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17/01/2023 | FRANCE | N°20/01753

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 5e chambre civile, 17 janvier 2023, 20/01753


Grosse + copie

délivrées le

à































COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



5e chambre civile



ARRET DU 17 JANVIER 2023



Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 20/01753 - N° Portalis DBVK-V-B7E-OSEZ





Décision déférée à la Cour : Jugement du 03 MARS 2020

Tribunal Judiciaire de MONTPELLIER

N° RG 17/04986





APPELANTE :



S.C.I.

LES JACARANDAS RCS 488 485 251 représenté par son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité au siège social

[Adresse 5]

[Localité 8]

Représentée par Me Gilles ARGELLIES de la SCP GILLES ARGELLIES, EMILY APOLLIS - AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de M...

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

5e chambre civile

ARRET DU 17 JANVIER 2023

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 20/01753 - N° Portalis DBVK-V-B7E-OSEZ

Décision déférée à la Cour : Jugement du 03 MARS 2020

Tribunal Judiciaire de MONTPELLIER

N° RG 17/04986

APPELANTE :

S.C.I. LES JACARANDAS RCS 488 485 251 représenté par son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité au siège social

[Adresse 5]

[Localité 8]

Représentée par Me Gilles ARGELLIES de la SCP GILLES ARGELLIES, EMILY APOLLIS - AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant

assistée de Me Virginie BERTRAN, avocat au barreau de MONTPELLIER substituant Me Jean Christophe LEGROS, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat plaidant

INTIMES :

Monsieur [G] [M]

né le [Date naissance 4] 1955 à [Localité 10]

[Adresse 3]

[Localité 6]

Représenté par Me Philippe CALAFELL, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant et plaidant

Madame [B] [N] épouse [M]

née le [Date naissance 1] 1956 à [Localité 9]

[Adresse 3]

[Localité 6]

Représentée par Me Philippe CALAFELL, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant et plaidant

Monsieur [J] [M]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 7]

Représenté par Me Philippe CALAFELL, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant et plaidant

Ordonnance de clôture du 24 Octobre 2022

COMPOSITION DE LA COUR :

En application de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 14 NOVEMBRE 2022, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l'article 804 du même code, devant la cour composée de :

Monsieur Philippe GAILLARD, Président de chambre

Madame Nathalie AZOUARD, Conseiller

M. Emmanuel GARCIA, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Sylvie SABATON

ARRET :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par Monsieur Philippe GAILLARD, Président de chambre, et par Madame Sylvie SABATON, greffier.

*

* *

EXPOSE DU LITIGE

La société civile immobilière Les Jacarandas, qui est copropriétaire des lots réunis n° 19, 20, 21 et 25 au sein d'un immeuble situé à [Localité 8], a souhaité vendre le lot n° 25 de manière autonome.

Par courrier du 25 janvier 2012, [G] [M], [B] [N] épouse [M], et [J] [M], copropriétaires au sein du même immeuble, ont manifesté auprès de la venderesse leur opposition à la division des lots, à leur changement de destination et à levée d'une servitude de passage.

La société Les Jacarandas a poursuivi son projet de vente du lot n° 25 et a reçu une proposition d'achat de [R] [P], au prix de 160 000 euros.

Par acte du 20 septembre 2012, les consorts [M] ont fait délivrer une assignation à la société Les Jacarandas pour solliciter notamment l'enlèvement de l'escalier d'accès au lot n° 25 et l'interdiction pour la défenderesse de circuler sur les lots n° 30, 31 et 32.

Le projet de vente avec [R] [P] a été abandonné le 24 septembre 2012.

Cette assignation n'a jamais été enrôlée et, par acte du 25 octobre 2012, les consorts [M] ont fait assigner la société Les Jacarandas aux mêmes fins.

Par jugement du 23 juin 2014, le tribunal judiciaire de Montpellier a débouté les consorts [M] de l'ensemble de leurs demandes. Seul, [J] [M] a formé appel.

Le 1er avril 2015, la société Les Jacarandas a vendu l'ensemble de ses lots à la société Decimal Property, dont le lot n° 25, au prix de 110 000 euros.

Par arrêt rendu le 6 septembre 2018, la cour d'appel de Montpellier a confirmé le jugement du 23 juin 2014, y ajoutant que [J] [M] n'avait pas qualité pour demander la suppression de l'escalier litigieux ni celle de l'ouverture pratiquée dans le mur maître et l'a condamné à payer à la société Les Jacarandas la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts, en réparation de son préjudice moral.

Par acte du 22 septembre 2017, la société Les Jacarandas a fait assigner les consorts [M], en demandant notamment au tribunal, au visa des article 1242 et suivants du code civil, de les condamner in solidum à lui payer la somme de 50 000 euros.

Le jugement rendu le 3 mars 2020 par le tribunal judiciaire de Montpellier énonce dans son dispositif :

Déclare irrecevable la demande en dommages et intérêts formée par la société Les Jacarandas ;

Rejette le surplus des demandes ;

Condamne la société Les Jacarandas aux dépens de la présente instance.

Sur la demande de dommages et intérêts, le tribunal a relevé des pièces produites au débat que par courriel du 24 septembre 2012, [E] [T], gérante de la société Les Jacarandas, avait indiqué à [R] [P] qu'à la suite de l'assignation délivrée par les consorts [M], elle prenait la décision d'interrompre la vente envisagée, de « changer de stratégie et de mettre désormais à la vente l'ensemble des lots appartenant à la SCI », « l'idée de trouver un investisseur qui permettrait de continuer d'exercer l'activité (service d'aide et de soins à la personne âgée) pour une période de 2 à 3 ans (lui) sembl(ait) une bonne formule. » Elle indiquait ensuite que « pour information, l'ensemble des lots de ce local couvre une superficie de 225 m2, pour un loyer mensuel de 3 000 euros ».

Le même jour, [R] [P] confirmait « leur » proposition d'achat du bien en question au prix net vendeur de 160 000 euros et ajoutait qu'il « semblerait que cela ne soit plus possible à ce jour », qu'elle avait bien pris note des informations relatives au bien et qu'elle tenait la gérante de la SCI au courant le plus rapidement possible « pour la mise en vente de l'ensemble des lots ».

Le tribunal a considéré que nonobstant les termes de l'attestation rédigée par [R] [P] le 30 juin 2018, selon lesquels elle se serait rétractée de son offre d'achat en raison de la procédure engagée par les copropriétaires pour empêcher la vente en l'état, il était établi par le mail précité, qui avait fait immédiatement suite à la première assignation délivrée le 20 septembre 2012, que c'était bien la gérante de la société Les Jacarandas qui, spontanément, avait fait le choix de ne pas donner suite au projet de vente avec [R] [P] et de modifier d'emblée sa stratégie de vente, en mettant en vente non plus un seul lot, en l'occurrence le n° 25, mais l'ensemble des lots dont la société était propriétaire.

Si le tribunal a en outre considéré que la société Les Jacarandas ne pouvait ainsi se prévaloir d'un préjudice matériel financier issu de la non réalisation d'une vente, dont elle était elle-même à l'origine, et d'une stratégie de vente dont elle avait fait le choix, il a néanmoins retenu que ses décisions avaient assurément été dictées par la procédure judiciaire engagée par les consorts [M], qui était à ce titre source d'un préjudice moral, mais que, cependant, la cour d'appel de Montpellier avait d'ores et déjà indemnisé aux termes de son arrêt du 6 septembre 2018, intervenu en cours de procédure, de sorte que la demande formée par la société Les Jacarandas ne pouvait qu'être déclarée irrecevable.

La société Les Jacarandas a relevé appel du jugement par déclaration au greffe du 10 avril 2020.

La clôture de la procédure a été prononcée par ordonnance du 24 octobre 2022.

Les dernières écritures pour la société Les Jacarandas ont été déposées le 16 juillet 2020.

Les dernières écritures pour les consorts [M] ont été déposées le 16 juillet 2020.

Le dispositif des écritures pour la société Les Jacarandas énonce :

Infirmer le jugement rendu le 3 mars 2020 par le tribunal judiciaire Montpellier, en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau,

Condamner in solidum [G] [M], [B] [N] épouse [M], et [J] [M] à payer à la société Les Jacarandas la somme de 50 000 euros avec intérêt au taux légal depuis le 1er février 2013 ;

Condamner in solidum [G] [M], [B] [N] épouse [M], et [J] [M] à payer à la société Les Jacarandas la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamner [G] [M], [B] [N] épouse [M], et [J] [M] aux entiers dépens de première instance et d'appel avec, pour les dépens d'appel, droit pour l'avocat soussigné, conformément à l'article 699 du même code, de recouvrer directement ceux dont il aurait fait l'avance sans avoir reçu provision.

Pour l'essentiel, sur la recevabilité de son action en condamnation au paiement à des dommages-intérêts, la société Les Jacarandas estime que le tribunal, après avoir reconnu la faute des consorts [M], son préjudice et le lien de causalité, mais également après avoir retenu que le préjudice avait déjà été indemnisé par la cour d'appel, aurait dû relever que si la cour d'appel avait effectivement fait droit à la demande d'indemnisation du préjudice moral, à hauteur de 5 000 euros, elle avait toutefois expressément indiqué qu'elle réservait ses droits s'agissant du préjudice financier, dont l'indemnisation serait sollicitée dans le cadre d'une procédure autonome.

Elle précise qu'elle n'a pas sollicité le remboursement du préjudice économique objet de la présente procédure, d'une part parce qu'elle a vendu au cours de ladite procédure d'appel et aurait alors perdu un degré de juridiction, d'autre part parce qu'un seul des trois intimés était partie à la procédure d'appel. Elle souligne également que la cour d'appel a bien précisé qu'elle faisait droit à la demande d'indemnisation du préjudice moral, celle du préjudice économique n'étant pas encore judiciairement sollicitée.

La société Les Jacarandas estime donc au final que son préjudice financier, consistant en la perte totale de chance d'encaisser un différentiel de 50 000 euros sur le prix de vente du lot litigieux, doit être indemnisé.

Le dispositif des écritures pour les consorts [M] énonce :

Confirmer le jugement rendu le 3 mars 2020 par le tribunal judiciaire Montpellier, en toutes ses dispositions ;

Au principal,

Déclarer l'action de la société Les Jacarandas irrecevable ;

Au subsidiaire,

Débouter la société Les Jacarandas de ses prétentions ;

Condamner la société Les Jacarandas à payer aux époux [M] la somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts et 3 000 euros sur le fondement de l'article 700, du code de procédure civile, et à [J] [M], victime des poursuites abusives de la société Les Jacarandas, la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts et 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamner la société Les Jacarandas aux entiers dépens d'instance.

Pour l'essentiel, sur la recevabilité de l'action de la société Les Jacarandas, les consorts [M] entendent rappeler que devant le tribunal, la nature du préjudice prétendument subi n'était pas précisée, que sur ce point, l'assignation était imprécise et vague, que la somme réclamée, de 50 000 euros, représentait la différence entre une proposition initiale non justifiée et le prix de vente du bien au bénéfice de la société Decimal Property, et que pour fonder son action, la société Les Jacarandas entendait justifier d'une proposition d'achat d'une madame [P], du mois de septembre 2012, qu'elle n'avait pas produite.

Sur le fond, outre le fait que les consorts [M] soutiennent qu'aucun des éléments développés par la société Les Jacarandas n'est constitutif d'une faute, ils estiment que le préjudice n'est pas établi, les conditions de vente n'étant pas connues avec précision car de nombreuses pièces ne sont pas produites, de sorte qu'ils concluent que l'appelante ne justifie pas de sa demande en dommages-intérêts.

MOTIFS

1. Sur la faute

Par arrêt du 6 septembre 2018, la présente cour, autrement composée, a retenu que l'action engagée par [J] [M] à l'encontre de la société Les Jacarandas était fautive au motif qu'elle avait eu pour effet de la priver de la possibilité de revendre rapidement le lot n° 25, la vente n'étant intervenue que le 1er avril 2015.

Cette décision étant définitive, elle a autorité de la chose jugée.

2. Sur la demande d'indemnisation du préjudice financier

Consécutivement, par le même arrêt, la cour, autrement composée, a condamné [J] [M] à payer à la société Les Jacarandas la somme de 5 000 euros en indemnisation de son préjudice né de la privation de la possibilité de revendre rapidement le lot n° 25.

En cause d'appel, la cour relève que la société Les Jacarandas ne poursuit pas l'indemnisation de ce même préjudice mais celui né du fait que l'action de [J] [M] l'a conduite à vendre le lot n° 25 à un prix moindre que celui convenu avec [R] [P], qu'ainsi, l'arrêt du 6 septembre 2018 n'a pas autorité de ce chef, puisque le poste de préjudice dont il est demandé indemnisation est différent.

Il est exact, comme le soutient l'appelante, que son préjudice financier, tiré non pas d'un retard dans le projet de vente mais dans le fait d'avoir été conduite à vendre le lot n° 25 à un prix inférieur, n'a pas été indemnisé.

Il convient en conséquence d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré irrecevable la demande de dommages-intérêts formée par la société Les Jacarandas, de déclarer son action recevable et d'examiner en conséquence sa demande d'indemnisation de son préjudice financier.

Sur le lien de causalité, il ressort des pièces versées au débat, notamment de l'échange de courriels du 24 septembre 2012, repris par les premiers juges, que c'est bien ensuite de l'assignation des consorts [M] que la société Les Jacarandas a pris la décision d'interrompre le processus de vente d'avec [R] [P], au prix de 160 000 euros. Celui-ci est donc établi.

Sur le préjudice, qui doit s'analyser en une perte de chance pour la société Les Jacarandas d'avoir pu vendre son lot n° 25 à un prix supérieur de 50 000 euros, si celle-ci justifie par la production de l'acte notarié de ce qu'il a été valorisé à 110 000 euros, la cour retient toutefois qu'il a été vendu avec plusieurs autres lots, qu'il n'est pas fait référence à l'évolution du marché immobilier sur la période du 24 septembre 2012 au 1er avril 2015, de sorte que la cour retiendra une perte de chance qu'elle évalue à 50 % au cas d'espèce, soit la somme de 25 000 euros, que les consorts [M] seront condamnés in solidum à payer à la société Les Jacarandas, en indemnisation de son préjudice financier.

3. Sur les dépens et les frais non remboursables

Le jugement sera également confirmé en ce qui concerne les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile.

Les consorts [M] seront condamnés aux dépens de l'appel, avec droit de recouvrement direct.

Il ne sera pas fait application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire et mis à disposition au greffe ;

CONFIRME le jugement rendu le 3 mars 2020 par le tribunal judiciaire de Montpellier, sauf en ce qu'il a déclare irrecevable la demande en dommages-intérêts formée par la société Les Jacarandas ;

Statuant à nouveau de ce chef,

DECLARE recevable la demande en dommages-intérêts formée par la société Les Jacarandas, en réparation de son préjudice financier ;

CONDAMNE in solidum [G] [M], [B] [N] épouse [M], et [J] [M] à payer à la société Les Jacarandas la somme de 25 000 euros à titre de dommages-intérêts, en réparation de son préjudice financier ;

DIT n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais non remboursables exposés en appel ;

CONDAMNE [G] [M], [B] [N] épouse [M], et [J] [M] aux dépens de l'appel et accorde aux avocats de la cause qui peuvent y prétendre, le droit de recouvrement direct prévu à l'article 699 du code de procédure civile.

Le greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 5e chambre civile
Numéro d'arrêt : 20/01753
Date de la décision : 17/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-17;20.01753 ?
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