Grosse + copie
délivrées le
à
COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
2e chambre sociale
ARRET DU 11 JANVIER 2023
Numéro d'inscription au répertoire général :
N° RG 20/01105 - N° Portalis DBVK-V-B7E-OQ3S
Décision déférée à la Cour :
Jugement du 29 JANVIER 2020
CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE BEZIERS N° RG 18/00215
APPELANT :
Monsieur [F] [I]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représenté par Me Stéphanie JAUVERT, avocat au barreau de BEZIERS
INTIMEE :
RAZEL BEC SAS
[Adresse 2]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentée par Me Yann GARRIGUE de la SELARL LEXAVOUE MONTPELLIER GARRIGUE, GARRIGUE, LAPORTE, avocat au barreau de MONTPELLIER
Représentée par Me Martine BENNAHIM, avocat au barreau de PARIS
Ordonnance de clôture du 20 Octobre 2022
COMPOSITION DE LA COUR :
En application de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 07 NOVEMBRE 2022, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l'article 804 du même code, devant la cour composée de :
M. Jean-Pierre MASIA, Président
Madame Caroline CHICLET, Conseiller
Mme Isabelle MARTINEZ, Conseillère
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : M. Philippe CLUZEL
ARRET :
- contradictoire
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
- signé par M. Jean-Pierre MASIA, Président, et par M. Philippe CLUZEL, Greffier.
*
* *
EXPOSE DU LITIGE
Monsieur [F] [I] était embauché le 29 juillet 2003 selon contrat de chantier poursuivi par un contrat à durée indéterminée en qualité de maçon coffreur par la Sas Razel Bec ( la société) moyennant un salaire s'élevant en dernier lieu à la somme de 2 380,20 €.
Le 25 avril 2017, l'employeur organisait un dépistage d'alcoolémie. Le test de monsieur [Z] [Y] se révélait positif.
Le 26 avril 2017, la société le convoquait à un entretien préalable à son éventuel licenciement, entretien à la suite duquel il était licencié le 1ER juin 2017 en ces termes :
'(.../...)nous vous informons que nous avons décidé de vous licencier pour cause réelle et sérieuse.
Vous êtes salarié de notre entreprise depuis le 1er août 2003. Vous êtes actuellement affecté sur le chantier d'ITER basé à [Localité 3] en qualité de maçon coffreur.
Les griefs qui vous sont reprochés sont les suivants:
-Dans le cadre de la campagne contre les addictions, nous avons procédé le mardi 25 avril 2017 à un teste inopiné de dépistage alcool et drogue du personnel présent sur le chantier, teste auquel vous avez accepté de vous soumettre.
Vous avez été testé positif à l'alcool.
-Un second test de contrôle a été réalisé 30 minutes plus tard. Il s'est également révélé positif à l'alcool.
-Nous vous avons alors informé que vous pouviez demander une contre-expertise à notre charge par un laboratoire indépendant. Vous n'avez pas souhaité faire réaliser de contre-expertise.
-Nous vous avons alors mis en sécurité en vous éloignant des zones à risque du chantier et en vous demandant de rester dans les vestiaires.
-Nous vous avons notifié dès le lendemain une mise à pied conservatoire jusqu'à la décision définitive qui découlerait de l'entretien préalable.
Nous vous rappelons que du fait de son activité, notre entreprise est fortement exposée aux risques d'accident du travail. Sachant que le travail sous emprise de l'alcool ou de drogue augmente significativement le risque d'accident, l'entreprise s'est dotée d'outils de prévention et de répression du travail sous l'emprise de l'alcool ou de drogue dont vous avez été largement informé:
-16 décembre 2014: un atelier régulier de sécurité est organisé sur le chantier d'Oc'via. Le thème est 'la procédure de contrôle de l'alcool et de la drogue sur le lieu de travail'Vous participez à cet atelier.
-Durant toute l'année 2015, une campagne d'affichage pour sensibiliser le personnel aux dangers de l'alcool et de la drogue a été organisée sur vos chantiers.
-30 janvier 2015: réunion d'information et de sensibilisation pour la lutte contre le travail sous l'emprise de l'alcool ou de la drogue avec l'intervention de l'organisme externe Elicole, à laquelle vous avez été convié.
-16 février 2015: le règlement intérieur a été complété par une charte spécifiquement dédiée à la prévention alcool-drogue mise en application dès le 1er avril 2015.
Le règlement intérieur et sa charte alcool-drogue stipule notamment en son article 8"il est interdit de se présenter dans l'entreprise en état d'ivresse ou sous l'emprise de la drogue(...) Le chef d'entreprise ou son représentant peut soumettre les salariés à l'épreuve de l'alcootest ou du test salivaire dans le cadre de contrôles aléatoires et inopinés(...)
-26 juin 2015: une lettre d'information a été envoyée au domicile de chaque collaborateur accompagnée des documents suivants:
-un dépliant sur la prévention du travail sous l'emprise de l'alcool ou de la drogue,
-des tests d'auto évaluation de la consommation d'alcool ou de drogue,
-le règlement intérieur complété par la charte dédiée à la prévention alcool-drogue.
-Au cours de l'année 2015, plusieurs tests planifiés et annoncés ont été organisés sur votre chantier.
-17 mai 2016, le personnel du chantier ITER a fait l'objet d'un test inopiné de dépistage alcool et drogue. Votre test s'est révélé négatif.
Ainsi malgré ces nombreuses informations et sensibilisations, vous vous êtes présenté le mardi 25 avril 2017 sur le chantier dans un état de vigilance altérée. Votre comportement est inadmissible.
De par votre poste, vous vous devez d'avoir un comportement exemplaire et ne pas mettre vos collègues en danger par un manque d'attention probable. Nous ne pouvons pas prendre le risque que votre perte de vigilance provoque un drame.
Lors de l'entretien, vous avez:
- reconnu que vous étiez positif à l'alcool et que vous n'aviez pas demandé de contre-expertise parce qu'elle n'aurait que confirmé votre état d'ébriété.
-regretté cette situation en indiquant ne pas avoir pris conscience des conséquences que cela pouvait entraîner.
Compte tenu de votre sensibilisation au risque que représente la consommation d'alcool, de votre incapacité à vous l'approprier et du fait que votre poste nécessite une vigilance constante, nous sommes contraints de mettre fin à votre contrat de travail.(.../...).
Contestant son licenciement, par requête du 24 mai 2018 , le salarié saisissait le conseil de prud'hommes de Béziers , lequel, par jugement du 29 janvier 2020, le déboutait de toutes ses demandes.
Par déclaration au greffe en date du 22 février 2020, le salarié relevait appel de ce jugement.
MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES
Par conclusions régulièrement notifiées par voie électronique le 19 octobre 2022, M. [Z] [Y] demande à la cour d'infirmer le jugement déféré, de dire son licenciement sans cause réelle et sérieuse et de condamner l'employeur à lui payer les sommes de 24 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de 2 000 € au titre de ses frais de procédure.
Il fait valoir essentiellement que le test d'alcoolémie réalisé est illicite dans la mesure où ces tests ne peuvent être réalisés que pour les salariés occupant un poste présentant un risque pour l'ouvrier ou les tiers et qu'il n'était pas employé sur un poste à risque étant chargé de procéder la nuit au nettoyage du chantier.
A titre subsidiaire, il affirme que la sanction est disproportionnée compte tenu de son ancienneté.
Par conclusions régulièrement notifiées par voie électronique le 31 juillet 2020, la société sollicite la confirmation du jugement querellé et l'octroi d'une somme de 1 500 € au titre de ses frais de procédure.
Elle soutient en substance que le salarié , en tant que maçon coffreur occupait bien un poste à risque, qu'il devait travailler en hauteur et que le contrôle d'alcoolémie est licite.
Elle ajoute que la sanction est proportionnée , le salarié étant arrivé ivre sur le chantier.
En application de l'article 455 du code de procédure civile, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions respectives des parties, la cour se réfère aux conclusions notifiées par les parties auxquelles elles ont expressément déclaré se rapporter lors des débats.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur le licenciement
L'article L 1232-1 du code du travail subordonne la légitimité du licenciement à une cause réelle et sérieuse.
Pour être réelle, la cause doit présenter trois caractéristiques cumulatives : elle doit être objective, c'est-à-dire qu'elle doit reposer sur des faits ou des griefs matériellement vérifiables ; elle doit exister, ce qui signifie que les motifs invoqués doivent être établis ; elle doit être exacte en ce sens que les motifs articulés doivent être la véritable raison du licenciement.
En l'espèce, l'employeur reproche au salarié d'avoir été positif à un test d'alcoolémie et affirme que ce test était licite dans la mesure où monsieur [Z] [Y] occupait un poste à risque.
Il est établi que le salarié, ainsi que cela ressort de ses fiches de paie travaillait de nuit,. Il produit une attestation d'un collègue qui affirme que, tout comme lui, monsieur [Z] [Y] était uniquement affecté au nettoyage du chantier et ne réalisait aucun travail en hauteur.
L'employeur ne produit aucune fiche de poste permettant de démentir ce témoignage, se contentant de fournir une attestation de formation pour le port du harnais de sécurité sans démontrer que, sur ce chantier spécifique, le salarié, qui travaillait de nuit, avait des travaux de maçonnerie à réaliser.
En conséquence, en l'absence d'éléments permettant de démontrer que monsieur [Z] [Y] occupait un poste à risque, le contrôle d'alcoolémie est illicite et le licenciement nécessairement dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Sur les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
Monsieur [Z] [Y], âgé de 58 ans, avait une ancienneté de 14 ans et percevait un salaire de 2 380,20 €. Il ne fournit aucun élément sur sa situation actuelle. La cour est en mesure d'évaluer son préjudice à la somme de 15 000 €.
Sur l'article 700 du code de procédure civile
L'équité commande d'allouer à l'appelant la somme de 1 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Infirme le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Béziers le 29 janvier 2020 en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau,
Condamne la Sas Razel Bec à payer à monsieur [F] [I] la somme de 15 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse;
Y ajoutant,
Condamne la Sas Razel Bec à payer à monsieur [F] [I] la somme de 1500 € application de l'article 700 du code de procédure civile
Condamne la Sas Razel Bec aux dépens de première instance et d'appel.
LE GREFFIER LE PRESIDENT