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30/11/2022 | FRANCE | N°17/05508

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 1re chambre sociale, 30 novembre 2022, 17/05508


Grosse + copie

délivrées le

à































COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



1re chambre sociale



ARRET DU 30 NOVEMBRE 2022



Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 17/05508 - N° Portalis DBVK-V-B7B-NLRI



ARRET N°



Décision déférée à la Cour :

Jugement du 05 JUILLET 2017 DU TRIBUNAL D'INSTANCE DE SETE - N° RG 11-11-221





APPELANT :

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Monsieur [W] [P]

[Adresse 3]

[Localité 1]

Représenté par Me Sarah MASOTTA de la SELARL ALTEO, avocat au barreau de MONTPELLIER (postulant)

Représenté par Me Ornella SUVIERI, avocat au barreau de BORDEAUX (plaidant)







INTIME :



Monsieur [V] [K]

[Adresse 2]...

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

1re chambre sociale

ARRET DU 30 NOVEMBRE 2022

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 17/05508 - N° Portalis DBVK-V-B7B-NLRI

ARRET N°

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 05 JUILLET 2017 DU TRIBUNAL D'INSTANCE DE SETE - N° RG 11-11-221

APPELANT :

Monsieur [W] [P]

[Adresse 3]

[Localité 1]

Représenté par Me Sarah MASOTTA de la SELARL ALTEO, avocat au barreau de MONTPELLIER (postulant)

Représenté par Me Ornella SUVIERI, avocat au barreau de BORDEAUX (plaidant)

INTIME :

Monsieur [V] [K]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représenté par Me Audrey LISANTI, avocat au barreau de MONTPELLIER

Ordonnance de clôture du 01 Septembre 2022

COMPOSITION DE LA COUR :

En application de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 22 SEPTEMBRE 2022, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l'article 804 du même code, devant la cour composée de :

Monsieur Philippe DE GUARDIA, Président de chambre

Mme Véronique DUCHARNE, Conseillère

Monsieur Pascal MATHIS, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Marie BRUNEL

ARRET :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par Monsieur Philippe DE GUARDIA, Président de chambre, et par Mme Marie BRUNEL, Greffière.

*

* *

FAITS ET PROCÉDURE

[W] [P] a été engagé en qualité de marin pour servir à bord du 'Safa 3 Aurora' selon 'contrat d'engagement à la part', à compter du du 1er avril 2007 jusqu'à la fermeture du quota de pêche.

Le contrat était établi entre [W] [P] et [V] [K] et signé par celui-ci avec le tampon de la 'société de fait DI ROCCO-[K]' sous la mention 'L'armateur'.

Le salaire était fixé à 'une part de la part équipage' à partir du produit net des ventes réparti comme suit : armement : 55 parts, équipage : 45 parts.

S'estimant notamment créancier de salaires, le marin a saisi le tribunal d'instance de Sète qui, par jugement du 5 juillet 2017, l'a débouté de ses demandes.

[W] [P] a régulièrement interjeté appel. Dans ses dernières conclusions, il demande d'infirmer le jugement et de lui allouer :

- la somme nette de 28 666,70€ à titre de rappel de part de pêche pour l'année 2007 (à titre subsidiaire, la somme nette de 10 804,52€ et, à titre infiniment subsidiaire, la somme nette de 9 368,76€),

- la somme brute de 546,73€ à titre d'indemnité compensatrice de congés payés de l'année 2007,

- la somme brute de 3 905,03€ à titre de rappel de salaires pour la période de mi-janvier au mois de mars 2007,

- la somme brute de 390,50€ à titre de congés payés afférents,

- la somme nette de 9 372,07€ à titre d'indemnité forfaitaire de travail dissimulé,

- la somme de 3 000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Il demande également la remise sous astreinte des bulletins de paie correspondant.

Dans ses dernières conclusions, [V] [K] demande de confirmer le jugement et de lui allouer la somme de 3 500€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, il y a lieu de se reporter au jugement du Tribunal d'instance et aux conclusions déposées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la recevabilité de l'action :

Attendu que [V] [K] est à la fois partie et signataire du contrat d'engagement maritime établi avec le tampon de la société de fait DI ROCCO [K], dépourvue à ce titre de personnalité juridique ;

Qu'il est également clair, au vu des éléments produits, notamment les témoignages, y compris le sien, que, payant les salaires et donnant les directives, il était celui pour le compte duquel le navire était armé ;

Attendu qu'il est donc l'armateur, sachant qu'en tant qu'associé d'une société de fait, il est vis-à-vis des tiers indéfiniment et solidairement responsable des dettes de celle-ci ;

Sur la loi applicable :

Attendu que les contractants à un contrat d'engagement maritime peuvent soumettre leurs rapports à la loi de leur choix ; que la loi d'autonomie peut ainsi être préférée à la loi du pavillon ;

Qu'en l'espèce, outre que le contrat d'engagement fait référence au décret du 27 juin 1999 pris pour l'application de l'article 33 du code du travail maritime et aux articles 95 et 102-4 du même code, il précise expressément qu'il est 'régi par les dispositions du code du travail et les usages professionnels à la pêche' ;

Attendu qu'il en résulte qu'indépendamment du pavillon du navire, la loi française est applicable ;

Sur les rappels de part de pêche:

Attendu qu'aux termes de l'article 33 du code du travail maritime, alors en vigueur, en cas de litige, l'armateur est tenu de communiquer au juge saisi le détail du calcul de la rémunération, avec les pièces justificatives ;

Attendu que l'employeur, non seulement, ne produit aucun élément propre à déterminer le montant de la rémunération due au marin, notamment les quantités de thons pêchés et les factures payées par le mareyeur, comme il y est tenu, mais qu'il affirme que les tableaux que lui attribue [W] [P] sont 'des tableaux extraits de plusieurs procès-verbaux et ne sont nullement (son) oeuvre' ;

Qu'inversant la charge de la preuve, il se limite ainsi à considérer qu'il ne saurait être condamné 'sur la base de simples tableaux dont l'auteur est inconnu' ;

Attendu, de même, qu'alors que le contrat d'engagement stipule que la répartition du produit net des ventes se fait entre armement et équipage dans la proportion de 55 pour l'armement et de 45 parts pour l'équipage, [V] [K] a déclaré au cours de l'enquête pénale que 'la rémunération est à la part de pêche. La part se calcule en enlevant tous les frais au chiffre d'affaires. Jusqu'en 2007, c'était 50% armateur, 50% marins' ;

Qu'il réitère dans une autre déclaration que 'jusqu'en 2009, que ce soit la SDF BRULL DI ROCCO [K] ou l'armement [K], procéd(ait) à une répartition 50-50 du chiffre d'affaires moins les frais' ;

Attendu qu'enfin, selon l'article 1 du décret n° 99-522 du 21 juin 1999, pour l'application de l'article 33 du code du travail maritime, les charges et dépenses supportées par l'employeur qui ne peuvent être, à peine de nullité, incluses dans les frais communs sont les suivantes :

- les contributions, cotisations et taxes dues, en application de dispositions législatives et réglementaires ou de stipulations conventionnelles, à raison des traitements et salaires versés aux marins ;

- les primes versées au titre d'assurances souscrites en vue de couvrir les salaires, frais et charges résultant des articles 79 à 86 du code du travail maritime...

Attendu que se bornant à affirmer avoir 'toujours respecté la législation en vigueur' sans en justifier et que [W] [P] 'n'apporte aucune preuve que ce soit sur une prétendue majoration des frais', [V] [K] n'apporte pas la preuve qui lui incombe ;

Attendu qu'à l'inverse, [W] [P] produit divers témoignages émanant d'autres marins, notamment des plongeurs, desquelles il résulte que [V] [K] n'a pas pris en compte la véritable quantité des thons capturés, minorant par ce fait même la part leur revenant ;

Attendu qu'ainsi, au vu des différentes pièces produites, il convient de retenir le décompte du salarié, lequel correspond à la rémunération due, et de lui allouer la somme (brute) de 28 666,70€ à titre de rappel de part de pêche pour l'année 2007 ;

Sur les congés payés :

Attendu que le contrat d'engagement prévoit que le marin a droit, conformément à l'article 92-1 du code du travail maritime, alors en vigueur, à un congé payé calculé à raison de trois jours par mois de service ;

Que c'est à l'employeur, qui se prétend libéré de son obligation, d'apporter la preuve de la prise des congés et du paiement de l'indemnité afférente aux congés, étant observé que, selon l'article 92-1, la prise de congés ne peut être remplacée par une indemnité compensatrice, sauf si la relation de travail est arrivée à son terme ;

Attendu qu'à défaut de toute preuve du paiement de l'indemnité de congé payé, y compris par la production d'un bulletin de paie, une somme de 546,73€ est due à ce titre à [W] [P] pour l'année 2007 ;

Sur le rappel de salaire du mois de janvier au mois de mars 2007 :

Attendu qu'il résulte des dispositions de l'article L. 3171-4 du code du travail, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures accomplies, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant ;

Attendu que [W] [P] expose qu'antérieurement à la date de conclusion du contrat d'engagement maritime, il a travaillé du 15 janvier au 31 mars 2007 à la remise en état du navire (ponçage, peinture, carénage, filetage, préparation des anneaux et des cordes...) en vue de la compagne de pêche à venir ;

Qu'il présente un décompte des sommes qu'il réclame pour la période considérée ainsi que diverses attestations, notamment celle de M. [I], patron-pêcheur à bord du Safa 4 puis du Safa 2, selon lesquelles, avant de partir en campagne, tous les équipages travaillaient à la mise en état des bateaux sans être rémunérés ;

Attendu [V] [K] a admis au cours de l'enquête qu'une telle pratique existait auparavant mais que 'depuis 2007, ce n'est plus le cas', et que tout le personnel qu'il emploie pour procéder à l'entretien des navires figure sur l'enrôlement ;

Que M. [D] [K] confirme également qu''on embauche les marins un à deux mois avant le départ en mer pour la préparation du navire. Ça dépend du travail qu'il y a à faire sur le bateau';

Attendu, cependant, que [V] [K] ne produit que la liste et le rôle des marins embarqués en 2007 sur les navires 'Janvier Louis Raphael', 'Jean Louis Raphael' et 'Jean Louis Raphael 2", à l'exclusion de ceux ayant participé à l'entretien du 'Safa 3" dont l'enquête pénale établit pourtant qu'il était sur l'aire de carénage de [Localité 4] du 8 janvier au 9 février 2007 ;

Qu'il ne fournit aucun autre élément, notamment le tableau réglant l'organisation du travail, annexé au journal de bord ou le registre permettant de contrôler les droits à rémunération, lesquels sont imposés par le code du travail maritime ;

Attendu qu'ainsi, au vu des différents éléments soumis à son appréciation par les deux parties, la cour est en mesure d'évaluer à 1 562€ le montant dû au salarié à titre d'heures de travail accomplies, augmenté des congés payés afférents ;

Sur le travail dissimulé :

Attendu que le fait que le travail dissimulé était la condition de l'engagement à venir et le nombre d'heures de travail impayées établissent que l'employeur a entendu se soustraire intentionnellement à l'accomplissement des formalités prévues par l'article L. 8221-5 du code du travail ;

Attendu que la demande d'indemnité forfaitaire de travail dissimulé, d'un montant net de 9 372,07€, est dès lors fondée ;

* * *

Attendu que [V] [K] doit être condamné à la remise d'un bulletin de paie correspondant aux termes du présent arrêt, sans qu'il soit besoin d'assortir cette condamnation d'une astreinte ;

Attendu qu'enfin, l'équité commande de faire application de l'article 700 du code de procédure civile devant la cour d'appel ;

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Dit l'action recevable ;

Dit la loi française applicable ;

Condamne [V] [K] à payer à [W] [P]:

- la somme de 28 666,70€ à titre de rappel de part de pêche pour l'année 2007;

- la somme de 546,73€ à titre d'indemnité compensatrice de congés payés afférente à l'année 2007 ;

- la somme de 1 562€ à titre d'heures de travail non rémunérées ;

- la somme de 156,20€ à titre d'indemnité de congés payés sur les heures de travail non rémunérées ;

- la somme de 9 372,07€ à titre d'indemnité forfaitaire de travail dissimulé ;

Condamne [V] [K] à remettre à [W] [P] un bulletin de paie conforme aux termes du présent arrêt ;

Condamne [V] [K] aux dépens ;

Condamne [V] [K] à payer à [W] [P] la somme de 1 500€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La Greffière Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 1re chambre sociale
Numéro d'arrêt : 17/05508
Date de la décision : 30/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-30;17.05508 ?
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