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09/02/2023 | FRANCE | N°17/02732

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 3e chambre civile, 09 février 2023, 17/02732


Grosse + copie

délivrées le

à

























COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



3e chambre civile



ARRET DU 09 FEVRIER 2023





Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 17/02732 - N° Portalis DBVK-V-B7B-NFGX





Décision déférée à la Cour :

Jugement du 16 mars 2017

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE MONTPELLIER

N° RG 16/00174





APPELANTS :



Madame

[W] [M] épouse [I]

née le 13 Juin 1974 à [Localité 11]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

et

Monsieur [S] [I]

né le 12 Octobre 1971 à [Localité 10]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentés par Me Arnaud LAURENT de la SCP SVA, avocat au barreau de MONTPELLIER, substitué à l...

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

3e chambre civile

ARRET DU 09 FEVRIER 2023

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 17/02732 - N° Portalis DBVK-V-B7B-NFGX

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 16 mars 2017

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE MONTPELLIER

N° RG 16/00174

APPELANTS :

Madame [W] [M] épouse [I]

née le 13 Juin 1974 à [Localité 11]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

et

Monsieur [S] [I]

né le 12 Octobre 1971 à [Localité 10]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentés par Me Arnaud LAURENT de la SCP SVA, avocat au barreau de MONTPELLIER, substitué à l'audience par Me Thierry VERNHET, avocat au barreau de MONTPELLIER

INTIMES :

Société AXA FRANCE IARD

RCS de Nanterre n° 722 057 460, prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié ès qualités au siège social

[Adresse 4]

[Adresse 4]

Représentée par Me Jean-Pierre BERTHOMIEU de la SELARL MBA & ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER, substitué à l'audience par Me Laure D'HAUTEVILLE de la SELARL MBA & ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER

SA MAF

RCS de Paris n°784 647 349, prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié ès qualités au siège social

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Sophie ENSENAT, avocat au barreau de MONTPELLIER

SA MAAF ASSURANCES

RCS de NIORT n°B 542 073 580, prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié ès qualités au siège social

[Adresse 8]

[Adresse 8]

Représentée par Me Gilles BERTRAND de la SCP ROZE, SALLELES, PUECH, GERIGNY, DELL'OVA, BERTRAND, AUSSEDAT, SMALLWOOD, avocat au barreau de MONTPELLIER

SARL DI MICHIEL CARRELAGES

prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié ès qualités au siège social

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Non représentée - signification remise par procès verbal de recherches infructueuses du 17 août 2017

[G] [N]

décédé le 27 décembre 2017 à [Localité 12]

INTERVENANTES :

Madame [B] [N] épouse [Y], prise en sa qualité d'héritière de [G] [N] décédé

née le 27 Juillet 1986 à [Localité 9]

[Adresse 5]

[Adresse 5]

et

Madame [P] [N], prise en sa qualité d'héritière de [G] [N] décédé

née le 09 Juillet 1980 à [Localité 9]

[Adresse 7]

[Adresse 7]

et

Madame [E] [N], prise en sa qualité d'héritière de [G] [N], décédé

née le 25 Avril 1988 à [Localité 9]

[Adresse 6]

[Adresse 6]

Représentés par Me Sophie ENSENAT, avocat au barreau de MONTPELLIER

Ordonnance de clôture du 23 novembre 2022

COMPOSITION DE LA COUR :

En application de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 14 décembre 2022, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l'article 804 du même code, devant la cour composée de :

M. Gilles SAINATI, président de chambre

M. Thierry CARLIER, conseiller

Mme Emmanuelle WATTRAINT, conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Camille MOLINA

ARRET :

- rendu par défaut ;

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par M. Gilles SAINATI, président de chambre, et par Mme Camille MOLINA, Greffière.

*

* *

EXPOSE DU LITIGE

Dans le cadre de la réalisation de leur maison d'habitation, Monsieur [S] [I] et Madame [W] [M] épouse [I] ont confié :

- la mission de conception et de maîtrise d''uvre à Monsieur [G] [N], assuré auprès de la Mutuelle des Architectes Français (MAF),

- le lot gros 'uvre à l'entreprise Vilar da Silva, assurée auprès de la compagnie MAAF,

- le lot carrelages intérieurs à la SARL Di Michiel Carrelages, assurée auprès de la compagnie AXA.

La réception des travaux est intervenue le 25 mars 2005.

Face aux désordres et malfaçons constatés, Monsieur et Madame [I] ont obtenu par ordonnance de référé du 23 mai 2013 la désignation de Monsieur [Z] en qualité d'expert, lequel a déposé son rapport le 16 avril 2015.

Par ordonnance du 3 septembre 2015, le juge des référés a prononcé diverses condamnations à l'encontre des intervenants à l'acte de construire. Il a en revanche débouté Monsieur et Madame [I] de leur demande de condamnation solidaire de Monsieur [N] en raison de la clause d'exclusion prévue au contrat d'architecte, et s'est déclaré incompétent sur le poste relatif à l'étanchéité du sous-sol.

Sur assignation de Monsieur et Madame [I], par jugement réputé contradictoire du 16 mars 2017, le tribunal de grande instance de Montpellier a notamment :

- dit que la clause des conditions générales du contrat d'architecte relative à l'assurance responsabilité et stipulant que dans le cadre des articles 1792 et suivants du code civil l'architecte ne peut être tenu que de ses fautes personnelles et non des fautes des autres intervenants est réputée non écrite et en tout état de cause inopposable aux demandeurs,

- condamné in solidum Monsieur [G] [N] et son assureur la Mutuelle des Architectes Français ainsi que la SARL Di Michiel Carrelages et la SA AXA à verser à Monsieur et Madame [I] la somme de 13 385,50 euros au titre de la réfection du carrelage ;

- dit que la SA AXA devra garantir Monsieur [G] [N] et la Mutuelle des Architectes Français à concurrence de 80 % de cette somme ;

- condamné in solidum Monsieur [G] [N] et son assureur la Mutuelle des Architectes Français ainsi que la MAAF, assureur de Vilar Da Silva, à verser aux époux [I] la somme de 16 288,20 euros au titre de la réfection des escaliers non conformes,

- dit que la société MAAF devra garantir M. [N] et la Mutuelle des Architectes Français à concurrence de 80 % de cette somme ;

- condamné in solidum Monsieur [G] [N] et son assureur la Mutuelle des Architectes Français ainsi que la SARL Di Michiel Carrelages et la SA AXA à verser à Monsieur et Madame [I] la somme de 11 102 euros au titre de la réfection de l'étanchéité de la dalle côté rue ;

- dit que la SA AXA devra garantir Monsieur [G] [N] et la Mutuelle des Architectes Français à concurrence de 80 % de cette somme ;

- débouté les demandeurs de leurs demandes au titre des infiltrations dans la cuisine et dans l'entrée, des infiltrations en sous-face de la terrasse en couverture du séjour, des infiltrations en sous-sol ;

- condamné in solidum Monsieur [G] [N] et la Mutuelle des Architectes Français, la société Di Michiel Carrelages et la SA AXA ainsi que la MAAF à verser aux époux [I] la somme de 1 400 euros au titre de l'indemnisation de leur préjudice de jouissance durant la durée des travaux de réfection ;

- condamné in solidum Monsieur [G] [N] et la Mutuelle des Architectes Français, la société Di Michiel Carrelages et la SA AXA ainsi que la MAAF à verser aux époux [I] la somme de 2 500 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné M. [N] et la Mutuelle des Architectes Français, la société Di Michiel Carrelages et la SA AXA ainsi que la MAAF solidairement aux dépens.

Le 16 mai 2017, Monsieur [S] [I] et Madame [W] [M] épouse [I] ont interjeté appel de ce jugement, l'acte d'appel précisant les chefs de jugement critiqués.

Monsieur [G] [N] est décédé le 27 décembre 2017. Madame [B] [N] épouse [Y], Madame [P] [N] et Madame [E] [N], ses ayant droits, ont été assignées en intervention forcée.

Par leurs conclusions enregistrées au greffe le 9 août 2022, Monsieur [S] [I] et Madame [W] [M] épouse [I] demandent à la cour d'infirmer le jugement et de :

- condamner solidairement les consorts [N] et la MAF au paiement de la somme de 4 441,86 euros représentant le coût de reprise des infiltrations en cuisine et dans l'entrée,

- condamner solidairement les consorts [N] et la MAF ainsi que la société Di Michiel et la compagnie AXA au paiement de la somme de 14 714,05 euros au titre de la reprise des carrelages,

- condamner solidairement les consorts [N], la MAF et la MAAF au paiement de la somme de 16 288,20 euros au titre de la reprise de la hauteur d'escalier non-conforme,

- condamner solidairement les consorts [N], la MAF, la société Di Michiel et la compagnie AXA au paiement de la somme de 12 220 euros au titre de la reprise de l'étanchéité de la dalle côté rue,

- condamner solidairement les consorts [N] et la MAF au paiement de la somme de 695,20 euros au titre des infiltrations en sous-face de la terrasse couverte du séjour,

- condamner solidairement les consorts [N], la MAF et la MAAF au paiement de la somme de 120 115,60 euros au titre de la réalisation de l'étanchéité en sous-sol,

- condamner solidairement les requis à verser aux époux [I] la somme de 16 000 euros au titre du préjudice de jouissance,

- condamner solidairement les requis à leur verser les sommes de :

* 8 940 euros au titre des frais de déménagement (Aller/Retour)

* 628,51 euros au titre des frais de garde-meubles

* 11 645 euros au titre du coût de l'alarme Smartphone,

- dire et juger que les infiltrations dans la cuisine et l'entrée et les infiltrations en sous-face de la terrasse couverture du séjour doivent faire l'objet d'une condamnation in solidum entre Vilar da Silva et son assureur, [N] et son assureur,

- condamner les requis à leur verser la somme de 8 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens en ce compris, les dépens des deux ordonnances de référé et les frais d'expertise.

Par leurs conclusions enregistrées au greffe le 2 novembre 2022, Madame [B] [N] épouse [Y], Madame [P] [N] et Madame [E] [N], prises en leur qualité d'héritières de Monsieur [G] [N], et la Mutuelle des Architectes Français demandent à la cour de déclarer l'appel non soutenu et de confirmer le jugement entrepris. Subsidiairement, elles sollicitent l'infirmation de la décision déférée en ce qu'elle les a condamnées solidairement avec le titulaire du lot concerné sur le fondement de la responsabilité décennale au titre de la reprise des carrelages, de la hauteur non-conformes des escaliers ainsi que de l'étanchéité côté rue et de :

- dire et juger en conséquence concernant les carrelages que l'éventuelle condamnation qui serait prononcée à l'encontre de l'architecte ne pourrait l'être sous le bénéfice de la solidarité et que dès lors la part finale devant lui incomber ne saurait aller au-delà de 20 %, le surplus étant assumé par la Société Di Michiel solidairement aux côtés de son assureur, la Compagnie AXA,

- dire et juger au titre de la hauteur des escaliers non-conformes que la part finale de responsabilité de l'architecte ne saurait outrepasser 20 %, le surplus devant être assumé par l'entreprise Vilar da Silva aux côtés de son assureur, la MAAF,

- ramener, au titre de l'étanchéité de la dalle côté rue, le quantum de la condamnation à de plus justes proportions.

Très subsidiairement, elles demandent de dire et juger que la MAAF et AXA doivent leurs intégrales garanties et qu'elles seront condamnées dès lors à les relever indemnes de toute condamnation.

En toute hypothèse, elles demandent la condamnation de tout succombant au paiement d'une somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Par ses conclusions enregistrées au greffe le 11 décembre 2017, la SA MAAF Assurances demande à la cour de confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a débouté Monsieur et Madame [I] de leurs demandes envers elle s'agissant de l'absence d'étanchéité du sous-sol, et de l'infirmer pour le surplus. Elle sollicite de voir débouter toutes parties de leurs demandes à son encontre et de voir condamner Monsieur et Madame [I] à lui rembourser les sommes versées en exécution de l'ordonnance rendue le 03 septembre 2015 par le juge des référés.

A titre subsidiaire, elle demande de voir limiter toute condamnation de la compagnie MAAF assurances à indemniser les Monsieur et Madame [I] à 80% des sommes nécessaires à la reprise des escaliers et 40% des sommes nécessaires à la reprise de l'étanchéité du sous-sol, et de voir condamner Monsieur [G] [N] et la MAF à la relever des condamnations prononcées à son encontre pour le surplus.

En tout état de cause, elle sollicite la condamnation de toute partie succombante à lui payer une somme de 8 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi que les entiers dépens, en ce compris ceux résultant des deux procédures de référé.

Par ses conclusions enregistrées au greffe le 13 octobre 2021, la SA AXA France demande à la cour de confirmer la décision entreprise et de condamner Monsieur et Madame [I] aux dépens et à lui payer la somme de 4 000 euros au titre des frais irrépétibles. Subsidiairement elle demande à voir déduire la franchise contractuelle soit 1 354 euros de toute condamnation au titre des préjudices immatériels.

La SARL Di Michiel Carrelages n'a pas constitué avocat.

La clôture de la procédure a été prononcée le 23 novembre 2022.

MOTIFS

Sur l'appel de Monsieur et Madame [I],

Les consorts [N] et la MAF demandent à la cour de dire l'appel non soutenu au regard des dispositions des articles 542 et 954 du code de procédure civile, en l'absence de demande d'infirmation ou d'annulation sur les chefs de jugement déférés dans les écritures des appelants.

Les premières écritures déposées par Monsieur [G] [N] et son assureur la MAF ne contenaient pas cette demande visant à voir dire l'appel non soutenu et qui devait être formulée avant toute défense au fond.

Par ailleurs et surtout, l'appel a été formé le 16 mai 2017 et les dispositions du code de procédure civile invoqués par les consorts [N] et la MAF, qui résultent du décret du 6 mai 2017, ne s'appliquent qu'aux appels postérieurs au 1er septembre 2017.

Dans ces conditions, cette demande sera rejetée.

Sur la réception des travaux à l'égard de l'entreprise Vilar da Silva,

Le tribunal a considéré que la réception, prononcée le 25 mars 2005, était opposable à l'entreprise Vilar da Silva, pourtant absente aux opérations de réception.

Or, ainsi que le soutient la MAAF, assureur décennal de l'entreprise Vilar da Silva, Monsieur et Madame [I] ne démontrent pas avoir convoqué l'entreprise Vilar Construction, laquelle avait abandonné le chantier, aux opérations de réception.

Dès lors, la réception n'est pas contradictoire vis-à-vis de l'entreprise Vilar da Silva et ne peut lui être opposée étant précisé que le prononcé d'une réception judiciaire est en l'espèce impossible en l'absence de demande en ce sens d'une part et eu égard d'autre part à ce que l'entreprise Vilar da Silva n'est pas partie à la présente procédure.

Dans ces conditions, la responsabilité décennale de l'entreprise Vilar da Silva n'est pas engagée.

La SA MAAF assurances ne garantissant, ainsi qu'il n'est contesté par aucune des parties, que la responsabilité décennale de l'entreprise Vilar da Silva, les parties seront déboutées de toutes leurs demandes dirigées à son encontre. La décision de première instance sera infirmée sur ce point.

Sur la clause d'exclusion de solidarité de l'architecte,

Au visa de l'article 1792-5 du code civil, le tribunal a dit que la clause des conditions générales du contrat d'architecte relative à l'assurance responsabilité selon laquelle l'architecte ne peut être tenu que de ses fautes personnelles était réputée non écrite et en tout état de cause inopposable à Monsieur et Madame [I].

Or, l'article 1792-5 du code civil est relatif au régime légal de la responsabilité décennale et ne s'applique donc pas en matière de responsabilité contractuelle.

Par ailleurs, elle ne crée pas de déséquilibre significatif au détriment de Monsieur et Madame [I], non professionnels, dès lors qu'elle ne limite pas la responsabilité de l'architecte, lequel doit répondre de ses fautes dans le cadre de sa mission, et ne prive pas, puisqu'elle exclut la solidarité mais non la responsabilité, les maîtres d'ouvrage d'obtenir une réparation intégrale des dommages.

Dans ces conditions, s'il sera dit que cette clause est réputée non écrite dans le cadre de la garantie légale des articles 1792 et suivants du code civil, il sera également dit que ladite clause est valable dans les rapports contractuels entre l'architecte et les maîtres d'ouvrage et qu'elle est susceptible de trouver à s'appliquer dans ce cadre et le jugement sera infirmé de chef.

Sur les désordres et les responsabilités,

- les infiltrations en cuisine et dans l'entrée

Les infiltrations constatées par l'expert lui semblent dues à un défaut d'exécution du solin et de la noue s'agissant des infiltrations en cuisine, et d'un ouvrage en maçonnerie s'agissant du pied de mur.

Eu égard aux constatations de l'expert, qui indique clairement que les désordres sont dus à des difficultés d'exécution imputables à l'entreprise Vilar da Silva, la faute de cette dernière, qui n'a pas réalisé les travaux dans les règles de l'art et conformément à ses obligations contractuelles, est établie.

Monsieur et Madame [I] considèrent que l'architecte, qui a fait dresser un constat d'abandon de chantier le 6 janvier 2005, aurait dû par la suite prévoir la reprise par une entreprise tierce des souches de cheminées et solins.

Or, dans le cadre de la phase d'achèvement des travaux, les obligations de l'architecte, qui lui imposent d'intervenir auprès de l'entreprise défaillante pour qu'elle intervienne en reprise, ce qu'il a en l'espèce fait de manière non contestée par les parties, ne vont pas au-delà de cette exigence.

Dans ces conditions, la responsabilité exclusive de l'entreprise Vilar da Silva sera retenue pour ce désordre, et ce sur le fondement contractuel, en l'absence de réception opposable.

L'entreprise Vilar da Silva n'étant pas partie à la procédure, aucune condamnation ne sera prononcée sur ce chef de demande et le jugement sera par conséquent confirmé.

- le carrelage intérieur

L'expert judiciaire a relevé que ce carrelage sonnait creux et présentait des fissures. Il a précisé qu'une fissure dans l'entrée présentait un éclat d'émail, et que les autres fissures présentaient un caractère d'aspect mais qu'elles étaient destinées à se prolonger et à s'aggraver.

Si le tribunal a retenu le caractère décennal des désordres eu égard à leur caractère évolutif, aucun élément du dossier ne laisse apparaître avec certitude que lesdits désordres seront de nature à rendre l'ouvrage impropre à sa destination dans le délai décennal.

Dans ces conditions, ces désordres se trouvent exclus du champs de la garantie décennale et relèvent de la responsabilité contractuelle des intervenants à l'acte de construire.

L'expert estime que les désordres sont dus à un défaut de composition du mortier de pose du carrelage et au non respect des joints de fractionnement, imputables à l'architecte à hauteur de 20 % et à la SARL Di Michiel, chargée de la mise en 'uvre à hauteur de 80 %.

Eu égard notamment au conclusions de l'expert, qui ne sont pas sérieusement remises en cause par les parties, il apparaît que la SARL Di Michiel a commis des fautes en ne réalisant pas les travaux dans les règles de l'art et conformément à ses obligations contractuelles, et que ces fautes ont concouru au dommage à hauteur de 80 %. Il apparaît également une faute de l'architecte, qui a omis de délivrer à l'entreprise les directives adéquates, et ce à hauteur de 20 %. La responsabilité contractuelle de ces intervenants étant ainsi engagée dans ces proportions.

Le jugement sera par conséquent confirmé par substitution de motifs sauf en ce qu'il a retenu la condamnation in solidum de Monsieur [G] [N] et de son assureur la MAF, du fait du fondement contractuel de la responsabilité retenue.

- l'escalier

Aux termes du rapport d'expertise judiciaire, la hauteur de l'escalier n'est pas conforme.

Eu égard au risque de heurt à la tête lors de la montée des escaliers, le tribunal a retenu l'impropriété à destination de l'ouvrage, et, partant, le caractère décennal du désordre.

Si les consorts [N] et la MAF, comme en première instance, font valoir l'existence d'une réserve insérée dans le procès-verbal de réception conférant au désordre un caractère apparent, pour autant il s'agissait au moment de la réception d'un simple défaut visuel et de non conformité, qui ne pouvait manifestement pas être apprécié dans son ampleur et ses conséquences par les maîtres de l'ouvrage, en incapacité d'évaluer au moment de la réception la dangerosité à l'usage de l'ouvrage.

Dans ces conditions, le jugement sera confirmé en ce qu'il a retenu la responsabilité décennale des intervenants à l'acte de construire.

Eu égard aux conclusions de l'expertise judiciaire, le tribunal a, par une exacte appréciation des faits de la cause, pu retenir la responsabilité de l'architecte pour 20 % et celle de l'entreprise de gros 'uvre pour 80 %.

La responsabilité décennale de l'entreprise Vilar da Silva ayant été écartée faute de réception lui étant opposable, aucune condamnation ne peut intervenir à l'égard de son assureur en responsabilité décennale, la MAAF, et seuls les consorts [N] et la MAF seront condamnés à hauteur de 20 % des sommes allouées.

- l'étanchéité de la dalle côté rue

L'expert ayant relevé un défaut d'étanchéité entraînant des traces d'humidité sur la façade, ainsi que des dépôts calcaires sur les marches de l'escalier d'accès à la maison, ce qui rend lesdites marches glissantes et donc dangereuses, le tribunal a retenu l'impropriété à destination de l'ouvrage, entraînant l'application de la garantie décennale, ce qui n'est pas contesté en cause d'appel.

Aux termes de conclusions non sérieusement contestées par les parties, l'expert a pu estimer que le défaut d'exécution avait concouru au dommage à hauteur de 80 % et le défaut dans le suivi d'exécution du chantier à hauteur de 20 %, ce qui a été justement retenu par le tribunal.

Le jugement sera confirmé sur ce point.

- les infiltrations en sous face de la terrasse en couverture du séjour

Ces infiltrations, constatées par l'expert judiciaire, étant liées selon l'expert à un défaut du solin de la couverture en héberge, prestation à la charge de l'entreprise Vilar da Silva, le tribunal a retenu la responsabilité exclusive de l'entreprise Vilar da Silva.

Monsieur et Madame [I] estiment que l'architecte aurait dû veiller à ce que ce défaut, signalé deux mois avant la réception, soit réparé.

Or, l'architecte en l'espèce a fait établir un constat d'abandon de chantier à l'égard de l'entreprise Vilar da Silva et l'a mise en demeure d'intervenir.

Dès lors, il a parfaitement rempli ses obligations.

Le jugement sera par conséquent confirmé.

- l'étanchéité en sous sol

Malgré les constations de l'expert judiciaire qui laissent apparaître des remontées d'humidité dans le garage, la salle de jeux, le hall, le couloir d'entrée et de la cuisine, et le mur de la zone télévision, le tribunal, retenant que l'étanchéité du sous-sol n'était pas contractuellement prévue, a débouté Monsieur et Madame [I] de leur demande.

De nouveau en cause d'appel, Monsieur et Madame [I] soutiennent qu'une étanchéité était bien contractuellement prévue, le sous-sol étant destiné dès le départ à être habitable, contrairement aux conclusions de l'expert judiciaire selon lesquelles le sous-sol pouvait être considéré comme une zone technique.

Le permis de construire, ainsi que les plans font état d'un garage et d'un vide sanitaire et non d'une partie habitable de la maison d'habitation.

Si, en cours de chantier, le 31 mars 2004, Monsieur et Madame [I] ont demandé des terrassements plus importants pour augmenter la hauteur des vides sanitaires à plus de deux mètres, des photographies prises en cours de chantier laissent apparaître un soubassement sans fenêtre, ce qui est toujours le cas lors de la réception des travaux le 25 mars 2005.

Par ailleurs, si la présence de deux linteaux laissant supposer l'existence d'ouvertures, ces ouvertures peuvent concerner des zones techniques non habitables, de même que si l'architecte a pu faire état dans un courrier de drains de protection des parois enterrées, ces drains de supposent pas nécessairement une étanchéité.

S'agissant de la chaudière, dont Monsieur et Madame [I] prétendent qu'elle serait surdimensionnée en cas de non habitabilité du sous-sol, l'expert indique qu'elle correspond aux dispositions habituelles d'une installation comprenant, en sus du chauffage au sol, l'eau chaude sanitaire.

Concernant enfin les travaux d'aménagement du sous-sol, ces derniers, dont la teneur n'apparaît pas clairement aux termes des pièces versées aux débats, ont été réalisés après la réception des travaux, par des entreprises qui ne sont pas parties à la présente procédure.

Dans ce contexte, l'attestation de Monsieur Vilar da Silva (pièce 2 des époux [I]), aux termes de laquelle « le sous-sol était destiné à terme à devenir habitable » apparaît peu convaincante, d'une part parce qu'elle est rédigée par un entrepreneur ayant abandonné le chantier, qui n'est pas partie à la procédure et qui tente de faire porter la responsabilité intégrale de la situation à l'architecte, d'autre part parce qu'elle contient une contradiction, à savoir que les travaux d'étanchéité étaient bien prévus mais que l'entreprise Vilar da Silva aurait néanmoins pu ne poser qu'une imperméabilisation.

Il en est de même de la correspondance adressée par l'architecte à l'entreprise Vilar da Silva le 30 septembre 2004 qui évoque la finition des « étanchéités » dès lors que l'expert judiciaire précise clairement que dans le milieu de la construction il est courant de parler d'étanchéité pour une simple protection pour un enduit bitumeux.

Ainsi, Monsieur et Madame [I] échouent à démontrer qu'une étanchéité était bien initialement prévue, alors que les pièces du dossier, par ailleurs, révèlent l'inverse.

La décision de première instance sera par conséquent confirmée.

Sur les préjudices,

- les travaux de reprise

Les carrelages

Le tribunal a alloué à Monsieur et Madame [I] à ce titre la somme de 13 385,50 euros, qui résulte de la somme retenue par l'expert.

Monsieur et Madame [I], qui demandent une somme de 14 714,05 euros, ne font valoir aucun argument et ne produisent aucune pièce pouvant justifier un chiffrage au-delà de la somme retenue par le tribunal.

Dès lors, le jugement sera confirmé en ce qu'il a retenu la somme de 13 385,50 euros au titre des travaux de reprise des carrelages.

l'escalier

Le montant de 16 288,20 euros, proposé par l'expert judiciaire et retenu par le tribunal, ne fait l'objet d'aucune contestation en appel.

l'étanchéité de la dalle côté rue

Le tribunal, au vu du rapport d'expertise judiciaire, a retenu la somme de 11 102 euros.

Monsieur et Madame [I], qui demandent une somme de 12 220 euros, ne font valoir aucun argument et ne produisent aucune pièce pouvant justifier un chiffrage au-delà de la somme retenue par le tribunal, de même que les consorts [N] et la MAF n'apportent aucun élément probant de nature à revoir à la baisse la somme retenue.

Dès lors, le jugement sera confirmé en ce qu'il a retenu la somme de 11 102 euros au titre des travaux de reprise d'étanchéité de la dalle côté rue.

- Les préjudices et frais

Eu égard à la valeur locative de la villa telle que retenue par l'expert judiciaire (1 500 à 2 000 euros par mois), à l'ampleur des travaux à réaliser, et au fait qu'un déménagement n'est pas nécessaire lors de la réalisation des travaux de réfection, il sera alloué à Monsieur et Madame [I] la somme de 2 000 euros au titre du préjudice de jouissance, la décision de première instance étant ainsi infirmée sur le quantum de la somme allouée, et Monsieur et Madame [I] seront déboutés de leurs autres demandes, la décision de première instance étant sur ce point confirmée.

Sur les condamnations et garanties,

S'agissant de la condamnation prononcée au titre de la réfection de l'étanchéité de la dalle côté rue, elle sera prononcée in solidum entre Monsieur [G] [N] et son assureur la MAF ainsi que la SARL Di Michiel carrelages et la SA AXA compte tenu de la nature décennale des désordres et le jugement sera par conséquent confirmé sur ce point.

S'agissant de la condamnation au titre de la réfection du carrelage, les consorts [N] et la MAF seront exlus de la condamnation in solidum, compte tenu de la clause d'exclusion de solidarité figurant dans le contrat d'architecte, et le jugement sera par conséquent infirmé sur ce point.

Les consorts [N] seront condamnés solidairement avec l'assureur de Monsieur [G] [N], la MAF, qui ne conteste pas devoir sa garantie.

La SARL Di Michiel carrelage sera condamnée solidairement avec son assureur, la SA AXA, qui ne conteste pas devoir sa garantie. Il sera toutefois dit que la SA AXA pourra déduire la franchise contractuelle soit 1 354 euros de la condamnation au titre des préjudices immatériels.

Monsieur et Madame [I] étant déboutés de leurs demandes à l'égard de la SA MAAF assurances, ils seront condamnés à lui rembourser les sommes par elle versées en exécution de l'ordonnance de référé.

Par ailleurs, afin de tenir compte des sommes d'ores et déjà versées, les condamnations seront prononcées en deniers ou quittances.

Sur les demandes accessoires,

Eu égard à l'issue du litige, le jugement sera confirmé, sauf en ce qui concerne la condamnation de la SA MAAF assurances, les parties étant déboutées de leurs demandes à l'encontre de la SA MAAF assurances.

Par ailleurs, dans le cadre de l'instance d'appel, les consorts [N] et la MAF, la SARL Di Michiel carrelage et la SA AXA succombants, ils seront condamnés solidairement aux dépens et in solidum à payer à Monsieur et Madame [I] la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Déboute les consorts [N] et la MAF de leur demande tendant à voir dire l'appel non soutenu ;

Confirme le jugement entrepris en ce qui concerne la somme allouée au titre de la réfection du carrelage et en ce qu'il a :

- débouté Madame [W] [M] épouse [I] et Monsieur [S] [I] de leurs demandes au titre des infiltrations dans la cuisine et dans l'entrée, des infiltrations en sous-face de la terrasse en couverture du séjour, des infiltrations en sous-sol et au titre des frais de déménagement, des frais de garde meuble et du coût de l'alarme Smatphone,

- condamné in solidum Monsieur [G] [N] et son assureur la MAF ainsi que la SARL Di Michiel carrelages et la SA AXA à payer à Madame [W] [M] épouse [I] et Monsieur [S] [I] la somme de 11 102 euros au titre de l'étanchéité de la dalle côté rue et dit que la SA AXA devra garantir Monsieur [G] [N] et la MAF à concurrence de 80 % de cette somme,

- condamné Monsieur [N] et la MAF, la société Di Michiel carrelages et la SA AXA solidairement aux dépens et in solidum à verser à Madame [W] [M] épouse [I] et Monsieur [S] [I] la somme de 2 500 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile ;

L'infirme pour le surplus ;

Statuant des chefs infirmés,

Déboute les parties de leurs demandes à l'encontre de la SA MAAF assurances ;

Condamne Madame [W] [M] épouse [I] et Monsieur [S] [I] à rembourser à la SA MAAF assurances les sommes par elle versées en exécution de l'ordonnance rendue le 3 septembre 2015 par le juge des référés ;

Dit que la clause des conditions générales du contrat d'architecte relative à l'assurance responsabilité selon laquelle l'architecte ne peut être tenu que de ses fautes personnelles est réputée non écrite dans le cadre de la garantie légale des articles 1792 et suivants du code civil, mais qu'elle doit recevoir application dans les rapports contractuels entre l'architecte et les maîtres d'ouvrage ;

Condamne la SARL Di Michiel carrelage solidairement avec la SA AXA à payer à Madame [W] [M] épouse [I] et à Monsieur [S] [I] en deniers ou quittances la somme de 10 708,40 euros au titre de la réfection du carrelage (80 %) ;

Condamne Madame [B] [N] épouse [Y], Madame [P] [N] et Madame [E] [N], ayants droits de Monsieur [G] [N], solidairement avec la MAF à payer à Madame [W] [M] épouse [I] et à Monsieur [S] [I] en deniers ou quittances la somme de 2 677,10 euros au titre de la réfection du carrelage (20 %) ;

Condamne Madame [B] [N] épouse [Y], Madame [P] [N] et Madame [E] [N], ayants droits de Monsieur [G] [N], solidairement avec la MAF à payer à Madame [W] [M] épouse [I] et à Monsieur [S] [I] en deniers ou quittances la somme de 3 257,64 euros au titre de la réfection des escaliers (20 %) ;

Condamne in solidum Madame [B] [N] épouse [Y], Madame [P] [N] et Madame [E] [N], ayants droits de Monsieur [G] [N], solidairement avec la MAF ainsi que la SARL Di Michiel carrelages et la SA AXA à payer en deniers ou quittances à Madame [W] [M] épouse [I] et Monsieur [S] [I] la somme de 2 000 euros au titre du préjudice de jouissance durant la durée des travaux de réfection ;

Dit que la SA AXA pourra déduire la franchise contractuelle, soit 1 354 euros, de la condamnation au titre des préjudices immatériels ;

Condamne, s'agissant de la procédure d'appel, Madame [B] [N] épouse [Y], Madame [P] [N] et Madame [E] [N], ayants droits de Monsieur [G] [N] et la MAF, la société Di Michiel carrelages et la SA AXA, solidairement aux dépens et in solidum à verser à Madame [W] [M] épouse [I] et Monsieur [S] [I] la somme de 2 500 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.

La greffière, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 3e chambre civile
Numéro d'arrêt : 17/02732
Date de la décision : 09/02/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-02-09;17.02732 ?
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