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17/01/2023 | FRANCE | N°20/01087

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 5e chambre civile, 17 janvier 2023, 20/01087


Grosse + copie

délivrées le

à































COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



5e chambre civile



ARRET DU 17 JANVIER 2023



Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 20/01087 - N° Portalis DBVK-V-B7E-OQ2J





Décision déférée à la Cour : Jugement du 10 JANVIER 2020

Tribunal judiciaire de RODEZ

N° RG 17/01140



Jonction dans le présent arrêt des RG 20/10

87 - RG 20/1089 - RG 20/1090 - RG 20/1091 - RG 20/1092 - RG 20/1093 - RG 20/1094 - RG 20/1096 sous le RG 20/1087



APPELANT :



Monsieur [D] [V]

né le 01 Septembre 1972 à [Localité 14]

de nationalité Française

[Adresse 9]

[Adresse 9]

Représenté par...

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

5e chambre civile

ARRET DU 17 JANVIER 2023

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 20/01087 - N° Portalis DBVK-V-B7E-OQ2J

Décision déférée à la Cour : Jugement du 10 JANVIER 2020

Tribunal judiciaire de RODEZ

N° RG 17/01140

Jonction dans le présent arrêt des RG 20/1087 - RG 20/1089 - RG 20/1090 - RG 20/1091 - RG 20/1092 - RG 20/1093 - RG 20/1094 - RG 20/1096 sous le RG 20/1087

APPELANT :

Monsieur [D] [V]

né le 01 Septembre 1972 à [Localité 14]

de nationalité Française

[Adresse 9]

[Adresse 9]

Représenté par Me Alexandre SALVIGNOL de la SARL SALVIGNOL ET ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant et plaidant

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2021/010362 du 11/08/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de Montpellier)

Monsieur [B] [Z]

né le 11 Octobre 1977 à [Localité 11]

de nationalité Française

[Adresse 5]

[Localité 3]

Représenté par Me Alexandre SALVIGNOL de la SARL SALVIGNOL ET ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant et plaidant

Monsieur [P] [O]

né le 20 Novembre 1978 à [Localité 14] -12

de nationalité Française

[Adresse 6]

[Adresse 6]

Représenté par Me Alexandre SALVIGNOL de la SARL SALVIGNOL ET ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant et plaidant

Monsieur [H] [T]

né le 13 Juillet 1969 à [Localité 15]

de nationalité Française

[Adresse 7]

[Adresse 7]

Représenté par Me Alexandre SALVIGNOL de la SARL SALVIGNOL ET ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant et plaidant

Monsieur [C] [J]

né le 17 Août 1981 à [Localité 14]

de nationalité Française

[Adresse 12]

[Adresse 12]

Représenté par Me Alexandre SALVIGNOL de la SARL SALVIGNOL ET ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant et plaidant

Monsieur [E] [I]

né le 25 Décembre 1980 à [Localité 14]

de nationalité Française

[Adresse 10]

[Localité 4]

Représenté par Me Alexandre SALVIGNOL de la SARL SALVIGNOL ET ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant et plaidant

Monsieur [G] [A]

né le 10 Août 1969 à [Localité 14]

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représenté par Me Alexandre SALVIGNOL de la SARL SALVIGNOL ET ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant et plaidant

Monsieur [S] [U]

né le 02 Janvier 1966 à [Localité 13]

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représenté par Me Alexandre SALVIGNOL de la SARL SALVIGNOL ET ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant et plaidant

INTIMEE :

UNION DEPARTEMENTALE FORCE OUVRIERE DE L'AVEYRON représentée par son Directeur, domicilié ès qualités audit siège social

[Adresse 8]

[Localité 3]

Représentée par Me Christine AUCHE HEDOU de la SCP AUCHE HEDOU, AUCHE - AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant

assistée de Me Frédéric SALVY, avocat au barreau de l'AVEYRON, avocat plaidant

Ordonnance de clôture du 24 Octobre 2022

COMPOSITION DE LA COUR :

En application de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 14 NOVEMBRE 2022, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l'article 804 du même code, devant la cour composée de :

Monsieur Philippe GAILLARD, Président de chambre

Madame Nathalie AZOUARD, Conseiller

M. Emmanuel GARCIA, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Sylvie SABATON

ARRET :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par Monsieur Philippe GAILLARD, Président de chambre, et par Madame Sylvie SABATON, greffier.

*

* *

À la suite de difficultés avec leur employeur l'association Émilie de Rodat, [D] [V], [B] [Z], [P] [O], [H] [T], [C] [J], [E] [I], [G] [A], [S] [U], ont saisi le conseil de prud'hommes et mandaté l'Union départementale Force ouvrière de l'Aveyron pour les représenter, laquelle a accepté en la personne de [L] [X].

Par 8 jugements distincts, le conseil de prud'hommes a constaté la péremption d'instance et condamné le salarié à verser la somme de 750 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Se prévalant d'une faute dans le cadre du mandat, chaque salarié a assigné l'Union départementale Force ouvrière de l'Aveyron devant le tribunal de Grande instance de Rodez pour obtenir des montants de salaire et indemnités qu'il réclamait devant le conseil de prud'hommes.

Le dispositif des 8 jugements distincts rendus à la même date du 10 janvier 2020 par le même juge du tribunal judiciaire de Rodez énonce :

Déboute le salarié de ses demandes en dommages-intérêts formées au titre des sommes perdues et exposées dans le cadre de la procédure devant le conseil de prud'hommes et au titre du préjudice moral, et de sa demande tendant à voir ordonner la publication du jugement ;

Déboute l'Union départementale Force ouvrière de l'Aveyron de sa demande en dommages-intérêts ;

Condamne le salarié à verser à l'Union départementale Force ouvrière de l'Aveyron la somme de 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne le salarié aux dépens.

Le jugement expose pour chaque salarié que le mandat de représentation en justice emporte pouvoir et devoir d'accomplir les actes de procédure au nom du mandant, que le représentant n'est déchargé de son mandat en application de l'article 419 du code de procédure civile qu'après avoir informé de son intention son mandant, le juge et la partie adverse.

Il considère que la simple mention dans un courrier du 17 novembre 2016 « l'intervention ne peut être menée qu'à l'égard des adhérents à jour de leur cotisation » ne suffit pas à établir que le syndicat a informé sans équivoque le salarié de son intention de mettre fin au mandat.

Le jugement écarte la faute du fait d'un retrait du rôle sans avertir le mandant en l'absence de conséquences dommageables l'affaire ayant été réinscrite pour une audience.

Concernant la radiation du 26 novembre 2014 et la décision du 2 juillet 2019 déclarant l'instance éteinte faute de demande de réinscription avant le 3 décembre 2016, le jugement relève que le syndicat mandataire avait sollicité du salarié par le courrier du 17 novembre 2016 qu'il lui indique s'il entendait poursuivre l'instance après lui avoir expliqué qu'il existait un risque que la partie adverse soulève la péremption d'instance, et en lui demandant une réponse à réception soulignant l'urgence de la situation, de sorte que le salarié aurait pu manifester son souhait de reprendre le cours de l'instance ce qu'il n'a pas fait.

Le jugement en déduit l'absence de manquement du syndicat à ses obligations contractuelles.

[D] [V], [B] [Z], [P] [O], [H] [T], [C] [J], [E] [I], [G] [A], [S] [U], ont chacun relevé appel du jugement par déclaration au greffe à la même date du 21 février 2020.

La cour constate qu'il est de l'intérêt d'une bonne administration de la justice de joindre l'ensemble des appels formés sur des motifs identiques des jugements déférés, de sorte que la décision unique sera rendue pour les affaires portant les numéros RG 20/1087, 1089, 1090, 1091, 1092, 1093, 1094, 1096, sous le numéro du premier appel enregistré RG 20/1087.

La clôture dans chaque dossier a été prononcée par ordonnance du 24 octobre 2022.

Les dernières écritures pour le salarié appelant ont été déposées le 22 septembre 2020.

Les dernières écritures pour le syndicat Union départementale Force ouvrière de l'Aveyron ont été déposées le 20 juillet 2020.

Le dispositif des écritures pour les salariés appelants énonce en termes de prétention :

Infirmer la décision déférée, sauf en ce qu'elle a retenu l'existence d'un mandat.

Condamner le syndicat mandataire à payer à titre de dommages-intérêts les montants perdus des salaires et heures supplémentaires, indemnités de congés payés, indemnités de repos, pour les montants respectifs au bénéfice de :

[D] [V], 13 088,88 €, 1308 € 91, 5813,33 €

[B] [Z], 3646,43 €, 363,46 €

[P] [O], 8406,05 €, 840,60 €, 2610,31 €

[H] [T] 8014,49 €, 801,52 €, 2 393,07 €

[C] [J] 6899,71 €, 689,97 €, 1369,98 €

[E] [I] 6243,68 €, 624,34 €, 2151,73 €

[G] [A] 16 281,67 €, 1621,58 €, 4759,07 €

[S] [U] 4201,02 €, 420,02 €

Condamner le syndicat à payer à chacun d'eux la somme de 750 € et les dépens mis à leur charge par le jugement déféré, la somme de 2000 € pour les frais de procédure engagée qui resteraient à leur charge, la somme de 6000 € de dommages-intérêts pour le préjudice moral, la somme de 4000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Ordonner la publication de la décision dans trois journaux d'audience nationale et dans trois revues spécialisées au choix et à la diligence du salarié, aux frais de l'union syndicale.

Condamner le syndicat aux dépens.

Les écritures identiques dans l'argumentaire des salariés exposent leur incompréhension du retrait du rôle de leur dossier particulier dans le même litige opposant de nombreux salariés au même employeur, de la décision de radiation qui a entraîné la constatation de la péremption d'instance, alors que d'autres dossiers devant la cour d'appel se poursuivaient en faisant droit aux demandes similaire d'autres salariés.

Les salariés indiquent que le courrier du 17 novembre 2016 est ambigu et ne comporte pas la preuve du destinataire ni de la réception, et ne donnait pas l'information du risque de prescription de cinq ans des demandes, qu'ils ont dû défendre en vain devant le premier juge sans le soutien du syndicat contre le moyen de péremption soulevé par l'employeur.

Ils demandent la confirmation du motif que le syndicat n'a pas dénoncé son mandat.

Ils soutiennent le comportement fautif du syndicat qui a conduit la procédure sans concertation avec son client qui ne connaissait pas la décision de radiation à l'origine de la péremption, que le seul courrier du 17 novembre 2016 quelques jours seulement avant la date d'échéance non mentionnée de la péremption le 26 novembre n'était pas suffisamment explicite pour informer de l'urgence du risque et des moyens de le prévenir.

Ils soutiennent que le défaut d'assurance du syndicat pour ses missions de conseil et représentation en justice caractérise également une faute aux conséquences dommageables pour le salarié.

Ils soutiennent le bien-fondé de leur prétention financière par les décisions rendues par la cour d'appel sur les mêmes prétentions d'autres salariés qui ont échappé à la péremption, dont la perte du bénéfice caractérise le montant exact du dommage subi en lien de causalité avec la faute du syndicat.

Le dispositif des écritures pour l'Union départementale Force ouvrière de l'Aveyron énonce en termes de prétention :

Confirmer le jugement déféré.

Condamner le salarié au paiement de la somme de 1000 € de dommages-intérêts pour procédure abusive.

Condamner le salarié au paiement de la somme de 4000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile, et aux dépens.

Le syndicat expose que les salariés n'étaient plus adhérents pour ne pas avoir renouvelé le paiement des cotisations lorsqu'il a déposé avec l'employeur une demande de retrait du rôle dans l'attente de décision de la cour d'appel concernant d'autres salariés, qu'il s'est d'autant moins désintéressé de ses mandants qu'il a pris l'initiative de faire réinscrire l'affaire le 30 avril 2014 pour fixation à une audience du 26 novembre à laquelle a été prononcée la radiation dans la mesure où il n'avait aucune nouvelle de ses clients, notifiée aux salariés seulement le 3 décembre suivant lesquels ne lui ont pas transmis l'information, qu'il a cependant pris la peine de leur adresser un courrier le 17 novembre 2016 avant l'échéance de la péremption de deux ans au 3 décembre, dans lequel il rappelait l'obligation de paiement de la cotisation d'adhérent et prévenait du risque de péremption et sollicitait une réponse rapide par retour de mail.

Le syndicat soutient que le courrier du 17 novembre met fin sans ambiguïté au mandat en l'absence de réponse du salarié.

Il soutient l'absence de dommage certain dans l'aléa judiciaire d'une décision hypothétique qui n'a pas été rendue, l'absence de lien de causalité alors que le salarié n'avait pas lui-même respecté son obligation de loyauté envers son mandataire qu'il laissait dans l'ignorance de la décision de radiation et de toute autre nouvelle jusqu'au courrier du 17 novembre.

Il s'étonne de cette longue absence de dialogue alors que les salariés ont attendu février 2019 pour saisir à nouveau le conseil de prud'hommes et tenter d'éviter la péremption dont le risque lui était révélé depuis 2016.

Il s'étonne que les salariés ne forment pas d'appel des décisions prud'homales de péremption, alors que devant cette juridiction particulière la péremption n'est acquise que dans des conditions de protection renforcée du salarié, lorsqu'il n'a pas accompli pendant deux ans les diligences qui ont été spécifiquement mises à sa charge par le juge (R 1452-8 du code du travail), et alors que le conseil des prud'hommes a été saisi sans nouvelles écritures et sans reprise des demandes indemnitaires, ce qui démontre l'unique volonté de faire apparaître une responsabilité du syndicat pour recouvrer les sommes salariales contre celui-ci devant la juridiction de droit commun.

À titre subsidiaire, le syndicat démontre qu'il est assuré pour sa responsabilité civile auprès de la Macif, soutient que les demandes indemnitaires ne peuvent pas être exactement superposables avec des demandes salariales pour lesquelles le débat judiciaire reste aléatoire, que l'inertie fautive du salarié est la cause principale de la perte de chance d'obtenir la créance salariale.

MOTIFS

Il est constant que la représentation du salarié par un syndicat caractérise le mandat civil d'assistance en justice.

L'article 419 du Code de procédure civile stipule que le représentant qui entend mettre fin à son mandat n'en est déchargé qu'après avoir informé de son intention son mandant, le juge et la partie adverse.

Un courrier circulaire daté du 17 novembre 2016 qui aurait été adressé à chacun des salariés par l'union départementale Force Ouvrière de l'Aveyron porte information du résultat heureux des actions engagées par d'autres salariés, mais que dans le cas des salariés de cette instance réintroduire le dossier après des retraits du rôle successifs ferait prendre le risque que la partie adverse soulève la péremption d'instance de deux ans, et sollicite du salarié qu'il indique par retour s'il souhaite ou non courir le risque par la réintroduction de son dossier.

La cour confirme l'appréciation du premier juge que ce courrier ne réunit pas les conditions d'une dénonciation valable du mandat d'assistance du salarié en application de l'article 419 du code de procédure civile.

Le rappel en dernière ligne que l'intervention du syndicat ne peut être menée qu'à l'égard des adhérents à jour de leur cotisation ne complète d'aucune façon les conditions de l'article 419.

Il ne caractérise pas davantage que le reste du contenu du courrier même une intention sans équivoque de mettre fin au mandat d'assistance du salarié qui aurait reçu le courrier, alors surabondamment qu'il n'est pas établi un accusé de réception, et qu'il ne porte pas l'indication d'un salarié concerné.

Le mandat d'assistance en justice auquel il n'a donc pas été mis fin emporte un devoir de conseil, particulièrement en termes de procédure dans un procès judiciaire.

La cour relève que le courrier du 17 novembre 2016, sur lequel le syndicat fonde la réalisation de son devoir de conseil et le premier juge l'absence de manquement du syndicat à son obligation contractuelle, ne donne aucune explication de procédure sur le risque invoqué de péremption, ne donne aucune date d'échéance ni ne mentionne la radiation qui constitue en procédure le point de départ du délai de péremption, alors que le syndicat indique dans ses écritures que l'échéance serait au 3 décembre 2016 ce qui laissait peu de temps aux salariés pour faire un choix de procédure dont ils n'étaient pas censés avoir une connaissance effective.

Dès lors que le syndicat ne démontre par les pièces produites aucune autre initiative dans son obligation de conseil et d'assistance inhérente à l'exercice du mandat depuis au moins la date de radiation de l'affaire devant le conseil de prud'hommes intervenue par décision du 26 novembre 2014, la cour constate le manquement du syndicat aux obligations contractuelles du mandat d'assistance en justice des salariés.

Le manquement aux obligations contractuelles ne peut pas être minoré ni même affecté d'une quelconque façon par les considérations sur une absence de nouvelles des salariés ou de transmission de la décision de radiation, ou l'absence de réponse du salarié à son courrier circulaire non nominatif du 17 novembre 2016, ou encore sur l'appréciation de la stratégie ultérieure des salariés de faire constater la péremption ou de ne pas faire appel du jugement du conseil de prud'hommes.

Le manquement constaté par la cour est nécessairement en lien de causalité avec le préjudice des salariés résultant de la péremption d'instance prud'homale qui pouvait être évitée par un suivi attentif de la procédure par le mandat de conseil du syndicat.

La cour infirme le rejet de la demande responsabilité du syndicat par le premier juge qui a inversé la charge de la preuve en considérant qu'il appartenait aux salariés de démontrer leur diligence dans un suivi procédural qui relève spécialement du professionnalisme du mandataire.

En revanche, les salariés ne sont pas fondés à réclamer un montant de préjudice équivalent au bénéfice de leurs prétentions salariales, par l'argument des résultats obtenus par d'autres salariés contre le même employeur, alors que chaque instance particulière comporte nécessairement l'aléa judiciaire du contenu des débats soumis à une appréciation souveraine du juge, alors que la cour relève également que les salariés représentés par un autre conseil n'ont pas épuisé la voie judiciaire prud'homale, sans aucune discussion devant le conseil de prud'hommes de la péremption et sans relever appel du jugement de péremption du 2 juillet 2019.

Le préjudice des salariés ne peut être constitué que d'une perte de chance d'obtenir leurs prétentions, et ne peut pas être recherché sur le fondement de la discussion de prétentions salariales à l'encontre du syndicat qui n'a pas la qualité d'employeur.

Les salariés ne soumettent pas à la cour de prétention particulière d'un pourcentage de perte de chance, mais seulement une demande en dommages-intérêts pour leur préjudice moral.

La cour retiendra à la charge du syndicat la réparation de leur préjudice moral directement imputable à la faute contractuelle dans l'exercice du mandat de représentation justice, pour le montant réclamé de 6000 €.

Les salariés ne sont pas fondés à ajouter au préjudice imputable au syndicat leur condamnation aux dépens et à la somme de 750 € par le jugement du conseil de prud'hommes du 2 juillet 2019, dans lequel n'apparaît à la suite de la réinscription de l'affaire à l'initiative du conseil des salariés aucun débat pour contester l'acquisition de la péremption.

Les salariés ne justifient pas en revanche du montant supplémentaire de 2000 € de frais de procédure engagée qui resterait à leur charge.

La cour rejette la demande de publication de la décision qu'elle ne juge pas suffisamment fondée dans le contexte particulier du litige.

La cour infirme la condamnation en première instance de chaque salarié au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et retient qu'il est équitable de mettre la charge du syndicat une part des frais non remboursables engagés par chaque salarié appelant dont les droits ont été reconnus en appel, pour un montant individuel de 4000 €.

L'union syndicale supportera les dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire, par mise à disposition greffe ;

Ordonne la jonction des affaires inscrites au rôle sous les numéros RG 20/1087, 20/1089, 20/1090, 20/1091, 20/1092, 20/1093, 20/1094, 20/1096 sous le numéro du premier appel enregistré RG 20/1087 ;

Infirme les jugements rendus le 10 janvier 2020 par le tribunal judiciaire de Rodez ;

Et statuant à nouveau :

Condamne l'Union départementale Force ouvrière de l'Aveyron à payer individuellement à chacun des salariés mandants, [D] [V], [B] [Z], [P] [O], [H] [T], [C] [J], [E] [I], [G] [A], [S] [U], une somme de 6000 € de dommages-intérêts, et une somme de 4000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne l'Union départementale Force ouvrière de l'Aveyron aux dépens de première instance et d'appel.

Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 5e chambre civile
Numéro d'arrêt : 20/01087
Date de la décision : 17/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-17;20.01087 ?
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