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05/01/2023 | FRANCE | N°18/00567

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 3e chambre civile, 05 janvier 2023, 18/00567


Grosse + copie

délivrées le

à































COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



3e chambre civile



ARRET DU 05 JANVIER 2023



Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 18/00567 - N° Portalis DBVK-V-B7C-NQSL





Décision déférée à la Cour :

Jugement du 16 janvier 2018

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE MONTPELLIER

N° RG 17/01875





APPELANTE :




Mme [E] [P]

née le [Date naissance 2] 1956 à [Localité 6]

de nationalité française

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Jean-François REYNAUD de la SELARL REYNAUD, avocat au barreau de MONTPELLIER







INTIME :



M. [Y] [K]

de nationalit...

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

3e chambre civile

ARRET DU 05 JANVIER 2023

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 18/00567 - N° Portalis DBVK-V-B7C-NQSL

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 16 janvier 2018

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE MONTPELLIER

N° RG 17/01875

APPELANTE :

Mme [E] [P]

née le [Date naissance 2] 1956 à [Localité 6]

de nationalité française

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Jean-François REYNAUD de la SELARL REYNAUD, avocat au barreau de MONTPELLIER

INTIME :

M. [Y] [K]

de nationalité française

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représenté par Me Gilles LASRY de la SCP D'AVOCATS BRUGUES - LASRY, avocat au barreau de MONTPELLIER

Ordonnance de clôture du 18 octobre 2022

COMPOSITION DE LA COUR :

En application de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 08 novembre 2022, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l'article 804 du même code, devant la cour composée de :

M. Gilles SAINATI, président de chambre

M. Thierry CARLIER, conseiller

Mme Emmanuelle WATTRAINT, conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Camille MOLINA

ARRET :

- contradictoire ;

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par M. Gilles SAINATI, président de chambre, et par Mme Camille MOLINA, greffière.

*

* *

EXPOSE DU LITIGE

Me [Y] [K] a été désigné le 16 avril 2008 par le président de la chambre des notaires pour procéder aux opérations de liquidation du régime matrimonial de Mme [E] [P] et M. [L] [H], dont le divorce a été prononcé par jugement du 16 octobre 2007.

En février 2009, Me [K] a établi un projet d'état liquidatif qui n'a pas été accepté par les parties.

Sur demande de Mme [P], Me [K] a établi un procès-verbal de difficultés le 19 juillet 2012.

Mme [P] et M. [H] ont alors chacun saisi le juge aux affaires familiales, qui a joint les instances et constaté par jugement du 19 avril 2013 que l'action en liquidation du régime matrimonial était prescrite depuis le 22 décembre 2010 et déclaré l'action de Mme [P] irrecevable.

Cette décision a été confirmée par la cour d'appel de Montpellier le 18 juin 2014, et la Cour de cassation a rejeté le pourvoi formé à l'encontre de cet arrêt le 2 décembre 2015.

Le 28 mars 2017 Mme [E] [P] a assigné en responsabilité Me [Y] [K] devant le tribunal de grande instance de Montpellier.

Par jugement contradictoire du 16 janvier 2018, le tribunal a :

- débouté Mme [E] [P] de l'intégralité de ses demandes, y compris d'exécution provisoire ;

- condamné Mme [P] à indemniser Me [K] de ses frais irrépétibles à hauteur de 2 000 euros ;

- condamné Mme [P] aux entiers dépens de l'instance.

Par déclaration au greffe du 1er février 2018, Mme [E] [P] a interjeté appel de ce jugement.

Vu les dernières conclusions de Mme [E] [P] remises au greffe le 22 mars 2018 ;

Vu les dernières conclusions de Me [Y] [K] remises au greffe le 14 mai 2018 ;

La clôture de la procédure a été prononcée le 18 octobre 2022 ;

MOTIFS

Sur la faute du notaire,

Mme [P], appelante, invoque la faute du notaire dans l'accomplissement de sa mission : négligence fautive et défaut d'efficacité. Elle souligne que le projet d'acte d'état liquidatif établi par Me [K] était erroné comme le décrit le courrier de Me [C] [O], notaire, en date du 16 décembre 2010. Elle reproche à Me [K] de ne pas avoir établi de projet rectificatif et de n'avoir rédigé le procès-verbal de difficultés que le 19 juillet 2012 alors que selon l'article 267-1 du code civil (ancien), le notaire ne disposait que d'un délai d'un an (après que le jugement soit passé en force de chose jugée) pour l'établir en cas de désaccord persistant des parties. Elle estime que ce procès-verbal aurait eu pour effet de saisir la juridiction et d'interrompre la prescription, alors qu'elle a sollicité le notaire à de nombreuses reprises, en vain.

Enfin Mme [P] estime que Me [K] n'a pas rempli son obligation de conseil en ne l'informant pas sur la prescription triennale encourue.

Me [K] demande la confirmation du jugement et fait valoir :

- qu'il n'était tenu à aucun devoir de conseil spécifique vis-à-vis de Mme [P] en tant que notaire commis de justice, et n'était notamment pas tenu de l'informer du délai de prescription de 3 ans pour faire valoir sa créance. Il est commis par le Président de la chambre des notaires pour procéder aux opérations de partage dans la liquidation de ce régime matrimonial et intervient dans l'intérêt des deux parties et serait tenu d'un devoir de neutralité ;

- que le litige a évolué dans un cadre amiable et donc il n'était pas possible de lui imputer le défaut d'établissement de procès-verbal de difficultés dans un délai d'un an à partir du jugement passé en force de la chose jugée.

- qu' il n'a commis aucun manquement dans l'accomplissement de sa mission : pas d'erreur dans le projet d'acte d'état liquidatif, d'ailleurs Me [O] retient la même somme à revenir à Mme [P] dans son courrier du 2 mai 2009, à savoir 29 964,94 euros ; il y a certes une divergence d'analyse, mais qui est sans conséquence sur le résultat final de la liquidation ;

- qu'enfin son intervention est sans lien de causalité avec les préjudices allégués par Mme [P] ; en effet, le procès-verbal de difficultés n'est pas une condition de recevabilité de l'assignation en partage et Mme [P] pouvait tout à fait (et aurait dû) assigner son ex-époux en liquidation de la communauté avant l'acquisition de la prescription.

La chronologie de cette liquidation de régime matrimonial et le nombre d'intervenants qui y ont participé est important à relever :

- un jugement du 16 octobre 2007 prononçait le divorce et condamnait M. [H] à verser à Mme [P] 100 000 euros au titre de la prestation compensatoire. Ce jugement était définitif le 22 décembre 2007 ;

- Me [K] a été commis par le Président de la Chambre des Notaires de l'Hérault le 16 avril 2008 pour procéder aux opérations de liquidation du régime matrimonial ;

- en février 2009, Me [K] établissait un projet d'acte liquidatif qu'il adressait aux parties. Ce projet d'acte ne remportait pas l'accord des parties ;

- Me [K], suivant acte du 19 juillet 2012, établissait un procès-verbal de difficulté ;

- le 3 juillet 2012 Mme [P] faisait délivrer à son ex-époux une assignation en partage judiciaire du régime matrimonial ;

- parallèlement, M. [H] saisissait, par acte du 20 juin 2012, le juge aux affaires familiales de Montpellier d'une demande de constatation de la prescription de l'action en liquidation de la créance de participation, ainsi que la condamnation de Mme [P] à lui verser 91 522,75 euros au titre d'une créance entre époux née de l'acquisition du domicile conjugal en indivision ;

- par jugement du 19 avril 2013, le juge aux affaires familiales constatait la prescription de l'action en liquidation de la créance en participation mais également de la créance entre époux depuis le 22 décembre 2010 sur le fondement de l'article 1578 du code civil ;

- cette décision était confirmée par la cour d'appel de Montpellier du 18 juin 2014, puis par la Cour de cassation selon arrêt du 2 décembre 2015.

Au long de la procédure Mme [P] a sollicité les conseils de Me [O], Notaire, tandis que M. [H] s'adjoignait les services de Me [M], Notaire également, chacun disposant de conseils de leurs avocats, et compte tenu des désaccords des parties notamment sur l'existence d'un plan épargne entreprise et des stock-options, de nombreux échanges de courriers s'échangeaient entres les parties le 20 juillet 2010, 16 décembre 2010 et envoi en février 2012 par Mme [P] adressait à Me [K] des informations sur le plan épargne entreprise et les stock-options.

La première faute relevée par Mme [P] serait la longueur et la négligence des opérations de liquidations devant le notaire commis qui aurait conduit à la prescription.

Toutefois, Mme [P] produit aux débats la copie d'une lettre du 11 janvier 2010 où elle expose sa volonté de " porter l'affaire devant le tribunal", il sera noté que cette lettre simple ne présente aucune certitude quant à sa bonne réception par Me [K], tout comme les lettres produites aux pièces 8 et 9.

Les copies des trois courriels produit en pièce 3 et 4 ne comportent pas d'indication précise sur leurs dates.

Mme [P] a saisi M. le Président de la Chambre des notaires de l'Hérault le 6 avril 2011 qui répond le 18 mai 2011 que " des projets d'actes seront renvoyés dans le courant de la semaine". Toutefois aucun projet d'acte ne devait intervenir.

Il convient de noter qu'aucune solution amiable n'a pu être trouvée au cours de l'année 2010 comme le relève la correspondance du 20 juillet 2012 de Me [B] et le calcul du 16 décembre 2010 de Me [O], conseils de Mme [P].

Toutefois malgré ces nombreuses consultations juridiques, aucun conseil avisé n'a envisagé la prescription de l'article 1578 du code civil, le délai de résolution de cette affaire s'étant anormalement étendu du fait d'un désaccord persistant des parties.

Qu'il sera relevé que Me [K] bien que notaire commis soumis par la nature de son mandat à un devoir de neutralité envers chacune des parties se devait dans le cadre de son obligation de conseil d'informer les deux parties du risque de prescription, voire du fait de sa mission acceptée, d'établir un calendrier précis communiqué aux parties détaillant les délais impératifs à respecter en ce domaine respectant son impératif d'efficacité dans l'exécution de son office.

Qu'il est établi que " Les notaires, professionnellement tenus de veiller à l'efficacité des actes qu'ils établissent et d'éclairer les parties sur leurs conséquences, ne sont pas dispensés de leur devoir de conseil par la présence d'un autre conseiller, fût-il lui-même notaire, au côté du client "(Cass. 1ère civ., 29 avr. 1997).

Me [K] reconnaît ne pas avoir informé les parties de cette prescription ce qui aurait d'ailleurs pu réduire les réticences de chacune d'elles vers la voie d'une solution amiable.

Cette négligence fautive a eu pour effet le non respect du délai de prescription et a pu causer un éventuel préjudice à chacune des parties et notamment Mme [P].

Sur le préjudice et le lien de causalité,

Mme [P] sollicite des dommages et intérêts en réparation de son préjudice financier : 49 039,04 euros (différence entre les sommes perçues soit 56 510,08 euros et les sommes auxquelles elle aurait pu prétendre soit 105 549,12 euros).

Me [K] estime que Mme [P] n'aurait pu prétendre qu'à une somme de 29 964,96 euros ; de plus, son préjudice s'analyse en une perte de chance d'obtenir paiement de cette somme auprès de son ex-époux, or elle ne démontre pas de chances réelles et sérieuses de pouvoir effectivement recouvrer cette somme.

Il convient de noter que le 8 novembre 2016, un protocole d'accord était conclu entre les parties aux termes duquel Mme [P] recevait la somme de 56 510,08 euros consignée depuis 2008 pour solde de tout compte.

Cette accord doit être éclairé par le compte entre les époux :

- en 2001, Mme [P] et M. [H] ont vendu leur maison sise à [Localité 5] pour la somme de 323 191,92 euros. La somme de 149 441,42 euros, correspondant au solde du prix de vente, déduction faite du remboursement du prêt et des frais de mainlevée, a été séquestrée entre les mains du Notaire dans l'attente de la liquidation du régime matrimonial ;

- en 2008, Mme [P] a fait pratiquer une saisie-attribution sur le solde du prix de vente détenu par le notaire d'un montant de 100 000 euros en paiement de sa prestation compensatoire ;

- depuis 2008, la somme de 56 510,08 euros, correspondant au solde du prix de vente, déduction faite de la prestation compensatoire, outre les intérêts, était consignée entre les mains du notaire ;

- Me [O], le notaire conseil de Mme [P], dans son courrier du 16 décembre 2010 constate que la créance de participation de Mme [P] s'élève à 29 964,96 euros comme elle l'indique dans ses écritures (concl. adv. page 9): « Attendu qu'il ressortait du procès verbal de difficulté établi par Me [K], qui n'a jamais été contesté, que la créance de participation de la requérante s'élevait a la somme de 29 964,96 €. ''

Ainsi selon Mme [P], celle-ci aurait perdu la chance de percevoir une somme de 29 964,96 euros (et non 105 549,12 euros), or elle a décidé, au terme du protocole d'accord du 8 novembre 2016, que l'intégralité de la somme de 56 510,08 euros consignée depuis 2008 lui revenait pour solde de tout compte, ne faisant aucunement allusion à une autre somme de 29 964,96 euros.

Mme [P] ne démontre donc pas avoir perdu une chance de percevoir la somme de 29 964,96 euros du fait de la négligence fautive de Me [K].

Qu'a défaut de rapporter cette preuve qui repose sur la certitude de pouvoir recouvrer une somme supplémentaire dont même Mme [P] n'était elle-même pas sûre d'être créancière, celle-ci sera déboutée, le jugement confirmé de ce chef.

Sur le préjudice moral,

Mme [P] ne justifie pas d'un préjudice moral imputable à Me [K] quant à la durée de la procédure de liquidation. En effet, chacune des parties rend coupable l'autre de la durée et de la multiplication des recours alors que chacune des parties disposait de ses propres conseils pour sortir rapidement de ce différent.

Le jugement sera confirmé à ce titre.

Qu'en conséquence, substituant les motifs du premier juge, confirme le jugement du 16 janvier 2018.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile,

Que l'équité ne commande pas de faire application de l'article 700 du code de procédure civile, Mme [P], succombante, sera condamnée aux entiers dépens dont appel.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Confirme le jugement du 16 janvier 2018 ;

Dit n y avoir lieu à l'application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne Mme [E] [P] aux entiers dépens dont appel.

La greffière, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 3e chambre civile
Numéro d'arrêt : 18/00567
Date de la décision : 05/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-05;18.00567 ?
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