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délivrées le
à
COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
2e chambre sociale
ARRET DU 08 FEVRIER 2023
Numéro d'inscription au répertoire général :
N° RG 20/02459 - N° Portalis DBVK-V-B7E-OTJW
Décision déférée à la Cour :
Jugement du 29 MAI 2020
CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE MONTPELLIER N° RG F 18/00963
APPELANTE :
Organisme UNION POUR LA GESTION DES ETABLISSEMENTS DES CAISS ES D'ASSURANCE MALADIE OCCITANIE
[Adresse 3]
[Localité 1]
Représentée par Me Frédéric RICHERT de la SELARL RICHERT FREDERIC, avocat au barreau de MONTPELLIER
INTIMEE :
Madame [O] [D]
[Adresse 4]
[Localité 2]
Représentée par Me BEYNET avocat pour Me Charles SALIES, avocat au barreau de MONTPELLIER
Ordonnance de clôture du 14 Novembre 2022
COMPOSITION DE LA COUR :
En application de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 05 DECEMBRE 2022, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l'article 804 du même code, devant la cour composée de :
M. Jean-Pierre MASIA, Président
Madame Caroline CHICLET, Conseiller
Mme Isabelle MARTINEZ, Conseillère
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : M. Philippe CLUZEL
ARRET :
- contradictoire
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
- signé par M. Jean-Pierre MASIA, Président, et par M. Philippe CLUZEL, Greffier.
*
* *
EXPOSE DU LITIGE :
[O] [D] a été engagée à compter du 27 septembre 1982 par la caisse régionale d'assurance maladie du Languedoc Roussillon, employant au moins onze salariés, en qualité de formatrice en comptabilité pour adultes handicapés dans le cadre d'un contrat de vacations à durée indéterminée et à temps partiel (mi-temps).
Elle a été titularisée dans son emploi à compter du 21 avril 1984 avec une reprise d'ancienneté au 21 octobre 1983.
Ce contrat a été transféré à l'union pour la gestion des établissements des caisses d'assurance maladie d'Occitane (ci-après l'Ugecam) à compter du 1er janvier 2000
A compter du 1er février 2018, [O] [D] a été placée en arrêt de travail pour maladie avec une hospitalisation du 12 au 27 février 2018.
Le 9 avril 2018, le médecin du travail l'a déclarée inapte définitivement à son poste par procédure d'urgence et de danger immédiat en excluant toute possibilité de reclassement et en précisant que tout maintien de la salariée dans un emploi au sein de l'entreprise serait gravement préjudiciable à sa santé.
Le 11 juin 2018, [O] [D] a été convoquée à un entretien préalable à son éventuel licenciement fixé au 25 juin 2018.
Elle a été licenciée pour inaptitude physique et impossibilité de reclassement par une lettre du 2 juillet 2018.
Le 21 septembre 2018, [O] [D] a saisi le conseil des prud'hommes de Montpellier pour voir reconnaître des agissements de harcèlement de la part de son employeur à l'origine de son inaptitude, voir annuler le licenciement et obtenir la réparation de ses préjudices ainsi que l'application de ses droits.
Par jugement du 29 mai 2020, ce conseil a :
- rejeté la demande de sursis à statuer de l'Ugecam Occitanie comme mal fondée;
- dit que [O] [D] a subi des agissements répétés de harcèlement moral ayant conduit à une dégradation de ses conditions de travail et l'altération de son état de santé ;
- condamné l'Ugecam Occitanie à payer à [O] [D] les sommes suivantes :
$gt; 10.000 € à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral,
$gt; 42.000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul,
$gt; 6.949,22 € bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,
$gt; 694,92 € bruts au titre des congés payés y afférents,
- ordonné l'exécution provisoire de droit ;
- condamné l'Ugecam à payer à [O] [D] la somme de 950 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- débouté l'Ugecam de sa demande au titre des frais irrépétibles ;
- condamné l'Ugecam Occitanie aux dépens.
Le 22 juin 2020, l'Ugecam Occitanie a relevé appel de tous les chefs du jugement.
Vu les conclusions n°2 de l'appelante remises au greffe le 3 novembre 2022 ;
Vu les conclusions de [O] [D], appelante à titre incident, remises au greffe le 13 novembre 2020 ;
Vu l'ordonnance de clôture en date du 14 novembre 2022 ;
MOTIFS :
Sur la demande au titre du harcèlement moral :
L'Ugecam conclut à l'infirmation du jugement en ce qu'il l'a déclarée responsable de faits de harcèlement moral commis au préjudice de [O] [D] et en ce qu'il l'a condamnée à payer à cette dernière la somme de 10.000 € à titre de dommages-intérêts de ce chef et demande à la cour de débouter la salariée de cette prétention.
[O] [D] conclut à la confirmation du jugement sur ce point.
L'article L. 1152-1 du code du travail énonce : 'Aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.'
Aux termes de l'article L. 1154-1 du même code : 'Lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié établit ('présente' depuis la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016) des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.'
Il résulte des dispositions des articles qui précèdent que, pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail. Dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Sous réserve d'exercer son office dans les conditions qui précèdent, le juge apprécie souverainement si le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et si l'employeur prouve que les agissements invoqués sont étrangers à tout harcèlement.
En l'espèce, [O] [D] invoque les faits suivants :
- absence d'évolution salariale par le refus de lui accorder des points de compétence depuis 2006 (1),
- refus de l'employeur de déclarer comme accident du travail la décompensation survenue au cours d'une réunion de travail sur les risques psycho-sociaux du 31 janvier 2018 reconnu pourtant comme accident du travail, après enquête, par la commission de recours amiable le 30 juillet 2019 (2),
- refus de lui accorder des congés (3),
- refus de lui accorder les formations sollicitées (4),
- reproches injustifiés, dénigrement (5),
- déplacement dans un bureau non isolé des stagiaires dont elle avait la charge et comportant une seule fenêtre de toit (6),
- diminution des outils de travail (suppression de l'abonnement au mémento Lefèbvre remplacé par la revue fiduciaire et imprimantes en réseaux et partagées) (7),
- surcharge de travail entre janvier et avril 2017 (8),
- passivité de l'employeur après une altercation avec une collègue de travail et malgré ses alertes et celles du CHSCT et du médecin du travail sur sa souffrance au travail (9),
- décompensation en janvier 2018 ayant nécessité son hospitalisation en psychiatrie et traitement médicamenteux (10).
La matérialité des faits (1), (2) et (6) n'est pas discutée par l'employeur lequel invoque des justifications, selon lui objectives et étrangères à tout harcèlement, qui seront examinées dans un second temps.
(3) [O] [D] n'ayant essuyé que 6 refus de congés de l'employeur sur les 54 demandes formées entre le 15 décembre 2016 et le 20 février 2018, dont trois refus pour la même demande présentée trois fois et un refus pour cause de doublon déjà accordé, ce qui correspond à 3 refus réels sur 54 demandes, le prétendu refus de congés de l'employeur n'est pas matériellement établi.
(4) Il résulte de la pièce 29 produite par l'employeur que, alors qu'il était fait droit à l'intégralité des demandes de formation sollicitées par [O] [D] entre 2004 et 2010, toutes ses demandes de formations lui ont été refusées à compter de 2011; ce fait est donc matériellement établi.
(5) Il ne résulte d'aucune des pièces produites par [O] [D] l'existence de reproches injustifiés ou de dénigrement de la part de l'employeur et ce fait n'est pas matériellement établi.
(7) S'agissant de la diminution alléguée des outils de travail, ni la décision de l'employeur de remplacer, pour l'ensemble des salariés, les imprimantes individuelles par des imprimantes en réseaux et partagées ou de substituer à l'abonnement au mémento Lefèbvre un abonnement à 'l'essentiel de la revue fiduciaire' ne caractérise une diminution des outils de travail et ce fait n'est matériellement pas établi.
(8) Il ressort du propre tableau d'activité de [O] [D] produit par l'employeur en pièce 54 que la salariée, qui travaillait à mi-temps (donc 17,5 heures hebdomadaires), a dû effectuer entre18h et 28h59 hebdomadaires entre janvier 2017 et avril 2017 à l'exception de la semaine 3 de janvier, la semaine 6 de février et la semaine 15 d'avril pour pourvoir au remplacement de sa collègue qui complétait son mi-temps jusqu'en décembre 2016. Ce fait est donc matériellement établi.
(9) Aucun témoin direct n'ayant assisté à l'altercation qui serait survenue entre [O] [D] et sa collègue (recrutée à durée déterminée en avril 2017 pour compléter son mi-temps) lors du départ de cette dernière de l'entreprise et les faits allégués par la salariée étant contestés tant par cette collègue que par la supérieure hiérarchique présente, ce fait n'est pas matériellement établi. Il n'est pas davantage établi une passivité de l'employeur lors de la première dénonciation de sa souffrance au travail en 2017 puisque la salariée a été orientée vers la médecine du travail par sa supérieure hiérarchique dès le mois de mai 2017 (RV Ametra du 19 mai 2017) et qu'une enquête interne a été mise en place après l'alerte de la salariée et des délégués du personnel de février/mars 2018.
(10) [O] [D] a été placée en arrêt de travail pour syndrome anxio-dépressif à compter du 1er février 2018. Elle a été hospitalisée dans un établissement privé de psychiatrie générale du 12 au 27 février 2018. Elle a été suivie pendant plusieurs mois par son médecin psychiatre avec prescription d'antidépresseurs et d'anxiolytiques lequel a décrit, dans un certificat médical du 5 février 2018, le sentiment de harcèlement moral professionnel ressenti par la patiente qui se plaignait de n'avoir plus de bureau, d'avoir été mise à l'écart et de subir des critiques sur son travail. C'est vainement que l'employeur cherche à nier la dégradation de l'état de santé de la salariée en invoquant de prétendues manipulations de sa part à l'égard tant du médecin psychiatre que du médecin du travail alors que ni l'un ni l'autre n'incrimine la salariée de ce chef dans leurs témoignages. Et si ces médecins, après la plainte de l'employeur auprès du Conseil de l'ordre, sont revenus sur certaines de leurs attestations dans lesquelles ils faisaient état de faits qu'ils n'avaient pas constaté par eux-mêmes, aucun d'entre eux n'a remis en cause le diagnostic médical de dépression sévère (pour le psychiatre) ou d'inaptitude définitive avec danger immédiat en cas de maintien dans l'emploi (pour le médecin du travail). La détérioration de l'état de santé de [O] [D] est donc matériellement établi.
Le refus de l'employeur d'accorder à [O] [D] des points de compétence susceptibles de faire évoluer son salaire depuis 2006, son refus de déclarer comme accident du travail la décompensation survenue au cours d'une réunion de travail sur les risques psycho-sociaux du 31 janvier 2018 et reconnue pourtant comme accident du travail, après enquête, par la commission de recours amiable le 30 juillet 2019, son refus de toutes les formations sollicitées par la salariée depuis 2011, le déplacement de [O] [D] en février 2017 dans un bureau non isolé des stagiaires dont elle avait la charge et comportant une seule fenêtre de toit, la surcharge de travail imposée à la salariée entre janvier et avril 2017 compte tenu de l'absence de recrutement d'une personne pouvant compléter son mi-temps et de l'absence de soutien de l'employeur et la détérioration importante de son état de santé à compter de janvier 2018 ayant conduit à une décompensation sur le lieu du travail et ayant nécessité son hospitalisation en psychiatrie entre le 12 et le 27 février 2018 avec un traitement médicamenteux lourd sont des faits qui, pris dans leur ensemble, font présumer l'existence d'un harcèlement moral de la part de l'employeur.
Il appartient par conséquent à ce dernier de démontrer que les agissements invoqués sont étrangers à tout harcèlement.
S'agissant des points de compétence, l'Ugecam soutient qu'aucun accroissement des compétences professionnelles n'a été constaté chez [O] [D] depuis 2006 puisque celle-ci n'atteignait pas ses objectifs en 2016 et 2017, qu'elle faisait usage d'un franc-parler pointé dans son évaluation, qu'elle ne s'entendait pas avec sa collègue recrutée ponctuellement pour compléter son mi-temps en avril 2017 et qu'elle pouvait tenir des propos désobligeants à l'égard de certains stagiaires.
L'Ugecam ne produit pas le référentiel de compétences, prévu à l'article 4.2 de l'accord du 30 novembre 2004 relatif au dispositif de rémunération et à la classification des emplois, alors qu'il résulte de ces stipulations, dont l'appelante ne discute pas qu'il était applicable, que 'L'identification de l'accroissement de compétences passe obligatoirement par l'élaboration de référentiels de compétences, dans les conditions définies à l'article 8 du présent texte.
Dans ce cadre, les compétences doivent être appréciées sur la base de faits précis, objectifs, observables et mesurables.
L'évaluation de la compétence est formalisée à l'occasion de l'entretien annuel, tel que prévu à l'article 7".
L'article 8 de cet accord précisant que: 'L'élaboration des référentiels de compétences a pour finalité de distinguer les compétences nécessairement requises pour exercer l'ensemble des activités de l'emploi considéré dans des conditions normales d'activité, de l'accroissement de celles-ci, rémunéré par des points de compétence.
Les principes d'élaboration et d'utilisation des référentiels d'emplois et de compétences, ainsi que les référentiels eux-mêmes sont communiqués pour information au comité social et économique.
Une information précise et préalable des salariés sur l'accroissement des compétences attendues dans chacun des emplois est organisée par la direction de l'organisme.'
Outre que le refus d'attribution des points de compétence ne peut être justifié objectivement par l'employeur en l'absence d'élaboration du référentiel précité, la cour relève que les évaluations de [O] [D] de 2015 et 2017 (pièces 8-1 et 25 de l'appelante) ne recensent aucun point à améliorer, l'employeur ayant considéré que les compétences de la salariée étaient optimales (points forts) en matière d'organisation, d'autonomie, d'initiatives, de gestion de ses émotions et de communication, peu important que les objectifs assignés à la salariée n'aient pas tous été atteints, qu'elle ait eu son 'franc-parler' ou qu'elle ait eu des échanges difficiles avec la personne recrutée temporairement pour compléter son mi-temps et ce, d'autant que les attestations des collègues de [O] [D] produites aux débats décrivent une excellente ambiance dans leur équipe de formatrices depuis 10 ans.
Ainsi, l'employeur ne justifie pas que son refus persistant de voir attribuer des points de compétence à [O] [D], dont les évaluations professionnelles étaient excellentes en 2015 et 2017, était étranger à tout harcèlement.
L'employeur ne justifie pas davantage de son refus de déclarer comme accident du travail la décompensation de [O] [D] constatée par plusieurs membres du personnel lors de la réunion sur les risques psycho-sociaux du 31 janvier 2018 lors de laquelle elle a, de manière visiblement perturbée, monopolisé la parole en ramenant tout à sa situation personnelle après 's'être reconnue' dans la description de la victime de harcèlement moral faite par l'intervenant. La commission de recours amiable, après enquête, a d'ailleurs reconnu l'origine professionnelle de cette décompensation.
L'opposition systématique aux formations sollicitées par la salariée depuis 2011 n'est pas justifiée ; le fait que l'employeur l'ait invitée à suivre une formation sur 'les écrits dans les établissement médico-sociaux' en 2014 et sur 'les représentations du handicap' en 2015 n'expliquent pas ses refus opposés aux formations demandées par la salariée elle-même et ce, d'autant que l'employeur avait accédé à toutes les demandes de formation de la salariée entre 2004 et 2010. Compte tenu de ses refus systématiques opposés entre 2011 et 2014, l'employeur est mal venu de s'étonner que [O] [D] n'ait plus sollicité de formation à compter de 2015.
S'agissant du changement de bureau, l'employeur explique que celui-ci est intervenu dans le cadre du déplacement du plateau technique des stagiaires, effectué entre février et décembre 2017 pour permettre la réalisation de travaux dans cette aile du bâtiment et soutient que [O] [D] avait été informée qu'elle pouvait conserver l'usage de son bureau habituel durant cette période (situé à 35 mètres des locaux où les stagiaires avaient été déplacés).
L'extrait du rapport de l'expert [N] de janvier 2017 communiqué à la cour (pièce 27 de l'appelante) décrit une structure porteuse du bâtiment formation en bon état général et impute le phénomène de corrosion affectant l'enveloppe extérieure du bâtiment (induisant des éclatements de matière en surface et des fissurations) à des phénomènes corrosifs endogènes (chlorure dans les bétons) et à l'absence de dilatation entre les points de liaison des panneaux d'enveloppe et les poteaux porteurs.
Si l'expert préconisait la pose de quatre étais à l'intérieur de chaque file de structure du bâtiment formation afin de réaliser un transfert de charges pendant la durée des travaux de reprise extérieurs, il n'évoquait nullement, dans cet extrait du rapport, la nécessité de travaux à réaliser à l'intérieur du bâtiment.
En outre, en dehors de l'attestation de [H] [E], supérieure hiérarchique mise en cause par [O] [D] dans les agissements de harcèlement moral, l'employeur ne produit aucune note interne, aucun courriel circulaire, aucun avis annonçant le déménagement du plateau technique des stagiaires dont [O] [D] avait la charge dans un autre local et informant la salariée de ce que son bureau habituel restait à sa disposition pendant la durée des travaux ce que [O] [D] conteste formellement.
Et si la présidente, lors de la réunion du CHSCT du 27 septembre 2017, a informé l'assemblée que 'l'intéressée (allait) retrouver son bureau initial', c'est bien parce que cette dernière avait été invitée à déménager, contrairement aux affirmations de l'employeur.
Ainsi, faute pour l'employeur de produire à la cour des éléments objectifs démontrant que le déplacement du plateau technique des stagiaires et de [O] [D] répondait à une nécessité impérieuse et que la salariée avait été informée de la possibilité de conserver l'usage de son bureau habituel durant la période de déplacement, celui-ci échoue à justifier que ce déménagement était étranger à tout harcèlement.
S'agissant de la surcharge de travail entre janvier et avril 2017, l'employeur indique qu'il n'a aucune responsabilité dans le non renouvellement du contrat de la salariée qui complétait le mi-temps de [O] [D] jusqu'en décembre 2016, qu'il a tout fait pour recruter au plus vite un remplaçant (recrutement effectif à compter du 14 avril 2017) en faisant même intervenir un prestataire extérieur à quatre reprises en mars et avril 2017 et que les horaires accomplis par la salariée démontrent à eux seuls l'absence de tout surmenage.
L'employeur qui soutient être étranger au non renouvellement du contrat de la salariée qui complétait le mi-temps de [O] [D] jusqu'en décembre 2016 ne produit à la cour aucune pièce justificative sur ce point. La cour observe, en outre, qu'il a attendu le 10 janvier 2017 pour diffuser l'annonce de recrutement du remplaçant en sachant que [O] [D] devrait assumer seule la formation des stagiaires dans l'attente de l'embauche laquelle n'est intervenue que le 14 avril 2017 et qu'il ne lui a proposé un soutien qu'à 4 reprises entre mars (17 et 28 mars) et avril (4 et 7 avril) 2017 ce qui a contraint la salariée, à mi-temps, à effectuer entre 1 et 11 heures complémentaires durant la plupart des semaines de la période. Ainsi, l'employeur échoue à démontrer que le recrutement non anticipé de la remplaçante et la quasi absence d'aide apportée à la salariée durant cette période seraient étrangers à tout harcèlement.
Le harcèlement moral est donc caractérisé.
Compte tenu du retentissement que les agissements répétés de l'employeur ont eu sur les conditions de travail et l'état de santé de la salariée, l'Ugecam sera condamnée à payer à [O] [D] la somme de 10.000 € à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice et le jugement sera confirmé sur le quantum.
Sur la demande de nullité du licenciement :
L'appelante conclut à l'infirmation du jugement en ce qu'il a dit nul le licenciement pour inaptitude et en ce qu'il l'a condamnée à payer diverses sommes à la salariée et demande à la cour de débouter cette dernière de toutes ses prétentions et, subsidiairement, de revoir à la baisse le montant des dommages-intérêts sollicités.
[O] [D] conclut à la confirmation du jugement sauf en ce qu'il a limité le montant des dommages-intérêts pour licenciement nul à la somme de 42.000 € et, formant appel incident sur ce point, demande à la cour de lui allouer la somme de 90.000 € de ce chef.
Les agissements répétés de harcèlement moral qui sont survenus, pour la plupart, au cours de la dernière année de travail (déplacement non justifié dans un bureau non isolé et pourvu d'une seule fenêtre de toit entre février 2017 et octobre 2017, surcharge de travail entre janvier et avril 2017, refus d'attribution des points de compétence non justifié par des considérations objectives et malgré les évaluations excellentes de 2015 et 2017, refus de déclarer l'accident du travail du 31 janvier 2018) ont débouché sur la décompensation psychiatrique du 31 janvier 2018 ayant donné lieu à l'arrêt de travail du 1er février 2018, fondé sur un état anxio-dépressif constaté médicalement et reconnu comme accident du travail par la commission de recours amiable après enquête.
L'état de santé de [O] [D] a justifié son hospitalisation dans un établissement privé de psychiatrie générale (clinique de [5]) du 12 au 27 février 2018 ainsi qu'un suivi psychiatrique avec un traitement médicamenteux lourd.
Elle n'a jamais repris son activité jusqu'à la déclaration d'inaptitude définitive en procédure d'urgence et avec danger immédiat du 9 avril 2018 qui n'a jamais été remise en cause par le médecin du travail.
La chronologie de ces événements suffit à démontrer que les agissements répétés de harcèlement moral subis par [O] [D] de la part de son employeur sont, au moins en partie, à l'origine de son inaptitude.
Le licenciement pour inaptitude du 2 juillet 2018 est donc nul, ainsi que l'a justement décidé le conseil des prud'hommes, dont le jugement sera confirmé sur ce point.
[O] [D], qui avait 35 ans d'ancienneté et qui avait repris à temps plein depuis le 1er janvier 2018, a droit à la somme de 6.949,22 € bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis outre celle de 694,92 € bruts au titre des congés payés y afférents et le jugement sera confirmé de ces chefs.
S'agissant du préjudice résultant de la perte de l'emploi, compte tenu des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée (3.474,61 € à temps plein), de l'âge de l'intéressée (59 ans), de son ancienneté dans l'entreprise (35 ans) et de l'absence d'information sur sa situation professionnelle actuelle, l'Ugecam sera condamnée à lui verser la somme de 25.000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul et le jugement sera infirmé sur le quantum.
Sur les autres demandes :
Les créances de nature salariale produisent des intérêts au taux légal à compter du jour où l'employeur a eu connaissance de la demande (soit à compter de la date de réception de sa convocation devant le bureau de conciliation), et les sommes à caractère indemnitaire à compter du jugement.
L'Ugecam qui succombe, sera condamnée aux dépens de l'appel et à payer à [O] [D] la somme de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour ses frais exposés en cause d'appel.
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant publiquement ;
Confirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a condamné l'Ugecam à payer à [O] [D] la somme de 42.000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul ;
Statuant à nouveau sur ce seul chef infirmé, le complétant et y ajoutant ;
Dit que les agissements répétés de harcèlement moral de l'employeur sont à l'origine, au moins en partie, de l'inaptitude de [O] [D] constatée médicalement le 9 avril 2018 ;
Dit par conséquent que le licenciement pour inaptitude prononcé le 2 juillet 2018 est nul ;
Condamne l'Ugecam à payer à [O] [D] la somme de 25.000€ à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul ;
Dit que les sommes à caractère salarial porteront intérêts au taux légal à compter du jour où l'employeur a eu connaissance de leur demande, et les sommes à caractère indemnitaire à compter du jugement ;
Condamne l'Ugecam aux dépens d'appel et à payer à [O] [D] la somme de 2.000 € en vertu de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT