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11/01/2023 | FRANCE | N°20/00917

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 2e chambre sociale, 11 janvier 2023, 20/00917


Grosse + copie

délivrées le

à















COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

2e chambre sociale

ARRET DU 11 JANVIER 2023



Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 20/00917 - N° Portalis DBVK-V-B7E-OQQB

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 16 JANVIER 2020

CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE PERPIGNAN



APPELANT :



Monsieur [Z] [Y]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représenté par Me Fernand MOLINA d

e la SCP DE TORRES - PY - MOLINA - BOSC BERTOU, avocat au barreau de PYRENEES-ORIENTALES





INTIMEE :



S.A.S ONEDIRECT

[Adresse 6]

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentée par Me Yann GARRIGUE de la SELARL LEXA...

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

2e chambre sociale

ARRET DU 11 JANVIER 2023

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 20/00917 - N° Portalis DBVK-V-B7E-OQQB

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 16 JANVIER 2020

CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE PERPIGNAN

APPELANT :

Monsieur [Z] [Y]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représenté par Me Fernand MOLINA de la SCP DE TORRES - PY - MOLINA - BOSC BERTOU, avocat au barreau de PYRENEES-ORIENTALES

INTIMEE :

S.A.S ONEDIRECT

[Adresse 6]

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentée par Me Yann GARRIGUE de la SELARL LEXAVOUE MONTPELLIER GARRIGUE, GARRIGUE, LAPORTE, avocat au barreau de MONTPELLIER

Représentée par Me Merryl SOLER, avocat au barreau de PYRENEES-ORIENTALES

Ordonnance de clôture du 28 Octobre 2022

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 02 NOVEMBRE 2022,en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Véronique DUCHARNE, Conseillère, chargé du rapport.

Ce(s) magistrat(s) a (ont) rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

M. Jean-Pierre MASIA, Président

Mme Véronique DUCHARNE, Conseillère

Mme Isabelle MARTINEZ, Conseillère

Greffier lors des débats : M. Philippe CLUZEL

ARRET :

- contradictoire;

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par M. Jean-Pierre MASIA, Président, et par M. Philippe CLUZEL, Greffier.

*

* *

FAITS ET PROCÉDURE

Selon contrat de travail à durée indéterminée du 4 mai 2015 à effet au 22 mai 2015, M. [Z] [Y] a été engagé à temps complet (169 heures mensuelles) par la SAS Onedirect en qualité de responsable commercial France, catégorie cadre. Sa rémunération mensuelle brut était fixée à 5 416,67 € (outre un bonus) jusqu'au 1er janvier 2016, date à laquelle il était convenu qu'elle s'élèverait à 66 000 € brut, soit 5 500 € brut par mois.

A compter du 1er mai 2016, il a été nommé directeur commercial France sans modification de sa classification et de sa rémunération.

Par lettre du 2 janvier 2018 remise en main propre contre décharge, l'employeur a convoqué le salarié à un entretien préalable fixé au 17 janvier 2018 et lui a notifié sa mise à pied à titre conservatoire.

Par lettre du 25 janvier 2018, l'employeur lui a notifié son licenciement pour faute grave.

Par courrier du 6 février 2018, il a informé le salarié de ce qu'il renonçait au bénéfice de la clause de non-concurrence prévue au contrat.

Par lettre du 13 février 2018, le salarié a contesté cette renonciation, estimant qu'elle était tardive et inopérante.

Par requête enregistrée le 4 octobre 2018, faisant valoir que la renonciation à la clause de non-concurrence était tardive et par conséquent que l'indemnité était due, que son licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse et que l'employeur devait lui verser les indemnités de rupture outre une indemnisation de la perte liée à la vente des actions en vertu d'un pacte d'actionnaires, le salarié a saisi le conseil de prud'hommes de Perpignan.

L'employeur a notamment soulevé la nullité de la requête et l'incompétence de la juridiction prud'homale s'agissant de la demande relative à la perte financière liée à la vente des actions.

Par jugement du 16 janvier 2020, le conseil de prud'hommes a :

- déclaré recevable la requête présentée par M. [Y],

- déclaré être compétent pour traiter du litige entre actionnaires conclu dans le contrat de travail,

- dit et jugé que son licenciement reposait sur des fautes graves, que la clause de non-concurrence avait été levée dans les délais contractuels mais que M. [Y] ne s'était pas intéressé activement aux entreprises concurrentes,

- condamné M. [Y] à payer à la SAS Onedirect la somme de 1.500 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- débouté M. [Y] et Onedirect de l'ensemble de leurs demandes,

- dit que chacune des parties conservera la charge de ses propres dépens.

Par déclaration enregistrée au RPVA le 14 février 2020, M. [Y] a interjeté appel de ce jugement.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Aux termes de ses dernières conclusions enregistrées au RPVA le 28 avril 2022, M. [Z] [Y] demande à la Cour, au visa des articles 1103, 1190 et 1192 du Code civil :

- d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit que le licenciement reposait sur des fautes graves, que la clause de non-concurrence avait été levée dans les délais contractuels, en ce qu'il a par conséquent débouté M. [Y] de l'intégralité de ses demandes et condamné au paiement d'une somme de 1500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- de constater que l'employeur a renoncé tardivement à la clause de non-concurrence et condamner en conséquence la société Onedirect au paiement la somme de 27 806,14 € brut ;

- dire et juger le licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- condamner la société Onedirect au paiement des sommes suivantes :

* 20 854,59 € brut au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

* 2 085,45 € brut des congés payés relatif au préavis,

* 5 068,51 € brut au titre de l'indemnité de licenciement,

* 24 330,35 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 15 757 € correspondant à la perte relative à la vente des actions ;

- condamner la société Onedirect à remettre les bulletins de salaire correspondant au préavis et congés payés, ainsi que l'attestation Pôle emploi rectifié, sous astreinte de 80 € par jour de retard à compter du 15ème jour après la notification du jugement ;

- condamner enfin la société Onedirect à payer à M. [Z] [Y] une somme de 3 500 € au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Aux termes de ses dernières conclusions enregistrées au RPVA le 3 juin 2022, la SAS Onedirect demande à la Cour, au visa de l'article 58 du Code de procédure civile, de l'article L.721-3 du Code de commerce et de l'article L.1222-1 du code du travail de :

- réformer parte in qua le jugement entrepris ;

A titre principal, de déclarer nulle la requête présentée par M. [Z] [Y] et constater que la requête est donc irrecevable ;

A titre subsidiaire, de se déclarer incompétente pour connaître du litige entre actionnaires au sujet du prix de rachat des actions  et renvoyer M. [Z] [Y] devant le tribunal de commerce sur cette demande ;

Pour le surplus, de confirmer le jugement, déclarer que la clause de non-concurrence a été levée dans les délais contractuels, que le licenciement de M. [Y] repose sur des fautes graves ;

-débouter M. [Y] de toutes ses demandes ;

-déclarer que M. [Y] a continué à s'intéresser activement à une entreprise directement concurrente de l'employeur pendant toute la durée de présence au sein de Onedirect ;

-condamner M. [Y] à lui verser la somme de 30.000 € au titre de l'article 1240 du code civil et réformer le jugement en ce qu'il l'a débouté de cette demande ;

En tout état de cause, de condamner M. [Y] à lui verser la somme de 3.500 € sur les fondements de l'article 700 du Code de procédure civile et le condamner aux entiers dépens.

Pour l'exposé des prétentions des parties et leurs moyens, il est renvoyé, conformément à l'article 455 du Code de procédure civile, à leurs conclusions ci-dessus mentionnées et datées.

La procédure a été clôturée par ordonnance du 28 octobre 2022.

MOTIFS

Sur la nullité de la requête.

L'article 58 du Code de procédure civile, dans sa rédaction en vigueur du 1er avril 2015 au 1er janvier 2020 et applicable au litige, dispose que « la requête ou la déclaration est l'acte par lequel le demandeur saisit la juridiction sans que son adversaire en ait été préalablement informé.

Elle contient à peine de nullité :

1° Pour les personnes physiques : l'indication des nom, prénoms, profession, domicile, nationalité, date et lieu de naissance du demandeur ;

Pour les personnes morales : l'indication de leur forme, leur dénomination, leur siège social et de l'organe qui les représente légalement ;

2° L'indication des nom, prénoms et domicile de la personne contre laquelle la demande est formée, ou, s'il s'agit d'une personne morale, de sa dénomination et de son siège social ;

3° L'objet de la demande.

Sauf justification d'un motif légitime tenant à l'urgence ou à la matière considérée, en particulier lorsqu'elle intéresse l'ordre public, la requête ou la déclaration qui saisit la juridiction de première instance précise également les diligences entreprises en vue de parvenir à une résolution amiable du litige.

Elle est datée et signée ».

En l'espèce, l'employeur soulève la fin de non-recevoir tirée de la nullité de la requête introductive d'instance au motif qu'elle ne contient pas la mention des diligences entreprises en vue de la résolution amiable du litige.

Toutefois, l'avant-dernier alinéa du texte précité ne prévoit pas la mention desdites diligences à peine de nullité de la requête.

L'exception de nullité doit être rejetée et le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur le licenciement pour faute grave.

La faute grave résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise. La charge de la preuve de la gravité de la faute privative des indemnités de préavis et de licenciement incombe à l'employeur débiteur qui prétend en être libéré.

La lettre de licenciement fixe les limites du litige et c'est au regard des motifs qui y sont énoncés que s'apprécie le bien-fondé du licenciement.

L'article L 1332-4 du même Code prévoit qu'aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales.

En l'espèce, l'employeur reproche au salarié les six griefs suivants :

- négligence dans Ia gestion des appels d'offres causant la perte de grands appels d'offres,

- absence de suivi de l'activité Opérateur,

- gestion défaillante du département commercial,

- critiques récurrentes des autres départements de l'entreprise constituant des dénigrements,

- non-respect de la clause de fidélité, d'exclusivité et de loyauté,

- curriculum vitae trompeur et mensonger.

La négligence dans la gestion des appels d'offres causant la perte de grands appels d'offres.

L'employeur reproche au salarié :

- le non-respect des formalités prévues par le cahier des charges s'agissant d'une offre de l'assistance publique-hôpitaux de [Localité 5] (AP-HP), le marché ayant été attribué à un concurrent direct alors que l'offre de l'entreprise était moins-disante,

- le rejet d'une offre notifié en octobre 2015 par l'UGAP.

Le salarié soulève la fin de non-recevoir tirée de la prescription en ce qui concerne les faits de 2015 et ajoute notamment que l'employeur a réagi tardivement pour sanctionner les deux faits allégués, celui-ci lui ayant d'ailleurs permis de prendre « ses congés de fin d'année du 26 décembre au 1er janvier sans difficulté ».

S'agissant du rejet de l'offre par l'UGAP en 2015, outre que l'attestation régulière de Mme [L] [J] mentionnant que l'offre avait été déposée par elle deux minutes après la clôture des dépôts ne suffit pas à établir la responsabilité du salarié, les faits sont prescrits.

S'agissant du rejet de l'offre par l'AP-HP le 13 novembre 2017, l'employeur établit que l'offre a été déposée irrégulièrement par le service Commerce de l'entreprise sans respect du cahier des charges alors que le salarié était directeur de ce service et titulaire d'une délégation de pouvoirs en la matière signée le 14 septembre 2017.

Toutefois, il a attendu plus d'un mois et demi après le rejet de l'offre, le 2 janvier 2018, pour enclencher la procédure de licenciement disciplinaire sur le fondement de la faute grave ; ce qui démontre qu'il n'était pas impossible de maintenir le lien contractuel pendant cette période.

Dès lors, les faits commis constituent une faute simple et non une faute grave.

L'absence de suivi de l'activité Opérateur.

L'employeur reproche au salarié :

- des dérives des conditions commerciales et l'absence de maîtrise de l'activité commerciale avec une augmentation de 1 % à 11 % du taux de remise accordé au client en 2017,

- l'augmentation « vertigineuse » du nombre de désabonnements (5,3 % en 2015, 10,7 % en 2016 et 15,8 % en 2017).

Il précise avoir été informé de ces éléments le 15 décembre 2017.

Il verse aux débats un tableau relatif aux remises accordées ainsi qu'un courriel du 23 décembre 2017 adressé par le salarié à sa direction (pièce n°20) en réponse aux demandes de celle-ci, relatif à l'accroissement important du nombre de remises et aux clients perdus dont il ressort d'une part, que le manager prénommé « [S] » - placé sous l'autorité de l'appelant - avait laissé oeuvrer un salarié compte tenu du climat social, que l'équipe actuelle ne procéde plus de la même manière s'agissant des remises et d'autre part, que les refus des clients vont à l'avenir être analysés afin de quantifier les services et d'améliorer l'offre de services.

Il résulte de ces éléments qu'avant l'interpellation de sa direction, le salarié n'avait pas assuré un suivi suffisant de l'activité Opérateur et qu'il a dû mettre en oeuvre des mesures afin de réagir à l'augmentation du taux de remises accordées et à la perte de la clientèle afin de pouvoir répondre aux demandes de l'employeur.

Toutefois, ce manquement est constitutif d'une faute simple et non d'une faute grave.

La gestion défaillante du département commercial.

L'employeur reproche au salarié :

- un important « turn-over » du département commercial et trois départs au sein de l'équipe Offre Opérateur en 2017,

- une baisse de l'activité « Grands Comptes » en 2017,

- un management approximatif des équipes et l'absence de projets de développement.

S'agissant des deux premiers griefs, l'employeur ne produit aucun élément justificatif du « turn-over » et de la baisse de l'activité Grands Comptes.

S'agissant du dernier grief, l'employeur fait valoir l'absence de toute réunion de service structurée, de plan de travail formalisé pour les managers commerciaux, de listes de projets à suivre et l'absence de projet de développement pour le département commercial.

Le salarié, qui se contente de relever l'absence de preuve relative à la non-tenue de réunions, de plans de travail et de projets, ne produit aucun justificatif permettant d'établir qu'il aurait, contrairement à ce que lui reproche l'employeur, mis en oeuvre les moyens allégués.

Ces manquements sont constitutif d'une faute simple.

Les critiques récurrentes des autres départements de l'entreprise constituant des dénigrements, notamment à l'égard du service Achats et du service Finance/RH.

Pour établir que le salarié aurait critiqué les autres services de l'entreprise, l'employeur verse aux débats les attestations régulières de M. [W] [M] directeur Finances et Organisation et de Mme [I] [X] [N], salariée, lesquels affirment que le salarié a organisé en 2017 des réunions-déjeuners sans la direction, au cours desquels il a critiqué « les services administratifs de la société », « la stratégie et les projets de la direction ».

Toutefois, les deux témoins ne précisent pas quelles étaient les critiques formulées, ce qui ne met pas la cour en mesure d'analyser les propos tenus.

Ce grief n'est pas démontré.

Le non-respect de la clause de fidélité, d'exclusivité et de loyauté.

L'article 9 du contrat de travail stipule que « pendant la durée du présent contrat, Monsieur [Z] [Y] s'engage à exercer son activité professionnelle exclusivement pour la société et à n'exercer aucune activité concurrente de celle de la société pendant toute la durée de son contrat de travail.

Sauf accord écrit de la société, Monsieur [Z] [Y] s'engage à n'exercer aucune activité professionnelle complémentaire à celle qu'il exerce dans le cadre du présent contrat ».

L'employeur fait valoir que le salarié est associé majoritaire au sein d'une entreprise ayant la même activité et qu'il a exercé une activité concurrente et par conséquent une concurrence déloyale.

Pour établir que le salarié menait une activité concurrente, il verse aux débats l'extrait Kbis de la SARL Momentum IP exerçant sous l'enseigne Iperlink ainsi qu'un procès-verbal d'assemblée générale dont il résulte que la société a commencé son activité le 24 février 2014, que l'adresse de son siège social est identique à l'adresse du domicile du salarié, que le gérant est M. [A] [Y], que M. [Z] [Y] est associé majoritaire (509 parts sociales), la société Iperlink représentée par M. [V] [F] et le gérant étant associés minoritaires (respectivement 490 parts sociales et 1 part sociale) et que ses activités principales sont : « Développement commercialisation de tous produits informatiques, télécom et téléphonie conception hébergement et accessoirement maintenance de site intenet, toutes prestations de services de conseils et de formations liées à l'ensemble de ces activités ».

Par ailleurs, il commente trois pièces produites par le salarié :

- une facture de commissions du 30 septembre 2015 à l'entête de « Iperlink ' Momentum IP » mentionnant le nom de clients ; toutefois, ceux-ci ne correspondent pas à ceux figurant dans la liste des sociétés concurrentes mentionnées par l'article 10 du contrat relatif à la clause de non-concurrence,

- un relevé de compte bancaire ouvert à la Caisse d'Epargne au nom de la société Momentum IP couvrant la période comprise entre le 1er janvier 2015 et le 14 février 2018 et faisant apparaître notamment des prélèvements autoroutes du sud de France, en particulier courant janvier 2017 alors que le bulletin de salaire de ce mois montre que le salarié était en arrêt de travail pour accident de trajet entre le 1er et le 30 janvier 2017 ; toutefois, aucun élément ne permet d'établir que ces déplacements seraient le fait de l'appelant.

Celui-ci nie avoir exercé une activité professionnelle au sein de la SARL Momentum IP après son embauche le 22 mai 2015.

Il verse aux débats une « Attestation » du 28 février 2018 à l'entête de l'expert-comptable de la SARL Momentum IP relevant qu'aucun encaissement n'a été effectué sur le compte courant professionnel depuis le 21 octobre 2015 et que deux encaissements datent des 12 août 2015 et 21 octobre 2015 au titre d'une facture du 31 avril 2015 et au titre de relevés de commissions correspondant aux mêmes clients pour la période du 1er juillet 2015 au 31 août 2015.

Il produit également d'autres factures ainsi que les liasses fiscales relatives aux exercices 2014-2015, 2015-2016 et 2016-2017 ainsi que le bilan du 1er juillet 2017- 30 juin 2018.

Il ne résulte pas de ces documents que la SARL Momentum IP aurait mené une activité concurrente.

Dès lors, le grief ne peut être retenu.

Le curriculum vitae trompeur et mensonger.

L'employeur estime que le salarié a fait figurer dans son curriculum vitae (CV) des informations mensongères et verse aux débats le document remis par l'intéressé avant son recrutement, dans lequel il se présentait comme directeur régional de l'agence régionale de Iperlink et président-directeur général de la SA E-Printing Company.

Toutefois, il ne précise pas quelles seraient les mentions erronées ni les effets de celles-ci sur la relation de travail, en sorte que le grief doit être écarté.

Il résulte de l'ensemble de ces éléments que si le licenciement pour faute grave n'est pas justifié, le licenciement pour cause réelle et sérieuse est fondé.

Sur la perte financière au titre du rachat des actions et l'exception d'incompétence.

L'appelant fait valoir qu'il a investi dans le capital de la société à hauteur de 50.000 €, qu'il a signé un pacte d'actionnaires aux termes duquel un prix de rachat assis sur l'EBITDA (en français, l'excédent brut d'exploitation ou EBE) était prévu en cas de départ de l'entreprise selon trois niveaux en fonction des conditions de sortie et qu'ayant été licencié abusivement pour faute grave, la somme due ne lui a pas été intégralement versée, une décôte de 40 % ayant été appliquée.

L'intimée soulève l'exception d'incompétence ratione materiae du conseil de prud'hommes et, partant, de la chambre sociale de la cour d'appel.

L'article L 411-1 alinéa 1er du Code du travail dispose que le conseil de prud'hommes règle par voie de conciliation les différends qui peuvent s'élever à l'occasion de tout contrat de travail soumis aux dispositions du présent code entre les employeurs, ou leurs représentants, et les salariés qu'ils emploient.

L'article L 721-3 alinéa 1er du Code de commerce dispose que les tribunaux de commerce connaissent :

1° Des contestations relatives aux engagements entre commerçants, entre artisans, entre établissements de crédit, entre sociétés de financement ou entre eux ;

2° De celles relatives aux sociétés commerciales ;

3° De celles relatives aux actes de commerce entre toutes personnes.

Il résulte de ces dispositions légales que la juridiction prud'homale n'a pas à connaître des litiges qui ne trouvent pas leur source dans un contrat de travail, sauf à ce qu'une disposition légale en dispose autrement ou à ce que la convention alléguée s'avère être l'accessoire du contrat de travail lorsque la demande présente un lien direct et nécessaire avec le contrat de travail, telle un contrat d'assurance groupe souscrit par l'employeur au profit de l'ensemble du personnel ou encore une option d'achat ou de souscription d'actions, constituant un avantage social complémentaire accessoire au contrat de travail.

Le pacte d'actionnaires, défini comme un contrat de droit privé distinct des statuts, conclu entre tout ou partie des actionnaires d'une société afin d'organiser leurs relations, ne saurait constituer un accessoire au contrat de travail.

Même si les actionnaires peuvent être, par ailleurs, titulaires, comme en l'espèce, d'un contrat de travail, les pactes d'actionnaires ne sauraient être regardés comme l'accessoire de ce contrat qu'ils viendraient compléter puisqu'il n'est nul besoin d'être lié par contrat de travail pour, ensuite, conclure un pacte d'actionnaires.

Dès lors, le conseil de prud'hommes n'était pas compétent pour statuer sur les conditions de mise en oeuvre d'un pacte d'actionnaires qui ne constitue pas un accessoire au contrat de travail.

Le jugement, qui a considéré que le pacte d'actionnaires faisait partie du contrat de travail, doit être infirmé en ce qu'il a rejeté l'exception d'incompétence.

Il y aura lieu de se déclarer incompétent au profit du tribunal de commerce.

Sur la clause de non-concurrence.

Le salarié fait valoir que la levée de la clause de non-concurrence est tardive.

L'article 10 relatif à la clause de non-concurrence stipule notamment que

« (...) Monsieur [Z] [Y] s'engage, postérieurement à la rupture de son contrat de travail (...) à ne pas exercer directement ou indirectement de fonctions similaires ou concurrentes de celles exercées au sein de la Société.(...)

La Société se réserve la possibilité de réduire la durée d'application de la présente clause ou de renoncer au bénéfice de la présente clause en informant Monsieur [Z] [Y] au plus tard 15 jours après son dernier jour de travail.

En contrepartie de l'engagement pris par Monsieur [Z] [Y], la Société s'engage à lui verser la somme de 1/3 des salaires bruts mensuels des 12 derniers mois. Le paiement sera effectué à la fin de chaque mois après la cessation du contrat de travail.

(...)

Toutefois, la Société sera dispensée de ce versement si elle a renoncé dans les délais prévus à l'application de la clause de non-concurrence ».

La clause de non-concurrence n'étant applicable que postérieurement à la rupture du contrat de travail, « le dernier jour de travail » est le 25 janvier 2018, jour de la rupture, et non le 2 janvier 2018, jour de la notification de la mise à pied à titre conservatoire.

Le licenciement ayant été notifié le 25 janvier 2018, l'employeur pouvait renoncer au bénéfice de la clause de non-concurrence jusqu'au 9 février 2018. Son courrier de renonciation datant du 6 février 2018, n'était par conséquent pas tardif et la demande en paiement d'une somme représentant le tiers du salaire du 25 janvier 2018 au 25 janvier 2019 doit être rejetée.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur la demande reconventionnelle de l'intimée.

L'employeur allègue un préjudice sur le fondement de l'article L 1222-1 du Code du travail relatif à la bonne foi dans l'exécution du contrat de travail et estime qu'un préjudice commercial résulte « nécessairement » de l'activité concurrente du salarié.

Ainsi que le relève le salarié, la demande d'indemnisation contrevient au principe selon lequel la responsabilité du salarié ne peut être engagée envers son employeur qu'en cas de faute lourde.

La demande doit dès lors être rejetée.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté l'employeur de sa demande, par substitution de motif.

Sur les conséquences pécuniaires de la rupture.

L'article L 1235-3 du Code du travail, dans sa rédaction en vigueur du 24 septembre 2017 au 1er avril 2018 issue de l'ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017, applicable au cas d'espèce, prévoit que l'indemnisation du licenciement sans cause réelle et sérieuse d'un salarié totalisant deux années d'ancienneté dans une entreprise employant habituellement moins de onze salariés, doit être comprise entre 3 et 3,5 mois de salaire brut.

Compte tenu de l'âge du salarié (né le 19/10/1974), de son ancienneté à la date du licenciement (deux ans et huit mois sans prise en compte du préavis), du nombre de salariés habituellement employés (au moins 11 salariés), de sa rémunération mensuelle brut non spécialement discutée (6 951,53€), il convient de fixer les sommes suivantes à son profit :

- 20 854,59 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis (3 mois),

- 2 085,45 € au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés afférents,

- 5 068,51 € au titre de l'indemnité de licenciement.

Les demandes accessoires.

L'employeur sera tenu de délivrer au salarié un bulletin de salaire et une attestation destinée à Pôle emploi rectifiés conformément aux dispositions du présent arrêt, sans qu'il soit nécessaire de prononcer une astreinte.

Il sera tenu aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Le jugement sera infirmé en ce qu'il a dit que chaque partie conserverait la charge de ses dépens.

Il est équitable de le condamner à payer au salarié la somme de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Le jugement sera infirmé en ce qu'il a condamné le salarié sur ce fondement.

PAR CES MOTIFS :

La Cour, après en avoir délibéré, par arrêt mis à disposition au greffe ;

CONFIRME le jugement du 16 janvier 2020 du conseil de prud'hommes de Perpignan en ce qu'il a

- déclaré la requête de M. [Z] [Y] recevable,

- jugé que la clause de non-concurrence avait été levée dans les délais contractuels,

- débouté la SAS Onedirect de sa demande reconventionnelle en dommages et intérêts ;

L'INFIRME pour le surplus ;

Statuant à nouveau des chefs infirmés,

DIT que le licenciement pour faute grave de M. [Z] [Y] est requalifié en licenciement pour cause réelle et sérieuse ;

CONDAMNE la SAS Onedirect à payer à M. [Z] [Y] les sommes suivantes :

- 20 854,59 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

- 2 085,45 € au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés afférents,

- 5 068,51 € au titre de l'indemnité de licenciement ;

SE DÉCLARE incompétent pour connaître de la demande liée à la perte financière au titre du rachat des actions et RENVOIE les parties devant le tribunal de commerce de Perpignan ;

Y ajoutant,

CONDAMNE la SAS Onedirect à délivrer à M. [Z] [Y] un bulletin de salaire et une attestation destinée à Pôle Emploi rectifiés conformément aux dispositions du présent arrêt ;

DIT n'y avoir lieu de prononcer une astreinte ;

CONDAMNE la SAS Onedirect à payer à M. [Z] [Y] la somme de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile au titre des frais exposés en première instance et en cause d'appel ;

CONDAMNE la SAS Onedirect aux entiers dépens de première instance et d'appel ;

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 2e chambre sociale
Numéro d'arrêt : 20/00917
Date de la décision : 11/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-11;20.00917 ?
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