G]

née le 24 Mars 1953 à [Localité 4]

de nationalité Française

[Adresse 5]

[Adresse 5]

[Localité 2]



Représentés par Me Frédéri...

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

3e chambre civile

ARRET DU 09 FEVRIER 2023

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 17/03810 - N° Portalis DBVK-V-B7B-NHQT

ARRET N°

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 26 juin 2017

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE BEZIERS

N° RG 15/00966

APPELANTS :

Monsieur [F] [G]

né le 03 Avril 1931 à [Localité 4]

de nationalité Française

[Adresse 5]

[Adresse 5]

[Localité 2]

et

Madame [C] [R] épouse [G]

née le 24 Mars 1953 à [Localité 4]

de nationalité Française

[Adresse 5]

[Adresse 5]

[Localité 2]

Représentés par Me Frédéric SIMON de la SCP SIMON FREDERIC, avocat au barreau de BEZIERS

INTIME :

Monsieur [T] [P]

né le 13 Novembre 1961 à [Localité 3]

de nationalité Française

11 rue du 18 Février 1931

[Adresse 5]

[Localité 2]

Représenté par Me Isabelle SEGUIER-BONNET, avocat au barreau de BEZIERS

Ordonnance de clôture du 17 Mai 2022

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 07 juin 2022,en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. Fabrice DURAND, Conseiller et Mme Marie-Claude SIMON, Vice-présidente placée, chargée du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

M. Thierry CARLIER, Conseiller faisant fonction de président de chambre

M. Fabrice DURAND, Conseiller

Mme Marie-Claude SIMON, Vice-présidente placée par ordonnance du premier président du 20 avril 2022

Greffier lors des débats : Mme Camille MOLINA

ARRET :

- contradictoire ;

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour fixée au 15 septembre 2022 prorogée au 1er décembre 2022, puis au 09 février 2023, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par M. Thierry CARLIER, Conseiller faisant fonction de président de chambre, et par Mme Camille MOLINA, Greffière.

*

* *

EXPOSE DU LITIGE

M. [F] [G] et Mme [R] épouse [G] sont propriétaires d'une villa située [Adresse 5], mitoyenne d'un bien appartenant à M. [T] [P] et Mme [D] [M] épouse [P] situé au [Adresse 1].

Le 5 décembre 2011, un permis de construire est accordé à M. [T] [P] et Mme [D] [M] épouse [P] qui édifient une extension de leur habitation élevée d'un étage en limite de la propriété des époux [G].

Le 30 mars 2015, M. [F] [G] et Mme [R] épouse [G] ont assigné M. [T] [P] devant le tribunal de grande instance de Béziers aux fins d'obtenir réparation de leur préjudice causé par la perte d'ensoleillement à la suite de l'extension construite par M. [T] [P] et Mme [D] [M] épouse [P].

Par jugement du 26 juin 2017, le tribunal de grande instance de Béziers a :

- débouté les époux [G] de leurs demandes de dommages et intérêts au titre du trouble anormal de voisinage ;

- enjoint à M. [F] [G] et Mme [C] [R] épouse [G] de laisser un accès à leur propriété à l'entreprise mandatée par M. [T] [P] et Mme [D] [M] épouse [P] afin d'effectuer les travaux de ravalement du mur mitoyen et ce, sous les conditions suivantes :

- avoir prévenu M. [T] [P] et Mme [D] [M] épouse [P] par lettre recommandée avec accusé de réception des dates et heures de l'intervention au moins quinze jours à l'avance,

- les travaux sont autorisés les jours ouvrables, de 8h à 18h pendant un délai maximum de trois jours.

- A défaut pour M. [F] [G] et Mme [C] [R] épouse [G] de laisser réaliser les travaux dans les conditions susvisées, les condamnons à les laisser réaliser sous astreinte de 100 euros par jour de retard passé un délai de trois jours après mise en demeure par lettre recommandée avec accusé de réception et pendant un mois.

- débouté M. [T] [P] et Mme [D] [M] épouse [P] de leur demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

- débouté M. [T] [P] et Mme [D] [M] épouse [P] de leur demandes de dommages et intérêts pour préjudice moral ;

- condamné M. [F] [G] et Mme [C] [R] épouse [G] à verser à M. [T] [P] et Mme [D] [M] épouse [P] une somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- débouté M. [F] [G] et Mme [C] [R] épouse [G] de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné M. [F] [G] et Madame [R] épouse [G], partie succombante, aux dépens ;

- dit n'y avoir lieu à application des dispositions relatives à l'exécution provisoire.

Le 6 juillet 2017, M. [F] [G] et Mme [C] [G] ont interjeté appel de ce jugement à l'encontre de M. [T] [P].

Par ordonnance du 27 juin 2019, le conseiller de la mise en état a désigné Mme [L] [K] en qualité de médiateur.

Vu les conclusions des époux [G] remises au greffe le 6 avril 2018 ;

Vu les conclusions de M. [T] [P] remises au greffe le 28 septembre 2017.

MOTIFS DE L'ARRÊT

M. [F] [G] et Mme [R] épouse [G] sollicitent l'infirmation partielle du jugement en ce qu'il a rejeté leur demande de réparation au titre du trouble anormal de voisinage et de condamnation à l'article 700 du code de procédure civile. Ils demandent de condamner M. [T] [P] à leur verser 20 000 euros en réparation du préjudice causé par la perte d'ensoleillement résultant de la construction de l'extension réalisée en limite de leur propriété. Ils concluent que le rehaussement d'un mur mitoyen a entraîné une perte d'ensoleillement d'une pièce. Ils font valoir que la nature de la pièce subissant la perte d'ensoleillement et son absence d'autorisation administrative n'a pas d'impact sur le trouble anormal subit, considérant qu'ils ont un droit acquis depuis 20 ans sur cette pièce.

M. [T] [P] demande la confirmation du jugement, en ce qu'il a débouté M. [F] [G] et Mme [R] épouse [G] de leur demande de dommages et intérêts, fait droit à la demande de servitude de tour d'échelle et les a condamner à laisser un accès à leur propriété. A titre incident, ils demandent la condamnation de M. [F] [G] et Mme [R] épouse [G] à leur verser 10 000 euros de dommages et intérêts pour préjudice moral et 5 000 euros pour procédure abusive. Ils font valoir qu'étant situé en zone très urbanisée, M. [F] [G] et Mme [R] épouse [G] devaient s'attendre à être privés d'un avantage d'ensoleillement déjà réduit et qu'ils ont participé à leur préjudice de perte d'ensoleillement en agrandissant leur propre immeuble en limite de propriété sans respecter le PLU et sans respecter leur permis de construire qui autorisait la construction d'un patio et non d'une pièce à vivre.

I/ Sur la saisie de la cour

En application de l'article 954 al. 3 du code de procédure civil, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées par les parties dans leur dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.

En l'espèce M. [F] [G] et Mme [R] épouse [G] ont limité leur appel à la demande concernant le trouble de voisinage.

Il en résulte que les dispositions du jugement concernant la tour d'échelle, qui ne sont pas discutées par l'appelant, sont devenues définitives et échappent, par conséquent, à la saisine de la cour.

II/ Sur le trouble de voisinage

En application de l'article 544 du code civil, la propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu'on n'en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements.

La limite à ce droit est que nul ne doit causer à autrui de trouble anormal de voisinage, et qu'à défaut, il en devra réparation, même en l'absence de faute.

L'anormalité du trouble doit s'apprécier au regard des circonstances locales et doit présenter un caractère grave et répété, dépassant les inconvénients normaux de voisinage, sans qu'il soit nécessaire de caractériser une faute de son auteur.

Il appartient à celui qui invoque le trouble anormal de voisinage d'en rapporter la preuve.

Il ressort des pièces produites, qu'un permis de construire est accordé le 23 septembre 1983 à M. [F] [G] pour l'édification d'une maison d'habitation sur le lot 88 du lotissement communal situé à [Localité 2] et le certificat de conformité est établi par la Mairie de [Localité 2] le 1er juillet 1983. Un nouveau permis lui est délivré par la mairie, le 20 décembre 1991 pour une extension, l'immeuble se situant [Adresse 5].

Par arrêté du 5 décembre 2011, la commune de [Localité 2] accorde un permis de construire à M. et Mme [P] [T], pour l'extension et la surélévation d'une habitation et démolition d'un garage sur le terrain situé 11 rue du 18 février 1931. Le permis portant sur l'extension d'un logement par élévation d'un étage supplémentaire sur le corps principal du bâtiment et la réalisation d'un second corps de bâtiment en rez-de-chausée.

Au terme d'un constat dressé le 28 janvier 2015 à la demande de M. [F] [G] et Mme [R] épouse [G], l'huissier constate au rez-de-chaussée de leur villa, coté sud-ouest la présence d'une pièce ajourée par trois baies vitrées et depuis l'intérieur de la pièce, en limite de propriété une construction dont le mur en brique est visible, la pièce est sombre à 14h30, les rayons du soleil ne traversent pas les baies vitrées.

Dans un second constat du 27 septembre 2017, à 14h30, l'huissier indique être conduit depuis l'intérieur de la maison en façade sud-ouest, à hauteur d'un patio clos, dont la pièce dispose d'une fenêtre ouvrant en façade sud et de deux fenêtres ouvrant en façade Sud-ouest, dont celle située sur le côté droit ouvre sur une vue directe sur le mur pignon du fonds [P], aucun rayon de soleil ne traverse l'ouverture, côté gauche l'ouverture bénéficie partiellement de rais directs du soleil, la partie inférieure étant masquée par l'ombre portée de la construction. En façade Sud, il note que les rais lumineux sont partiellement masqués par l'implantation d'un arbre sur le fonds [G].

Il résulte de ces constatations, des photographies jointes aux constats et des plans produits, que la perte d'ensoleillement, dénoncée par M. [F] [G] et Mme [R] épouse [G], concerne un patio objet du permis délivré en 1991, construit au Sud-ouest en limite de mitoyenneté, transformé en pièce, comportant trois fenêtres, l'une au Sud et les deux autres au Sud-ouest donnant sur le fonds [P], longé par un mur de deux mètres de haut construit par M. [F] [G] et Mme [R] épouse [G].

Côté Sud, l'huissier constate que les rayons du soleil sont masqués par de la végétation située sur le fonds [G], qu'une fenêtre bénéficie d'une partie d'ensoleillement, l'ombre portée par le bâtiment du fonds [P] portant sur les deux ouvertures côté mitoyen, en totalité sur une fenêtre et partiellement sur le bas de la seconde.

Comme le relève le jugement, M. [F] [G] et Mme [R] épouse [G] ne produisent aucune pièce démontrant la réalité de l'ensoleillement dont ils ont été privés, leur immeuble ayant été construit en limite de mitoyenneté coté Sud-ouest où il existait déjà une construction, même si cette dernière a été surélevée.

Si le constat montre que le mur de M. [T] [P], se situant sur le côté, au même niveau au Sud, qui ne dépasse ni en longueur ni en largeur la construction de M. et Mme [G], obstrue les rayons du soleil d'une des trois fenêtres de la pièce, à une certaine heure de la journée et de l'année, cette obstruction n'est que très partielle et due notamment à l'implantation de l'extension et transformation du patio réalisé par M. [F] [G] et Mme [R] épouse [G] en limite de mitoyenneté, sans autorisation, avec deux ouvertures, en vis-à-vis direct, sur le terrain de M. [P], dans un lotissement situé en zone urbaine, ces derniers pouvant légitimement s'attendre à ce qu'une construction ou extension y soit réalisée.

Le constat d'huissier du 27 septembre 2017 et les photographies jointes, ainsi que celles concordantes produites par M. [T] [P] démontrent que l'obstruction des rayons du soleil dans la pièce provient également de la végétation sur le terrain M. et Mme [G] et du mur de clôture construit par ces derniers.

Il s'ensuit que la privation de soleil dénoncée par M. [F] [G] et Mme [R] épouse [G] ne résulte pas de la seule existence de la construction de M. [T] [P], que la privation occasionnée par cet immeuble n'est que partielle et n'est pas excessive. Elle n'excède pas les inconvénients normaux de voisinages habituels d'un lotissement, M. [F] [G] et Mme [R] épouse [G] ne pouvant prétendre à aucun droit acquis quant à l'environnement et à l'ensoleillement.

En conséquence, le jugement, qui a constaté que M. [F] [G] et Mme [R] épouse [G] ne démontraient pas l'existence d'un trouble de voisinage et les a déboutés de leur demande d'indemnisation, sera confirmé de ce chef.

III/ Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive et préjudice moral

L'appréciation inexacte qu'une partie fait de ses droits n'est pas en soi constitutive d'une faute et l'exercice d'une action en justice ne dégénère en abus que lorsqu'elle révèle une faute ou une erreur grave dont la commission a entraîné un préjudice pour le défendeur.

Nul ne plaide par procureur.

En l'espèce M. [T] [P] ne rapporte pas la preuve dont il a la charge, d'une faute commise par M. [F] [G] et Mme [R] épouse [G], qui comme l'a retenu le jugement, ont pu se méprendre sur l'étendue de leurs droits, ni d'un préjudice spécifique à l'appui de leur demande.

Concernant le préjudice moral, comme le relève le tribunal, ils ne peuvent prétendre à une indemnisation au titre du préjudice moral subi par Mme [V] [M] mère de Mme [P], qui n'est pas partie à la procédure et il n'est produit aucun justificatif de la réalité du préjudice moral dont il est demandé réparation à hauteur de 10 000 euros, en lien avec la procédure engagée par M. [F] [G] et Mme [R] épouse [G].

Il n'est produit en cause d'appel aucun élément nouveau de nature à remettre en cause l'appréciation faite par le jugement, qui a débouté M. [T] [P] de sa demande de dommages et intérêts et le jugement sera confirmé de ce chef.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Confirme le jugement déféré dans les limites de la saisine de la cour ;

Déboute M. [F] [G] et Mme [R] épouse [G] de leurs demandes ;

Déboute M. [T] [P] de ses autres demandes ;

Condamne M. [F] [G] et Mme [R] épouse [G] aux dépens d'appel et à payer à M. [T] [P] la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour ses frais engagés en cause d'appel.

Le greffier, Le conseiller faisant fonction de président de chambre,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 3e chambre civile
Numéro d'arrêt : 17/03810
Date de la décision : 09/02/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-02-09;17.03810 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award