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25/01/2023 | FRANCE | N°19/05266

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 2e chambre sociale, 25 janvier 2023, 19/05266


Grosse + copie

délivrées le

à































COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



2e chambre sociale



ARRET DU 25 JANVIER 2023





Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 19/05266 - N° Portalis DBVK-V-B7D-OITQ



ARRÊT n°



Décision déférée à la Cour : Jugement du 27 JUIN 2019

CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE NARBONNE - N° RG F 18/00254







APPELANT :



Monsieur [T] [V]

né le 08 Mai 1958 à [Localité 8]

de nationalité Française

[Adresse 4]

[Localité 3]



Représenté par Me Marianne MALBEC de la SELARL CLEMENT MALBEC CONQUET, avocat au barreau de NARBONNE, substituée par Me Philippe GARC...

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

2e chambre sociale

ARRET DU 25 JANVIER 2023

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 19/05266 - N° Portalis DBVK-V-B7D-OITQ

ARRÊT n°

Décision déférée à la Cour : Jugement du 27 JUIN 2019

CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE NARBONNE - N° RG F 18/00254

APPELANT :

Monsieur [T] [V]

né le 08 Mai 1958 à [Localité 8]

de nationalité Française

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représenté par Me Marianne MALBEC de la SELARL CLEMENT MALBEC CONQUET, avocat au barreau de NARBONNE, substituée par Me Philippe GARCIA avocat au barreau de MONTPELLIER

INTIMES :

Maître Vanessa ARNAUD, ès qualité de Mandataire liquidateur de la SARL [Localité 7]

[Adresse 6]

[Localité 2]

Non constituée

Association UNEDIC DELEGATION AGS CGEA DE TOULOUSE

[Adresse 1]

[Localité 5]

Représentée par Me Michel PIERCHON, avocat au barreau de MONTPELLIER, substitué par Me Alain PORTE avocat au barreau de MONTPELLIER

Ordonnance de clôture du 25 Août 2022

COMPOSITION DE LA COUR :

En application de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 23 NOVEMBRE 2022, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l'article 804 du même code, devant la cour composée de :

Monsieur Jean-Pierre MASIA, Président

Monsieur Jacques FOURNIE, Conseiller

Madame Magali VENET, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Marie-Lydia VIGINIER

ARRET :

- réputé contradictoire ;

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par M. Jean-Pierre MASIA, Président, et par Mme Marie-Lydia VIGINIER, Greffier.

*

* *

EXPOSE DU LITIGE

La Sarl [Localité 7], domaine viticole, a été constituée le 12 juin 2001 par différents associés, dont M. [T] [V] et M. [Y] [O], qui a également été désigné gérant.

M. [Y] [V] a exercé les fonctions de régisseur général, niveau 7 échelon 4, au sein de la SARL [Localité 7] représentée par son gérant M. [Y] [O] à compter du 1er août 2001 en contrepartie d'une rémunération brute mensuelle de

22 459,06 francs, soit 3423,86€.

Le 29 mars 2018, le tribunal de commerce de Narbonne a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la Sarl puis par jugement du 18 juillet 2018, le redressement a été converti en liquidation judiciaire.

Le 30 juillet 2018, Maître Arnaud, liquidateur de la Sarl [Localité 7], a notifié à M. [V] son licenciement pour motif économique.

M. [V] a déclaré une créance de salaire auprès de Maître Arnaud d'un montant de 51289,60€.

Le 26 novembre 2018, M. [T] [V] a saisi le Conseil des Prud'hommes de Narbonne aux fins de voir fixer sa créance salariale dans la liquidation judiciaire de la Sarl [Localité 7].

Par jugement en date du 27 juin 2019, le conseil des prud'hommes :

- s'est déclaré compétent pour juger l'affaire de M. [T] [V] en sa qualité de salarié,

- dit que M. [V] a nové sa créance salariale concernant les salaires de mars 2016 à mars 2018 en créance civile et l'a débouté de sa demande,

- fixé la créance de M. [T] [V] dans la liquidation judiciaire de la SARL [Localité 7] aux sommes de :

- indemnité compensatrice de préavis: 10748,88€

- congés payés afférents: 1074,88€

- indemnité légale de licenciement : 17417,16€

- condamné Maître Arnaud, liquidateur judiciaire de la Sarl Sainte Eugénie à adresser l'attestation pôle emploi rectifié à M. [T] [V],

- débouté les parties du surplus de leurs demandes,

- dit que la décision est opposable à Maître Arnaud es qualité et à l'UNEDIC AGS du SUD Ouest en leur CGEA de Toulouse dans la limite de leurs garanties strictement définies dans la loi du 25 janvier 1985,

- dit que les dépens seront considérés comme une créance privilégiée dans la liquidation judiciaire de la Sarl [Localité 7].

Par déclaration en date du 24 juillet 2019, M. [T] [V] a relevé appel du jugement en ce qu'il l'a débouté de sa demande de rappels de salaires depuis décembre 2015 pour un montant global de 51 289,60€ plus congés payés de 5128,96€.

Vu les dernières conclusions de M. [T] [V] en date du 13 décembre 2019 auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé de ses moyens et prétentions.

Vu les dernières conclusions de l'UNEDIC délégation AGS CGEA de Toulouse en date du 28 juillet 2022 auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé de ses moyens et prétentions.

La déclaration d'appel et les conclusions ont été signifiées le 24 septembre 2019 à Mme Vanessa Arnaud, en sa qualité de mandataire liquidateur de la SARL [Localité 7], qui n'a pas pas constitué avocat.

L'ordonnance de clôture est en date du 25 août 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur l'existence d'un contrat de travail :

En application de l'article L.1221-1 du code du travail, le contrat de travail est soumis aux règles du droit commun. Il peut être établi selon les formes que les parties contractantes décident d'adopter.

L'existence d'un contrat de travail apparent résulte de la délivrance de bulletins et du paiement de salaires.

En présence d'un contrat de travail apparent, c'est à celui qui invoque son caractère fictif d'en rapporter la preuve.

En l'espèce, il est justifié que M. [V] bénéficiait de fiche de paie et qu'il exerçait une prestation de travail au profit de la Sarl [Localité 7] en contrepartie d'une rémunération qu'il a perçue régulièrement jusqu'à la fin de l'année 2015, puis irrégulièrement jusqu'au mois de juin 2018.

Cependant, pour qu'un contrat soit qualifié de contrat de travail, un lien de subordination doit lier le salarié à l'employeur.

Le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.

Les AGS contestent le statut de salarié de M. [V] au motif qu'il exerçait des fonctions de co-gérant de fait, qu'il a accepté de ne plus percevoir de salaire en raison des difficultés de trésorerie de l'entreprise et qu'il n'existait pas de lien de subordination le liant à l'employeur.

M. [V] fait valoir que la qualité d'associé non gérant n'est pas exclusive de celle de salarié et qu'il n'a pas renoncé à sa rémunération, mais n'a accepté que d'en différer sa perception pour permettre le redressement de la société. Il précise que seul M. [O] exerçait les fonctions de gérant et que lui même travaillait sous l'autorité de ce dernier.

Il ressort des éléments versés à la procédure que M. [V] n'avait pas le pouvoir d'engager financièrement la société, de signer les bons de commande, ou de négocier directement avec les prestataires de service ou fournisseurs. En sa qualité de régisseur, il lui appartenait de centraliser les besoins du domaine et d'adresser ses demandes ou suggestions à M. [O], seul habilité à accomplir les démarches administratives et financières pour le compte de l'entreprise.

Il ressort des mails et courriers produits qu'en sa qualité de régisseur, M. [V] bénéficiait d'une certaine autonomie dans l'exercice de son activité, mais il rendait compte à M. [O] de l'évolution des travaux saisonniers, sollicitait l'embauche de personnel, sans possibilité d'engager lui même des salariés. Lorsque l'entreprise a commencé à connaître des difficultés, il a déploré auprès de l'employeur que les salaires ne soient pas régulièrement versés, lui faisant part de son inquiétude.

Par ailleurs, M. [D] [H], ancien employé du Domaine Sainte Eugénie, témoigne en ces termes : 'j'ai travaillé au Domaine de Sainte Eugénie depuis 2001. M. [T] [V] était mon régisseur/chef de culture. M. [Y] [O], le gérant du [Localité 7] venait régulièrement 3 à 4 fois par mois pour donner les directives, s'occuper des achats et d'éventuelles embauches de saisonniers. Il venait de Bourgogne pour assister à toutes les mises en bouteille...'.

Ces éléments établissent que M. [V] exerçait des fonctions techniques distinctes de son mandat social et qu'il travaillait sous l'autorité de M. [O] qui lui donnait des ordres et des directives. Le pouvoir disciplinaire de l'employeur n'est pas mis en exergue dans la mesure ou M. [V] a toujours respecté ses obligations de salarié. Par ailleurs, il a cotisé toute sa carrière auprès de la MSA cotisations retraites et est affilié depuis 2001 à la caisse de prévoyance des cadres d'entreprise agricole à laquelle la Sarl Domine Sainte Eugénie a réglé des cotisations. En sa qualité de salarié, il a également été convoqué et s'est soumis aux visites médicales organisées par la médecine du travail.

L'AGS ne rapporte pas la preuve contraire en mentionnant la qualité d'associé de M. [V] et son acceptation d'une perception différée de ses salaires pour préserver l'entreprise. De même, la présentation de l'entreprise sur des sites internet ou dans la presse soulignant l'implication de M. [V] avec d'autres associés dans la création et le fonctionnement de la société, ne démontre pas que ce dernier n'en était pas salarié.

Il en découle que M. [V], en qualité de salarié, était lié à la Sarl [Localité 7], en qualité d'employeur, et que c'est à juste titre que le conseil des prud'hommes s'est déclaré compétent pour statuer sur le litige, la décision sera confirmée sur ce point et en ce qu'elle a fait droit aux demandes relatives aux conséquences de la rupture du contrat de travail.

Sur la novation de la créance :

La novation est un contrat qui a pour objet de substituer à une obligation, qu'elle éteint, une obligation nouvelle qu'elle crée.

Elle peut avoir lieu par substitution d'obligation entre les mêmes parties, par changement de débiteur ou par changement de créancier.

Elle ne se présume pas ; la volonté de l'opérer doit résulter clairement de l'acte.

L' AGS fait valoir que la volonté de M. [V] de nover sa créance salariale en créance commerciale est établie dès lors qu'il n'a réclamé le paiement de ses salaires que postérieurement à la liquidation judiciaire pour favoriser la société dans laquelle il était associé.

M. [V] fait valoir qu'il n'a pas mis en demeure l'employeur de lui régler les rémunérations afin de préserver la survie du domaine dont il était associé, et ce dans l'attente que la trésorerie redevienne positive, mais qu'il n'a pas renoncé à leur perception.

L'employeur a continué de délivrer des fiches de paie à M. [V] déclarées par ce dernier aux impôts bien qu'il n'ait pas perçu les rémunérations afférentes. Par ailleurs, l'employeur a reconnu expressément au regard des courriers produits, devoir des salaires. Ce dernier énonce ainsi, dans sa déclaration de créance, après avoir récapitulé le montant des salaires non versés : ' En accord avec M. [V] nous avons décidé de ne pas lui régler ses salaires en attendant que notre trésorerie soit à nouveau en positif. Nous avons préféré subvenir aux frais d'exploitation afin que notre domaine puisse survivre. Je vous demande par la présente de bien vouloir intervenir pour lui afin qu'il puisse toucher ses salaires en retard.'

M. [V] n'a jamais expressément renoncé à ses salaires, ni fait état d'une volonté de nover sa créance en créance commerciale, et l'acception d'une perception différée de sa rémunération, dans l'espoir d'un redressement de l'entreprise, n'établit nullement l'existence d'une telle renonciation.

Dès lors, il ne résulte pas de ces constatations une volonté non équivoque du salarié de renoncer à sa créance salariale ou de lui substituer une obligation nouvelle.

En conséquence, la décision du premier juge sera infirmée en ce qu'elle a débouté M. [V] de sa demande de salaire après avoir considéré que ' M. [V] a nové sa créance salariale en créance civile', et la créance salariale de M. [V] sera fixée dans la liquidation judiciaire de la Sarl [Localité 7] à hauteur des sommes qui lui sont dues et qui seront détaillées au dispositif, y compris à celle relative au treizième mois de l'année 2015, sur laquelle le conseil des prud'hommes a omis de statuer.

La décision sera confirmée en ce qu'elle condamné le liquidateur judiciaire à adresser l'attestation pôle emploi rectifiée à M. [V], sans qu'il n'y ait lieu d'assortir cette condamnation d'une astreinte.

Il n'y a pas lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, après en avoir délibéré, contradictoirement,

Confirme le jugement rendu par conseil des prud'hommes de Narbonne en date du 27 juin 2019 sauf en ce qu'il a dit que M. [T] [V] a nové sa créance salariale concernant les salaires de mars 2016 à mars 2018 en créance civile et l'a débouté de ses demandes de rappels de salaires,

Le réformant de ce seul chef :

Dit que M. [T] [V] n'a pas nové sa créance salariale en une créance civile ou commerciale,

Statuant à nouveau :

Fixe la créance de M. [T] [V] dans la liquidation judiciaire de la Sarl [Localité 7] aux sommes suivantes :

- 48671,60€ au titre des salaires de mars 2016, et du 1er janvier

2017 au 27 mars 2018,

- 4867,16€ au titre des congés payés y afférents,

- 2618,00 au titre du13ème mois de 2015,

- 261,80 au titre des congés payés y afférents.

Rejette la demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Dit que les dépens seront considérés comme créance privilégiée dans la liquidation judiciaire de la Sarl [Localité 7].

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 2e chambre sociale
Numéro d'arrêt : 19/05266
Date de la décision : 25/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-25;19.05266 ?
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