Grosse + copie
délivrées le
à
COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
1re chambre sociale
ARRET DU 18 JANVIER 2023
Numéro d'inscription au répertoire général :
N° RG 19/05707 - N° Portalis DBVK-V-B7D-OJOJ
Arrêt n° :
Décision déférée à la Cour :
Jugement du 18 JUIN 2019 du CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE PERPIGNAN - N° RG F 18/00323
APPELANTE :
Madame [R] [F]
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentée par Me Yann GARRIGUE de la SELARL LEXAVOUE MONTPELLIER GARRIGUE, GARRIGUE, LAPORTE, avocat au barreau de MONTPELLIER (postulant) et par Me VILLELA, avocate au barreau de Perpignan (plaidant)
INTIMEE :
LA SARL SERVICES SANS SOUCI , dont le nom commercial est TOUT A DOM SERVICES, prise en la personne de son représentant légal domicilié es qualité au siège social,
[Adresse 3]
[Adresse 1]
[Localité 5]
Représentée par Me Marion GRECIANO, avocat au barreau de MONTPELLIER (postulant) et par Me Maud GIMENEZ, avocate au barreau de Montpellier, GPMG AVOCATS (plaidant)
Ordonnance de clôture du 26 Octobre 2022
COMPOSITION DE LA COUR :
En application de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 16 NOVEMBRE 2022, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l'article 804 du même code, devant la cour composée de :
Monsieur Philippe DE GUARDIA, Président de chambre
Madame Caroline CHICLET, Conseiller
Madame Florence FERRANET, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mme Marie BRUNEL
ARRET :
- contradictoire
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
- signé par Monsieur Philippe DE GUARDIA, Président de chambre, et par Mme Marie BRUNEL, Greffière.
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* *
EXPOSE DU LITIGE :
Mme [F] a été recrutée par la société Services Sans Souci dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel annualisé le 1er février 2018 en qualité d'assistante de vie aux familles.
Le contrat prévoit une période d'essai de deux mois.
Le 22 mars 2018 était signé entre les parties un renouvellement de période d'essai pour une durée de deux mois.
Mme [F] était hospitalisée à la clinique mutualiste Catalane du 26 mars au 29 mars 2018, elle était en arrêt maladie du 26 mars 2018 au 22 mai 2018.
Le 7 avril 2018 Mme [F] a adressé à Mme [G] un courrier recommandé dans lequel elle accusait réception d'une convocation pour le 5 avril 2018 et indiquait qu'étant en arrêt de travail elle ne pouvait pas se déplacer.
Le 9 mai 2018 Mme [F] adressait à Mme [G] une lettre de suivi dans laquelle elle sollicitait son bulletin de paie.
Par courrier recommandé du 18 juin 2018 la société Services Sans Souci mettait Mme [F] en demeure de l'informer des raisons justifiant son absence injustifiée depuis le 23 mai 2018.
Par courrier recommandé du 9 juillet 2018 Mme [F] écrivait à son employeur indiquant qu'elle était sans nouvelles depuis le 5 avril 2018, qu'elle considèrait que son contrat de travail a été rompu le 5 avril 2018 et que son employeur devait lui remettre les documents liés à cette rupture, ainsi que les indemnités compensatrices et de rupture.
Le 20 juillet 2018 la société Services Sans Souci adressait un courrier recommandé à Mme [F] la convoquant à un entretien préalable à licenciement fixé au 1er août 2018.
Le 6 août 2018 la société Services Sans Souci licenciait Mme [F] pour faute grave en raison de son absence injustifiée depuis 23 mai 2018 et à l'absence de réponse à la demande de justification d'absence envoyée le 18 juin 2018.
Mme [F] a saisi le conseil de prud'hommes de Perpignan le 14 septembre 2018 sollicitant l'annulation de la rupture de son contrat de travail pour discrimination et le versement de dommages-intérêts et indemnités compensatrices de préavis et congés payés.
Par jugement rendu le 18 juin 2019, le conseil de prud'hommes de Perpignan a débouté Mme [F] de ses demandes, a confirmé que le licenciement pour faute grave est valable et a condamné Mme [F] aux dépens.
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Mme [F] a interjeté appel de ce jugement le 8 août 2019.
Dans ses dernières conclusions déposées au greffe le 19 juillet 2022, elle demande à la cour d'infirmer le jugement et de condamner l'employeur au paiement des sommes suivantes :
- 9 378,94 € nets à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul ;
- 666,90 € bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et les congés payés correspondant soit 66,69 € ;
- 196,53 € nets au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés sur la période travaillée.
Elle sollicite la condamnation de l'employeur sous astreinte de 76€ par jour de retard à délivrer le certificat de travail, l'attestation pôle emploi et les bulletins de paie du mois d'avril 2018 rectifiés ainsi que le bulletin de paie de préavis.
Elle sollicite enfin la condamnation de l'employeur à lui verser la somme de 3 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
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La société Services Sans Souci dans ses conclusions déposées au greffe le 8 novembre 2019, demande à la cour de confirmer le jugement en toutes ses dispositions, de juger bien-fondé le licenciement pour faute grave notifié le 6 août 2018, de débouter Mme [F] de ses demandes en paiement de dommages-intérêts pour licenciement nul, d'indemnité compensatrice de préavis, d'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis et indemnité compensatrice de congés payés sur la période travaillée.
A titre subsidiaire, s'il était considéré que l'employeur avait rompu la période d'essai de la salariée en raison de son état de santé de ramener à de plus justes proportions les dommages-intérêts alloués, débouter Mme [F] de ses demandes de délivrance des documents de rupture et de la condamner à lui verser la somme de 1 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
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Pour l'exposé des moyens il est renvoyé aux conclusions précitées en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
La procédure a été clôturée par ordonnance du 26 octobre 2022, fixant la date d'audience au 16 novembre 2022.
MOTIFS :
Sur la rupture de la relation de travail pendant la période d'essai :
Mme [F] soutient que son contrat a été rompu le 5 avril 2018 pendant sa période d'essai, que d'ailleurs il lui a été demandé de restituer son téléphone professionnel dès le 9 avril 2018, demande réitérée par téléphone le 3 mai 2018, que la rupture résulte du courrier du 7 avril 2018 reçu le 10 avril 2018, qu'elle est ensuite demeurée sans nouvelles de son employeur jusqu'au courrier du 18 juin 2018 dans lequel il était reproché son absence injustifiée depuis le 23 mai 2018, qu'elle produit plusieurs témoignages démontrant que le rendez-vous du 5 avril 2018 avait pour objet une demande de rupture de la période d'essai.
La société Services Sans Souci soutient que le contrat de travail a été rompu suite à la procédure de licenciement mise en 'uvre et que le rendez-vous du 5 avril 2018 avait pour seul objet d'organiser le planning de la salariée en vue de la reprise de son travail suite à son premier arrêt maladie qui prenait fin le 8 avril, que lors de cet entretien lui avait été proposé de passer à temps plein suite au départ de la salariée Mme [T], qu'en réalité Mme [F] a refusé la proposition faite de passer à temps plein et à continué de transmettre ses arrêts de travail jusqu'au 22 mai 2018, qu'il est exact qu'a été sollicitée la restitution du téléphone portable de Mme [F] le 9 avril 2018, mais que cette demande a été faite à l'ensemble des salariés pour renvoi au fournisseurs, aux fins de remplacement.
Dans l'hypoythèse d'un arrêt maladie du salarié en période d'essai,
la suspension de la relation contractuelle permet à l'employeur de prolonger la période d'essai, d'une durée égale à celle de la suspension.
En l'espèce la période d'essai de Mme [F] s'étendait du 1er février 2018 au 31 mars 2018, cette période était donc en cours lors de l'arrêt maladie de Mme [F] le 26 mars 2018, il en résulte que cette période d'essai a été suspendue sur les périodes d'arrêt maladie de Mme [F] soit du 26 mars au 22 mai 2018 et que l'employeur n'était donc pas contraint de la renouveler.
La seule production aux débats par Mme [F] des échanges de SMS du jeudi 22 mars 2018 n'est pas de nature à remettre en cause la validité du renouvellement de la période d'essai qui a été signé par la salariée le même jour.
Pour justifier de ce que l'employeur a mis un terme à la période d'essai le 5 avril 2018, Mme [F] produit aux débats les échanges de SMS des 22-23-26 et 30 mars 2018 et des 4 et 5 avril 2018. Le seul fait qu'il soit mentionné dans un de ces échanges que l'employeur souhaitait voir sa salariée par rapport à son contrat, n'est pas de nature à démontrer que celui-ci souhaitait lui signifier la fin de sa période d'essai.
Dans le courrier adressé par recommandé le 7 avril 2018 à son employeur Mme [F] écrit « vous m'avez convoquée le 5 avril 2018 dans vos locaux pour me dire que vous voulez mettre fin à ma période d'essai, veuillez me faire parvenir les modalités pour la fin de contrat que vous envisagez ».
Comme le souligne la société Services Sans Souci, la salariée dans ce courrier ne prend pas acte de ce que sa période d'essai a été rompue mais de ce que son employeur a manifesté lors de l'entretien son intention de rompre la période d'essai. Dans ses conclusions Mme [F] déclare que le 5 avril à 15h18 elle a appelé une amie pour avoir un conseil car elle ne savait pas si elle devait acquiescer à la demande de son employeur qui lui réclamait une lettre pour mettre fin à sa période d'essai.
Il en résulte que même si il avait été envisagé par l'employeur de mettre un terme à la période d'essai, aucune rupture n'a été formalisée pendant cette période, et Mme [F] a d'ailleurs continué de transmettre ses arrêts maladie à son employeur et ce jusqu'au 17 mai 2018.
La société Services Sans Souci fait valoir qu'en réalité l'entretien du 5 avril 2018 avait pour objet une modification de la durée du travail de Mme [F], de temps partiel à temps plein, dès lors qu'une autre salariée Mme [T] avait souhaité mettre un terme à la relation contractuelle pendant sa propre période d'essai.
Elle produit pour en justifier le courrier signé de cette salariée le 28 mars 2018 qui déclare mettre fin à sa période d'essai, l'extrait du registre du personnel qui atteste que cette salariée qui a débuté son activité le 26 février 2018 est sortie de l'entreprise le 28 mars 2018,et l'attestation pôle emploi délivrée à la salariée.
Les irrégularités affectant les pièces produites par l'employeur soulevées par Mme [F], sont sans incidence sur le fait non contestable que Mme [T], qui a bien été embauchée le 26 février 2018 en qualité d'assistante de vie, a bien quitté l'entreprise le 28 mars 2018.
En ce qui concerne la demande de restitution du téléphone professionnel, effectuée par SMS du 9 avril 2018, il ressort de la pièce produite par la salariée aux débats (numéro 46) que cette demande résulte de l'obligation d'adresser au fournisseur de téléphonie tous les téléphones de l'entreprise afin de les remplacer, il ne peut donc en être tiré argument pour justifier d'une rupture du contrat de travail pendant la période d'essai.
Il en résulte que le renouvellement de la période d'essai signé par la salariée le 22 mars 2018 est tout à fait valable et qu'il n'est justifié d'aucune rupture du contrat de travail au cours de cette période d'essai renouvelée.
Sur le licenciement de Mme [F] pour faute grave notifié le 6 août 2018 :
L'employeur qui prend l'initiative de rompre le contrat de travail doit énoncer son ou ses motifs dans la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige.
Les motifs avancés doivent être précis et matériellement vérifiables, des motifs imprécis équivalant à une absence de motifs.
La faute grave, dont la preuve incombe à l'employeur, est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise et situe nécessairement le débat sur le terrain disciplinaire.
Alors que la preuve du caractére réel et sérieux du licenciement n'incombe pas particuliérement à l'une ou l'autre des parties, il revient en revanche à l'employeur d'apporter la preuve de la faute grave qu'il reproche au salarié. S'il existe un doute concernant l'un des griefs invoqués par l'employeur ayant licencié le salarié pour faute grave, il profite au salarié.
Lorsque les faits sont établis mais qu'aucune faute grave n'est caractérisée, le juge du fond doit vérifier si les faits initialement qualifiés de faute grave par l'employeur constituent ou non une cause réelle et sérieuse de licenciement.
En l'espèce dans la lettre de licenciement notifiée à Mme [F] le 6 août 2018 il est reproché à celle-ci :
- Une absence injustifiée depuis le 23 mai 2018 ;
- une absence de réponse à la demande de justification d'absence envoyée le 18 juin 2018.
La société Services Sans Souci produit aux débats le courrier recommandé qu'elle a adressé à sa salariée le 18 juin 2018 dans lequel elle lui demande de s'expliquer sur son absence injustifiée depuis le 23 mai 2018.
Dans son courrier en réponse du 9 juillet 2018 Mme [F] justifie son absence par le fait que son contrat aurait été rompu le 5 avril 2018 et en raison de son arrêt maladie.
Il a été statué sur le fait que l'employeur n'a formalisé aucune rupture du contrat de travail pendant la période d'essai. Mme [F] na donc donné aucune justification valable sur le fait qu'elle n'a pas repris son poste le 23 mai 2018.
La société Services Sans Souci a convoqué Mme [F] à un entretien préalable à licenciement le 5 juillet 2018, entretien qui s'est déroulé le 1er août 2018 auquel Mme [F] n'a pas assisté.
Mme [F] ne produit aucune pièce justifiant que postérieurement au 22 mai 2018 elle se trouvait en arrêt maladie.
L'absence injustifiée de la salariée depuis le 23 mai 2018 constitue une faute rendant impossible le maintien de celle-ci dans l'entreprise, le licenciement pour faute grave de Mme [F] est donc justifié, le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté Mme [F] de sa demande aux fins de voir prononcer la nullité du licenciement et les demandes indemnitaires subséquentes.
Sur la demande d'indemnité compensatrice de congés payés sur la période travaillée :
Mme [F] soutient qu'elle a perçu un salaire de 1 119,56 € nets au mois de février et de 845,70 € nets en mars 2018, qu'elle est donc fondée à solliciter la somme de 196,53 € à titre d'indemnité compensatrice de congés payés.
La société Services Sans Souci soutient qu'en l'absence d'explication sur son prétendu manquement, la demande doit être rejetée.
En application des dispositions de l'article L.3141-3 du code du travail, le salarié a droit à un congé de deux jours et demi ouvrable par mois de travail effectif chez le même employeur et il ressort de l'article L.3141-24 du même code que le congé annuel ouvre droit à une indemnité égale au 10e de la rémunération brute totale perçue par le salarié pour la période de référence.
Il ressort des fiches de paie de Mme [F] pour les mois de février et mars 2018 que celle-ci avait acquis au 31 mars 2018, 4,61 jours de congés payés. Lors de la remise des documents de fin de contrat, il a été versé à Mme [F] un reliquat de salaire et une indemnité compensatrice de congés payés de 247,28 €, correspondant au solde des 5 jours de congés payés acquis.
Il en résulte que Mme [F] a été remplie de ses droits ce qui concerne l'indemnité compensatrice de congés payés sur la période travaillée, elle sera déboutée de cette demande, le jugement sera confirmé de ce chef.
Sur les autres demandes :
Mme [F] sera déboutée de sa demande de remise sous astreinte des documents de fin de contrat rectifiés.
Mme [F] qui succombe sera tenue aux dépens d'appel et condamnée en équité à verser à la société Services Sans Souci la somme de 300 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
La cour ;
Confirme le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Perpignan le 18 juin 2019 en ce qu'il a débouté Mme [F] de toutes ses demandes et l'a condamnée aux dépens ;
Y ajoutant ;
Condamne Mme [F] à verser à la société Services Sans Souci la somme de 300 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne Mme [F] aux dépens d'appel.
Le greffier Le président