Grosse + copie
délivrées le
à
COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
1re chambre sociale
ARRET DU 25 JANVIER 2023
Numéro d'inscription au répertoire général :
N° RG 19/04687 - N° Portalis DBVK-V-B7D-OHPQ
Arrët n° :
Décision déférée à la Cour :
Jugement du 25 JUIN 2019 du CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE MONTPELLIER
N° RG F16/01380
APPELANTE :
S.A.S DERICHEBOURG PROPRETE, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité au siège social sis
[Adresse 3]
[Localité 4]
Représentée par Me Fanny LAPORTE de la SELARL LEXAVOUE MONTPELLIER GARRIGUE, GARRIGUE, LAPORTE, avocat au barreau de MONTPELLIER (postulant) et par Me CENNAMO, avocat au barreau de Paris (plaidant) substitué par Me THIVILLIER, avocat au barreau de Paris
INTIME :
Monsieur [H] [V]
chez ISSUE DP
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représenté par Me Marie pierre DESSALCES de la SCP DESSALCES & ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER, substituée par Me MENNESSON, avocat au barreau de Montpellier
Ordonnance de clôture du 31 Octobre 2022
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 21 NOVEMBRE 2022,en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Isabelle MARTINEZ, Conseillère, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Philippe DE GUARDIA, Président de chambre
Mme Isabelle MARTINEZ, Conseillère
Madame Caroline CHICLET, Conseillère
Greffier lors des débats : Mme Marie BRUNEL
ARRET :
- contradictoire ;
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
- signé par Monsieur Philippe DE GUARDIA, Président de chambre, et par Mme Marie BRUNEL, Greffière.
*
* *
EXPOSE DU LITIGE
Monsieur [H] [V] était embauché par plusieurs contrats à durée déterminée à temps partiel suivi par un contrat à durée indéterminée à temps complet par la Sas Derichebourg Propreté en qualité d'agent de service affecté en dernier lieu sur le site de Monoprix [Localité 5] moyennant un salaire s'élevant en dernier lieu à la somme de 1 471,20 €.
Du 17 au 23 décembre 2012, le salarié était placé en arrêt de travail.
Le 24 décembre 2012, il faisait l'objet d'un avertissement.
Par requête du 16 septembre 2013, le salariée saisissait le conseil de prud'hommes de Montpellier pour demander la requalification de ses contrats de travail en un contrat à durée indéterminée et les indemnités y afférentes. L'affaire était radiée le 3 septembre 2014.
Il était de nouveau placé en arrêt de travail du 12 février 2013 au 11 février 2016.
Le 31 mars 2016, lors de la visite médicale de reprise, le médecin du travail le déclarait inapte définitivement à son poste en une seule visite en raison d'un danger immédiat pour sa santé et précisait qu'aucune solution de reclassement ne pouvait être formulée.
Par courrier du 20 avril 2016, il était convoqué à un entretien préalable à son éventuel licenciement, lequel lui était notifié le 4 mai 2016 en ces termes:(.../...)nous vous informons de notre décision, après réflexion, de procéder à la rupture de votre contrat de travail.
En une seule visite médicale en date du 31 mars 2016, le médecin du travail vous a déclaré inapte à votre poste dans les termes suivants 'inapte au poste: définitivement selon l'article R 4624-31 du code du travail établi en une seule visite pour cause de danger immédiat pour la santé et la sécurité de l'intéressé ou celle des tiers. Aucune possibilité de reclassement ne peut être formulée pour raison médicale'.
Nous avons donc lancé des recherches de reclassement potentiels vous concernant au sein de la société et du groupe et ce, en sollicitant l'ensemble des interlocuteurs des directions des ressources humaines du groupe, sur des postes pouvant vous être proposés.
En parallèle, nous avons sollicité le médecin du travail afin d'avoir des précisions sur les restrictions dont vous faisiez l'objet, demande à laquelle il nous a été répondu par courrier du 8 avril 2016:' Après examen du dossier en ma possession, je ne mets pas en évidence de capacité restante lui permettant d'occuper, à ma connaissance, l'un des postes existants au sein de la société Derichebourg, même après transformation du poste, mutation ou aménagement du temps de travail'
Compte tenu de ces informations et des résultats de la recherche de reclassement que nous avions menée, nous avons soumis au médecin du travail, par courrier du 14 avril 2016, cinq postes que nous avions identifiés comme disponibles (quatre sur la société Eska et un sur la société Revival)
Par courrier du 15 avril 2016, le médecin du travail nous a malheureusement confirmé son avis, à savoir: 'aucune proposition de reclassement ne peut être proposée, ce qui implique qu'aucune des propositions que vous avez faites et que vous pourriez faire à l'avenir ne pourraient convenir pour raison médicale'.
L'inaptitude à votre poste étant établie et dans la mesure où tous les autres postes sont pourvus ou sont incompatibles avec les prescriptions de la médecine du travail, nous avons donc le regret de constater malgré nos multiples recherches et efforts l'impossibilité de vous reclasser, au regard des indications susvisées.
Nous sommes donc contraints par la présente de vous notifier votre licenciement pour inaptitude physique constatée par le médecin du travail et à la suite de laquelle votre reclassement dans la société et le groupe Derichebourg s'est révélé impossible (.../...)
Par déclaration au greffe du 5 septembre 2016, le salarié demandait la réinscription de son affaire, contestant de surcroît son licenciement.
Par jugement du 25 juin 2019, le conseil de prud'hommes de Montpellier, après avoir rejeté l'exception de péremption d'instance condamnait l'employeur à payer au salarié les sommes suivantes:
-1 471,20 € à titre d'indemnité de requalification,
-2 110,62 € à titre d'heures supplémentaires outre 211,06 € pour les congés payés y afférents,
-1 000 € pour avertissement injustifié,
-10 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
-2 942,40 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre la somme de 294,24 € pour les congés payés y afférents,
-1 311,44 € à titre d'indemnité de licenciement,
-1 000 € au titre de ses frais de procédure.
Par déclaration reçue au greffe le 5 juillet 2019, l'employeur relevait appel de cette décision.
MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES
Par conclusions régulièrement notifiées par voie électronique le 20 mars 2020, la société Derichebourg demande à la cour d'infirmer la décision querellée et, statuant à nouveau, de débouter le salarié de toutes ses demandes et de le condamner à lui payer les sommes de 2 000 € au titre de ses frais de procédure en première instance et de 3 000 € au titre de ses frais de procédure en appel.
Elle fait valoir, en substance, que les contrats à durée déterminée ont tous été signés par le salarié qui n'en conteste pas le motif , que ses horaires étaient précisément déterminés et que la demande au titre des heures supplémentaires n'est étayée par aucun élément objectif.
Elle ajoute que l'avertissement est parfaitement justifié par le comportement du salarié qui s'est emporté devant les clients, nuisant à l'image de la société.
Elle affirme qu'elle n'a fait subir aucun harcèlement moral au salarié qui n'invoque aucun fait précis à part son état de santé.
Elle indique que le licenciement est justifié par l'impossibilité de reclassement relevée par le médecin du travail qui a refusé tous les postes proposés.
Par conclusions régulièrement notifiées le 27 décembre 2019, monsieur [V] conclut à la confirmation du jugement en ce qu'il rejeté la péremption d'instance, dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse et a annulé l'avertissement et son infirmation pour le surplus.
Il sollicite la condamnation de son employeur à lui payer les sommes suivantes:
-1 869,57 € à titre de rappel de salaire au titre de la requalification en temps complet,
-4 243,07 € au titre des heures supplémentaires,
-20 000 € à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral,
-1 000 € pour avertissement injustifié,
-40 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
-3 000 € à titre de dommages et intérêts pour retard à agir de l'employeur,
-3 049,46 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
-1 311,44 € à titre d'indemnité légale de licenciement,
-3 000 € au titre de ses frais de procédure.
Il fait valoir, essentiellement, que c'est à bon droit que les premiers juges ont requalifié les contrats à durée déterminée en un contrat à durée indéterminé.
Il ajoute avoir réalisé de nombreuses heures supplémentaires et avoir subi des faits de harcèlement moral qui ont conduit à son inaptitude.
Il expose que l'employeur n'a effectué aucune recherche sérieuse de reclassement.
Conformément à l'article 455 du code de procédure civile, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions respectives des parties, la cour se réfère aux conclusions régulièrement notifiées par les parties.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la péremption d'instance
En application de l'article 386 du code de procédure civile, l'instance est périmée lorsque les parties s'abstiennent de faire toute diligence pendant un délai de deux ans.
Toutefois en matière prud'homale, l'article R 1452-8 du code du travail précise que l'instance n'est périmée que lorsque les parties s'abstiennent d'accomplir pendant un délai de deux ans les diligences expressément mises à leur charge par la juridiction prud'homale.
En l'espèce aucune diligence n'a été mise à la charge des parties par le bureau de jugement et l'instance n'est pas périmée.
Sur l'exécution du contrat de travail
Sur la requalification des contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée
Il résulte des dispositions des articles, L. 1242-1, L. 1242-2, L. 1242-7, L. 1242-12, L. 1242-13, et L. 1245-1 que le contrat de travail à durée déterminée, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet, ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise, ne peut être conclu que pour l'exécution d'une tâche précise et temporaire, et seulement dans les cas énumérés par la loi et notamment pour remplacer un salarié absent. Ou pour un surcroît d'activité.
En l'espèce, le salarié ne conteste pas le motif du recours à des contrats à durée déterminée, qu'en toute hypothèse, l'employeur justifie, mais affirme ne pas avoir signé les contrats à durée déterminée.
Toutefois, l'employeur produit l'ensemble des contrats à durée déterminée signés par le salarié et rien ne permet de dire que cette signature n'est pas la sienne.
En effet, les variations de calligraphie qui apparaissent sont les mêmes que celles qui résultent de la signature de ses titres de séjour.
En conséquence, les contrats à durée déterminée ont bien été signés par le salarié et la demande de requalification doit être rejetée
Sur la requalification du temps partiel en temps complet
Comme cela a été jugé ci dessus, monsieur [V] a été en possession de tous ses contrats à durée déterminée et indéterminée. Ces contrats prévoyaient la répartition des horaires sur la journée et les jours de la semaine. Il ne se tenait donc pas à la disposition de son employeur et la demande de requalification doit être rejetée.
Sur les heures supplémentaires
En application de l'article L 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif au nombre d'heures travaillées, il appartient au salarié de présenter à l'appui de sa demande des éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble des éléments qui lui sont présentés. Dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales qui s'y rapportent.
Le salarié produit, à l'appui de sa demande, deux tableaux récapitulatifs pour les années 2010 et 2011 à 2012.
Toutefois ces tableaux ne sont pas précis ne reprenant pas le décompte exact des heures supplémentaires que le salarié prétend avoir effectuées et sont en contradiction avec les feuilles de pointage fournies par l'employeur.
En conséquence, la demande au titre des heures supplémentaires doit être rejetée.
Sur le harcèlement moral
L'article L. 1152-1 du code du travail dispose qu' ''aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel'.
La reconnaissance du harcèlement moral suppose trois conditions cumulatives': des agissements répétés, une dégradation des conditions de travail, une atteinte aux droits, à la dignité, à la santé physique ou mentale ou à l'avenir professionnel du salarié.
En application de l'article L 1154-1 du code du travail, il appartient au salarié qui prétend avoir été victime de harcèlement moral de présenter des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement moral et il incombe à l'employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
En l'espèce, le salarié affirme que la dégradation de son état de santé est dû au harcèlement moral de son employeur comme en attestent les certificats médicaux versés aux débats.
Toutefois, les médecins ne font que reprendre les déclarations du salarié et la simple dégradation de son état de santé ne peut suffire à établir des faits de harcèlement moral.
Pour le surplus, le fait que l'employeur ait souhaité modifier les conditions d'exécutions du contrat de travail du salarié correspond à la clause de mobilité insérée dans le contrat de travail et n'a de surcroît pas été suivi d'effet, face au refus du salarié.
En conséquence, aucun élément ne permet d'établir l'existence de faits de harcèlement moral
Sur l'avertissement du 26 décembre 2012
Le 24 décembre 2012, l'employeur a fait part au salarié de l'évolution du cahier des charges du client Monoprix. Ce dernier, mécontent, s'est cogné la tête contre le mur en proférant des propos violents.
Ce comportement commis devant les clients est préjudiciable à l'image de la société et c'est à bon droit que l'employeur a notifié un avertissement au salarié.
Sur le bien fondé du licenciement
En application de l'article L 1226-10 du code du travail, lorsqu'à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à un accident ou à une maladie professionnelle, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre poste approprié à ses capacités.
Cette proposition prend en compte les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié.
L'emploi proposé doit être aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en 'uvre de mesures telles que mutations, transformations de postes ou aménagement du temps de travail.
L'employeur est tenu de chercher à reclasser le salarié même lorsque le médecin du travail l'a déclaré inapte à tout poste dans l'entreprise.
C'est à lui de rapporter la preuve de l'impossibilité où il se trouve de reclasser le salarié.
En l'espèce, le salarié a été déclaré inapte à son poste en une seule visite en raison d'un danger immédiat.
L'employeur justifie de ses recherches de reclassement tant en interne qu'au sein du groupe en produisant les courriers de recherche de poste de même que les réponses. Il justifie également de ses contacts avec le médecin du travail qui lui a répondu le 8 avril 2016 qu'il ne restait pas de capacités restantes à monsieur [V] lui permettant d'occuper un poste au sein de la société Richebourg même après transformation du poste, mutation ou aménagement du temps de travail.
L'employeur a néanmoins identifié des postes disponibles qu'il a soumis pour avis au médecin du travail lequel a confirmé l'incapacité du salarié à occuper ces postes.
En conséquence, l'employeur a respecté son obligation de reclassement et le licenciement est fondé sur une cause réelle et sérieuse.
Sur le retard à agir de l'employeur
Le salarié reproche à l'employeur d'avoir tardé à le licencier. L'employeur dispose d'un délai d'un mois à compter de l'avis d'inaptitude pour licencier ou reclasser le salarié. Passé ce délai, l'employeur doit reprendre le paiement du salaire
En l'espèce, l'avis d'inaptitude est intervenue le 31 mars 2016 et l'employeur a licencié le salarié le 4 mai 2016 soit plus d'un mois après.
Toutefois, l'employeur justifie avoir repris le paiement du salaire un mois après l'avis d'inaptitude.
Cette demande doit être rejetée.
Sur l'article 700 du code de procédure civile
L'équité ne commande pas de faire application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Confirme le jugement rendu le 25 juin 2019 par le conseil de prud'hommes de Montpellier en ce qu'il a rejeté la fin de non recevoir tirée de la péremption d'instance,
L'infirme pour le surplus,
Statuant à nouveau,
Déboute monsieur [H] [V] de toutes ses demandes
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne monsieur [H] [V] aux dépens de première instance et d'appel.
Le greffier Le président