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15/12/2022 | FRANCE | N°17/06202

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 3e chambre civile, 15 décembre 2022, 17/06202


Grosse + copie

délivrées le

à





























COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



3e chambre civile



ARRET DU 15 DECEMBRE 2022



Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 17/06202 - N° Portalis DBVK-V-B7B-NNC4





Décision déférée à la Cour :

Jugement du 11 mai 2017

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE NARBONNE

N° RG 15/00154





APPELANTS :



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Monsieur [Y] [A] [G] [V]

né le 11 Septembre 1956 à [Localité 20] (GRANDE BRETAGNE)

de nationalité britannique

[Adresse 1]

[Localité 21]

(GRANDE BRETAGNE)

et

Madame [O] [M] [T] épouse [V]

née le 08 Octobre 1958 à [Localité 15] (GRANDE BRETAGNE)

de nationalité brit...

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

3e chambre civile

ARRET DU 15 DECEMBRE 2022

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 17/06202 - N° Portalis DBVK-V-B7B-NNC4

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 11 mai 2017

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE NARBONNE

N° RG 15/00154

APPELANTS :

Monsieur [Y] [A] [G] [V]

né le 11 Septembre 1956 à [Localité 20] (GRANDE BRETAGNE)

de nationalité britannique

[Adresse 1]

[Localité 21]

(GRANDE BRETAGNE)

et

Madame [O] [M] [T] épouse [V]

née le 08 Octobre 1958 à [Localité 15] (GRANDE BRETAGNE)

de nationalité britannique

[Adresse 1]

[Localité 21]

(GRANDE BRETAGNE)

Représentés par Me Karen FAUQUE, avocat au barreau de MONTPELLIER,

et assistés à l'instance par Me Indra BALASSOUPRAMANIANE, avocat au barreau de PARIS, substituée à l'audience par Me Eléonore VOISIN de la SELEURL ELEONORE VOISIN, avocat au barreau de PARIS

INTIMEES :

SCP BENEDETTI-[S] GALLY-DARISCON

[Adresse 10]

[Localité 3]

Représentée par Me Gilles LASRY de la SCP SCP D'AVOCATS BRUGUES - LASRY, avocat au barreau de MONTPELLIER

SA CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE DEVELOPPEMENT (CIFD)

RCS de Paris n° 379 502 644, représentée par son dirigeant social en exercice domicilié en cette qualité au siège social

[Adresse 7]

[Localité 12]

venant aux droits de CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE RHONE ALPES AUVERGNE (CIFRAA), suite à fusion par absorption selon déclaration de régularité et de conformité constatant la réalisation définitive de la fusion en date du 1er juin 2015

représentée par son dirigeant social en exercice

RCS de Lyon n° 391 563 939

[Adresse 14]

[Localité 11]

Représentée par Me Sebastien PINET de la SARL SARL SPE GRESSIER PINET EXPERT COMPTABLE AVOCAT, avocat au barreau de NARBONNE, substitué à l'audience par Me Lola JULIE de la SARL SALVIGNOL ET ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER

(ordonnance du 30 septembre 2021 de désistement partiel)

SARL HPA HOLDING, anciennement GROUPE GARRIGAE et dont le nom commercial est PROPRIETE ET CO

RCS de Béziers n°447 690 660, prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié ès qualités au siège social

[Adresse 18]

[Localité 8]

et

SCI [Adresse 17]

RCS de Béziers n°487 721 268, prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié ès qualités au siège social

[Adresse 5]

[Localité 9]

Représentées par Me Yannick CAMBON de la SELARL M3C, avocat au barreau de BEZIERS

et assistés à l'instance par Me Christian CAUSSE de la SELARL M3C, avocat au barreau de BEZIERS, substitué à l'audience par Me Pauline AQUILA de la SELARL M3C, avocat au barreau de BEZIERS

SARL JUNIPER GROUPE, exerçant sous l'enseigne FRANCE HOME FINANCE

RCS de Paris n°491 778 395, prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié ès qualités au siège social

[Adresse 13]

[Localité 12]

Représentée par Me Yann GARRIGUE de la SELARL LEXAVOUE MONTPELLIER GARRIGUE, GARRIGUE, LAPORTE, avocat au barreau de MONTPELLIER, substitué à l'audience par Me Alexis SOBOL de la SELARL SAVINIEN, avocat au barreau de PARIS

Ordonnance de clôture du 21 septembre 2022

COMPOSITION DE LA COUR :

En application de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 12 octobre 2022, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l'article 804 du même code, devant la cour composée de :

M. Gilles SAINATI, Président de chambre

M. Thierry CARLIER, Conseiller

M. Fabrice DURAND, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Camille MOLINA

ARRET :

- contradictoire ;

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour fixée au 8 décembre 2022 prorogée au 15 décembre 2022, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par M. Gilles SAINATI, Président de chambre, et par Mme Camille MOLINA, Greffière.

*

* *

EXPOSE DU LITIGE

La SCI [Adresse 17] a fait construire une résidence de tourisme « [Adresse 17] » comprenant 171 appartements et maisons individuelles sur un terrain cadastré section C n°[Cadastre 6] sur la commune de [Localité 19] (11).

Ce programme immobilier, initié en 2007 et commercialisé notamment auprès d'une clientèle britannique, était encouragé par le régime fiscal de la loi Demessine s'agissant de biens situés en zone de revitalisation rurale (ZRR).

M. [Y] [V] et Mme [O] [T] épouse [V], ressortissants britanniques résidant à [Localité 21] en Grande Bretagne, ont réservé le 14 juin 2007 auprès de la SCI [Adresse 17] la maison n°147 type P3 bis de 66,26 m² de ce programme.

Ce contrat de réservation était accompagné d'une promesse de bail commercial du lot réservé donnée le même jour 14 juin 2007 par la SARL Garrigae Hotels and Resorts.

Lors de la phase de commercialisation de ce bien immobilier, la SARL HPA Holding est intervenue auprès de M. et Mme [V] selon des modalités et dans un cadre juridique qui sont discutés entre les parties.

Par acte authentique reçu par la SCP Benedetti-[S] le 14 novembre 2007, M. et Mme [V] ont acheté en état futur d'achèvement à la SCI [Adresse 17] le lot n°147 réservé au prix de 273 000 euros HT, soit 326 508 euros TTC :

' 111 012,72 euros payé comptant ;

' 215 495,28 euros payé ultérieurement en fonction de l'avancement des travaux conformément aux dispositions de l'article R.261-14 du code de la construction et de l'habitation.

Le prix a été financé au moyen d'un prêt Habitat+ de 22 ans au taux nominal de 5,20% contracté auprès du Crédit Immobilier de France dans le même acte authentique pour un montant de 297 554 euros garanti par une hypothèque conventionnelle sur l'immeuble.

Ce prêt a été contracté par l'intermédiaire de la SARL Juniper Groupe, courtier en crédit immobilier.

Le contrat de bail commercial a été signé le 14 juillet 2007 entre M. et Mme [V] et la SARL Garrigae Hotels & Resorts avec prise d'effet le 29 mai 2009 pour une durée de 9 ans et un loyer de 14 042 euros TTC par an.

Par avenant à ce bail signé le 26 janvier 2012, M. et Mme [V] ont accepté que la SARL [Adresse 17] se substitue à la SAS Garrigae Hotel and Resort et que le loyer annuel soit réduit de 14 042 euros à 8 130,46 euros avec clause de révision annuelle en fonction de la situation financière du preneur outre l'abandon des loyers dus pour la période du 1er juillet 2011 au 31 décembre 2011.

La société Garrigae Hotels et Resorts a été placée en redressement judiciaire par jugement du 30 janvier 2013 du tribunal de commerce de Béziers, puis en liquidation judiciaire par jugement du 12 février 2014.

Faisant valoir que la rentabilité locative de l'opération immobilière constituait une condition essentielle de leur engagement contractuel, M. et Mme [V] ont fait assigner par actes d'huissier signifiés les 23, 24 et 30 décembre 2014 et le 5 janvier 2015 la SA Crédit Immobilier de France, la SCP de notaires Benedetti-[S], la SARL HPA Holding, la SCI [Adresse 17] et la SARL Juniper Group devant le tribunal de grande instance de Narbonne aux fins de solliciter l'annulation de la vente pour dol et du prêt immobilier ainsi que l'indemnisation du préjudice subi.

Par jugement du 11 mai 2017, le tribunal de grande instance de Narbonne a :

' rejeté la fin de non recevoir tirée de l'absence de publication de l'assignation ;

' rejeté la fin de non recevoir tirée de la prescription de l'action en nullité de la vente fondée sur le dol ;

' rejeté la demande de nullité de la vente pour dol et les demandes de toute nature qui en découlaient ;

' dit que l'action dirigée sur le fondement de la responsabilité contractuelle et de la responsabilité délictuelle à l'encontre de la SA Crédit Immobilier de France Développement était prescrite ;

' rejeté les demandes formulées à l'encontre de la SCI [Adresse 17] et de la SARL HPA Holding sur le fondement de la responsabilité contractuelle ;

' rejeté les demandes formées à l'encontre de la SCP Benedetti-[S] ;

' rejeté toutes les autres demande des parties ;

' dit n'y avoir lieu à indemnité au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

' laissé les dépens de l'action à la charge des demandeurs et autorisé les avocats qui en ont fait la demande à recouvrer directement ceux dont ils auraient fait l'avance sans en avoir reçu provision.

Par déclaration au greffe du 30 novembre 2017 M. et Mme [V] ont relevé appel de ce jugement à l'encontre de la SA Crédit Immobilier de France Développement, de la SCP Benedetti-[S], de la SARL HPA Holding, de la SCI [Adresse 17] et de la SARL Juniper Group.

Par ordonnance du 30 septembre 2021, le conseiller de la mise en état a constaté le désistement de M. et Mme [V] à l'égard de la SA Crédit Immobilier de France Développement et l'extinction de l'instance et de la l'action entre ces parties.

Vu les dernières conclusions de M. et Mme [V] remises au greffe le 9 septembre 2022 ;

Vu les conclusions de la SCI [Adresse 17] et de la SARL HPA Holding remises au greffe le 17 juillet 2018 ;

Vu les dernières conclusions de la SCP Benedetti-[S]-Gally-Dariscon remises au greffe le 18 octobre 2018 ;

Vu les dernières conclusions de la SARL Juniper Group remises au greffe le 20 juillet 2018 ;

L'ordonnance de clôture a été rendue le 21 septembre 2022.

MOTIFS DE L'ARRÊT

Sur la procédure devant la cour d'appel,

La SCI [Adresse 17] et la SARL HPA Holding ont remis des conclusions au greffe le 3 octobre 2022, postérieurement à la clôture de l'instruction prononcée le 21 septembre 2022.

Ces conclusions du 3 octobre 2022 sont irrecevables et seront donc écartées des débats.

Sur l'action en responsabilité contractuelle exercée par M. et Mme [V] contre la SCI [Adresse 17] et contre la SARL HPA Holding,

M. et Mme [V] concluent à l'infirmation du jugement qui les a déboutés de l'intégralité de leurs demandes.

En cause d'appel, ils renoncent à demander l'annulation de la vente immobilière pour dol. Ils sollicitent la condamnation in solidum de la SCI [Adresse 17] et de la SARL HPA Holding sur le fondement de la responsabilité contractuelle à les indemniser de leur préjudice dans les termes suivants :

' 280 840 euros de gain manqué correspondant au loyer garanti ;

' 50 000 euros pour le préjudice moral.

La SCI [Adresse 17] et la SARL HPA Holding concluent à la confirmation du jugement.

La SCI [Adresse 17] fait valoir qu'elle n'a pas proposé directement la vente à M. et Mme [V], qu'elle n'a jamais garanti le versement de loyers ni que ces loyers couvriraient la totalité des échéances du prêt. Elle soutient avoir vendu un bien en VEFA qu'elle a achevé et livré, sans qu'aucun document contractuel ne démontre qu'elle garantissait la rentabilité locative de l'opération. Selon elle, les difficultés d'exécution d'un bail commercial constituent un risque prévisible lors de la signature du contrat et l'élément essentiel du contrat était l'avantage fiscal et la jouissance des lieux à titre gratuit sur certaines périodes.

La SARL HPA Holding sollicite sa mise hors de cause en faisant valoir qu'elle n'est signataire ni de l'acte de vente ni du bail commercial et qu'elle n'a pas agi comme représentante indépendante assurant la promotion du projet immobilier.

L'article 1147 du code civil dans sa rédaction applicable à la date des faits dispose : « Le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part. »

Sur l'engagement contractuel à garantir les loyers de la SCI [Adresse 17] et de la SARL HPA Holding,

Les documents publicitaires préalablement remis au cocontractant peuvent avoir une valeur contractuelle dès lors qu'ils sont suffisamment précis et détaillés et qu'ils ont eu une influence déterminante sur son consentement.

En l'espèce, un premier document commercial rédigé en anglais et intitulé « A compelling investment » a été communiqué à M. et Mme [V] sous la seule référence « [Adresse 17] » mentionnant sa société soeur « sister company Garrigae Hotels & Resorts ».

Ce premier document rédigé en anglais présentait l'investissement immobilier en mettant en exergue sous forme de titre rédigé en lettres de grande taille l'avantage décisif d'un « revenu locatif garanti indexé sur l'indice INSEE du coût de la construction ».

Une deuxième plaquette commerciale rédigée en anglais a été établie à l'en-tête « [Adresse 17] » avec le logo de la société « Garigae Investments » dont la cour relève qu'il comporte le RCS n°447 690 660 et l'adresse [Adresse 4] à [Localité 9] de la SARL HPA Holding créée le 1er avril 2003.

Cette plaquette vantait « une série d'options d'investissement pour répondre à des besoins variées » parmi lesquelles M. et Mme [V] ont choisi « l'investissement pur » qui était décrit comme « offrant un rendement financier net de 4,5% » et permettant de « générer un rendement de 9 225 euros par an net de TVA ».

Le programme immobilier y était présenté comme un investissement dans une résidence de tourisme située dans une région déclarée « comme la plus dynamique en France ». Elle précisait que « le Languedoc connaît une rapide croissance dans le tourisme international » et que la résidence sera gérée par une société dirigée par l'ancien « directeur commercial du Club Méditerranée et PDG du Club Med Australie et USA ».

Cette documentation décrivait les multiples avantages du projet, y compris les perspectives de plus-value immobilière sans jamais évoquer un quelconque risque économique ou financier tel que la défaillance du preneur à bail ou les incertitudes du marché locatif touristique.

Cette documentation ajoutait : « le propriétaire a l'avantage de bénéficier d'un bien en pleine propriété avec un revenu garanti, sans les ennuis et les incertitudes qui vont avec la location et l'entretien du bien. Le revenu locatif garanti est de l'ordre de 2,5 à 4,5% par an en fonction de la situation du bien, du bien lui-même et de la part d'utilisation personnelle sollicitée par le propriétaire ».

Les termes précis utilisés, l'affirmation du taux de rendement financier et l'absence de mention de tout aléa dans ces deux documents ne relèvent pas de la simple exagération publicitaire comme le soutient la SCI [Adresse 17] pour prétendre s'exonérer de son engagement.

La mention dans la plaquette commerciale d'une « garantie de rentabilité locative » de même que celle concernant le « revenu garanti sans les ennuis et les incertitudes qui vont avec la location et l'entretien du bien » sont particulièrement explicites et précises quant à l'engagement ferme de la société venderesse de garantir contractuellement le revenu locatif à venir de l'appartement vendu.

Contrairement à la position soutenue par la SCI [Adresse 17] dans ses écritures, les risques de l'investissement locatif n'étaient pas prévisibles pour des investisseurs profanes (qui plus est démarchés à l'étranger), alors que la société venderesse a pris un soin particulier à ne jamais évoquer ces risques et a systématiquement mis en avant le caractère garanti revenu locatif à venir.

De même, le risque de défaut de paiement du locataire commercial et la possibilité de souscrire une assurance de garantie des loyers ne sont pas présumés connus d'investisseurs profanes tenus délibérément dans l'ignorance du risque de vacance locative et d'impayés à couvrir et de l'assurabilité de ces risques.

Les deux documents précédents ont donc matérialisé une offre contractuelle de la part de la SCI [Adresse 17] comportant un engagement ferme de rentabilité locative et de garantie de paiement des loyers.

Le contrat de réservation de la maison type P3 bis de 66,26 m² formant le n°147 du programme de construction a été signé le 14 juin 2007 par la SCI [Adresse 17] représentée par la SARL Garrigae Développement elle-même représentée par son gérant M. [W] [I]. Ce contrat comporte en bas de chaque page à droite la mention « Garrigae Investment Contrat De Réservation [Adresse 17] » assorti d'un logo identique à celui figurant sur les deux documents commerciaux précités mentionnant le n°RCS de la SARL HPA Holding.

Par contrat du 14 juillet 2007, M. et Mme [V] ont ensuite conclu avec la SARL Garrigae Hotels & Resorts représentée par son gérant M. [W] [I] un bail commercial de biens immobiliers meublés en résidence para-hôtelière d'une durée de 9 ans stipulant un loyer de 14 042 euros TTC par an équivalent à 4,76% TTC du montant investi par le bailleur dans l'acquisition soit 295 000 euros HT. Ce second contrat comporte en bas de chaque page à droite la mention « Garrigae Investment Bail Commercial [Adresse 17] » assorti lui aussi d'un logo identique à celui figurant sur les deux documents commerciaux précités rappelant le n°RCS de la SARL HPA Holding .

L'avenant du bail commercial du 26 janvier 2012 a été signé entre M. et Mme [V], la SARL [Adresse 17] représentée par son gérant M. [W] [I] et la SAS Garrigae Hotels & Resorts représentée par la société Groupe Garrigae elle-même représentée par son gérant M. [W] [I].

La SCI [Adresse 17] n'est pas fondée à soutenir qu'elle n'est pas concernée par des engagements financiers qui n'auraient pas été développés par elle-même mais par des sociétés distinctes telles que la SARL Garrigae Développement et la SARL HPA Holding.

En effet, la SARL Garrigae Développement gérante de droit de la SCI [Adresse 17] la représentait juridiquement et agissait conjointement avec elle pour promouvoir la vente des biens immobiliers selon une stratégie parfaitement concertée et organisée.

La SCI [Adresse 17] s'est aussi entièrement appropriée les documents d'information remis aux acquéreurs par la SARL HPA Holding et n'a jamais remis en cause leur contenu, en particulier les dispositions fermes et précises l'obligeant à garantir une rentabilité locative après la livraison de l'appartement vendu.

Il se déduit des précédents développements que la SCI [Adresse 17] s'est contractuellement engagée à garantir à M. et Mme [V] la perception d'un loyer commercial de 14 042 euros TTC par an.

Ainsi, l'engagement contractuel de la société venderesse ne se limitait pas à garantir la seule économie fiscale liée à la récupération de TVA du fait de l'activité de meublé.

M. et Mme [V] sont donc fondés à soutenir que la SCI [Adresse 17] s'est engagée à ce qu'ils perçoivent le revenu locatif promis pendant toute la durée de l'investissement.

C'est donc par une interprétation inexacte du contrat que le jugement a retenu que la SCI [Adresse 17] avait rempli son contrat simplement en « livrant le bien en état d'être loué puisque le contrat de bail a commencé à prendre effet en mai 2009 » et que sa responsabilité n'était pas engagées dans la mesure où elle n'avait « personnellement commis aucune faute dans l'exécution de ce contrat ».

Pour autant, l'intervention commerciale des sociétés du groupe Garrigae gérées par M. [W] [I] pour promouvoir le projet immobilier n'a pas transformé ces sociétés en parties cocontractantes lors de la vente conclue avec M. et Mme [V], de sorte que ces derniers ne sont donc pas fondés à agir contre la SARL HPA Holding sur le fondement de l'article 1147 du code civil concernant l'exécution contractuelle de la vente en état futur d'achèvement de l'immeuble litigieux.

M. et Mme [V] seront donc déboutés de leurs demandes dirigées contre la SARL HPA Holding.

Sur la faute contractuelle,

Le contrat de bail commercial de 9 ans signé le 14 juillet 2007 avec effet le 29 mai 2009 stipulait un loyer de 14 042 euros TTC par an dont le montant a été réduit par avenant du 26 janvier 2012 à 8 130,46 euros TTC/an à partir du 1er janvier 2012.

Faisant simplement valoir la durée de l'emprunt immobilier contracté sur 22 années, M. et Mme [V] sollicitent l'octroi d'une indemnité de 280 840 euros calculée sur la base de 20 années durant lesquelles ils auraient perdu la totalité des loyers, loyers promis sur cette période à hauteur de 14 042 euros.

A l'appui de leur demande, les appelants ne versent cependant aux débats aucun état exhaustif des flux financiers correspondant à l'exploitation locative du bien depuis sa livraison, ni aucun document établissant le montant précis des loyers commerciaux perçus depuis le 29 mai 2009 et jusqu'à aujourd'hui.

Ils n'apportent par ailleurs aucune information sur les modalités de renouvellement du bail commercial postérieurement au 29 mai 2018.

Ainsi, la perte totale de vingt années d'exploitation locative à hauteur de 280 840 euros n'est pas démontrée par M. et Mme [V].

En l'état des pièces versées aux débats, la cour constate en outre que M. et Mme [V] ont accepté par avenant du 26 janvier 2012 :

' d'une part d'abandonner les loyers du deuxième semestre 2011 ;

' d'autre part de réduire le loyer de 14 042 euros à 8 130,46 euros.

M. et Mme [V] ont expressément accepté ces baisses de loyer.

Les appelants ne démontrent par ailleurs ni avoir tenté de recouvrer les loyers impayés (notamment les loyers dus au titre du second semestre 2011), ni avoir vainement recherché un autre locataire commercial acceptant de payer le loyer initialement prévu de 14 042 euros.

M. et Mme [V] n'apportent donc pas la preuve d'un préjudice de perte locative ni d'un gain manqué dont ils pourraient demander garantie à la SCI [Adresse 17] conformément à son engagement contractuel de garantir le loyer commercial de 14 042 euros/an.

La demande de dommages-intérêts formée par M. et Mme [V] sur le fondement de l'inexécution par la SCI [Adresse 17] de son engagement de garantie des loyers doit donc être rejetée.

A défaut d'établir l'existence d'une faute contractuelle et d'un préjudice en lien de causalité avec cette faute, la demande de dommages-intérêts au titre d'un préjudice moral sera également rejetée.

Le jugement déféré sera donc confirmé de ces chefs.

Sur l'action en responsabilité délictuelle exercée contre le notaire,

M. et Mme [V] font valoir que la SCP Alain Benedetti, [L] [S] a engagé sa responsabilité civile professionnelle en ne les informant pas des risques inhérents aux actes de son ministère. Ils demandent sa condamnation in solidum avec les autres intimés à les relever et garantir de toutes les demandes tendant à la restitution du prêt et à les indemniser de leur préjudice spécial.

La SCP Benedetti-[S]-Gally-Dariscon sollicite la confirmation du jugement. Elle conclut que le notaire n'a commis aucune faute et que les appelants ne justifient pas d'un préjudice en lien de causalité directe avec la prétendue faute.

En application de l'article 1382 du code civil, dans sa version antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 applicable au litige tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé, à le réparer.

Les obligations du notaire tendant à assurer l'efficacité d'un acte instrumenté par lui et constituant le prolongement de sa mission de rédacteur d'acte relèvent aussi de sa responsabilité délictuelle.

Le notaire est tenu d'informer et d'éclairer les parties sur la portée, les effets et les risques de l'acte auquel il prête son concours y compris quant à ses incidences fiscales. Le notaire doit le cas échéant déconseiller aux parties de s'engager, sans que leurs compétences personnelles ni la présence d'un conseiller à leur côté ne le dispensent de ce devoir de conseil.

Le contrat de réservation signé le 16 juin 2007 prévoit que l'Office Notarial du Palais représenté par Me [L] [S] devra recevoir l'acte authentique de vente et que le dépôt de garantie de 6 100 euros TTC sera réglé par virement sur le compte de la SCP Alain Benedetti et [L] [S] ouvert à la trésorerie générale de Carcassonne.

La plaquette publicitaire mentionnait également que la SCP Benedetti [S] était le notaire chargé de recevoir les actes authentiques de vente en état futur d'achèvement.

L'acte de vente reçu le 14 novembre 2007 par la SCP Benedetti [S] Gally Dariscon stipule notamment :

' que les acquéreurs sont représentés à l'acte par Mme [K] [P], clerc de notaire en vertu de la procuration reçue par elle par acte authentique du 12 octobre 2007 ;

' que l'immeuble vendu se trouve au stade d'avancement « ouverture de chantier » ;

' que la banque Calyon domiciliée [Adresse 2] à [Localité 16] a garanti l'achèvement de l'immeuble conformément à l'article R.261-17 du code de la construction et de l'habitation ;

' que le remboursement de la TVA à hauteur de 16,39% du prix TTC, conséquence de la location commerciale consentie, sera affectée au paiement des trois derniers stades d'avancement des travaux.

Il n'est pas contesté par M. et Mme [V] que la construction a été achevée, que le contrat de vente en état futur d'achèvement a été entièrement exécuté, que l'avantage fiscal concernant la TVA a été appliqué et que le notaire a fait figurer dans son acte toutes les informations nécessaires à la mise en oeuvre des avantages fiscaux liés à l'opération.

Si l'acte précise que le vendeur déclare donner son accord à l'acquéreur pour la conclusions de tout contrat de location au profit de la SARL Garrigae Hotels & Resorts et rappelle l'obligation pour l'acquéreur d'assujettir les loyers à TVA pour bénéficier de la récupération de cette taxe, il n'est nullement démontré par M. et Mme [V] que le contrat de réservation signé le 14 juin 2007 et le bail commercial signé le 14 juillet 2007 ont été rédigés par le notaire alors que l'acte authentique de vente est intervenu plus tard le 14 novembre 2007.

Le seul fait que les coordonnées du notaire chargé de l'établissement des actes notariés soit mentionnées sur la plaquette commerciale et sur l'acte de réservation avec versement du dépôt de garantie sur le compte séquestre de l'étude notariale conformément à la loi ne suffit pas à démontrer, contrairement à ce que soutiennent M. et Mme [V], que le notaire est intervenu lors des phases de négociation et de signature de l'avant-contrat, ni qu'il était informé de la garantie de loyers annoncée dans les documents publicitaires diffusés pour la commercialisation en Angleterre.

Aucun élément ne démontre que le notaire est intervenu durant la phase pré-contractuelle.

En particulier, M. et Mme [V] ne sont pas fondés à lui reprocher d'avoir omis de les informer :

' de l'absence de garantie des loyers annoncée dans la plaquette publicitaire, dans la mesure où ces éléments n'ont pas été portés à la connaissance du notaire et que ces éléments n'étaient pas nécessaires à l'établissement de l'acte authentique ;

' des risques inhérents au bail commercial auquel le notaire était étranger, ces actes n'étant pas annexés à l'acte authentique ;

' de l'insolvabilité future du preneur, dont il n'est pas démontré que le notaire pouvait en avoir connaissance le jour de la signature de l'acte ni même soupçonner un tel risque alors qu'en octobre 2008, 170 logements avaient été vendus sur un total de 180 logements construits lors de cette opération de promotion immobilière chiffrée à plus de 50 millions d'euros par les appelants ;

' d'un conseil concernant l'équilibre financier et l'opportunité économique de l'opération immobilière à défaut de mission particulière confiée sur ce point et en l'absence d'éléments financiers d'appréciation non remis par les parties à l'acte et qu'il n'avait pas à rechercher d'office dans le cadre de sa stricte mission de notaire rédacteur d'acte.

M. et Mme [V] n'apporte donc pas la preuve d'une quelconque faute délictuelle commise par la SCP Benedetti-[S]-Gally-Dariscon.

En conséquence le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté les demandes dirigées contre le notaire.

Sur l'action en responsabilité délictuelle exercée contre la SARL Juniper Groupe,

Il est de jurisprudence constante que le courtier, commerçant indépendant et professionnel du crédit immobilier, doit à son client une obligation de conseil et d'exacte information.

M. et Mme [V] font grief à la SARL Juniper Group de leur avoir permis d'obtenir le prêt immobilier nécessaire à leur investissement sans fournir « une information complète et éclairée à ses clients notamment sur les avantages et les inconvénients de l'opération de placement considérée ».

Ainsi que le soutient exactement la SARL Juniper Group, il lui appartenait en sa qualité de courtier de rechercher un prêt aux meilleures conditions du marché tout en conseillant ses clients sur les caractéristiques du prêt proposé et sur leur capacité de remboursement liée à leur situation personnelle.

A défaut d'information particulière susceptible de lui faire connaître ou soupçonner l'existence d'un risque locatif particulier associé au bien immobilier financier, il n'incombait pas à la SARL Juniper Group, intervenant comme courtier en crédit et non en qualité de conseil en gestion de patrimoine, de conseiller M. et Mme [V] sur l'opportunité du placement envisagé et de leur présenter une analyse complète des risques associés à l'opération.

M. et Mme [V] n'apportent par ailleurs pas la preuve d'un lien de connivence ou d'une concertation frauduleuse entre la SARL Juniper Group et les autres professionnels intervenus dans l'opération ayant conduit le courtier à manquer à son devoir de loyauté envers ses clients et à priver ces derniers des conseils de prudence que leur aurait dû le courtier au regard d'informations privilégiées qu'il aurait détenues.

Il ressort de ces développements que la SARL Juniper Group n'a commis aucun manquement contractuel.

Le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de dommages-intérêts dirigée contre la SARL Juniper Groupe.

Le jugement déféré sera également confirmé en ce qu'il a débouté la SARL Juniper Group de son action indemnitaire fondée sur l'abus de droit en l'absence de faute caractérisée démontrée par cette dernière à l'encontre de M. et Mme [V].

En effet, les moyens développés par les appelants contre la SARL Juniper Group relèvent de la simple défense de leurs intérêts, d'une discussion juridique sur l'intervention et sur l'étendue de l'obligation de conseil du courtier sans qu'il n'en ressorte une quelconque intention malicieuse ou mauvaise foi de la part de M. et Mme [V].

Sur les demandes accessoires,

Le jugement déféré sera également confirmé en ses dispositions ayant statué sur les dépens et sur les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile.

M. et Mme [V] succombent intégralement en appel et seront donc tenus de supporter les dépens d'appel.

L'équité commande en l'espèce de ne pas faire application de l'article 700 du code de procédure civile et de rejeter toutes les demandes formées par les parties de ce chef.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Écarte des débats les conclusions remises au greffe le 3 octobre 2022 par la SCI [Adresse 17] et par la SARL HPA Holding ;

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

Dit que M. [Y] [V] et Mme [O] [T] épouse [V] supporteront les dépens d'appel ;

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboute les parties de leurs plus amples demandes.

La greffière, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 3e chambre civile
Numéro d'arrêt : 17/06202
Date de la décision : 15/12/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-12-15;17.06202 ?
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