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24/01/2023 | FRANCE | N°21/06594

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 5e chambre civile, 24 janvier 2023, 21/06594


Grosse + copie

délivrée le

à







COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



5e chambre civile



ARRET DU 24 JANVIER 2023



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/06594 - N° Portalis DBVK-V-B7F-PGSE





Décision déférée à la Cour : Jugement du 12 OCTOBRE 2021

TRIBUNAL PARITAIRE DES BAUX RURAUX DE MILLAU

N° RG20/00391





APPELANTE :



Madame [G] [O] épouse [WC]

[Adresse 27]

[Localité 5]

Représentant : Me Emily

APOLLIS de la SCP GILLES ARGELLIES, EMILY APOLLIS - AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant

assistée de Me Bastien AUZUECH, avocat au barreau de l'AVEYRON, avocat plaidant





INTIMES...

Grosse + copie

délivrée le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

5e chambre civile

ARRET DU 24 JANVIER 2023

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/06594 - N° Portalis DBVK-V-B7F-PGSE

Décision déférée à la Cour : Jugement du 12 OCTOBRE 2021

TRIBUNAL PARITAIRE DES BAUX RURAUX DE MILLAU

N° RG20/00391

APPELANTE :

Madame [G] [O] épouse [WC]

[Adresse 27]

[Localité 5]

Représentant : Me Emily APOLLIS de la SCP GILLES ARGELLIES, EMILY APOLLIS - AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant

assistée de Me Bastien AUZUECH, avocat au barreau de l'AVEYRON, avocat plaidant

INTIMES :

Madame [Y] [VF] veuve [A]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentant : Me Yann GARRIGUE de la SELARL LEXAVOUE MONTPELLIER GARRIGUE, GARRIGUE, LAPORTE, avocat au barreau de MONTPELLIER,

avocat postulant

assistée de Me Iris RICHAUD, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat plaidant

Madame [B] [VF] épouse [TM]

[Adresse 16]

[Localité 3]

Représentant : Me Yann GARRIGUE de la SELARL LEXAVOUE MONTPELLIER GARRIGUE, GARRIGUE, LAPORTE, avocat au barreau de MONTPELLIER,

avocat postulant

assistée de Me Iris RICHAUD, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat plaidant

Monsieur [XV] [U]

[Adresse 25]

[Localité 5]

Représentant : Me Yann GARRIGUE de la SELARL LEXAVOUE MONTPELLIER GARRIGUE, GARRIGUE, LAPORTE, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant

assisté de Me Iris RICHAUD, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat plaidant

Madame [E] [U] épouse [YC]

[Adresse 28]

[Localité 4]

Représentant : Me Yann GARRIGUE de la SELARL LEXAVOUE MONTPELLIER GARRIGUE, GARRIGUE, LAPORTE, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant

assistée de Me Iris RICHAUD, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat plaidant

Madame [WJ] [U] épouse [M]

[Adresse 15]

[Localité 3]

Représentant : Me Yann GARRIGUE de la SELARL LEXAVOUE MONTPELLIER GARRIGUE, GARRIGUE, LAPORTE, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant

assistée de Me Iris RICHAUD, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat plaidant

Madame [S] [U] épouse [TF]

[Adresse 13]

[Localité 3]

Représentant : Me Yann GARRIGUE de la SELARL LEXAVOUE MONTPELLIER GARRIGUE, GARRIGUE, LAPORTE, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant

assistée de Me Iris RICHAUD, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat plaidant

Madame [KT] [P] épouse [V]

[Adresse 14]

[Adresse 14]

[Localité 3]

Représentant : Me Yann GARRIGUE de la SELARL LEXAVOUE MONTPELLIER GARRIGUE, GARRIGUE, LAPORTE, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant

assistée de Me Iris RICHAUD, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat plaidant

Madame [GK] [P] née [H]

intervenant aux droits de [L] [P] décédé le 14 février 2020

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentant : Me Yann GARRIGUE de la SELARL LEXAVOUE MONTPELLIER GARRIGUE, GARRIGUE, LAPORTE, avocat au barreau de MONTPELLIER,

avocat postulant

assistée de Me Iris RICHAUD, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat plaidant

Monsieur [CN] [P] intervenant aux droits de [L] [P] décédé le 14 février 2020

[Adresse 26]

[Localité 3]

Représentant : Me Yann GARRIGUE de la SELARL LEXAVOUE MONTPELLIER GARRIGUE, GARRIGUE, LAPORTE, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant

assisté de Me Iris RICHAUD, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat plaidant

Monsieur [R] [P] intervenant aux droits de [L] [P] décédé le 14 février 2020

[Adresse 6]

[Localité 12]

Représentant : Me Yann GARRIGUE de la SELARL LEXAVOUE MONTPELLIER GARRIGUE, GARRIGUE, LAPORTE, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant

assisté de Me Iris RICHAUD, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat plaidant

Madame [SB] [K] épouse [I]

[Adresse 22]

[Localité 3]

Représentant : Me Yann GARRIGUE de la SELARL LEXAVOUE MONTPELLIER GARRIGUE, GARRIGUE, LAPORTE, avocat au barreau de MONTPELLIER

Monsieur [T] [K]

[Adresse 19]

[Localité 3]

Représentant : Me Yann GARRIGUE de la SELARL LEXAVOUE MONTPELLIER GARRIGUE, GARRIGUE, LAPORTE,avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant

assisté de Me Iris RICHAUD, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat plaidant

Monsieur [AT] [K]

[Adresse 7]

[Localité 9]

Représentant : Me Yann GARRIGUE de la SELARL LEXAVOUE MONTPELLIER GARRIGUE, GARRIGUE, LAPORTE, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant

assisté de Me Iris RICHAUD, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat plaidant

Madame [EZ] [DG] née [JH] intervenant aux droits de [D] [DG] décédé le 13 décembre 2020

[Adresse 18]

[Localité 3]

Représentant : Me Yann GARRIGUE de la SELARL LEXAVOUE MONTPELLIER GARRIGUE, GARRIGUE, LAPORTE, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant

assistée de Me Iris RICHAUD, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat plaidant

Madame [N] [C] née [DG] intervenant aux droits de [D] [DG] décédé le 13 décembre 2020

[Adresse 17]

[Localité 10]

Représentant : Me Yann GARRIGUE de la SELARL LEXAVOUE MONTPELLIER GARRIGUE, GARRIGUE, LAPORTE, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant

assistée de Me Iris RICHAUD, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat plaidant

Monsieur [Z] [DG] intervenant aux droits de [D] [DG] décédé le 13 décembre 2020

[Adresse 20]

[Localité 3]

Représentant : Me Yann GARRIGUE de la SELARL LEXAVOUE MONTPELLIER GARRIGUE, GARRIGUE, LAPORTE, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant

assisté de Me Iris RICHAUD, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat plaidant

Madame [S] [DG] a intervenant aux droits de [D] [DG] décédé le 13 décembre 2020

[Adresse 21]

[Localité 3]

Représentant : Me Yann GARRIGUE de la SELARL LEXAVOUE MONTPELLIER GARRIGUE, GARRIGUE, LAPORTE, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant

assistée de Me Iris RICHAUD, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat plaidant

Madame [PI] [K] épouse [ZG]

[Adresse 8]

[Localité 11]

Représentant : Me Yann GARRIGUE de la SELARL LEXAVOUE MONTPELLIER GARRIGUE, GARRIGUE, LAPORTE, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant

assistée de Me Iris RICHAUD, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat plaidant

Madame [J] [DG] intervenant en qualité de légataire universel de [D] [DG] décédé le 13 décembre 2020

C/O Me PARDAILLE

[Adresse 24]

[Localité 3]

Représentant : Me Yann GARRIGUE de la SELARL LEXAVOUE MONTPELLIER GARRIGUE, GARRIGUE, LAPORTE, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant

assistée de Me Iris RICHAUD, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat plaidant

Monsieur [RU] [C] intervenant en qualité de légataire universel de [D] [DG]décédé le 13 décembre 2020

C/O Me PARDAILLE

[Adresse 24]

[Localité 3]

Représentant : Me Yann GARRIGUE de la SELARL LEXAVOUE MONTPELLIER GARRIGUE, GARRIGUE, LAPORTE, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant

assisté de Me Iris RICHAUD, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat plaidant

Monsieur [HW] [UY] intervenant en qualité de légataire universel de [D] [DG]décédé le 13 décembre 2020

[Adresse 23]

[Adresse 23]

[Localité 3]

Représentant : Me Yann GARRIGUE de la SELARL LEXAVOUE MONTPELLIER GARRIGUE, GARRIGUE, LAPORTE, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant

assisté de Me Iris RICHAUD, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat plaidant

En application de l'article 937 du code de procédure civile, les parties ont été convoquées à l'audience.

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 28 NOVEMBRE 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Emmanuel GARCIA, Conseiller, chargé du rapport.

Ce(s) magistrat(s) a (ont) rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Philippe GAILLARD, Président de chambre

Madame Nathalie AZOUARD, Conseiller

Monsieur Emmanuel GARCIA, Conseiller

Greffier, lors des débats : Madame Estelle DOUBEY

ARRET :

- Contradictoire.

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par Monsieur Philippe GAILLARD, Président de chambre, et par Madame Estelle DOUBEY, Greffier.

*

* *

EXPOSE DU LITIGE

Le 20 juin 2001, [X] [U], aux droits duquel interviennent [Y] [A], [B] [TM], [XV] [U], [NX] [YC], [WJ] [M], [S] [TF], [KT] [V], [GK] [P], [CN] [P], [R] [P], [SB] [I], [PI] [ZG], [T] [K], [AT] [K], [EZ] [DG], [N] [C], [Z] [DG], [S] [DG], a donné à bail rural à [G] [WC] plusieurs parcelles et bâtiments agricoles situés sur le territoire de la commune de [Localité 5] et de [Localité 29], pour une surface totale de 11 ha 27 a 74 ca, avec effet au 1er septembre 2001 et moyennant un fermage annuel de 15 000 francs payable par moitié en deux termes, la première moitié le 1er mars de chaque année et la seconde moitié le 1er septembre.

Le bail a été renouvelé automatiquement pour 9 ans le 1er septembre 2010.

Le 28 novembre 2018, [G] [WC] a saisi le tribunal paritaire des baux ruraux aux fins de préemption des biens objet du bail avec révision du prix, considérant que l'offre de vente reçue en octobre 2018 était excessive.

Le 9 février 2021, une ordonnance de radiation a été rendue pour défaut de diligence des parties.

Parallèlement, le 20 juin 2019, [G] [WC] a été mise en demeure de payer les fermages.

Par requête du 22 novembre 2019, les héritiers de [X] [U] ont demandé notamment la résiliation du bail pour défaut de paiement du fermage depuis 2015, l'expulsion d'[G] [WC] des terres et sa condamnation à leur payer 14 212,43 euros au titre des fermages dus, outre une indemnité d'occupation jusqu'à son départ effectif des lieux.

[G] [WC] a opposé l'irrecevabilité des demandes introduites par certains des héritiers du bailleur faute de consentement unanime des indivisaires. Subsidiairement, elle a demandé que la lettre de mise en demeure reçue le 20 juin 2019 soit déclarée nulle faute d'avoir respecté le formalisme prévu par le code rural. Elle a fait valoir aux requérants, qui soulevaient l'irrecevabilité de sa demande de nullité, qu'il ne s'agissait pas d'une nullité prévue par le code de procédure civile et qu'elle pouvait donc pas être soulevée au fond. Elle a sollicité le débouté de leurs demandes considérant l'existence de raisons sérieuses et légitimes, notamment la destruction d'un bâtiment d'exploitation en 2006. Encore plus subsidiairement, elle a demandé leur débouté pour mauvaise foi en soulignant que les héritiers du bailleur lui avaient signifié en octobre 2018 leur intention de vendre les biens objet du bail avant d'introduire la demande en résiliation et qu'ils auraient donc uniquement l'intention de faire obstacle à son droit de préemption. Reconventionnellement, elle a notamment sollicité la condamnation solidaire de l'ensemble des ayants droit du bailleur à lui verser 3 000 euros en réparation du préjudice de jouissance subi depuis 2006, à parfaire au jour de la présente décision.

Le jugement rendu le 12 octobre 2021 par le tribunal paritaire des baux ruraux de Millau énonce dans son dispositif :

Constate qu'[G] [WC] a indiqué au cours des débats ne plus maintenir ses demandes fondées sur le défaut de qualité et de droit à agir des héritiers ;

Rejette la demande de nullité de la mise en demeure opposée par [G] [WC] ;

Condamne [G] [WC] à payer aux héritiers de [X] [U] la somme de 14 212,13 euros au titre des fermages dus jusqu'au mois de mars 2021 ;

Prononce la résiliation du bail ;

Dit que cette résiliation prendra effet au jour de la présente décision ;

Ordonne l'expulsion d'[G] [WC] ainsi que tous les occupants de son chef des lieux loués ;

Condamne [G] [WC] à payer aux héritiers de [X] [U] une indemnité d'occupation équivalente au montant des fermages actuels à compter de la date de résiliation du fermage jusqu'à son départ effectif des lieux loués ;

Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Rappelle que l'exécution provisoire est de droit ;

Condamne [G] [WC] aux entiers dépens.

Le jugement expose que [G] [WC] n'avait pas à soulever in limine litis l'exception d'irrecevabilité de la mise en demeure puisque la procédure est orale. Elle ne peut néanmoins pas se prévaloir d'une nullité qui entacherait la mise en demeure du 20 juin 2019 au motif qu'il vise l'article L 411-53-1° du code rural puisque le bailleur précise qu'il se réservait également le droit de demander la résiliation du bail rural sur le fondement des défauts de paiement de fermage ou de la part de produit revenant au bailleur ayant persisté à l'expiration d'un délai de trois mois après mise en demeure postérieure à l'échéance. Le bailleur envisageait donc bien les deux hypothèses, dont la résiliation.

Le jugement expose que l'argument d'[G] [WC] pour justifier le non paiement des fermages par l'exception d'inexécution du fait de la destruction d'un bâtiment d'exploitation, ne saurait prospérer. Il apparaît qu'aucun paiement n'est intervenu à compter d'avril 2015, ce qui signifie que malgré la perte du bâtiment en 2006, la preneuse a continué à régler les échéances jusqu'à cette date.

Le jugement rappelle que l'article 1104 du code civil ne s'applique qu'aux contrats conclus à compter du 1er octobre 2016. Il relève que la mauvaise foi du bailleur ne peut être retenue dans la mesure où les bailleurs ont mis en demeure la locataire depuis quatre ans du fait de sa dette quand bien même il serait également important pour eux de vendre le bien dans le cadre de la succession. Il ajoute que la locataire peut faire valoir son droit de préemption.

Concernant le montant des fermages, le jugement constate que [G] [WC] n'a pas contesté le décompte accompagnant la mise en demeure du 20 juin 2019. Les sommes réclamées aujourd'hui par les bailleurs correspondent aux causes et à l'exécution du contrat de fermage et ne sont pas contestées par la locataire.

Le jugement rejette la demande de dommages et intérêts de [G] [WC] au titre de l'atteinte alléguée à la jouissance paisible du bien. Le bâtiment litigieux était inexploité depuis 2006, sans que la locataire ne s'en préoccupe puisqu'elle a continué à payer les loyers jusqu'en 2015. Le notaire chargé de la succession n'a été alerté par la locataire qu'en 2018.

[G] [WC] a relevé appel du jugement par déclaration au greffe du 15 novembre 2021.

[G] [WC] demande à la cour de :

Infirmer le jugement rendu le 12 octobre 2021 en ce qu'il a rejeté la demande de nullité de la mise en demeure opposée par [G] [WC], condamné [G] [WC] à payer aux héritiers de [X] [U] la somme de 14 212,13 euros au titre des fermages dus jusqu'au mois de mars 2021, prononcé la résiliation du bail, dit que cette résiliation prendra effet au jour de la présente décision, ordonné l'expulsion d'[G] [WC] ainsi que tous les occupants de son chef des lieux loués, condamné [G] [WC] à payer aux héritiers de [X] [U] une indemnité d'occupation équivalente au montant des fermages actuels à compter de la date de résiliation du fermage jusqu'à son départ effectif des lieux loués, rappelé que l'exécution provisoire est de droit et condamné [G] [WC] aux entiers dépens ;

Débouter les ayants-droits de [X] [U] de leur demande en résiliation de bail et de leurs demandes subséquentes ;

Subsidiairement, débouter les ayants droit de [X] [U] de leurs entières demandes, considérant l'existence de raison sérieuses et légitimes pour le preneur ;

A titre infiniment subsidiaire, débouter les ayants-droit de [X] [U] de leurs d'entières demandes, considérant la mauvaise foi de leur demande ;

Débouter les ayants-droit de [X] [U] de leurs entières demandes ;

Condamner solidairement l'ensemble des ayants droit de [X] [U] à verser à [G] [WC] la somme de 3 600 euros en réparation du préjudice de jouissance subi depuis 2016 à parfaire sur la base de 600 euros par année de préjudice ;

Condamner solidairement les ayants droit de [X] [U] à verser à [G] [WC] la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

[G] [WC] soutient que la mise en demeure qui lui a été délivrée est nulle pour ne pas avoir respecté le formalisme de l'article L. 411-31 du code rural puisque les termes de la disposition visée ne sont pas reproduits dans la mise en demeure. Elle estime donc qu'elle n'a pas valablement été informée du risque de résiliation encouru. Elle rappelle que la Cour de cassation, le 13 septembre 2018, a pu casser l'arrêt d'une cour d'appel qui avait écarté la nullité du commandement de payer qui ne reproduisait pas exactement les dispositions de l'article L 411-31 du code rural.

[G] [WC] ajoute que la nullité de la mise en demeure se justifie également par le fait qu'elle ne vise aucune échéance de fermage précise. Le bail prévoit un paiement semestriel avec des échéances au 1er mars et au 1er septembre de chaque année alors que la mise en demeure sollicite paiement « des échéances depuis le mois d'avril 2015 » sans viser de terme précis et en visant des échéances mensuelles. En tout état de cause, [G] [WC] fait valoir que le montant indiqué par la mise en demeure est manifestement erroné puisqu'il établit un décompte avec des échéances mensuelles et qu'il révèle des paiements semestriels rarement identiques alors même que le fermage annuel devait être divisé par moitié pour permettre un paiement par semestre. Cette différence s'explique soit par une erreur de calcul, selon la locataire, puisque l'application de la formule d'indexation du fermage n'aboutit pas aux résultats indiqués, soit par le fait que les taxes mises à la charge du preneur sont payées au terme d'une des deux échéances alors même que l'action en résiliation du bail ne peut se fonder sur un défaut de paiement des taxes et cotisations s'ajoutant au fermage, comme la Cour de cassation l'a rappelé le 27 mars 1973. [G] [WC] soutient que la formule d'indexation du fermage est la suivante : Fermage année N = (fermage année N-1* indice année N) / indice année N-1 et non pas, comme le retienne les bailleurs : Fermage année N=Fermage année N-1*(Indice année N/indice année N-1). En toutes hypothèses, la locataire souligne que même en utilisant la formule retenue par les bailleurs, le résultat du décompte est incorrect.

Subsidiairement, [G] [WC] soutient qu'elle justifie de raisons légitimes et sérieuses faisant obstacle à la résiliation du bail, comme le prévoit l'article L 411-31 du code rural. Elle affirme qu'elle n'a pas réglé les loyers réclamés puisqu'ils ne tenaient pas compte de la perte de jouissance résultant de la destruction d'un bâtiment d'exploitation objet du bail depuis 2006. Cette destruction du bien loué entraîne un préjudice de jouissance pour le preneur. Elle avance que rien ne permet d'établir qu'elle ne se serait pas prévalue de la destruction du bâtiment loué pour s'exonérer du paiement des loyers dans le cadre de la précédente procédure l'ayant opposée aux bailleurs puisque la procédure s'est soldée par une radiation compte tenu d'un accord entre les parties. [G] [WC] fait valoir qu'aucune condition de temporalité n'est exigée en matière d'exception d'inexécution.

A titre infiniment subsidiaire, [G] [WC] soutient que les bailleurs sont de mauvaise foi. Selon elle, l'article 1104 du code civil, issu de l'ordonnance de 2016, s'applique puisque le contrat de bail renouvelé le 1er septembre 2019 constitue un nouveau bail. En tout état de cause, ce principe existait antérieurement à cette disposition puisque la Cour de cassation s'est fondée sur la mauvaise foi des bailleurs pour valider le rejet de la demande de résiliation de bail pour défaut de paiement du loyer, dans plusieurs affaires. [G] [WC] fait valoir que les bailleurs avaient l'intention de vendre les biens objet du bail avant la demande en résiliation et qu'ils n'ont sollicité la résiliation du bail qu'après qu'elle a demandé la révision du prix de l'offre de vente. Elle soutient qu'elle a fait réinscrire l'affaire relative au prix de l'offre de vente.

Subsidiairement, [G] [WC] conteste la demande en paiement des arriérés de fermage et fait valoir l'exception d'inexécution ainsi que les erreurs du décompte.

[G] [WC] souhaite obtenir réparation du préjudice subi du fait de la destruction d'une partie des biens loués. Elle soutient que le bailleur a manqué à ses obligations de délivrance du bien et d'effectuer des grosses réparations. La perte d'un bâtiment d'exploitation loué est un préjudice de perte de jouissance dès lors qu'elle s'acquitte du même montant de fermage qu'avant. [G] [WC] précise qu'elle a informé le notaire chargé de la succession de [X] [U] du sinistre sans qu'aucune réparation ne soit effectuée.

Les ayants droit de [X] [U] demandent à la cour de :

Réformer le jugement dont appel en ce qu'il a retenu la recevabilité formelle de l'exception de nullité de la mise en demeure opposée par [G] [WC] ;

Confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a rejeté la demande de nullité de la mise ne demeure opposée par [G] [WC] ;

Réformer le jugement dont appel en ce qu'il a condamné [G] [WC] à payer aux ayants droit de [X] [U] la somme de 14 212,43 euros au titre des fermages dus jusqu'au mois de mars 2021 ;

Condamner [G] [WC] à payer aux ayants droit de [X] [U] la somme de 15 445,55 euros au titre des fermages dus jusqu'au 12 octobre 2021 ;

Confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a prononcé la résiliation du bail à ferme ;

Confirmer pour le surplus le jugement dont appel ;

Condamner [G] [WC] à payer aux ayants-droit de [X] [U] une somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Les bailleurs soutiennent que la demande de nullité de leur mise en demeure est irrecevable sur le fondement de l'article 112 du code de procédure civile, qui prévoit que la nullité est couverte si celui qui l'invoque a, postérieurement à l'acte critiqué, fait valoir des défenses au fond ou opposé une fin de non-recevoir sans soulever la nullité. Ils font valoir que [G] [WC] avait communiqué des conclusions opposant des fins de non recevoir et conclu au fond avant de communiquer des conclusions invoquant la nullité. Le fait que la procédure soit orale n'a pas d'influence sur cette disposition dans la mesure où le tribunal avait fixé un calendrier pour les échanges écrits entre les parties. En tout état de cause, les intimés soulignent que [G] [WC] ne justifie d'aucun grief.

Les ayants droit de [X] [U] soutiennent que la mise en demeure prévoit bien un terme précis de demande de paiement des fermages puisqu'un décompte est joint. Le décompte est bien découpé semestriellement. Ils contestent l'erreur de calcul invoquée par [G] [WC] ou le fait que la différence viendrait du fait que des taxes auraient été rajoutées à la charge du preneur. Ils soutiennent que la différence entre les fermages s'explique par l'application des règles de l'indexation en tenant notamment compte du fait que le bail ne correspond pas à l'année civile et que la période d'actualisation ne correspond ni à l'année civile ni à la périodicité du bail.

Les ayants droit de [X] [U] contestent l'existence de raisons sérieuses et légitimes du preneur pour ne pas payer les fermages. Ils rappellent que [G] [WC] a continué à payer les loyers jusqu'en 2015 malgré la destruction du bien en 2006. Ils ajoutent qu'elle n'a jamais formulé d'observations particulières auprès de son bailleur sur ce point, durant 12 ans. Ils font également valoir la lettre de saisine du tribunal de Millau, le 25 janvier 2015, dans laquelle le bailleur avait sollicité la résiliation du bail et le paiement des fermages et ajoutent que [G] [WC] s'était finalement acquittée à cette occasion des sommes réclamées.

Les ayants droit de [X] [U] contestent être de mauvaise foi. Ils soutiennent que c'est l'attitude de [G] [WC] qui a provoqué la radiation du dossier lors de la procédure engagée précédemment. Ses dernières écritures en date du 8 février 2021, pour une audience en date du 9 février lors de cette instance, démontrent sa négligence et ce d'autant plus qu'elle avait demandé plusieurs renvois et changé plusieurs fois de conseil malgré le calendrier pour les écritures, fixé par le tribunal.

Ils contestent l'existence d'un préjudice de jouissance pour [G] [WC] et rappellent qu'elle n'a signalé le préjudice allégué au notaire qu'en décembre 2018, sans avoir auparavant soulevé la moindre contestation.

Les bailleurs font valoir qu'il convient d'actualiser la dette locative en tenant compte de la date de résiliation du bail, soit le 12 octobre 2021.

MOTIFS

1. Sur la validité de la mise en demeure du 20 juin 2019 et ses effets

Les bailleurs soulèvent l'irrecevabilité de la demande de nullité de la mise en demeure tirée du motif de l'absence de reproduction des dispositions de l'article L. 411-31 du code rural, au motif qu'elle a été soulevée après une défense au fond, en violation de l'article 112 du code de procédure civile.

Il convient cependant de rappeler que la procédure devant le tribunal paritaire des baux ruraux est orale et que conformément aux dispositions de l'article 446-1 du code de procédure civile, les parties présentent oralement à l'audience leurs prétentions et les moyens à leur soutien. Elles peuvent également se référer aux prétentions et aux moyens qu'elles auraient formulés par écrit, suivant éventuellement un calendrier de procédure établi par le tribunal, qui est néanmoins sans conséquence sur la nature de la procédure, qui reste orale.

Il résulte en l'espèce des mentions portées dans le jugement déféré qu'[G] [WC] a contesté en premier lieu la régularité formelle du congé, notamment en ce qu'il ne retranscrivait pas exactement les termesHélène [WC] .

Ainsi, il convient en conséquence de déclarer recevable ce moyen et d'en examiner le bien-fondé.

L'article L. 411-31 du code rural dispose que le bailleur ne peut demander la résiliation du bail que s'il justifie notamment de deux défauts de paiement de fermage ou de la part de produits revenant au bailleur ayant persisté à l'expiration d'un délai de trois mois après mise en demeure postérieure à l'échéance. Il précise que cette mise en demeure devra, à peine de nullité, rappeler les termes de la présente disposition.

Il est exact, comme le soutient [G] [WC], que la mise en demeure en litige ne cite pas littéralement les termes de l'article L. 411-31 du code rural, se limitant à indiquer la possibilité pour le bailleur, sans préjudice de son droit de demande de résiliation de bail, de se prévaloir des dispositions de l'article L. 411-53 du code rural pour ne pas renouveler.

Ainsi, à défaut de rappeler les termes de l'article L. 411-31 du code rural, ceci afin de mettre le preneur en mesure de comprendre les risques de la persistance de défauts de paiement, la mise en demeure du 20 juin 2019 est nulle.

En conséquence, le jugement rendu le 12 octobre 2021 par le tribunal paritaire des baux ruraux de Millau sera infirmé en toutes ses dispositions.

2. Sur les prétentions indemnitaires formées par [G] [WC] à titre reconventionnel

Comme ont pu le relever justement les premiers juges, alors que l'argument de la perte de l'un des bâtiments d'exploitation en 2006 consécutivement à des chutes de neige très importantes était soulevé par [G] [WC] pour justifier du non paiement des fermages, par l'exception d'inexécution, celle-ci a continué à régler le fermage jusqu'en avril 2015 et n'a signalé ce fait que par un courrier à maître [F] [W], notaire, le 14 février 2018.

Ainsi, à défaut d'avoir formulé une quelconque réclamation pendant près de dix années, elle ne saurait se prévaloir d'une telle inertie pour justifier d'un préjudice sur cette période.

[G] [WC] sera en conséquence déboutée de ses prétentions indemnitaires.

3. Sur les dépens et les frais non remboursables

Chacune des parties conservera ses dépens de l'instance et il ne sera pas fait application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire et mis à disposition au greffe ;

INFIRME le jugement rendu le 12 octobre 2021 par le tribunal paritaire des baux ruraux de Millau, en toutes ses dispositions ;

DEBOUTE [G] [WC] de ses prétentions indemnitaires ;

DIT n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais non remboursables exposés en appel ;

DIT que chacune des parties conservera ses dépens de l'instance.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 5e chambre civile
Numéro d'arrêt : 21/06594
Date de la décision : 24/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-24;21.06594 ?
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