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06/01/2023 | FRANCE | N°22/02866

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 1re chambre de la famille, 06 janvier 2023, 22/02866


Grosse + copie

délivrées le

à





























COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



1re chambre de la famille



ARRET DU 06 JANVIER 2023





Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 22/02866 - N° Portalis DBVK-V-B7G-PN3Q





Décision déférée à la Cour :

Ordonnance du 12 MAI 2022

JUGE DE LA MISE EN ETAT DE TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BEZIERS

N° RG 21/00522



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APPELANTE :



Madame [E] [I]

née le 09 Novembre 1954 à [Localité 5] ([Localité 5])

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Catherine TRIQUET, avocat au barreau de MONTPELLIER







INTIME :



Monsieur [K] [P]

né le 12 Déce...

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

1re chambre de la famille

ARRET DU 06 JANVIER 2023

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 22/02866 - N° Portalis DBVK-V-B7G-PN3Q

Décision déférée à la Cour :

Ordonnance du 12 MAI 2022

JUGE DE LA MISE EN ETAT DE TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BEZIERS

N° RG 21/00522

APPELANTE :

Madame [E] [I]

née le 09 Novembre 1954 à [Localité 5] ([Localité 5])

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Catherine TRIQUET, avocat au barreau de MONTPELLIER

INTIME :

Monsieur [K] [P]

né le 12 Décembre 1953 à [Localité 9] (TUNISIE)

de nationalité Française

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représenté par Me Nadine PONTIER, avocat au barreau de BEZIERS, substituant Me Frédéric SIMON de la SCP SIMON FREDERIC, avocat au barreau de BEZIERS

Ordonnance de clôture du 27 Septembre 2022

COMPOSITION DE LA COUR :

En application de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 04 OCTOBRE 2022, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l'article 804 du même code, devant la cour composée de :

Madame Catherine KONSTANTINOVITCH, Présidente de chambre

Madame Nathalie LECLERC-PETIT, Conseillère

Madame Morgane LE DONCHE, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Séverine ROUGY

L'affaire a été mise en délibéré au 25 novembre 2022, date à laquelle le délibéré a été prorogé au 16 décembre 2022, puis au 6 janvier 2023.

ARRET :

- Contradictoire ;

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par Madame Catherine KONSTANTINOVITCH, Présidente de chambre, et par Madame Séverine ROUGY, greffière.

*****

EXPOSÉ DU LITIGE

M. [K] [P] et Mme [E] [I] ont contracté mariage le 17 juillet 2004, sans contrat préalable.

Suite à la requête en divorce déposée par l'époux au greffe du juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Béziers, une ordonnance de non-conciliation a été rendue le 23 mars 2011, rectifiée par ordonnance du 7 juillet 2011, aux termes de laquelle le juge conciliateur a notamment:

fixé à 1000 euros par mois la pension alimentaire mise à la charge de M. [K] [P] au titre du devoir de secours,

attribué à l'épouse la jouissance gratuite du domicile conjugal à charge pour elle d'en payer les charges courantes et pour M. [K] [P] de payer le crédit immobilier y afférent.

Suite à l'assignation en divorce signifiée à Mme [E] [I] à la requête de M. [K] [P], le juge aux affaires familiales de [Localité 6] a prononcé le divorce des époux par jugement en date du 3 décembre 2015.

Par acte d'huissier en date du'9 mars 2021, et après avoir obtenu selon ordonnance de référé en date du 20 mars 2018 la désignation d'un expert judiciaire avec mission d'établir un inventaire estimatif des biens indivis et des biens propres de chacun, M. [K] [P] a fait assigner Mme [E] [I] devant le juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire de'Béziers aux fins, principalement de voir ordonner l'ouverture des opérations de compte, liquidation et partage des indivisions conventionnelles et post-communautaires existant entre eux, et, aux fins de voir, en lecture du rapport de l'expert judiciaire [W] déposé au greffe le 27 août 2020, fixer l'actif indivis à 1 355 373 euros, le passif indivis à la somme de 1 304 645,97 euros, fixer l'indemnité d'occupation due par Mme [I] concernant le bien sis [Adresse 1], fixer les créances respectives soit pour M. [K] [P] la somme de 755 668,72 euros outre une créance complémentaire de 11 520 euros pour l'année civile 2020, et pour Mme [E] [I] la somme de 54 471,64 euros, rejeter la demande de Mme [E] [I] d'attribution du bien sis [Adresse 1] en l'absence d'indivision le concernant, attribuer à chacun des biens ou soultes de façon à les remplir respectivement de leurs droits, et condamner Mme [E] [I] à lui payer 5000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions d'incident notifiées le 7 septembre 2021, M. [K] [P] a saisi le juge de la mise en état de [Localité 6] aux fins d'être autorisé, sur le fondement des articles 789 du code de procédure civile et 815-6 du code civil, à prélever la somme de 219 162 euros sur les fonds indivis détenus entre les mains du notaire Maître Clauzel suite à la vente de biens immobiliers indivis afin de payer le capital restant dû des prêts immobiliers relatifs aux immeubles respectivement situés à [Adresse 8] (107 953 euros), [Localité 12] (100 927 euros) et rue de la Carrière (3048 et 7234 euros).

Par ordonnance mixte en date du 31 décembre 2021, le juge de la mise en état, devant lequel Mme [E] [I] s'est opposée à la demande de M. [K] [P] en formant à titre reconventionnel diverses demandes aux fins de nullité de l'assignation, d'annulation du rapport d'expertise, de condamnation de M. [K] [P] à produire diverses pièces et de nomination d'un expert, a ainsi statué :

il s'est déclaré incompétent pour statuer sur la demande d'annulation du rapport d'expertise de M. [W] en date du 27 août 2018 formulée par Mme [E] [I] et l'a renvoyée à mieux se pourvoir de ce chef devant le juge du fond,

il a rejeté l'exception de nullité soulevée par Mme [E] [I] visant l'assignation en partage judiciaire,

il a déclaré recevable la demande de M. [K] [P] aux fins d'être autorisé à percevoir des fonds de l'indivision pour s'acquitter du capital restant dû au titre de trois prêts immobiliers constituant une dette indivise,

il a rejeté la demande de Mme [E] [I] tendant à la production par M. [K] [P] de ses déclarations de revenus pour les exercices 2009 à 2019,

il a ordonné la réouverture des débats et invité M. [K] [P] à verser aux débats un état des comptes de l'indivision faisant apparaître les charges et les impositions des exercices 2020 et 2021, ainsi que les justificatifs y afférents, les relevés de gestion des agences immobilières en charge de la gestion des immeubles indivis loués, ainsi que les baux y afférents, sa déclaration spéciale des revenus fonciers 2020,

il a réservé les dépens et le surplus des demandes,

et il a renvoyé la cause et les parties à une audience ultérieure du 28 mars 2022.

Statuant après ré-ouverture des débats et suite à la production de pièces requises par M. [K] [P], le juge de la mise en état de'[Localité 6] a rendu le 12 mai 2022 une nouvelle ordonnance contradictoire par laquelle il a :

écarté les conclusions de Mme [E] [I] signifiées le 28 mars 2022,

autorisé M. [K] [P] à percevoir de Me Clauzel, notaire détenteur des fonds indivis, la somme de 219'162 € aux fins de payer le capital restant dû de trois prêts immobiliers constituant une dette indivise,

condamné Mme [E] [I] aux dépens,

dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration au greffe en date du'27 mai 2022, Mme [E] [I] a formé 'appel nullité' à l'encontre de cette ordonnance pour 'violation du principe du contradictoire', en ce que le premier juge a :

écarté ses conclusions,

autorisé M. [K] [P] à percevoir de Me Clauzel, notaire détenteur des fonds indivis, la somme de 219'162 € aux fins de payer le capital restant dû de trois prêts immobiliers constituant une dette indivise,

et l'a condamnée aux dépens.

Les dernières écritures de l'appelante ont été déposées au greffe par communication électronique le'11 juillet 2022, et celles de l'intimé le'18 juillet 2022.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le'27 septembre 2022.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Dans le dispositif de ses dernières écritures en date du'11 juillet 2022, Mme [E] [I] demande à la cour, au visa des articles'806 alinéa 2, 815-5, 815-6, 815-8 du code civil, des articles 3, 16, 788, 779, 114 et suivants et 175 du code de procédure civile, de l'article 6§1 de la Convention européenne des droits de l'homme et de l'article L.143 du Livre des procédures fiscales, de :

ordonner la jonction des deux procédures enregistrées sous les n° RG 22/02866 et 22/02867 pour une bonne administration de la justice sur le fondement de l'article 367 du code de procédure civile,

dire nulle et de nul effet la décision rendue pour violation du principe du contradictoire,

Vu les dispositions de l'article 806 aliéna 2 du code civil,

dire nul et de nul effet le rapport d'expertise déposé auprès du tribunal le 18 août 2020,

Vu ses demandes incidentes devant le juge de la mise en état :

ordonner la production par M. [K] [P] des déclarations de revenus et avis d'impositions pour les exercices 2009 à 2020 en ce compris les déclarations de revenus fonciers dans un délai de 30 jours à compter de la signification de la décision à intervenir,

à défaut de production volontaire, ordonner la production de ces mêmes déclarations par les services fiscaux,

nommer tel expert qu'il plaira à la cour avec pour mission de :

se faire communiquer les divers actes de propriétés et les crédits y afférents, de même que les situations des travaux et factures s'y référant permettant la libération des fonds si besoin en sollicitant le Crédit Agricole,

se faire communiquer les ordonnances, jugements et arrêts intervenus entre M. [K] [P] et elle-même ainsi que les éléments d'exécution y afférent,

se faire communiquer les éléments relatifs à la gestion par M. [K] [P] des biens dépendants de l'indivision pré et post communautaire de même que les revenus ou pertes directs et indirects qu'il en a retiré, en ce compris les incidences fiscales,

déterminer l'actif en recueillant des avis de valeurs ou le passif de l'indivision post communautaire des indivisaires,

déterminer les indemnités d'occupation et récompenses dues à chaque indivisaire,

établir un projet de liquidation amiable,

établir les biens propres apportés par chaque époux et indivisaire avant, pendant et après le mariage,

se faire communiquer tout document établissant sa contribution à l'activité professionnelle de M. [I],

proposer des hypothèses de partage,

apporter tout élément utile à la solution du litige favorisant la mise en place d'un règlement à l'amiable préalable à toute décision judiciaire,

dire que cette mission se fera aux frais et charges de M. [K] [P],

dire que les dépens des présentes seront supportés par l'intimé,

condamner M. [K] [P] à la somme de 1 500€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans le dispositif de ses dernières écritures en date du'18 juillet 2022, M. [K] [P] demande à la cour de':

rejeter la demande de Mme [E] [I] ;

confirmer purement et simplement l'ordonnance du 12 mai 2022;

condamner Mme [E] [I] au paiement de la somme de 4'000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux écritures précitées pour l'exposé exhaustif des moyens des parties.

SUR QUOI, LA COUR,

SUR L'APPEL NULLITÉ

La déclaration d'appel de Mme [E] [I] est ainsi libellée:

'Appel nullité pour violation du contradictoire en ce que l'ordonnance a écarté les conclusions de l'appelante, autorisé M. [K] [P] à percevoir de Maître Clauzel la somme de 219 162 euros de fonds indivis aux fins de payer le capital restant dû des prêts immobiliers relatifs à l'immeuble de [Adresse 8] ( 107 953 euros) [Localité 12] (100 927 euros) et situé [Adresse 11] (3048 euros et 7234 euros) et condamné Mme [I] aux dépens.'

L'appel nullité est une création prétorienne ouverte exclusivement et restrictivement lorsque un texte interdit provisoirement ou définitivement l'exercice de toute voie de recours de droit commun, ordinaire et extraordinaire sont interdites aux parties.

Tel n'est pas le cas en l'espèce, de sorte que Mme [E] [I] est irrecevable à former un appel nullité, au soutien duquel au demeurant elle ne fait valoir aucun moyen juridique de nature à fonder l'exercice d'un tel recours soumis à des conditions exceptionnelles.

SUR LE FOND

Sur la demande d'annulation de l'ordonnance du 12 mai 2022 pour violation prétendue du principe du contradictoire

' Mme [E] [I] fait valoir que la décision du 12 mai 2022 encourt l'annulation pour violation du principe du contradictoire en application de l'article 6§1 de la CEDH. Elle soutient que sa production de pièces, même tardive, était légitime car ce n'est que la veille de ses écritures qu'elle a obtenu, par le crédit agricole, la certitude que M. [K] [P] avait produit des éléments falsifiés auprès de l'établissement bancaire.

' [K] [P] conclut au rejet de cette demande, faisant valoir que Mme [E] [I] a attendu le 28 mars 2022, date de l'audience d'incident devant le juge de la mise en état pour déposer 9 pages de conclusions par RPVA et communiquer 10 pièces, en violation de l'article 15 du code de procédure civile.

' Réponse de la cour :

L'article 15 du code de procédure civile dispose que les parties doivent se faire connaître mutuellement en temps utiles les moyens de fait sur lesquels elles fondent leurs prétentions ainsi que les éléments de preuve qu'elles produisent et les éléments de droit qu'elles invoquent afin que chacune soit à même d'organiser sa défense.

En application de l'article 16, le juge doit en toutes circonstances faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction et ne peut notamment retenir dans sa décision les moyens, explications et les documents invoqués ou produits par les parties que s'ils ont été à même d'en débattre contradictoirement.

Il est établi que dans le cadre de l'instance sur incident qui s'est déroulée devant le premier juge, M. [K] [P] avait conclu et transmis ses pièces nouvelles dès le 8 février 2022 en prévision de la date de l'audience de plaidoiries qui était fixée un mois et vingt jours plus tard, le 28 mars 2022 à 9 heures, alors que Mme [E] [I] a attendu le matin de cette audience pour notifier à 8 heures 27, 9 pages de conclusions et communiquer les 10 pièces qu'elle entendait produire.

Dans ces conditions, le premier juge, statuant sur incident, a fort justement déclaré irrecevables les pièces et conclusions de Mme [E] [I], après avoir pris soin de préciser qu'elles n'avaient pas été déposées en temps utiles en réponse aux conclusions et pièces adverses dont elle avait eu connaissance depuis le 8 février 2022 empêchant M. [K] [P] d'être en mesure d'en débattre et d'y répondre.

C'est par une exacte application du principe essentiel du contradictoire qui est inhérent au respect des droits de la défense mais qui a été manifestement bafoué par Mme [E] [I], que le premier juge a écarté des débats les pièces et conclusions tardives notifiées par cette dernière, sans qu'aucune nullité de sa décision ne soit encourue de ce chef dès lors qu'il a sanctionné à bon droit, comme la loi lui en fait l'obligation, le comportement objectivement contraire à la loyauté des débats d'une des deux parties.

L'exception de nullité du jugement soulevée par l'appelante a été à bon droit rejetée.

L'ordonnance déférée sera donc confirmée de ce chef.

Sur la demande de nomination d'un expert

' Le premier juge ayant écarté les conclusions de Mme [E] [I] signifiées le 28 mars 2022, il n'a pas statué sur sa demande d'expertise.

' Au soutien de sa demande de désignation d'un nouvel expert, Mme [E] [I] indique que le premier expert a violé ses obligations tant lors de l'établissement de son rapport d'expertise au regard du principe du contradictoire que lors de la réalisation de la mission qui lui a été confiée par le tribunal.

' M. [K] [P] soutient avoir produit les pièces nécessaires.

' Réponse de la cour :

Une expertise judiciaire a été ordonnée le 20 mars 2018 par le juge des référés et confiée à l'expert M. [W] qui a déposé son rapport en août 2020.

La demande de nullité d'un rapport d'expertise, qui est soumise au régime des nullités de procédure en application de l'article 175 du code de procédure civile, ne constitue pas une exception de procédure au sens de l'article 73 de ce même code et ne relève pas des pouvoirs du juge de la mise en état limitativement édictés par l'article 789, elle doit être soulevée in limine litis pour être tranchée par le juge statuant au fond.

En l'espèce, le juge du fond qui est seul compétent pour se prononcer sur la nullité du rapport d'expertise de M. [W] que soulève Mme [E] [I], n'a pas encore statué dans le cadre du litige opposant les parties et qui est toujours pendant devant lui.

La demande de désignation d'un nouvel expert non visée dans la déclaration d'appel de Mme [E] [I] et qu'elle forme devant cette cour qui doit statuer sur l'appel de l'ordonnance du juge de la mise en état et donc dans les limites des pouvoirs de cette juridiction, sera, pour ce motif, rejetée, étant rappelé que l'expertise n'a pas pour objet de pallier la carence probatoire d'une partie.

- Sur la demande d'autorisation de prélèvement sur les fonds indivis détenus par le notaire

' Le premier juge a autorisé M. [K] [P] à prélever 219 162 euros sur les fonds indivis détenus par le notaire après avoir considéré que l'état de santé de ce co-indivisaire dont le taux d'endettement est de l'ordre de 70% selon son expert-comptable, ne lui permet plus de maintenir son activité professionnelle pour pouvoir assumer seul le remboursement des prêts et le déficit de l'indivision, de sorte qu'il rapporte la preuve de la nécessité urgente de débloquer les fonds indivis et de les affecter au remboursement des divers prêts immobiliers sauf à mettre en péril l'indivision, eu égard à l'état des comptes de l'indivision objectivant un déficit de 34'380€ en 2021.

' Mme [E] [I] fait valoir qu'aucune des conditions pour la réalisation d'un acte de disposition ne sont en l'espèce réunies. Elle indique qu'aucune preuve de l'existence d'un péril de l'indivision n'a été rapportée, que l'état de santé de M. [K] [P] ne constitue pas un motif d'urgence valable et que les biens indivis produisent des revenus qui sont perçus et gérés par ce dernier seul.

Elle conteste qu'il y ait un intérêt commun à ce que les fonds détenus par le notaire soient affectés au remboursement des prêts immobiliers, et précise qu'elle avait des droits subséquents dans le patrimoine indivis mais que du fait de la gestion de M. [K] [P] elle se trouve aujourd'hui dépossédée de tous les biens dont elle a hérité à titre personnel et qu'elle a investis dans la communauté.

Elle conclut que l'affirmation de M. [K] [P] selon laquelle ses revenus auraient baissé de manière telle que cela mettrait en péril l'indivision est fausse, puisqu'il dispose de fonds autres, dont il ne fait pas état, et qu'il ne produit qu'une partie de sa déclaration d'impôt sur le revenu pour l'exercice 2020.

' M. [K] [P] conclut qu'il ne peut plus faire d'avance de trésorerie pour combler le déficit de l'indivision qui s'est élevé à 34'380 euros en 2021 compte tenu de l'arrêt de son activité professionnelle pour motif de santé, et qu'il qu'il y a urgence à utiliser les fonds consignés détenus par le notaire pour les affecter au remboursement des divers prêts immobiliers afin d'éviter des impayés d'échéances de prêt et la mise en péril de l'indivision.

' Réponse de la cour :

L'article 815-6 du code civil dispose en ses deux premiers alinéas, que le président du tribunal judiciaire peut prescrire ou autoriser toutes les mesures urgentes que requiert l'intérêt commun.

Il peut notamment autoriser un indivisaire à percevoir des débiteurs de l'indivision ou des dépositaires de fonds indivis une provision destinée à faire face aux besoins urgents, en prescrivant, au besoin, les conditions de l'emploi.

L'autorisation de prélèvement ne constitue qu'une faculté pour le président du tribunal judiciaire et en l'occurrence pour la cour, qui apprécie souverainement la demande dont elle est saisie et statue en fonction de l'existence de la condition d'urgence, en s'assurant qu'il s'agit de garantir l'intérêt commun et dans la limite des fonds indivis détenus par le notaire dépositaire.

Les contrats de prêts contractés par les époux pour l'acquisition de divers biens immobiliers dont M. [K] [P] verse au débat les tableaux d'amortissement démontrent, sans que cela ne soit contesté, qu'ils ont contracté en 2010 en qualité de co-emprunteurs et pour des durées comprises entre 20 et 25 ans, quatre prêts immobiliers auprès de la Caisse Régionale du Crédit Agricole Méditerranée pour acquérir ensemble, et alors qu'ils étaient mariés en communauté, quatre biens immobiliers, deux sis à [Localité 10], un autre à [Localité 12] et le quatrième sis à [Adresse 8], moyennant des échéances mensuelles d'un montant respectif de 1111,52 pour chacun des deux biens sis à [Localité 10], 1179,08 euros et 857,32 euros, soit un montant mensuel à rembourser de 4 259,44 euros.

Comme le premier juge l'a justement relevé, M. [K] [P] a produit au débat en exécution de l'ordonnance du juge de la mise en état du 31 décembre 2021 l'y ayant invité, les relevés de son compte de dépôt afférents à la période échue entre le mois de janvier 2020 et le mois de novembre 2021 qui établissent que les échéances de ces prêts, dettes indivises, sont prélevées sur ce compte bancaire personnel, au même titre que les appels de fonds des copropriétés dont dépendent les biens immobiliers indivis en cause tels que récapitulés dans les compte-rendus mensuels de gestion qui ont tout autant été produits, sans que le montant des revenus locatifs de l'indivision, qui font l'objet de déclarations spéciales de revenus fonciers et qui sont également crédités sur son compte, ne suffisent à couvrir la totalité des dépenses dont il démontre assumer seul le règlement pour le compte de l'indivision existant avec Mme [E] [I].

La cour constate que les états des comptes de l'indivision des années 2020 et 2021 témoignent systématiquement d'un déficit qui s'est élevé respectivement à 41 656 euros et à 34 380 euros, sans que Mme [E] [I] n'émette aucune contestation quant à la réalité de la situation déficitaire qu'elle ne contribue pas à apurer de ses deniers propres, se contentant de contester l'imputation d'un prêt pour un total de 4632 euros ce qui ne modifie en rien l'état déficitaire global des comptes, ou encore d'arguer de faux des mentions portées dans les déclarations fiscales de M. [K] [P], ce qui n'a pas la moindre incidence quant au bien fondé de la demande formée par M. [K] [P] et dont la cour est saisie.

Enfin, les critiques émises par Mme [E] [I] à l'égard de la gestion de M. [K] [P] et qui pourront le cas échéant donner lieu à un débat devant le juge du fond, s'avèrent inopérantes dans le cadre du présent litige dont la cour est saisie sur le fondement de l'article 815-6 du code civil, les conditions d'application de ce texte qui sont distinctes de celles qui fondent le pouvoir du juge des référés, permettant au juge et donc à la cour d'ordonner des mesures qui préjudicient au principal même à supposer qu'il existe une contestation sérieuse.

Force est de constater que M. [K] [P] qui est âgé de 69 ans, justifie, sans que Mme [E] [I] ne le conteste, qu'il a cessé son activité professionnelle libérale de kinésithérapeute au 31 décembre 2021 avec radiation de la caisse des auxiliaires médicaux au 1er janvier 2022, et qu'il a fait valoir ses droits à la retraite après avoir subi successivement deux interventions chirurgicales dont une néphrectomie justifiée par un cancer du rein gauche en 2020 et la découverte en 2021 d'une cardiopathie ischémique chronique ayant justifié qu'il intègre un protocole de soins avec prise en charge d'une ALD jusqu'au 26 novembre 2031.

Les éléments médicaux que M. [K] [P] verse au débat témoignent amplement de la nécessité d'une cessation définitive urgente de son activité professionnelle, que le médecin cardiologue en charge de son suivi qualifiait dans un courrier du 3 décembre 2021 de stressante et de facteur de risque supplémentaire.

Dans le contexte de la baisse de ressources inhérente à la cessation d 'activité pour motif médical de M. [K] [P] et à son statut de retraité, la cour observe à l'instar du premier juge, que l'analyse financière réalisée par l'expert-comptable de l'intimé le 3 septembre 2021 qui témoigne de son état d'endettement préoccupant s'élevant à 68 %, largement au-delà des 33 % préconisés par les banques, a justifié qu'il lui conseille compte tenu de sa situation financière, la vente de certains biens à titre de mesure indispensable et rapidement pour obtenir des reports d'échéances, le temps que les modalités de la liquidation des intérêts patrimoniaux du couple soient réglées.

Il n'est pas contestable que le remboursement des échéances d'un prêt portant sur un bien indivis caractérise pour l'indivision une dépense de conservation urgente comme étant destinée à éviter le risque de saisie et de perte de celui-ci en cas de non paiement des échéances échues et exigibles pouvant justifier la déchéance du terme.

Il est également acquis que c'est pour solder le capital restant dû au titre de plusieurs prêts contractés pour l'acquisition de trois biens indivis respectivement situés à [Adresse 7] et permettre ainsi de payer une dépense urgente de conservation des biens immobiliers indivis dont il démontre qu'il ne peut plus continuer à faire l'avance à l'indivision, que M. [K] [P] demande à être autorisé à prélever une somme de 219 162 € sur les fonds détenus par le notaire, Maître Clauzel, pour le compte des co-indivisaires suite à des ventes qu'ils ont consenties d'un commun accord avec Mme [E] [I].

Il est par ailleurs établi que le solde du compte ouvert au nom des indivisaires dans l'étude de leur notaire Maître Clauzel et dont il est produit un extrait daté du 27 août 2021 présente, sans que Mme [E] [I] ne le conteste, un solde créditeur de 290 765,30 euros qui fait partie de l'actif de l'indivision existant entre les parties, comme faisant suite au versement des prix de vente de biens indivis.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Le premier juge a condamné à bon droit Mme [E] [I], partie succombante, aux dépens de première instance.

L'ordonnance sera donc confirmée de ce chef.

Mme [E] [I], succombant en son appel, elle sera également condamnée à supporter les dépens devant la cour.

La cour estime qu'il serait inéquitable de laisser M. [K] [P] supporter en totalité les frais que sa co-indivisaire l'a contraint à engager pour faire assurer sa défense en cause d'appel.

Mme [E] [I] sera condamnée à payer à M. [K] [P] une indemnité de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire,

DÉCLARE irrecevable l'appel nullité de Mme [E] [I] tel que mentionné dans sa déclaration d'appel,

CONDAMNE Mme [E] [I] à payer à M. [K] [P] une somme de 2.000 € (DEUX MILLE EUROS) au titre de l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile devant la cour,

CONDAMNE Mme [E] [I] aux entiers dépens d'appel.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,

SR/NLP


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 1re chambre de la famille
Numéro d'arrêt : 22/02866
Date de la décision : 06/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-06;22.02866 ?
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