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07/02/2023 | FRANCE | N°20/03568

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 5e chambre civile, 07 février 2023, 20/03568


Grosse + copie

délivrées le

à































COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



5e chambre civile



ARRET DU 07 FEVRIER 2023



Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 20/03568 - N° Portalis DBVK-V-B7E-OVKI





Décision déférée à la Cour : Jugement du 31 JUILLET 2020

Tribunal Judiciaire de BEZIERS

N° RG 16/00450





APPELANTE :



Madame [

A] [N]

née le [Date naissance 1] 1978 à [Localité 12]

[Adresse 10]

[Localité 7]

Représentée par Me Josy- Jean BOUSQUET, avocat au barreau de BEZIERS, avocat postulant

assistée de Me Yann GARRIGUE, avocat au barreau de MONTPELLIER substituant Me Josy- Jean BOUSQUET, a...

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

5e chambre civile

ARRET DU 07 FEVRIER 2023

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 20/03568 - N° Portalis DBVK-V-B7E-OVKI

Décision déférée à la Cour : Jugement du 31 JUILLET 2020

Tribunal Judiciaire de BEZIERS

N° RG 16/00450

APPELANTE :

Madame [A] [N]

née le [Date naissance 1] 1978 à [Localité 12]

[Adresse 10]

[Localité 7]

Représentée par Me Josy- Jean BOUSQUET, avocat au barreau de BEZIERS, avocat postulant

assistée de Me Yann GARRIGUE, avocat au barreau de MONTPELLIER substituant Me Josy- Jean BOUSQUET, avocat au barreau de BEZIERS, avocat plaidant

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle numéro 2020/11233 du 14/10/2020 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de MONTPELLIER)

INTIMES :

Monsieur le Docteur [P] [T]

né le [Date naissance 2] 1965 à [Localité 15] (BELGIQUE)

[Adresse 13]

[Adresse 13]

[Localité 7]

Représenté par Me Arnaud LAURENT de la SCP SVA, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant

assisté de Me Fanny JOUSSARD, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat plaidant

Monsieur [S] [B]

[Adresse 16]

[Adresse 16]

[Localité 8]

Représenté par Me Michèle TISSEYRE de la SCP TISSEYRE AVOCATS, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant

assisté de Me Julie SODE, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant

CPAM DE L'HERAULT

[Adresse 3]

[Localité 6]

Assignée le 12 octobre 2020 - A personne habilitée

S.A. AXA FRANCE IARD

[Adresse 4]

[Localité 5]

Représentée par Me Thierry BERGER, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant

assistée de Me Fleur GABORIT, avocat au barreau de MONTPELLIER, substituant Me Thierry BERGER, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat plaidant

OFFICE NATIONAL D'INDEMNISATION DES ACCIDENTS MEDI CAUX - ONIAM pris en la personne de son représentant légal en exercice

[Adresse 9]

[Adresse 9]

[Localité 11]

Représentée par Me Jean-Michel CHARBIT de la SCP JURI-OC, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant non plaidant

Ordonnance de clôture du 23 Novembre 2022

COMPOSITION DE LA COUR :

En application de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 14 DECEMBRE 2022, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l'article 804 du même code, devant la cour composée de :

Monsieur Philippe GAILLARD, Président de chambre

Madame Nathalie AZOUARD, Conseiller

M. Emmanuel GARCIA, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Sylvie SABATON

ARRET :

- réputé contradictoire

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par Monsieur Philippe GAILLARD, Président de chambre, et par Madame Sylvie SABATON, greffier.

*

* *

EXPOSE DU LITIGE

Le 3 février 2002, le docteur [P] [T], gynécologue-obstétricien, a accouché [A] [N] au sein de la clinique [14], après une anesthésie péridurale réalisée par le docteur [S] [B], anesthésiste-réanimateur.

Dans les suites de l'accouchement, [A] [N] a constaté une gêne motrice à la jambe droite, accompagnée de douleurs.

Le 5 février 2002, après avoir fait un malaise dans la douche, [A] [N] a indiqué au personnel soignant qu'elle ne sentait pas sa jambe droite. Consécutivement à une première consultation par l'anesthésiste de garde, le docteur [S] [B] l'a examinée et lui a prescrit des séances de kinésithérapie et des injections de vitamine B.

Le 5 mars 2002, un électromyogramme a révélé une atteinte neurogène périphérique assez marquée dans les territoires L5 et S1 droits.

Par suite, [A] [N] a connu trois grossesses pour lesquelles elle a accouché au sein de la clinique [14], après une anesthésie péridurale pour chacune d'elles.

Au motif de la persistance de signes cliniques atypiques au niveau du membre inférieur droit et plusieurs plusieurs examens (scanners, IRM médullaire et cérébrale, électromyogramme), un certificat établi le 12 mars 2012 par le docteur [R] [Y], neurologue, indiquait : « Il persiste une séquelle dans ce territoire distal du SPE droit avec une gêne à la marche. Le dernier électromyogramme du 17 juin indiquait des tracés de détection non interprétables, des vitesses de conduction normales sur les SPI, SPE, le crural droit et sur les nerfs sensitif de la jambe droite », et un certificat établi 30 janvier 2013 par le docteur [O] [M], rhumatologue, indiquait : « L'examen montre la persistance d'un déficit dans un territoire distal L5 (pédieux et péronier latéraux) ».

Par acte d'huissier du 1er juillet 2011, [A] [N] a assigné en référé la clinique Champeau et l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux (l'ONIAM) devant le tribunal de grande instance de Béziers, aux fins de voir ordonner une expertise médicale.

Par ordonnance du 9 août 2011, le juge des référés a fait droit et a désigné le docteur [R] [F], neurologue, en qualité d'expert pour y procéder, lequel a déposé un premier rapport définitif le 4 novembre 2011.

Par acte d'huissier du 19 septembre 2012, [A] [N] a assigné en référé le docteur [S] [B], le docteur [P] [T], la clinique Champeau et l'ONIAM devant le tribunal de grande instance de Béziers, aux fins de voir ordonner une nouvelle expertise médicale.

Par ordonnance du 26 octobre 2012, le juge des référés a fait droit et a désigné à nouveau le docteur [R] [F] pour y procéder, lequel a déposé un second rapport définitif le 5 août 2014.

Par acte d'huissier du 7 décembre 2015, [A] [N] a assigné le docteur [S] [B], le docteur [P] [T], la compagnie d'assurance Axa France, la clinique Champeau et l'ONIAM devant le tribunal de grande instance de Béziers, aux fins d'indemnisation de son préjudice corporel résultant de son accouchement du 3 février 2002.

Par acte d'huissier du 19 février 2018, [A] [N] a assigné la CPAM de l'Hérault.

Par ordonnance du 7 juin 2018, les deux procédures ont été jointes.

Le jugement rendu le 31 juillet 2020 par le tribunal judiciaire de Béziers énonce dans son dispositif :

Constate la mise en cause de la CPAM de l'Hérault et déclare recevable la demande d'indemnisation du préjudice corporel présentée par [A] [N] ;

Entérine les rapports d'expertise médicale judiciaire de [A] [N] réalisés par le docteur [R] [F] et déposés les 4 novembre 2011 et 30 avril 2013 ;

Met la compagnie d'assurances Axa France hors de cause ;

Déboute [A] [N] de l'intégralité de ses demandes. tant à l'encontre des docteurs [S] [B] et [P] [T], qu'à l'encontre de l'ONIAM ;

Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne [A] [N] aux entiers dépens de l'instance.

Sur l'existence d'une faute médicale, le tribunal, après avoir rappelé que la responsabilité d'un médecin ou d'un établissement de santé ne pouvait être recherchée qu'après que soit rapportée la triple preuve d'une faute susceptible de lui être reprochée, d'un préjudice certain et d'un lien de causalité entre ladite faute et ledit préjudice, que la preuve de cette faute incombait au demandeur, qu'elle devait être distincte de celle du dommage et qu'elle ne saurait en aucun cas se déduire de l'anormalité ou de la gravité du préjudice, a relevé des rapports d'expertise judiciaire que :

« Madame [N] a donc accouché en 2002 avec découverte secondaire d'une atteinte neurogène périphérique dans le territoire sciatique poplité externe, dans les semaines qui suivent, vraisemblablement due à une compression positionnelle sur la table d'accouchement

Elle avait été auparavant prévenue des modalités et des risques comme en témoigne la signature de la note d'information en date du 24 janvier 2002. Elle est d'ailleurs revenue par la suite pour plusieurs accouchements dans la même clinique et par les mêmes techniques. (')

L'ensemble de ces éléments orientent vers une participation corticale due à une conversion anxieuse comme le note d'ai1leurs le Docteur [X] dans ses courriers du 2 février et 21 septembre 2011 et les troubles actuels sont sans relation réelle et certaine avec l'accouchement qui s'est déroulé dans les règles de l'art tant sur le plan gynécologique qu'anesthésique. ».

Et l'expert de conclure que :

« Les soins nécessaires ont été mis en 'uvre et la patiente a été informée des risques préalablement sur un formulaire signé par elle le 24 janvier 2002. (')

Les actes et traitements médicaux pratiqués par les Docteurs [P] [T] et [S] [B], chacun en ce qui les concerne, ont eu le résultat escompté. (...)

Les soins et actes médicaux pratiqués par les Docteurs [P] [T] et [S] [B] ont été attentifs, diligents et conformes aux données acquises de la science médicale. ».

Sur l'aléa thérapeutique, le tribunal a relevé des rapports de l'expert que celui-ci indiquait que :

« Le seul aléa est une atteinte transitoire vraisemblablement positionnelle du SPE régressive et sans relation directe et certaine avec les actes des Docteurs [T] et [B]. ».

En réponse à [A] [N], qui retirait des termes de l'expertise qu'une faute médicale avait été commise en ce qu'elle avait été mal positionnée sur la table d'opération pendant son accouchement, de sorte qu'un nerf aurait été comprimé, ce qui aurait causé les préjudices ultérieurs subis, les premiers juges ont opposé le fait qu'elle ne rapportait nullement la preuve de la faute d'un professionnel qui ne résultait pas des termes de l'expertise, qui validait expressément l'ensemble de la prise en charge dont elle avait fait l'objet.

Le tribunal a, en conclusion, retenu qu'aucune faute n'était démontrée à l'encontre des docteurs [S] [B] et [P] [T], et, plus encore, qu'aucun lien de causalité direct et certain entre la faute alléguée et les préjudices de [A] [N] n'était rapporté.

[A] [N] a en conséquence été déboutée de 1'intégra1ité des demandes présentées à 1'encontre des docteurs [S] [B] et [P] [T].

En considération de ce que dans ses écritures récapitulatives, [A] [N] ne formulait aucune demande à l'encontre de son établissement de soins, la clinique Champeau, ni à l'encontre de l'assureur de ce dernier, la compagnie Axa France qui, pourtant, avait été assignée, le tribunal a mis cette dernière hors de cause.

La compagnie assurance AXA sera donc mise hors de cause.

Sur la prise en charge de l'ONIAM, après avoir rappelé qu'un patient pouvait prétendre à l'indemnisation d'un accident médical au titre de la solidarité nationale, sous quatre conditions cumulatives, savoir s'il avait été victime d'un accident médical non fautif, si l'accident médical était directement imputable à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins, si l'accident médical avait eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci et si cet accident médical avait occasionné des séquelles d'une certaine gravité, le tribunal a dit qu'il appartenait au demandeur de rapporter la preuve d'un lien de causalité direct et certain entre un événement indésirable, non fautif, survenu lors d'un acte de soin et le préjudice.

Au cas d'espèce, en réponse à [A] [N] qui prétendait avoir été victime d'un « aléa thérapeutique » ouvrant droit à réparation par la solidarité nationale, le tribunal a souligné le fait que cette affirmation ne faisait l'objet d'aucune motivation en droit et en fait, qu'elle ne précisait pas quelle était la nature de son accident médical et ne démontrait pas en quoi les conditions d'indemnisation au titre de la solidarité nationale auraient été réunies, pour mettre hors de cause l'ONIAM.

[A] [N] a relevé appel du jugement par déclaration au greffe du 25 août 2020.

La clôture de la procédure a été prononcée par ordonnance du 23 novembre 2022.

Les dernières écritures pour [A] [N] ont été déposées le 13 octobre 2022.

Les dernières écritures pour le docteur [P] [T] ont été déposées le 30 octobre 2020.

Les dernières écritures pour le docteur [S] [B] ont été déposées le 18 janvier 2021.

Les dernières écritures pour Axa France ont été déposées le 5 janvier 2021.

Les dernières écritures pour l'ONIAM ont été déposées le 21 janvier 2021.

La CPAM de l'Hérault, signifiée à personne, n'a pas constitué avocat.

Le présent arrêt sera réputé contradictoire.

Le dispositif des écritures pour [A] [N] énonce :

Réformer le jugement du tribunal judiciaire de Béziers en date du 31 juillet 2020, en ce que [A] [N] a été déboutée de ses demandes ;

Dire et juger que les docteurs [T] et [B] ont commis des fautes médicales lors de l'accouchement de [A] [N], le 3 février 2002 ;

Les déclarer solidairement responsables des préjudices subis par celle-ci ;

Les condamner solidairement au paiement de la somme de 160 000 euros en réparation de l'ensemble de ses préjudices, à savoir le déficit fonctionnel permanent, la perte de chance, les souffrances endurées permanentes, le préjudice esthétique permanent et le préjudice d'agrément et désigner un nouvel expert afin qu'il procède à l'examen de [A] [N] et estime l'ensemble de ses préjudices par poste ;

Subsidiairement et dans l'hypothèse où la cour pourrait considérer qu'i1 convient d'attendre un rapport d'expertise mettant en évidence les différents postes de préjudice soufferts par la concluante,

Allouer à [A] [N], à titre provisionnel à valoir sur la réparation de l'intégralité de ses préjudices la somme de 30 000 euros et désigner tel expert qui plaira à la cour pour procéder à l'expertise médicale de l'appelante ;

Condamner solidairement les docteurs [T] et [B] à payer à [A] [N] la somme de 2 500 euros sur le fondement l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens, en ce compris les frais d'expertise ;

A titre subsidiaire et pour le cas ou aucune faute ou manquement ne seraient être reprochés au docteurs [T] et [B],

Juger que [A] [N] a subi les conséquences d'un aléa thérapeutique dont la charge incombe à l'ONIAM ;

Condamne en conséquence l'ONIAM à réparer les préjudices de [A] [N] à hauteur de 160 000 euros ;

Et si la cour l'estime nécessaire,

Désigner tel expert qui plaira à la cour aux fins de déterminer chaque poste de préjudices soufferts par l'appelante ;

Condamner l'ONIAM au paiement de la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Au soutient et pour l'essentiel, [A] [N] considère les deux rapports de l'expert judiciaire comme étant discutables au motif qu'ils ne comportent aucun développement sur le problème de compression positionnelle qui a entraîné les séquelles dont elle souffre toujours, alors qu'il appartient aux médecins présents en salle d'accouchement de vérifier que la patiente est installée dans une position adaptée, ne créant ni gêne ni douleur, ni séquelle à venir, ce que la Cour de cassation a pu rappeler dans plusieurs arrêts.

[A] [N] entend souligner que les docteurs [S] [B] et [P] [T] étaient bien présents au moment de l'accouchement et n'ont manifestement pas procédé à la vérification élémentaire de savoir si elle subissait pas une compression positionnelle compte tenu de la position dans laquelle elle se trouvait pour accoucher.

Elle ajoute que les rapports ne font aucun développement sur la quantité d'analgésique utilisés alors qu'il lui appartenait de détailler les conséquences raisonnablement envisageables de l'utilisation de ces produits dans des concentrations et à des quantités qui n'étaient pas les quantités habituelles, comme cela a été relevé lors des débats dans le cadre des expertises.

[A] [N] entend également souligner qu'avant cet accouchement, elle ne présentait aucun problème de sciatique poplité externe.

[A] [N] s'estime enfin fondée à demander l'indemnisation de ses préjudices par l'ONIAM au motif qu'elle a bien été victime d'un accident médical qui répond aux conditions de l'article L. 1142-1, II du code de la santé publique.

Elle demande en conséquence indemnisation de ses préjudices.

Le dispositif des écritures pour le docteur [P] [T] énonce, en ses seules prétentions :

A titre principal,

Déclarer irrecevables les conclusions d'appel de [A] [N] ;

En conséquence,

Confirmer le jugement rendu le 31 juillet 2020 par le tribunal judiciaire de Béziers ;

A titre subsidiaire,

Débouter [A] [N] de l'intégralité des demandes qu'elle formule à l'encontre du docteur [P] [T] ;

En toute hypothèse,

Infirmer le jugement dont appel en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

En conséquence,

Condamner [A] [N] à verser au docteur [P] [T] la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en première instance et à la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en appel, outre les entiers dépens de la première instance et d'appel.

Sur la recevabilité des demandes de [A] [N] et au visa de l'article 954 du code de procédure civile, le docteur [P] [T] estime qu'elle se contente de solliciter dans son dispositif la réformation du jugement du tribunal judiciaire de Béziers du 31 juillet 2020, sans qu'aucun aucun moyen relatif à cette demande ne soit discuté dans le corps de ses conclusions, de sorte que ces conclusions doivent être déclarées irrecevables et le jugement dont appel confirmé.

Sur les expertises judiciaires, le docteur [P] [T] estime que l'expert, qui a poursuivi ses opérations au contradictoire des parties, a rendu des rapports, clairs et complets, rejetant toute faute qui pourrait lui être imputée, celui-ci ayant pu indiquer que « les troubles actuels sont sans relation réelle et certaine avec l'accouchement qui s'est déroulé dans les règles de l'art tant sur le plan gynécologique qu'anesthésique », et préciser que « la rachianasthésie peut entraîner un déficit qui régresse totalement après métabolisation des produits injectés qui l'ont été dans des doses et de manière adéquate ».

Sur le positionnement qui aurait été délétère, le docteur [P] [T] reprend notamment les dires de l'expert qui a pu indiquer que « le seul aléa est une atteinte transitoire vraisemblablement positionnelle du SPE régressive et sans relation directe unique et certaine avec les actes des docteurs [T] et [B] ».

Le dispositif des écritures pour le docteur [S] [B] énonce :

Confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Béziers en date du 31 juillet 2020 en ce qu'i1 a mis hors de cause le docteur [S] [B] et débouté [A] [N] de 1'ensemb1e de ses demandes ;

Condamner [A] [N] ou tout autre succombant à verser au docteur [S] [B] la somme de 4 000 euros au titre des disposition de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamner [A] [N] ou tout autre succombant aux entiers dépens.

Le docteur [S] [B] rappelle que sa responsabilité ne peut être engagée qu'à la condition qu'il soit démontré qu'il a commis une faute en lien de causalité direct et certain avec la complication neurologique de [A] [N], ce qui n'est pas le cas, au motif principal que la preuve de cette faute incombe au demandeur et doit être distincte de celle du dommage, qu'elle ne saurait en aucun cas se déduire de l'anormalité ou de la gravité du préjudice.

Il rappelle également que les deux rapports d'expertise judiciaire excluent une quelconque faute dans la prise en charge anesthésique, que cette absence de manquement a été confirmée par le jugement entrepris et que [A] [N] n'apporte aucune critique utile des motifs retenus par les premiers juges.

Le dispositif des écritures pour Axa France énonce :

Confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Béziers du 31 juillet 2020, en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

Condamner [A] [N] à verser à Axa France la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.

Axa France entend rappeler qu'elle a été assignée par [A] [N] devant le tribunal de grande instance de Béziers en qualité d'assureur de la clinique Champeau, qui, quant à elle, n'a pas été assignée personnellement, et que dans ses écritures de première instance et d'appel, elle ne formule aucune demande tant à son encontre qu'à l'encontre de la clinique, qu'ainsi, elle est irrecevable.

Sur le fond, elle demande la confirmation du jugement dont appel, pour les motifs pris par les premiers juges.

Le dispositif des écritures pour l'ONIAM énonce, en ses seules prétentions :

Confirmer le jugement déféré en ce qu'il a mis l'ONIAM hors de cause ;

Débouter [A] [N] de ses prétentions ;

Condamner [A] [N] aux entiers dépens, dont distraction au profit de maître Jean-Michel Charbit, avocat au barreau de Montpellier, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Pour l'essentiel, l'ONIAM demande également la confirmation du jugement dont appel, pour les motifs pris par les premiers juges.

MOTIFS

1. Sur les expertises médicales et la demande d'une nouvelle expertise

L'expertise judiciaire est soumise au principe de la contradiction, aussi bien pendant son déroulement qu'au stade de la discussion de ses résultats, ceci afin que chaque partie soit en capacité, non seulement de faire connaître les éléments qui sont nécessaires au succès de ses prétentions mais aussi de prendre connaissance et de discuter toute pièce ou observation présentée au juge du fond en vue d'influencer sa décision, étant rappelé que celui-ci apprécie souverainement l'objectivité du rapport de l'expert, ainsi que sa valeur probante et sa portée.

En l'espèce, il n'est pas contesté que le docteur [R] [F], désigné en sa qualité d'expert judiciaire, a bien respecté le principe de la contradiction mais [A] [N] discute toutefois ses deux rapports et sollicite une nouvelle expertise au motif qu'il aurait omis de se prononcer sur une éventuelle compression positionnelle sur la table d'accouchement et sur un éventuel surdosage des produits analgésiques utilisés.

Or, la cour relève des deux rapports et notamment du second en date du 30 avril 2013, s'agissant de l'utilisation des produits analgésiques, que le dosage a bien été en débat au cours des opérations d'expertise et que l'expert a conclu en page 16 que les produits avaient été injectés dans des doses et de manière adéquate ; s'agissant de la position sur la table d'accouchement, qu'elle avait été également en débat et que si l'expert, en page 18 de ce même rapport, a pu relever que le seul aléa thérapeutique consistait une « atteinte transitoire vraisemblablement positionnelle du SPE », c'est-à-dire qui restait à démontrer, il a ajouté qu'elle était « régressive et sans relation directe et unique et certaine avec les actes des Docteurs [T] et [B] », ajoutant au surplus qu'« il est noté une chondropathie importante du genou droit, une chute en 2011 avec lésion du genou, des antécédents de lombalgie, qui peuvent interférer avec les plaintes actuelles. ».

Il en résulte qu'il n'y a pas lieu d'ordonner une nouvelle expertise et qu'il appartient en l'espèce à [A] [N], en l'état de ses écritures et des pièces versées au débat, de faire la démonstration de la responsabilité des docteurs [S] [B] et [P] [T].

2. Sur la responsabilité des docteurs [S] [B] et [P] [T]

L'appel n'est pas général, ni l'effet dévolutif absolu, et tend non pas à une seconde instance mais à la critique argumentée en fait et en droit des motifs retenus par les premiers juges.

En l'espèce, en l'état de l'argumentation soutenue par [A] [N] et des pièces versées par elle, la cour constate qu'il n'est pas apporté de critique utile aux motifs des premiers juges qui, au terme d'une motivation particulièrement détaillée, ont écarté toute faute des docteurs [S] [B] et [P] [T], après avoir rappelé que la preuve de cette faute incombait à la demanderesse, qu'elle était distincte du dommage et elle ne saurait en aucun cas se déduire de l'anormalité ou de la gravité du préjudice.

De la même façon, [A] [N] ne peut solliciter l'ONIAM dès lors qu'elle ne démontre pas que les préjudices dont elle fait état seraient en lien avec son accouchement du 3 février 2002.

En conséquence de ce qui précède, le jugement rendu le 31 juillet 2020 par le tribunal judiciaire de Béziers sera confirmé en toutes ses dispositions.

3. Sur les dépens et les frais non remboursables

Le jugement sera également confirmé en ce qui concerne les dépens et l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

[A] [N] sera condamnée aux dépens de l'appel, avec recouvrement direct au bénéfice des avocats de la cause qui peuvent y prétendre.

[A] [N], qui échoue en son appel, en toutes ses prétentions, sera en outre condamnée à payer aux docteurs [S] [B] et [P] [T], à chacun et à eux seuls, la somme de 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt réputé contradictoire et mis à disposition au greffe ;

CONFIRME le jugement rendu le 31 juillet 2020 par le tribunal judiciaire de Béziers, en toutes ses dispositions ;

CONDAMNE [A] [N] à payer au docteur [S] [B] la somme de 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais non remboursables exposés en appel ;

CONDAMNE [A] [N] à payer au docteur [P] [T] la somme de 500 euros sur le même fondement ;

CONDAMNE [A] [N] aux dépens de l'appel et accorde aux avocats de la cause qui peuvent y prétendre le droit de recouvrement direct conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 5e chambre civile
Numéro d'arrêt : 20/03568
Date de la décision : 07/02/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-02-07;20.03568 ?
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