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08/12/2022 | FRANCE | N°17/05836

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 3e chambre civile, 08 décembre 2022, 17/05836


Grosse + copie

délivrées le

à





























COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



3e chambre civile



ARRET DU 08 DECEMBRE 2022



Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 17/05836 - N° Portalis DBVK-V-B7B-NMHE





jonction des RG n°17/5836 et 17/5907 sous le RG n° 17/5836



Décision déférée à la Cour :

Jugement du 14 SEPTEMBRE 2017

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE CAR

CASSONNE

N° RG 15/00122





APPELANTS :



Maître Bernard DE LAMY

né le 19 Juillet 1957 à [Localité 4] ([Localité 4])

de nationalité Française

[Adresse 7]

[Localité 4]

Représenté par Me Xavier FERMOND de la SELARL FERMOND - LIMA, avocat au b...

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

3e chambre civile

ARRET DU 08 DECEMBRE 2022

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 17/05836 - N° Portalis DBVK-V-B7B-NMHE

jonction des RG n°17/5836 et 17/5907 sous le RG n° 17/5836

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 14 SEPTEMBRE 2017

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE CARCASSONNE

N° RG 15/00122

APPELANTS :

Maître Bernard DE LAMY

né le 19 Juillet 1957 à [Localité 4] ([Localité 4])

de nationalité Française

[Adresse 7]

[Localité 4]

Représenté par Me Xavier FERMOND de la SELARL FERMOND - LIMA, avocat au barreau de CARCASSONNE substitué par Me Joël TACHET, avocat au barreau de LYON

qualités : Intimé dans 17/05907, Appelant dans 17/05836

SELAS D'AVOCATS ATCM venant aux droits de la SCP DARNET GENDRE ATTAL - Avocats

[Adresse 6]

[Localité 4]

Représentée par Me Yann GARRIGUE de la SELARL LEXAVOUE MONTPELLIER GARRIGUE, GARRIGUE, LAPORTE, avocat au barreau de MONTPELLIER, substitué par Me Philippe BERNARD, avocat au barreau de PARIS

qualité(s) : Appelant dans 17/05907, Intimé dans 17/05836

SA ALLIANZ IARD, assureur de la SELAS d'avocats ATCM, prise en sa qualité en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié ès qualités au siège social

[Adresse 1]

[Adresse 9]

[Localité 8]

Représentée par Me Yann GARRIGUE de la SELARL LEXAVOUE MONTPELLIER GARRIGUE, GARRIGUE, LAPORTE, avocat au barreau de MONTPELLIER substitué par Me Philippe BERNARD, avocat au barreau de PARIS

qualité(s) : Appelant dans 17/05907 , Intimé dans 17/05836

INTIMES :

Maître Bernard DE LAMY

né le 19 Juillet 1957 à [Localité 4] ([Localité 4])

de nationalité Française

[Adresse 7]

[Localité 4]

Représenté par Me Xavier FERMOND de la SELARL FERMOND - LIMA, avocat au barreau de CARCASSONNE, substitué par Me Joël TACHET, avocat au barreau de LYON

SELAS D'AVOCATS ATCM venant aux droits de la SCP DARNET GENDRE ATTAL - Avocats

[Adresse 6]

[Localité 4]

Représentée par Me Yann GARRIGUE de la SELARL LEXAVOUE MONTPELLIER GARRIGUE, GARRIGUE, LAPORTE, avocat au barreau de MONTPELLIER substitué par Me Philippe BERNARD, avocat au barreau de PARIS

S.A. ALLIANZ IARD assureur de la SELAS d'avocats ATCM, prise en sa qualité en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié ès qualités au siège social

[Adresse 1]

[Adresse 9]

[Localité 8]

Représentée par Me Yann GARRIGUE de la SELARL LEXAVOUE MONTPELLIER GARRIGUE, GARRIGUE, LAPORTE, avocat au barreau de MONTPELLIER substitué par Me Philippe BERNARD, avocat au barreau de PARIS

SAS AIRBUS

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représentée par Me Franck DENEL de la SCP DORIA AVOCATS, avocat au barreau de MONTPELLIER substitué par Me Frédérique TRIBOUT MOLAS, avocat au barreau de PARIS

Ordonnance de clôture du 20 Septembre 2022

COMPOSITION DE LA COUR :

En application de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 11 OCTOBRE 2022, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l'article 804 du même code, devant la cour composée de :

M. Gilles SAINATI, Président de chambre

M. Thierry CARLIER, Conseiller

M. Fabrice DURAND, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Sabine MICHEL

ARRET :

- contradictoire,

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par M. Gilles SAINATI, Président de chambre, et par Mme Sabine MICHEL, Greffier.

*

* *

EXPOSE DU LITIGE

La SAS AIRBUS a entrepris la construction d'un bâtiment à usage de bureaux sur son site « Campus 2 », dont le lot n°2 correspondant au gros 'uvre a été attribué à la SA LEON GROSSE par un acte d'engagement signé le 10 mars 2004 moyennant un prix global et forfaitaire de 6 200 000 euros, la SAS AIRBUS étant désignée comme maître de l'ouvrage.

La lettre de commande a été régularisée le 22 mars 2004 par AIRBUS SAS, immatriculée au RCS de TOULOUSE sous le n° 383 474 814 selon un prix global et forfaitaire selon l'acte d'engagement du 10 mars 2004.

Des travaux ont fait l'objet de commandes supplémentaires, pour un montant de 281 962,99 euros.

Le 4 novembre 2005, la SA LEON GROSSE a adressé à la SAS AIRBUS un mémoire de réclamation demandant la fixation du décompte final à la somme de 10 758 851,64 euros, puis lui a adressé un projet de décompte final pour ce même montant.

Le 4 mai 2006, la SAS AIRBUS a notifié à l'entrepreneur le décompte général pour la somme de 6 243 575,58 euros, que celui-ci a refusé de signer, faisant valoir que passé un délai de 30 jours sans réponse, le maître de l'ouvrage était réputé avoir accepté ses observations qui étaient donc réputées comme acquises, par application du cahier des clauses administratives générales (norme française AFNOR NFP 03-001).

Par lettre datée du 24 mai 2006, l'entrepreneur a fait savoir à la SAS AIRBUS qu'en application du délai de 10 jours, il entendait refuser de signer ce décompte général.

La SAS AIRBUS refusait de régler la somme réclamée de 5 436 067,91 euros et marquait son désaccord dans une lettre du 18 juillet 2006 estimant que la norme AFNOR P03 001 ne figurait pas parmi les documents contractuels de cette opération tels qu'ils sont énumérés dans le CCAP.

Face à ce refus, la SA LEON GROSSE l'a assignée devant le tribunal de grande instance de Toulouse, devant lequel la SAS AIRBUS a constitué comme avocat la SCP DARNET-GENDRE-ATTAL.

Par jugement du 17 décembre 2009, le tribunal de grande instance de Toulouse a jugé que la norme NFP 03-001 était applicable au contrat, que la forclusion devait jouer, et a donc condamné la SAS AIRBUS à payer à la SA LEON GROSSE la somme de 5 436 067,91 euros.

Le 8 janvier 2010, appel a été interjeté au nom de la SAS AIRBUS OPERATIONS, venant aux droits de la SAS AIRBUS France, par la SCP DARNET-GENDRE-ATTAL et par l'intermédiaire de Me Bernard DE LAMY, avoué.

Le jugement a été signifié le 18 janvier 2010 à la SAS AIRBUS.

Par un arrêt du 23 avril 2012, la cour d'appel de Toulouse a déclaré irrecevable l'appel comme ayant été formé par la SAS AIRBUS OPERATIONS venant aux droits de la SAS AIRBUS France au lieu et place de la SAS AIRBUS.

Le pourvoi en cassation formé contre cette décision a été rejeté par arrêt du 11 juillet 2013.

Par acte du 7 janvier 2015, la SAS AIRBUS a assigné devant le tribunal de grande instance de Carcassonne la SCP DARNET-GENDRE-ATTAL et son assureur la SA ALLIANZ IARD pour voir retenue la faute de la SCP et la voir condamner solidairement avec la SA ALLIANZ IARD à lui verser la somme de 5 532 321,14 euros outre intérêts.

Par acte du 21 avril 2015, la SCP DARNET-GENDRE-ATTAL et la SA ALLIANZ IARD ont appelé en la cause Me Bernard DE LAMY, avoué.

La jonction des procédures a été ordonnée le 3 juin 2015.

Par un jugement rendu le 14 septembre 2017, le tribunal de grande instance de Carcassonne a :

- Condamné la SCP DARNET-GENDRE-ATTAL à payer à la SAS AIRBUS la somme de 3 872 624,80 euros ainsi que la somme de 8 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamné la SCP DARNET-GENDRE-ATTAL aux dépens de l'instance ;

- Constaté que le plafond de garantie de la couverture d'ALLIANZ est de 3,5 millions d'euros ;

- Dit que Me DE LAMY relèvera la SCP DARNET-GENDRE-ATTAL pour la moitié des sommes allouées et des dépens.

Le 9 novembre 2017, Me Bernard DE LAMY a interjeté appel du jugement du 14 septembre 2017 rectifié par le jugement du 21 septembre 2017 à l'encontre de la SCP DARNET-GENDRE-ATTAL et de la SA ALLIANZ IARD.

Le 14 novembre 2017, la SCP DARNET-GENDRE-ATTAL et la SA ALLIANZ IARD ont interjeté appel de ces deux jugements à l'encontre de la SAS AIRBUS et de Me Bernard DE LAMY.

Par ordonnance du 10 juillet 2018, le conseiller de la mise en état a prononcé la jonction des procédures n°RG 17/05836 et n°RG 17/05907 sous le numéro unique 17/05836.

Vu les conclusions de Me Bernard LAMY remises au greffe le 22 mars 2018 ;

Vu les conclusions de la SELAS d'avocats ATCM (venant aux droits de la SCP DARNET-GENDRE-ATTAL) et de la SA ALLIANZ IARD remises au greffe le 15 septembre 2022 ;

Vu les conclusions de la SAS AIRBUS remises au greffe le 30 avril 2019 ;

Vu l'ordonnance de clôture en date du 20 septembre 2022 ;

MOTIFS DE L'ARRET

Sur la faute

a) de la SCP DARNET-GENDRE-ATTAL

La SELAS d'avocats ATCM et la SA ALLIANZ IARD sollicitent l'infirmation du jugement et font valoir que la déclaration d'appel n'était pas de la responsabilité de Me DARNET mais de Me DE LAMY qui avait à l'époque des faits seul compétence pour tous les actes de procédure devant la cour d'appel de Toulouse ; qu'il lui appartenait de s'assurer de l'identité de la partie pour laquelle il interjetait appel au regard des jugements rendus, dont il était en possession.

Elles soulèvent la complexité de l'imbrication des sociétés du groupe AIRBUS en charge de l'opération, et indique que ses propres services juridiques ont commis des erreurs et critiquent sur ce point le jugement entrepris, qui a refusé d'admettre cette complexité de nature à atténuer la responsabilité de la SCP.

En la réalité la faute de l'avocat est caractérisée par l' arrêt du 23 avril 2012 de la cour d'appel de Toulouse qui déclarait irrecevable l'appel formé par la SAS AIRBUS OPERATIONS et relevait que c'était la société Airbus SAS qui était visée dans tous les documents contractuels, comme maître de l'ouvrage et qui avait commandé les travaux, « point admis par tous en cause d'appel ».

Il sera souligné que cet arrêt est aujourd'hui définitif, en effet la cour de Cassation dans un arrêt du 11 juillet 2013 estime que la société AIRBUS OPERATIONS venant aux droits de AIRBUS FRANCE n'était pas partie au jugement et était dépourvue de qualité à interjeter appel du jugement rendu contre la seule société AIRBUS.

Me DARNET connaissait donc parfaitement la partie qu'il devait défendre et représenter et ne peut invoquer la complexité de la structure de la société AIRBUS comme en témoigne :

- son acte de constitution du 15 mars 2007 qui est au nom de la SAS AIRBUS FRANCE ( pièce N°16 airbus de la SCP DARNET GENDRE DEPUY).

- ses conclusions qui portent le nom de AIRBUS SAS dont l'adresse est [Adresse 2] ( pièce N°17 Airbus).

- les conclusions responsives de la société LEON GROSSE sont adressées contre AIRBUS SAS.

- le tribunal de grande instance, dans son jugement en date du 17 décembre 2009, vise AIRBUS SAS [Adresse 2].

L'erreur fautive de Me DARNET intervient le 7 janvier 2010 lorsqu'il demande à Me DE LAMY de relever appel pour la SAS AIRBUS OPERATIONS.

Il souligne d'ailleurs l'importance du dossier (pièce 20) et communique les deux jugements : "veuillez trouver ci-joint deux jugements rendus dans le dossier sous références...".

La lettre du service de la comptabilité fournisseur de AIRBUS du 23 juillet 2009 envoyée à la SCP DARNET GENDRE ne pouvait pas entraîner une confusion avec la procédure pendante devant la cour d'appel de Toulouse car cette lettre d'information ne concernait que les documents de facturation et n'émanait aucunement du service juridique, interlocuteur privilégié de Me DARNET.

Il convient donc de retenir comme le relève le tribunal de grande instance de Carcassonne dans ses motifs que Maître DARNET était tenu d'une obligation de résultat s'agissant de relever appel pour la société contractante, partie à la procédure de première instance sans se tromper sur l'identité de cette société, et à ce titre, a commis une faute en relevant appel pour la SAS AIRBUS OPERATIONS en lieu et place de la société AIRBUS, faute qui fonde l'action en responsabilité de la SAS AIRBUS.

La faute de la SCP DARNET présente un lien de causalité avec le préjudice subi par la SAS AIRBUS en ce qu'elle n'a pas permis l'appel de la décision et donc son éventuelle réformation.

b) de Me DE LAMY

Me DE LAMY faisait appel par déclaration d'appel du 8 janvier 2010 pour le compte de la Société AIRBUS OPERATIONS SAS venant aux droits de la société AIRBUS FRANCE SAS venant elle même aux droits de AEROSPATIALE SNI.

Le 8 janvier 2010 Me DE LAMY écrivait à Me DARNET en faisant référence à AIRBUS OPERATIONS alors qu'il disposait du jugement du 17 décembre 2009 qui visait expressément dans son chapeau la société AIRBUS dont le siège social est sis [Adresse 2] et dans son dispositif, la SAS AIRBUS.

D'ailleurs l'avoué adressait un courrier le 19 janvier 2010 à la société AIRBUS SAS 1 rond point Maurice Bellonte 31707 BLAGNAC, à l'attention du département juridique pour adresser sa note d'honoraires et l'informer de l'appel de la décision rendue par le Tribunal de Grande Instance de TOULOUSE en date du 17 décembre 2009 tout en indiquant la référence : AIRBUS OPERATIONS/LEON GROSSE.

A ce stade de la chronologie des faits, comme le souligne le tribunal de grande instance, il sera rappelé que Me DE LAMY avait la qualité d'avoué dont les fonctions principales étaient la prise en charge procédurale des dossiers d'appel. Il devait vérifier qu'il relevait appel au nom de la société condamnée par le jugement critiqué, ce qui constitue le premier acte procédural de la procédure d'appel et il disposait, dès qu'il a été saisi par Me DARNET, du jugement critiqué. Il aurait donc dû vérifier que les instructions données par l'avocat de première instance correspondaient à l'identité de la société appelante telle qu'elle résulte du jugement dont appel.

Son erreur fautive consiste en cette absence de vérification et il ne peut invoquer la direction du procès par Me DARNET d'autant plus que les correspondances ultérieures démontrent l'importance de son rôle de conseil à l'égard de l'avocat comme le met en exergue sa correspondance du 12 mars 2010 Me DE LAMY à Me DARNET où il expose : "qu'il y a un risque procédural " mais qu'il convient de " ne procéder à aucune régularisation ou nouvel appel qui n'aurait pour conséquence que d'attirer l'attention sur cette difficulté"... Il réitère cette position le 23 mars 2010 dans un courriel adressé à Me DARNET...

Le premier juge sera donc confirmé dans le constat que Me DE LAMY a commis une faute qui engage sa responsabilité.

Les deux fautes des ces professionnels du droit et de la procédure d'une équivalente importance sont concurrentes. Elles ont conduit directement au préjudice de la société AIRBUS SAS qui consiste à la perte de chance dans son procès en appel contre la société LEON GROSSE, la SCP DARNET sera garantie par Me DE LAMY à hauteur de 50% des sommes qui seront allouées en réparation du préjudice subi.

Sur le préjudice de la société AIRBUS SAS

Le préjudice de la société AIRBUS SAS est constitué par la perte de chance d'avoir pu obtenir la réformation du jugement, ce qui implique d`examiner si l'appel de la SAS AIRBUS avait une chance d'aboutir favorablement.

Ainsi dès le 5 novembre 2012, AIRBUS SAS invoquait une jurisprudence de la cour de Cassation exposant que la forclusion prévue par le CCAG issue de la norme P 03-01 constatée par le tribunal de première instance devait être écartée en vertu de l'article 1793 du code civil dès lors que le marché avait été conclu à forfait, mais ce moyen n'avait pas pu être invoqué en appel du fait de l'irrecevabilité constatée par arrêt du 23 avril 2012.

Cette jurisprudence de la cour de Cassation en date des 11 mai 2007, 10 juillet 2007 et 24 mars 2009 invoquée par la société AIRBUS fait écho avec la lettre de Me DARNET, qui dès le 7 janvier 2010 contestait l'application de la norme AFNOR mentionnée par le tribunal dans son jugement du 17 décembre 2009.

Me DARNET réitérait, par courriel du 10 février 2010, l'exposé de ce moyen qu'il pouvait amplifier en appel en toute connaissance de cause en application de l'article 1793 du code civil, alors même qu'il ne l'avait pas clairement invoqué en première instance.

Ce moyen autour de l'exclusion de la forclusion est particulièrement dirimant puisqu'il sera rappelé que l'article 1793 du code civil s'applique au litige entre les société AIRBUS/ LEON GROSSE et que ce texte dispose : " lorsqu 'un architecte ou un entrepreneur s'est chargé de la construction à forfait d'un bâtiment d 'après un plan arrêté et convenu avec le propriétaire du sol, il ne peut demander aucune augmentation de prix, ni sous le prétexte de l 'augmentation de la main-d''uvre ou des matériaux, ni sous celui du changement ou d'augmentation faits sur ce plan, si ces changements ou augmentations n'ont pas été autorisés par écrit, et le prix convenu avec le propriétaire".

Le débat judiciaire incluant l'article 1793 du code civil et la réponse faite en défense par la société LEON GROSSE qui invoquait un bouleversement exceptionnel de l'économie du contrat pour sortir du marché à forfait n'ont pas pu intervenir.

Les fautes imputables à Me DARNET et Me DE LAMY ont conduit la SAS AIRBUS a être condamnée à la somme de 5 436 067,91 euros avec intérêts au taux légal à compter du jour du jugement sans aucune possibilité de pertinentes contestations et l'ont empêché de voir aboutir favorablement ses prétentions puisqu'elle pouvait obtenir de l'examen par le juge d'appel :

- soit l'inapplicabilité du CCAG issu de la norme AFNOR dans le cadre d'un marché à forfait et l'exclusion de la clause de forclusion en l'application de l'article 1793 du code civil et donc un débouté des prétentions de la société LEON GROSSE.

- soit, à minima, une discussion précise sur le caractère exceptionnel de l'économie du contrat qui aurait permis à tout le moins d'aboutir soit à une expertise pour apprécier la pertinence et la réalité de la réclamation de la société LEON GROSSE, soit de débouter son adversaire immédiatement ou à terme de diminuer drastiquement des sommes dues.

L'irrecevabilité de l'appel a donc privé la SAS AIRBUS d'une chance sérieuse de voir infirmer le jugement rendu en première instance soit en obtenant le débouté de l'ensemble des prétentions de la société LEON GROSSE soit en réduisant les sommes qui ont été allouées à la SA LEON GROSSE.

Cette perte de chance qui comporte clairement deux alternatives possibles doit être évaluée à 50% du préjudice total subi de la SAS AIRBUS qui s'évaluait :

- 5 521 321,14 euros TTC au titre de l'exécution du jugement rendu par le tribunal de grande instance de Toulouse du 17 décembre 2009, paiement effectué le 28 juin 2012.

- 4000 euros de frais irrépétibles au titre du jugement rendu par le tribunal de grande instance de Toulouse le 17 décembre 2009

- 4000 euros de frais irrépétibles au titre de l'arrêt rendu par la cour d'appel de Toulouse le 23 avril 2012

- 3000 euros de frais irrépétibles au titre de l'arrêt rendu par la cour de cassation le 11 juillet 2013.

Soit la somme de 2 766 160,57 euros TTC , assorti des intérêts au taux légal à compter du 8 novembre 2012.

Sur la capitalisation des intérêts

Compte tenu de la nature du litige et des faits s'agissant d'une perte de chance, il n'y a pas lieu d'appliquer les dispositions de l'article 1154 du code civil.

Sur le plafond de garantie et autre demande de ALLIANZ IARD

La société d'assurance produit aux débats les dispositions particulières de la police d'assurance du Barreau de Toulouse en date du 1 mars 2011qui prévoit dans son tableau récapitulatif un plafond de 3 500 000 euros avec une franchise de 1150 euros.

Concernant les honoraires, l'assurance fait état de dispositions spéciales sans les produire aux débats, elle sera deboutée de cette demande.

Sur les dépens et l'article 700 CPC

Qu'il convient de condamner in solidum la SCP DARNET-GENDRE-ATTAL au droit de laquelle se trouve la SELAS ATCM et ALLIANZ IARD et Me DE LAMY à payer à la société AIRBUS SAS une somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel et aux entiers dépens d'appel et de première instance

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement :

- en ce qu'il a condamné la SCP DARNET-GENDRE-ATTAL au droit de laquelle se trouve la SELAS ATCM et Me Bernard DE LAMY pour les fautes commises à l'égard de la société AIRBUS SAS,

- en ce qu'il a fixé la part de responsabilité de la SCP DARNET-GENDRE-ATTAL au droit de laquelle se trouve la SELAS ATCM et Me Bernard DE LAMY à hauteur chacun de 50 % du préjudice de la société AIRBUS SAS constitué par une perte de chance,

- en ce qu'il a constaté le plafond de garantie de la SA ALLIANZ IARD à la somme de 3 500 000 euros,

- en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 CPC.

Infirme le jugement pour le surplus et statuant à nouveau :

- Condamne in solidum la SCP DARNET-GENDRE-ATTAL au droit de laquelle se trouve la SELAS ATCM et la SA ALLIANZ IARD à verser à la société AIRBUS SAS une somme 2 766 160,57 euros TTC , assorti des intérêts au taux légal à compter du 8 novembre 2012, Me Bernard DE LAMY relèvera la SCP DARNET-GENDRE-ATTAL pour la moitié des sommes allouées et des dépens,

- Déboute la société AIRBUS SAS de sa demande de capitalisation des intérêts.

Y ajoutant :

- condamne in solidum la SCP DARNET-GENDRE-ATTAL au droit de laquelle se trouve la SELAS ATCM et ALLIANZ IARD et Me Bernard DE LAMY à payer à la société AIRBUS SAS une somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel et aux entiers dépens d'appel et de première instance.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 3e chambre civile
Numéro d'arrêt : 17/05836
Date de la décision : 08/12/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-12-08;17.05836 ?
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