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13/12/2022 | FRANCE | N°22/03176

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 5e chambre civile, 13 décembre 2022, 22/03176


Grosse + copie

délivrée le

à







COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



5e chambre civile



ARRET DU 13 DECEMBRE 2022



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/03176 - N° Portalis DBVK-V-B7G-POOV





Décision déférée à la Cour : Jugement du 16 MAI 2022

TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE RODEZ

N° RG21/00197







APPELANTS :



Monsieur [N] [P]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentant : Me Jérémy BALZ

ARINI de la SCP LEVY, BALZARINI, SAGNES, SERRE, LEFEBVRE, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant

assisté de Me Stéphanie BOUTARIC, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat plaidant



Madame [U] [P]

[Adresse...

Grosse + copie

délivrée le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

5e chambre civile

ARRET DU 13 DECEMBRE 2022

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/03176 - N° Portalis DBVK-V-B7G-POOV

Décision déférée à la Cour : Jugement du 16 MAI 2022

TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE RODEZ

N° RG21/00197

APPELANTS :

Monsieur [N] [P]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentant : Me Jérémy BALZARINI de la SCP LEVY, BALZARINI, SAGNES, SERRE, LEFEBVRE, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant

assisté de Me Stéphanie BOUTARIC, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat plaidant

Madame [U] [P]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentant : Me Jérémy BALZARINI de la SCP LEVY, BALZARINI, SAGNES, SERRE, LEFEBVRE, avocat au barreau de MONTPELLIER avocat postulant

assistée de Me Stéphanie BOUTARIC, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat plaidant

S.A. PACIFICA Inscrite au RCS de Paris sous le n° 352 358 865, prise en la

personne de son représentant légal en exercice

[Adresse 6]

[Adresse 6]

Représentant : Me Jérémy BALZARINI de la SCP LEVY, BALZARINI, SAGNES, SERRE, LEFEBVRE, avocat au barreau de MONTPELLIER avocat postulant

assistée de Me Stéphanie BOUTARIC, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat plaidant

INTIMES :

Monsieur [C] [J]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentant : Me François Xavier BERGER de la SCP BERGER - MONTELS-ESTEVE, avocat au barreau D'AVEYRON, avocat postulant et plaidant

G.A.E.C. GAEC DES BELLES VACHES

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentant : Me François Xavier BERGER de la SCP BERGER - MONTELS-ESTEVE, avocat au barreau D'AVEYRON,avocat postulant et plaidant

Compagnie d'assurance GROUPAMA D'OC

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentant : Me François Xavier BERGER de la SCP BERGER - MONTELS-ESTEVE, avocat au barreau D'AVEYRON, avocat postulent et plaidant

En application de l'article 937 du code de procédure civile, les parties ont été convoquées à l'audience.

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 07 NOVEMBRE 2022,en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Emmanuel GARCIA, Conseiller, chargé du rapport.

Ce(s) magistrat(s) a (ont) rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Philippe GAILLARD, Président de chambre

Madame Nathalie AZOUARD, Conseiller

Monsieur Emmanuel GARCIA, Conseiller

Greffier, lors des débats : Madame Estelle DOUBEY

ARRET :

- Contradictoire.

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par Monsieur Philippe GAILLARD, Président de chambre, et par Madame Estelle DOUBEY, Greffier.

*

* *

EXPOSE DU LITIGE

Le 1er décembre 2015, un incendie a détruit un bâtiment agricole situé sur la commune de [Localité 10], sur une parcelle cadastrée section [Cadastre 9] dont [E] [P] est le nu-propriétaire et [N] [P] et [U] [P] les usufruitiers.

Suivant bail rural oral en 1999, les consorts [P] ont donné à bail à [C] [J] les parcelles cadastrées section [Cadastre 7], [Cadastre 3], [Cadastre 4], [Cadastre 5] et section [Cadastre 8]. Le Gaec des Belles Vaches, dont le représentant légal est [C] [J], assuré auprès de la société Groupama d'Oc, exploite ces terres.

Le 16 février 2016, une expertise amiable contradictoire a été menée à l'initiative de la compagnie Pacifica, l'assureur des consorts [P]. Les dommages aux biens ont été évaluées à 96 011,84 euros TTC, en ce compris les frais de démolition et de désamiantage, soit 79 265,55 euros, vétusté déduite. La société Pacifica a réglé aux consorts [P] la somme de 62 304,08 euros.

Les consorts [P] considéraient que le bâtiment agricole incendié était mis à disposition hors bail rural au Gaec des Belles Vaches tandis que celui-ci, [C] [J] et la société Groupama d'Oc estimaient que la parcelle était tacitement rattachée au bail rural.

Le 18 juin 2019, [N] [P] et [U] [P], ainsi que leur assureur, ont assigné [C] [J], le Gaec des Belles Vaches et leur assureur aux fins d'obtenir leur condamnation à régler 62 304,08 euros à la société Pacifica et 1 485,56 euros aux époux [P] au titre de la franchise non prise en charge par l'assureur, dans le cadre d'une action en responsabilité, suite à l'incendie du bâtiment agricole.

Groupama d'Oc, Le Gaec Des Belles Vaches et [C] [J] ont demandé le débouté des demandes des époux [P] et leur assureur en faisant valoir que la parcelle cadastrée section [Cadastre 9] était soumise au statut du fermage car elle était comprise dans l'assiette du bail rural oral de 1999.

Le 15 octobre 2002, le juge de la mise en état a déclaré que le tribunal paritaire des baux ruraux de Rodez était matériellement compétent.

Le jugement rendu le 16 mai 2022 par le tribunal paritaire des baux ruraux de Rodez énonce dans son dispositif :

Déboute la société Pacifica et les époux [P] de leurs demandes ;

Rejette toutes autres demandes plus amples ou contraires ;

Condamne in solidum la société Pacifica, les époux [P] à payer à la société Groupama d'Oc la somme de 600 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société Pacifica et les époux [P] aux dépens.

Le jugement expose qu'aucun écrit de nature contractuelle ne permet de connaître la date de prise d'effet du bail ni même les droits et obligations des parties dans le cadre du bail à ferme, ou l'assiette exacte. Dans la déclaration initiale de location effectuée le 6 mai 1999 par [C] [J] auprès de la MSA, le fermier ne déclare louer que les parcelles cadastrées section [Cadastre 7], [Cadastre 3], [Cadastre 4], [Cadastre 5] et section [Cadastre 8], à l'exception donc de la [Cadastre 9].

Le jugement constate que le Gaec des Belles Vaches utilise dans le cadre de son exploitation agricole le bâtiment situé sur la parcelle litigieuse, avec l'accord des propriétaires. Il est notamment démontré que le Gaec des Belles Vaches a versé un fermage de 600 euros aux consorts [P] pour le hangar sinistré. Tous les critères afférents au bail rural sont donc réunis. Il y avait donc intention commune des parties d'intégrer le bâtiment litigieux au bail rural tacitement conclu.

Le jugement relève que la responsabilité du preneur et donc la garantie de son assureur, ne peut être recherchée que pour faute grave sur le fondement de l'article L. 415-3 du code rural. Il ressort du rapport d'expertise que le départ de feu a été constaté par [C] [J], la cause électrique écartée et que la cause de l'incendie reste indéterminée. Il n'y a donc pas de faute grave imputable au fermier.

La société Pacifica et les époux [P] ont relevé appel du jugement par déclaration au greffe du 15 juin 2022.

La société Pacifica et les époux [P] demandent à la cour, en leurs seules prétentions, de :

Infirmer le jugement du tribunal paritaire des baux ruraux de Rodez en date du 16 mai 2022 en toutes ses dispositions ;

Condamner solidairement le Gaec des Belles Vaches et son assureur Groupama d'Oc au paiement de la somme de 62 304,08 euros + 1 438,56 euros correspondant au montant du préjudice subi par les époux [P] ;

Condamner solidairement le Gaec des Belles Vaches et son assureur Groupama d'Oc au paiement de la somme de 1 438,56 euros TTC aux époux [P] au titre de la franchise non prise en charge par Pacifica ;

Condamner solidairement le Gaec des Belles Vaches et son assureur Groupama d'Oc au paiement de la somme de 5 000 euros à la société Pacifica sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

La société Pacifica et les époux [P] contestent l'application des dispositions de l'article L. 415-3 du code rural au litige puisque, selon eux, les terres sont mises à dispositions au profit du Gaec des Belles Vaches par [C] [J], leur fermier, sans que le Gaec ne puisse être considéré comme le fermier.

Selon les appelants, c'est l'article 1351-1 du code civil qui doit trouver à s'appliquer à la lumière de la jurisprudence constante qui précise que l'obligation à la dette prévue par l'article précité repose sur une présomption de responsabilité dont l'occupant ne peut s'exonérer qu'en rapportant la preuve de l'absence de faute de sa part ou d'un cas fortuit. L'origine de l'incendie étant indéterminée, cette preuve ne peut être apportée et le Gaec des Belles Vaches n'est pas exonéré de son obligation de restitution.

Les appelants soulignent que le Gaec n'a donné aucune suite à l'expertise du 28 juin 2017 ni aux demandes de la compagnie Pacifica, ce qui les a contraints à engager une procédure judiciaire. Ils font valoir que la société Pacifica les a indemnisés et est dès lors subrogée dans leurs droits à l'encontre du Gaec.

Groupama d'Oc, [C] [J] et le Gaec des Belles Vaches demandent à la cour de :

Confirmer le jugement entrepris dans toutes ses dispositions ;

Condamner la compagnie Pacifica et les époux [P] aux dépens ;

Rejeter la demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamner la compagnie Pacifica et les époux [P] in solidum à verser à la compagnie Groupama d'Oc, au Gaec des Belles Vaches et à [C] [J] la somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles non compris dans les dépens.

Les intimés soutiennent qu'il y a bien un bail à ferme sur l'immeuble sinistré. Ils font valoir que le juge de la mise en état a déclaré que le tribunal paritaire des baux ruraux de Rodez était matériellement compétent et non le tribunal judiciaire. Ils ajoutent qu'à l'occasion de la déclaration du risque par les donneurs à bail, ceux-ci ont reconnu l'existence d'un bail rural puisqu'ils ont déclaré que le bâtiment litigieux avait un fermier. Selon eux, l'expert de la compagnie Pacifica a dénaturé les propos des bailleurs en précisant que le fermier aurait dû être désigné comme locataire.

Groupama d'Oc, [C] [J] et le Gaec soulignent que dans leurs conclusions, les appelants concluent à l'existence d'un bail et admettent que le bâtiment litigieux était au service d'une activité agricole. Les intimés soutiennent que le statut du fermage s'applique à toute location de biens immobiliers bâtis dès lors qu'ils sont mis au service d'une activité agricole. Il est certain que le Gaec des Belles Vaches occupait le bâtiment pour stocker de la paille, du foin et du matériel. Le Gaec des Belles Vaches produit également le preuve d'un règlement de 600 euros pour le fermage de la grange aux bailleurs.

Groupama d'Oc, [C] [J] et le Gaec avancent que leur responsabilité ne peut être recherchée que pour faute grave puisqu'il existe un bail rural, conformément à l'article L. 415-3 du code rural. Selon eux, aucune faute grave n'est démontrée, ni même invoquée.

Les intimés soulignent que les appelants invoquent les dispositions de l'article 1351-1 du code civil alors qu'il s'agit de dispositions issues de l'ordonnance du 10 février 2016 et donc postérieures au sinistre. Ils soutiennent que s'il est conclu que le Gaec occupait le bâtiment en dehors d'un bail rural, son occupation ne peut s'entendre que dans le cadre d'un prêt à usage. Or, les appelants sont sans qualité pour invoquer l'existence d'un prêt à usage puisque celui-ci n'aurait pu être conclu qu'entre [C] [J] et le Gaec des Belles Vaches. En toutes hypothèses, le Gaec pourrait invoquer un cas fortuit et une absence de faute puisqu'il est établi par l'expertise que l'incendie résulte d'un cas fortuit.

MOTIFS

En cause d'appel, la société Pacifica et les époux [P] ne contestent plus l'existence d'un bail à ferme sur la parcelle cadastrée section [Cadastre 9], supportant le bâtiment agricole incendié, mais le fait qu'après avoir été tacitement intégrée au bail oral existant sur les autres parcelles, conclu au bénéfice de [C] [J], celui-ci l'aurait mise à disposition du Gaec des Belles Vaches.

Les appelants en tirent comme conséquence que dès lors que le Gaec ne serait pas le fermier mais en réalité le bénéficiaire d'une mise à disposition, les dispositions de l'article 1351-1 du code civil trouveraient à s'appliquer et que, dès lors, pèserait sur l'occupant une obligation de restitution qui reposerait sur une présomption de responsabilité dont il ne pourrait s'exonérer qu'en rapportant la preuve de l'absence de faute de sa part ou d'un cas fortuit.

L'origine de l'incendie étant demeurée indéterminée, les appelants soutiennent que cette preuve ne peut être apportée par le Gaec des Belles Vaches, qui ne peut en conséquence être exonéré de son obligation de restitution.

Or, le seul fait d'affirmer que les dispositions de l'article 1351-1 du code civil devraient trouver application au cas d'espèce est insuffisant à faire la démonstration que tel devrait être le cas, de sorte que ce moyen ressort comme étant totalement inopérant.

En l'absence et en considération de ce seul moyen soutenu, la cour constate qu'il n'est apporté aucune critique utile aux motifs retenus par les premiers juges, de sorte que le jugement dont appel sera confirmé en ce qu'il a, au terme d'une motivation particulièrement détaillée et pertinente, débouté la société Pacifica et les époux [P] de leurs prétentions.

Le jugement sera également confirmé en ce qui concerne les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile.

La société Pacifica et les époux [P] seront condamnés aux dépens de l'appel.

La société Pacifica et les époux [P], qui échouent en leur appel, seront au surplus condamnés in solidum à payer à la société Groupama d'Oc, [C] [J] et le Gaec des Belles Vaches, la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire et mis à disposition au greffe ;

CONFIRME le jugement rendu le 16 mai 2022 par le tribunal paritaire des baux ruraux de Rodez, en toutes ses dispositions ;

CONDAMNE in solidum la société Pacifica et les époux [P] à payer à la société Groupama d'Oc, [C] [J] et le Gaec des Belles Vaches, la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais non remboursables exposés en appel ;

CONDAMNE la société Pacifica et les époux [P] aux dépens de l'appel.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 5e chambre civile
Numéro d'arrêt : 22/03176
Date de la décision : 13/12/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-12-13;22.03176 ?
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