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24/01/2023 | FRANCE | N°20/05078

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 5e chambre civile, 24 janvier 2023, 20/05078


Grosse + copie

délivrées le

à















COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



5e chambre civile



ARRET DU 24 JANVIER 2023



Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 20/05078 - N° Portalis DBVK-V-B7E-OYDG







Décision déférée à la Cour :

Jugement du 25 SEPTEMBRE 2020

TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE PERPIGNAN (FRANCE)

N° RG 1119001024







APPELANTE :



Madame [S] [V]r>
née le 29 Mars 1966 à [Localité 7]

[Adresse 1]. les Ajoncs, apt. A01, RDC

[Localité 4])

Représentée par Me Passion-Célestin GREGONE-MBOMBO, avocat au barreau de PYRENEES-ORIENTALES, avocat postulant et non plaidant









INTIMEE :



S....

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

5e chambre civile

ARRET DU 24 JANVIER 2023

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 20/05078 - N° Portalis DBVK-V-B7E-OYDG

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 25 SEPTEMBRE 2020

TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE PERPIGNAN (FRANCE)

N° RG 1119001024

APPELANTE :

Madame [S] [V]

née le 29 Mars 1966 à [Localité 7]

[Adresse 1]. les Ajoncs, apt. A01, RDC

[Localité 4])

Représentée par Me Passion-Célestin GREGONE-MBOMBO, avocat au barreau de PYRENEES-ORIENTALES, avocat postulant et non plaidant

INTIMEE :

S.A. SOCIETE FRANCAISE DES HABITATIONS ECONOMIQUES

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Céline FLORENTIN, avocat au barreau de PYRENEES-ORIENTALES, avocat postulant et plaidant

Ordonnance de clôture du 14 Novembre 2022

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 05 DECEMBRE 2022,en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Emmanuel GARCIA, Conseiller, chargé du rapport.

Ce(s) magistrat(s) a (ont) rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Philippe GAILLARD, Président de chambre

Madame Nathalie AZOUARD, Conseiller

Monsieur Emmanuel GARCIA, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Estelle DOUBEY

ARRET :

- Contradictoire ;

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par Monsieur Philippe GAILLARD, Président de chambre, et par Madame Estelle DOUBEY, Greffier.

*

* *

EXPOSE DU LITIGE

Le 22 mai 2015, la Société Française des Habitations Economiques a donné à bail à [S] [V] un logement situé à [Adresse 5], en contrepartie d'un loyer mensuel de 332,73 euros, outre un emplacement de stationnement en contrepartie d'un loyer mensuel de 15 euros.

Le 30 mai 2018, une sommation d'avoir à respecter les clauses du bail et de cesser de troubler le voisinage a été délivré à [S] [V]. Il en sera de même à la date du 9 mai 2019.

Le 26 juin 2019, la bailleresse a assigné [S] [V] aux fins d'obtenir son expulsion, essentiellement en raison de manquements allégués à son obligation de jouir paisiblement des locaux loués et à son obligation de payer les loyers.

[S] [V] a opposé le comportement de sa voisine qui serait à l'origine des désordres et a nié causé des troubles.

Le jugement rendu le 25 septembre 2020 par le tribunal judiciaire de Perpignan énonce dans son dispositif :

Prononce la résiliation du bail concédé à [S] [V] ;

Autorise la Société Française des Habitations Economiques à faire procéder à l'expulsion d'[S] [V] ainsi qu'à celle de tous ses biens suivant la procédure habituelle ;

Ordonne que le présent jugement sera notifié par le greffe aux services de la préfecture ;

Rappelle les formalités relatives à la procédure d'expulsion ;

Condamne [S] [V] à payer à la Société Française des Habitations Economiques la somme de 2 262,27 euros au titre de l'arriéré de loyers et charges dû au 30 avril 2020 ;

Autorise [S] [V] à se libérer de cette dette avant le 25 septembre 2021 ;

Déboute toutes les parties du surplus de leurs prétentions en ce compris celles relatives aux frais irrépétibles et à l'indemnité d'occupation ;

Ordonne l'exécution provisoire du jugement ;

Met les dépens à la charge d'[S] [V].

Le jugement constate que la bailleresse verse aux débats de nombreuses plaintes des voisins et du syndic qui décrivent de multiples manquements à la tranquillité et à l'hygiène des lieux loués, notamment de l'agressivité verbale, des menaces et des excréments du chien de la locataire dans les parties communes, sans que les manquements ne cessent du fait des rappels à l'ordre. La gravité des manquements constatés permet de prononcer la résiliation du bail.

Le jugement constate que la locataire admet devoir les arriérés locatifs et que sa situation financière permet de lui octroyer des délais de paiement. Il expose qu'il ne peut pas condamner quelqu'un au paiement de sommes ne correspondant pas à une créance certaine, liquide et exigible et ne peut donc condamner [S] [V] à une indemnité d'occupation portant sur une occupation future et incertaine.

[S] [V] a relevé appel du jugement par déclaration au greffe du 16 novembre 2020.

Le 10 février 2021, le premier président de la cour d'appel de Montpellier a débouté [S] [V] de sa demande en date du 30 novembre 2020, d'arrêt de l'exécution provisoire du jugement.

La clôture de la procédure a été prononcée par ordonnance du 14 novembre 2022.

Les dernières écritures pour [S] [V] ont été déposées le 26 novembre 2020.

Les dernières écritures pour la Société Française des Habitations Economiques ont été déposées le 1er mars 2021.

Le dispositif des écritures pour [S] [V] énonce :

Rejeter toutes conclusions et fins contraires de la Société Française des Habitations Economiques ;

Recevoir l'intégralité des moyens et prétentions de l'appelante ;

Infirmer totalement le jugement ;

Rejeter purement et simplement l'ensemble des demandes de la Société Française des Habitations Economiques tendant à la résiliation du bail ;

Subsidiairement, prononcer la suspension de la clause résolutoire contenue dans le contrat de bail et accorder un délai de paiement ainsi qu'un délai d'exécution de l'arrêt à intervenir d'un an à [S] [V] ;

Condamner la Société Française des Habitations Economiques à la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

[S] [V] soutient que la saisine du juge par le bailleur est irrecevable puisqu'il ne justifie pas de la tentative de conciliation ou de médiation préalable prévue par l'article 3 II de la loi du 23 mars 2019.

[S] [V] fait valoir que le trouble anormal de voisinage invoqué n'est en tout état de cause pas démontré. Elle avance que les courriers et plaintes en gendarmerie versés aux débats se contentent de retranscrire les allégations des voisins, sans pouvoir se voir conférer de force probante. Dans des circonstances similaires, la cour d'appel de Saint-Denis-de-la-réunion, le 9 juin 2017, avait estimé que le trouble anormal de voisinage n'était pas démontré. [S] [V] soutient que le bailleur ne rapporte pas la preuve de la période sur laquelle sont survenus les troubles, ni leur persistance ou leur fréquence alors même que c'est sur la bailleresse que pèse la charge de la preuve.

[S] [V] avance également qu'elle a un différend avec sa voisine et fait valoir les plaintes qu'elle a déposé à son encontre. Elle indiqué avoir présenté une ITT de trois jours suite à une agression par sa voisine.

Elle soutient que les sommations reçues se basent sur des allégations de voisins sans qu'aucun constat d'huissier n'ait été réalisé. Selon elle, c'est sa voisine qui cause les troubles allégués. A l'inverse, elle fait valoir une attestation d'une de ses voisines qui affirme qu'elle ne cause aucun désordre dans l'immeuble.

Concernant les arriérés de loyers, [S] [V] reconnaît qu'elle présentait un retard de loyers suite à une perte d'emploi mais qu'elle a par la suite retrouvé un emploi et repris le paiement du loyer courant. Elle précise qu'elle a saisi la commission de surendettement des Pyrénées-Orientales, qui a déclaré recevable la demande de l'appelante. Elle fait valoir qu'elle a obtenu une décision de rétablissement personnel sans liquidation judiciaire, qui entraîne un effacement total de ses dettes.

Subsidiairement, [S] [V] sollicite la suspension de la clause résolutoire et l'obtention d'un délai de paiement et d'exécution de l'arrêt du fait de ses difficultés de relogement et de sa santé.

Le dispositif des écritures pour la Société Française des Habitations Economiques énonce :

Débouter [S] [V] de toutes ses demandes ;

Confirmer le jugement dont appel en ce qu'il juge qu'[S] [V] a gravement manqué à son obligation de jouir paisiblement des lieux loués et son obligation de paiement du loyer aux termes convenus, prononcé la résiliation judiciaire du contrat, ordonne l'expulsion d'[S] [V] et autorise la Société Française des Habitations Economiques à faire transporter les meubles et autres biens ;

Réformer le jugement pour le surplus ;

Condamner [S] [V] à payer à la Société Française des Habitations Economiques la somme de 1 949,54 euros due au 10 décembre 2020 outre intérêts au taux légal à compter de l'arrêt à intervenir au visa de l'article 1231-7 du code civil ;

Condamner [S] [V] à payer à la Société Française des Habitations Economiques une indemnité mensuelle d'occupation à compter de la résiliation des contrats de bail et jusqu'à la libération effective et définitive des lieux d'un montant égal à celui du loyer et de la provision mensuelle sur charges qui auraient été dus si les contrats n'avaient pas été résiliés ;

Condamner [S] [V] au paiement de la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile augmentée des intérêts au taux légal outre les entiers dépens.

La Société Française des Habitations Economiques fait valoir qu'[S] [V] a manqué à son obligation d'user paisiblement des lieux loués, comme le démontrent notamment les courriers de plainte reçus de plusieurs locataires, du syndic et de la police municipale ainsi que la pétition, les dépôts de plainte et les rappels du bailleur, versés aux débats. La bailleresse ajoute qu'[S] [V] a manqué à son obligation de paiement du loyer comme son relevé de compte locataire le démontre.

La Société Française des Habitations Economiques rappelle qu'en cas de manquement du locataire, la résiliation du bail est prononcée dès lors qu'il s'agit de manquements graves et répétés. Elle demande néanmoins à ce que l'expulsion de celle-ci soit autorisée sans respect du délai légal au vu de la gravité des manquements et qu'[S] [V] soit condamnée au paiement d'une indemnité d'occupation jusqu'au départ effectif des lieux. La bailleresse rappelle que l'indemnité d'occupation est due de plein droit en contrepartie de l'occupation sans droit ni titre qui constitue un trouble manifestement illicite selon la jurisprudence de la Cour de cassation.

La Société Française des Habitations Economiques soutient qu'aucune cause d'irrecevabilité n'est encourue pour défaut de tentative de conciliation préalable à la saisine du tribunal. Elle rappelle que le tribunal a été saisi par voie d'assignation et non de requête et, qu'en tout état de cause, les courriers adressés à [S] [V] visant à l'inciter à modifier son comportement constituent des diligences afin de parvenir à une résolution amiable. La Société Française des Habitations Economiques affirme que [S] [V] est bien à l'origine d'un trouble anormal de voisinage et rappelle qu'en la matière, la preuve se fait par tout moyen. Les témoignages des voisins semblent être la voie la plus adaptée pour démontrer les manquements de la locataire. En outre, certains éléments versés aux débats sont objectifs, notamment la pétition, les dépôts de plainte ou les courriers reçus. Ces éléments permettent également de préciser la période de commission des troubles. Les courriers dénoncent une attitude violente et injurieuse d'[S] [V] et ce de façon quotidienne. La Société Française des Habitations Economiques fait valoir qu'[S] [V] n'avait jamais mentionné subir des troubles du fait de ses voisins et qu'elle ne précise pas les suites données à sa plainte.

La Société Française des Habitations Economiques relève qu'[S] [V] ne nie pas l'existence d'un manquement à son obligation de payer les loyers. Elle ajoute que n'est pas versé aux débats le courrier de la Commission de surendettement l'informant de la validation de la mesure proposée de rétablissement personnel sans liquidation judiciaire. Dès lors, sa dette n'est pas effacée. La Société Française des Habitations Economiques conteste l'octroi de délais de paiement à sa locataire puisque [S] [V] n'est pas en situation de régler sa dette locative.

MOTIFS

1. Sur les troubles de voisinage

[S] [V] se prévaut des dispositions de l'article 4 de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIème siècle tel que modifié par l'article 3 II de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, qui prévoit désormais que lorsque la demande tend au paiement d'une somme n'excédant pas un certain montant ou est relative à un conflit de voisinage, la saisine du tribunal de grande instance doit, à peine d'irrecevabilité que le juge peut prononcer d'office, être précédée, au choix des parties, d'une tentative de conciliation menée par un conciliateur de justice ou d'une tentative de médiation.

Or, le rappelle justement la Société Française des Habitations Economiques, ces dispositions, dans leur rédaction au jour de la saisine du premier juge soit, le 26 juin 2019, prévoyaient qu'elle devait être précédée d'une tentative de conciliation menée par un conciliateur de justice sauf notamment si les parties justifiaient d'autres diligences entreprises en vue de parvenir à une résolution amiable de leur litige.

En l'espèce, l'intimée justifie de nombreux courriers adressés à [S] [V] l'invitant à modifier son comportement afin de respecter ses obligations locatives et d'éviter ainsi une procédure judiciaire, de sorte que ce moyen sera écarté.

Sur le fond, en considération des pièces versées au débat par les parties, notamment les courriers de plainte reçus de plusieurs locataires, du syndic et de la police municipale d'[Localité 6], de la pétition, des dépôts de plainte, des certificats médicaux, des rappels de la bailleresse et les sommations interpellatives, les courriels de la gardienne ou encore le procès-verbal d'assemblée générale, la cour estime que les troubles de voisinage sont constitués et qu'il n'y a pas lieu à réformation de ce chef.

2. Sur l'arriéré locatif et la demande de délais de paiement

Si [S] [V] soutient que le bénéfice d'une procédure de rétablissement personnel sans liquidation personnelle empêcherait la Société Française des Habitations Economiques de se prévaloir du jeu de la clause résolutoire, la cour constate toutefois qu'elle n'en justifie pas et qu'il n'est pas apporté de critique utile aux motifs pris par le premier juge, de sorte que le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il l'a condamnée au paiement de l'arriéré locatif, lequel sera actualisé dans les termes du dispositif, outre la condamnation au paiement d'une indemnité d'occupation à laquelle il sera fait droit.

Il ne sera en revanche pas fait droit à la demande de délais de paiement dès lors que celle-ci n'est aucunement justifiée par [S] [V].

3. Sur les dépens et les frais non remboursables

Le jugement sera confirmé en ce qui concerne les dépens et l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

[S] [V] sera condamnée aux dépens de l'appel.

[S] [V], qui échoue en son appel, en toutes ses prétentions, sera au surplus condamnée à payer à la Société Française des Habitations Economiques la somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire et mis à disposition au greffe ;

CONFIRME le jugement rendu le 25 septembre 2020 par le tribunal judiciaire de Perpignan, sauf en ce qu'il a condamné [S] [V] à payer à la Société Française des Habitations Economiques la somme de 2 262,27 euros au titre de l'arriéré de loyers et charges dû au 30 avril 2020 ;

Statuant à nouveau,

CONDAMNE [S] [V] à payer à la Société Française des Habitations Economiques la somme de 1 949,54 euros due au 10 décembre 2020, outre intérêts au taux légal à compter de l'arrêt à intervenir, au visa de l'article 1231-7 du code civil ;

CONDAMNE [S] [V] à payer à la Société Française des Habitations Economiques une indemnité mensuelle d'occupation à compter de la résiliation des contrats de bail et jusqu'à la libération effective et définitive des lieux, d'un montant égal à celui du loyer et de la provision mensuelle sur charges qui auraient été dus si les contrats n'avaient pas été résiliés ;

CONDAMNE [S] [V] à payer à la Société Française des Habitations Economiques la somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais non remboursables d'appel ;

CONDAMNE [S] [V] aux dépens de l'appel.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 5e chambre civile
Numéro d'arrêt : 20/05078
Date de la décision : 24/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-24;20.05078 ?
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