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29/11/2022 | FRANCE | N°20/01582

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 5e chambre civile, 29 novembre 2022, 20/01582


Grosse + copie

délivrées le

à































COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



5e chambre civile



ARRET DU 29 NOVEMBRE 2022



Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 20/01582 - N° Portalis DBVK-V-B7E-ORZ5





Décision déférée à la Cour : Jugement du 25 FEVRIER 2020

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MONTPELLIER

N° RG 17/05353



Ordonnance de jonction en date du 2 se

ptembre 2020 des numéros 2020/1592 et 2020/1582 sous le numéro 2020/1582





APPELANTS :



Maître [L][Y] Mandataire Judiciaire

[Adresse 6]

[Adresse 6]

[Localité 2]

Représenté par Me Philippe SENMARTIN de la SELARL CHABANNES-SENMARTIN ASSOCIES, avoc...

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

5e chambre civile

ARRET DU 29 NOVEMBRE 2022

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 20/01582 - N° Portalis DBVK-V-B7E-ORZ5

Décision déférée à la Cour : Jugement du 25 FEVRIER 2020

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MONTPELLIER

N° RG 17/05353

Ordonnance de jonction en date du 2 septembre 2020 des numéros 2020/1592 et 2020/1582 sous le numéro 2020/1582

APPELANTS :

Maître [L][Y] Mandataire Judiciaire

[Adresse 6]

[Adresse 6]

[Localité 2]

Représenté par Me Philippe SENMARTIN de la SELARL CHABANNES-SENMARTIN ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant

assisté de Me Guillaume LEMAS (cabinet FABRE), avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant

Autre(s) qualité(s) : Appelant dans 20/01582 (Fond)

S.C.I. SIGRID

[Adresse 5]

[Localité 4]

Représentée par Me Jean Marc NGUYEN-PHUNG de la SELARL SELARL PHUNG 3P, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant

assistée de Me Romain BOULET, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat plaidant

Autre(s) qualité(s) : Appelant dans 20/01592 (Fond)

INTIMEES :

Maître [L][Y] Mandataire Judiciaire

[Adresse 6]

[Adresse 6]

[Localité 2]

Représenté par Me Philippe SENMARTIN de la SELARL CHABANNES-SENMARTIN ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant

assisté de Me Guillaume LEMAS (cabinet FABRE), avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant

Autre(s) qualité(s) : Intimé dans 20/01592 (Fond)

S.C.I. SIGRID

[Adresse 5]

[Localité 4]

Représentée par Me Jean Marc NGUYEN-PHUNG de la SELARL SELARL PHUNG 3P, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant

assistée de Me Romain BOULET, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat plaidant

Autre(s) qualité(s) : Intimé dans 20/01582 (Fond)

S.A.R.L PRODECO, immatriculée au RCS de PERPIGNAN sous le n° 430 334 342,agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Jean Marc MAILLOT de la SELARL SELARL MAILLOT AVOCATS & ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant

assistée de Me Jérôme BRENNER, avocat au barreau de NIMES, avocat plaidant

Autre(s) qualité(s) : Intimé dans 20/01582 (Fond),

Autre(s) qualité(s) : Intimé dans 20/01592 (Fond)

Ordonnance de clôture du 28 Septembre 2022

COMPOSITION DE LA COUR :

En application de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 19 OCTOBRE 2022, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l'article 804 du même code, devant la cour composée de :

Monsieur Philippe GAILLARD, Président de chambre

Madame Nathalie AZOUARD, Conseiller

M. Emmanuel GARCIA, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Sylvie SABATON

ARRET :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par Monsieur Philippe GAILLARD, Président de chambre, et par Madame Sylvie SABATON, greffier.

*

* *

Le 1er mai 2015, la SCI Sigrid a donné à bail commercial des locaux d'une surface de 420 m2 à usage industriel à la SARL [Localité 4] Depan'3000 moyennant un loyer mensuel de 4 000 € hors taxes et un dépôt de garantie de 12 000 €.
Le 3 octobre 2016, le tribunal de commerce de Montpellier a prononcé la liquidation judiciaire de la SARL [Localité 4] Depan'3000 et désigné Maitre [Y] [L] en qualité de liquidateur judiciaire.

Le 19 décembre 2016, le juge-commissaire a autorisé la vente amiable du fonds de commerce de la SARL [Localité 4] Depan'3000 au profit de la SARL Prodeco moyennant le prix de 28 000 € hors taxes.

Le 3 janvier 2017, la SARL Prodeco a informé la SCI Sigrid de cette autorisation de reprise du bail dans les mêmes conditions et en cours d'exécution et a sollicité le 12 janvier 2017 auprès du liquidateur, la transmission des pièces aux fins de rédaction de l'acte de cession.

Le 17 janvier 2017, Maitre [L] lui a communiqué notamment le bail indiquant qu'il n'était pas en possession du dernier appel de loyer, mais que le loyer s'élevait à 4 000 € HT annuel selon le bail.

Le 2 février 2017, le cabinet d'expertise comptable de la SCI Sigrid a transmis des quittances de loyers pour les mois de décembre 2016, janvier et février 2017 à hauteur de 4 000 € HT mensuel et, le 1er mars 2017, un bail corrigé faisant état d'un loyer de 4 000 € HT mensuel.

Le 1er juin 2017, sur demande de la locataire, Maitre [L] lui a communiqué les bilans 2014 et 2015, le compte détenu par la société [Localité 4] Depan'3000 dans les comptes de la SCI Sigrid faisant état d'un loyer de 4 000 € HT mensuel et le 14 juin 2017, un extrait de compte de Montpellier Depan'3000 faisant état d'un loyer de 4 800 € TTC mensuels.

Le 6 juillet 2017, la SARL Prodeco a saisi le juge-commissaire aux fins de réformation de l'ordonnance initialement rendue le 19 décembre 2016, afin d'en extraire le bail commercial sans que Maitre [L] ne s'y oppose.

Le 17 juillet 2017, le juge commissaire a réformé partiellement l'ordonnance du 19 décembre 2016 confirmant la vente du fonds de commerce, mais a exclu le bail commercial du périmètre de la cession de ce fonds de commerce au prix inchangé de 28 000 € HT, constaté que la société Prodeco a versé mensuellement les loyers conformément au bail qui lui a été communiqué par la liquidateur judiciaire, soit 400 € TTC par mois et a noté les divergences des parties concernant le montant du loyer.

Le 20 octobre 2017, la SCI Sigrid a assigné la SARL Prodeco aux fins de la voir condamner à lui payer une indemnité d'occupation d'un montant mensuel de 4 000 € HT pour la période de janvier 2017 à juillet 2017 soit 28 000 € HT, la somme de 5 000 € au titre des pertes de loyers consécutives à l'obligation de remettre en état, la somme de 33 212, 14 € au titre des travaux de remise en état, la somme de 13 500 € HT correspondant au loyer d'un local contigu de juillet à septembre 2017, outre le montant du dépôt de garantie pour 9 000 €, six mois d'indemnité pour perte de loyer pour le même local soit la somme de 27 000 €.

Le 12 avril 2018, la SARL Prodeco a assigné en intervention forcée et aux fins de jonction Maitre [L] aux fins qu'il soit condamné à la relever et la garantir de toutes condamnations qui pourraient être prononcées contre elles.

Le 18 septembre 2018 les deux procédures ont été jointes.

La SARL Prodeco a précisé que la société Prodeco aurait abusivement refusé l'entrée de la société EDF pour le raccordement à l'électricité du local contigu loué par la société Thomen, ce qui aurait entraîné son départ et aurait occasionné une perte des loyers pour elle.

Maitre [L] a opposé l'absence de démonstration d'une faute qui lui serait imputable en lien causal direct avec un préjudice certain.

Le jugement rendu le 25 février 2020 par le tribunal judiciaire de Montpellier énonce dans son dispositif :

Condamne la SARL Prodeco à payer à la SCI Sigrid une indemnité d'occupation d'un montant de 4 000 € pour la période de janvier 2017 à juillet 2017 soit un montant de 28 000 € HT sous déduction des 2 800 € HT d'ores et déjà réglés, ce qui représente donc une somme restant due de 25 200 € en deniers ou quittances.

Déboute la SCI Sigrid de ses demandes de voir condamner solidairement la SARL Prodeco et Maitre [L] à lui payer la somme de 24 000 € au titre des pertes de loyers consécutives à l'obligation de remise en état et au paiement d'une somme de 33 212, 14 € au titre des travaux de remise en état des lieux.

Déboute la SCI Sigrid de sa demande de voir condamner solidairement la SARL Prodeco et Maitre [L] à lui payer la somme de 13 500 € HT correspondant aux loyers du local contigu de juillet à septembre 2017, la somme de 9 000 € au titre du dépôt de garantie, la somme de 27 000 € HT à titre d'indemnité pour perte de loyer pour le même local.

Condamne la SARL Prodeco à payer à la SCI Sigrid la somme de 2 500 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Condamne Maitre [L] à payer à la SARL Prodeco la somme de 2 500 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Condamne Maitre [L] à relever et garantir la SARL Prodeco de toutes les condamnations prononcées à son encontre.

Rejette les demandes plus amples ou contraires.

Condamne Maitre [L] aux dépens.

Le jugement relève que le bail commercial transmis initialement au liquidateur contient une erreur matérielle, puisqu'il mentionne un loyer annuel HT de 4 000 €, tout en précisant que le dépôt de garantie de 12 000 € correspond à trois mois de loyer. Il constate que le liquidateur n'a pas attiré l'attention de la société Prodeco sur cette anomalie et qu'il est étonnant que ni l'acquéreur du fonds ni le liquidateur n'aient relevé le montant dérisoire du loyer pour un local aussi bien situé. Le jugement constate que malgré la transmission des quittances de loyer pour un montant de 4 000 € mensuel HT puis des bilans 2014 et 2015 faisant état d'un loyer de 4 000 € mensuel, la société Prodeco a fait le choix de se maintenir dans les lieux en réglant toujours un loyer mensuel de 400 €. Le jugement expose que bien que le liquidateur judiciaire ne soit tenu que d'une obligation de moyens il se doit d'effectuer toutes démarches et investigations utiles aux fins de préserver notamment les droits du bailleur lors de la transmission d'un fonds de commerce à un cessionnaire dans le cadre d'une procédure de liquidation judiciaire, sans qu'il puisse se retrancher derrière la seule transmission du bail portant une erreur matérielle. Le liquidateur a donc commis une négligence fautive à l'origine directe du préjudice subi par le bailleur.

Le jugement relève que la SCI Sigrid n'a pas réalisé d'état des lieux lors de l'entrée de la société Prodeco, et que, faute de démontrer qu'elle a fait toutes diligences pour l'établir, elle ne peut invoquer la présomption de l'article 1731 du Code civil comme le précise l'article L 145-40-1 du Code de commerce. Le devis réalisé peu de temps après l'entrée dans les lieux de la société Prodeco mentionne une somme de 17 420 € HT de travaux et deux attestations corroborent le très mauvais état du bâtiment.

Concernant les loyers du local contigu, le jugement observe qu'il n'est pas démontré que la réticence alléguée par le bailleur de la société Prodeco à lui donner accès à ses locaux a été déterminante dans le départ de la société Thomen.

Maitre [L] a relevé appel du jugement par déclaration au greffe du 17 mars 2020.

La SCI Sigrid a relevé appel du jugement par déclaration au greffe du 17 mars 2020.

Le 2 septembre 2020 les deux procédures ont été jointes.

La clôture de la procédure a été prononcée par ordonnance du 28 septembre 2022.

Les dernières écritures pour Maitre [L] ont été déposées le 20 novembre 2020.

Les dernières écritures pour la SCI Sigrid ont été déposées le 7 octobre 2021.

Les dernières écritures pour la société Prodeco ont été déposées le 12 septembre 2022.

Le dispositif des écritures pour Maitre [L] énonce :

Infirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné Maitre [L] et en ce qu'il a rejeté ses demandes reconventionnelles.

Subsidiairement, dire que Maitre [L] ne saurait être tenu d'aucune garantie au titre des sommes dues par la SARL Prodeco à compter du 17 janvier 2017, ou alors très subsidiairement à compter du 6 février 2017.

Condamner in solidum la SARL Prodeco et la SCI Sigrid à verser à Maitre [L] une somme de 5 000 € en réparation de son préjudice professionnel et moral, de 5 000 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens.

Maitre [L] soutient qu'il n'est pas démontré qu'il ait commis une faute. Il n'aurait transmis aucune information erronée à la SARL Prodeco préalablement à la formulation et à l'homologation de son offre. La SARL Prodeco l'a saisie d'une offre ferme et définitive de reprise sans lui avoir réclamé aucune information préalable. Il a transmis les documents, et notamment le bail commercial, le 17 janvier 2017.

Il soutient qu'il n'est tenu d'aucune obligation de conseil à l'égard des tiers à la procédure collective.

Maitre [L] souligne qu'il a transmis le bail qu'il avait en sa possession et qui mentionne un loyer annuel de 4 000 € HT. C'est seulement le 1er mars 2017 qu'un bail rectificatif a été transmis à la société Prodeco par son bailleur afin de corriger une erreur commise sur le bail d'origine. Il estime ne pouvoir être tenu d'une erreur qu'il n'a pas commise.

La locataire ne pouvait ignorer le montant du loyer à compter de la réception du bilan transmis le 17 janvier 2017. Suite à cette information la société Prodeco a refusé de quitter les lieux ou de s'acquitter du montant réel du loyer. Il ne saurait donc être tenu des indemnités d'occupation dues à compter de cette date ou, très subsidiairement à la date du 6 février 2017, date de réception par la locataire des factures.

La société Prodeco elle-même a précisé qu'elle connaissait bien le fonds et avait eu connaissance des documents comptables avant reprise.

Il ajoute que la SCI Sigrid a profité de sa présence à l'instance pour former à son encontre une demande de condamnation solidaire avec la locataire sans pourtant développer aucun grief à son encontre.

Il avance que les difficultés alléguées par la SCI Sigrid ont pour seule origine les man'uvres des sociétés [Localité 4] Depan'3000 et Sigrid qui ont régularisé un bail erroné ainsi que celles de la société locataire. Il ajoute que la SCI Sigrid n'apporte pas la preuve que la dégradation alléguée des locaux serait le fait de la SARL Prodeco et qu'en tout état de cause un mandataire judiciaire n'a pas a être tenu responsable personnellement des manquements au contrat de bail conclu par la SARL Prodeco après son entrée dans les lieux. Il en est de même dans l'hypothèse où il serait démontré que la SARL Prodeco a refusé de manière fautive de laisser entrer la société EDF dans le local contigu.Il apparaît plutôt que les manquements du bailleur à son obligation de délivrance conforme étaient antérieurs à ces faits.

Le dispositif des écritures pour la SCI Sigrid énonce :

Confirmer la condamnation prononcée à son bénéfice.

Infirmer le jugement dont appel pour le surplus.

Condamner solidairement les deux à payer la somme de 36 000 € au titre des pertes de loyers de la période d'août 2017 à mars 2018.

Condamner solidairement les mêmes au paiement d'une somme de 14 495, 46 € au titre des travaux de remise en état des lieux.

Les condamner sous la même solidarité à payer la somme de 13 500 € HT correspondant aux loyers du local contigu de juillet à septembre 2017, outre le montant du dépôt de garantie pour 9 000 €.

Les condamner sous la même solidarité à payer 6 mois d'indemnité pour perte de loyer pour le même local soit la somme de 27 000 € HT et celle de 3 500 € au titre des dispositions de l'article 700 outre les entiers dépens.

La SCI Sigrid fait valoir que la société Prodeco ne pouvait pas ignorer le montant réel du loyer. Il parait étonnant que personne n'ait relevé la faiblesse d'un loyer de 333, 33 € HT mensuel pour un local de 420 m2 dans une zone artisanale de [Localité 4]. La bailleresse ajoute que le bail précisait en tout état de cause que le preneur avait payé 12 000 € « correspondant à trois mois de loyer HT » à titre de dépôt de garantie. L'acte de cession vise comme annexe le bilan de l'exercice clos le 31 mars 2015 qui permet de confirmer que le loyer ne pouvait être de 333, 33 € HT. Même après avoir été informée de la difficulté, la société Prodeco s'est maintenue abusivement dans les lieux.

La SCI Sigrid soutient que trois mois après remise des clés à la société Prodeco, il était constaté que rien n'avait été mis en place pour permettre l'exploitation du fonds de commerce acquis et que les lieux n'étaient ni occupés ni surveillés. Des gens du voyage se sont installés sur le terrain derrière les locaux et se sont également branchés illégalement sur le compteur électrique desservant les locaux sans que le preneur ne réagisse. La SCI Sigrid a informé le liquidateur par courrier du 29 juin 2017 de son besoin d'obtenir l'accès au lieu pour installer un compteur propre au local contigu, et celui-ci l'a informé de ses relances auprès de la locataire sans succès. Au vu des désordres affectant les lieux, la bailleresse affirme qu'il serait impossible de les louer en l'état. Concernant l'absence d'état des lieux alléguée, la présence de la société Prodeco a été imposée par décision de justice et que celle-ci avait formulé une offre d'achat qui suppose qu'elle avait visité les lieux. La société Prodeco a adressé au liquidateur un projet de cession dans lequel elle reconnaît avoir une connaissance précise de l'état du fonds. La locataire ne l'a jamais informé d'une quelconque problématique relative à l'état des locaux. La SCI Sigrid souligne que si les locaux ne pouvaient être acceptés en l'état, Prodeco aurait dû en aviser le bailleur ou le mandataire. Elle soutient donc qu'elle peut se prévaloir de la présomption posée à l'article 1731 du Code civil. Elle précise qu'elle n'a trouvé un nouveau locataire qu'à compter du 1er avril 2018 et qu'elle a donc subi un perte financière le temps de la remise en état.

Concernant le bail de la société Thomen, la bailleresse fait valoir qu'elle a été mise en demeure le 1er juin 2017 par la société Thomen de respecter son obligation de délivrance puisqu'elle ne disposait ni d'électricité ni de réseau d'eaux usées, et que la société Prodeco l'a empêché de pénétrer dans les locaux. Cette résistance de la société Prodeco a eu comme conséquence la suspension du paiement des loyers suivie de la résiliation du bail avec la société Thomen. 

La mise en cause du liquidateur était à l'initiative de la société Prodeco. Chacune de ces parties se rejetant la faute, il apparait logique de demander leur condamnation solidaire. En tout état de cause l'ensemble des documents en possession du liquidateur et de la société Prodeco ne laissaient aucun doute sur le montant des loyers.

Le dispositif des écritures pour la société Prodeco énonce :

Infirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société Prodeco au paiement de la somme de 25 200 € au titre des loyers.

Rejeter les entières demandes, fins et prétentions de la société SCI Sigrid.

Condamner la société SCI Sigrid au paiement de la somme de 5 000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive.

Confirmer le jugement pour le surplus.

Condamner solidairement Maitre [L] à relever et garantir la société Prodeco de toutes les condamnations qui pourraient être prononcées contre elle.

Condamner Maitre [L] au paiement de 5 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

La société Prodeco fait valoir que le bail qui lui a été communiqué faisait état d'un loyer annuel de 4 000 € HT. Elle ne disposait d'aucun élément lui permettant de remettre en cause le loyer mentionné et ce d'autant plus que les associés et dirigeants de la société bailleresse sont les mêmes que ceux de la société [Localité 4] Depann'3000. L'existence de tels liens familiaux entre les sociétés, composées des époux [P], laissait croire qu'un loyer aussi bas était plausible. La société Prodeco ajoute que c'est à la société Sigrid de démontrer qu'elle aurait eu connaissance d'un autre loyer que celui de 4 000 € mensuel. Elle ajoute qu'il est également faux d'indiquer qu'elle a interdit l'accès des lieux à son bailleur. En outre, la locataire fait valoir que le loyer permet de déduire le montant du dépôt de garantie et non l'inverse.

Maitre [L] est tenu d'une obligation d'information du cessionnaire sur le contenu du bail cédé. La société Prodeco soutient qu'elle était dans l'ignorance de cette différence de loyer et qu'elle s'est engagée à acquérir le fonds de commerce en raison de ce loyer faible ce qui explique sa saisine du 6 juillet 2017 en réformation de l'ordonnance initiale. Subsidiairement, dans l'hypothèse où elle serait condamnée elle estime que le liquidateur doit la relever et la garantir. C'est le liquidateur qui lui a transmis les informations du bail commercial et l'a induite en erreur et il est absurde d'envisager qu'elle aurait acquis le fonds sans se renseigner préalablement sur le montant du loyer.

Concernant l'état des locaux, la SCI Sigrid ne justifie d'aucune preuve de dégradations réelles des locaux qui seraient intervenues entre son entrée dans les lieux et sa sortie. Aucun état des lieux n'est versé aux débats de sorte que la bailleresse ne peut se prévaloir du bénéfice de l'article 1731 du Code civil. M. [N] atteste que les locaux étaient d'ors et déjà en très mauvais état tout comme M. [H]. Le devis des travaux fait à la demande de la société Prodeco fait état de 17 420 € HT de travaux. La société Prodeco fait valoir qu'elle n'est pas responsable du délai mis par la SCI Sigrid pour retrouver un locataire.

La société Prodeco conteste avoir causé le départ de la société Thomen. Rien ne démontre qu'elle aurait refusé d'ouvrir son local à EDF et en tout état de cause le compteur se situe à l'extérieur. La mise en demeure effectuée par la société Thomen à l'encontre de la bailleresse démontre qu'elle rencontre des difficultés depuis son entrée dans les lieux tant du fait du non raccordement à l'électricité que de la vétusté et de l'inefficacité de l'installation des eaux usées.

MOTIFS

La cour rappelle en liminaire que l'appel est une critique argumentée des motifs des premiers juges.

Sur les prétentions relatives au montant du loyer

Le bail commercial du 1er mai 2015 transmis par le mandataire liquidateur au cessionnaire portait la mention d'un loyer commercial annuel dérisoire de 4000 € HT, à l'évidence totalement incompatible avec la surface, la destination d'usage, et l'emplacement des locaux, et en contradiction tout aussi évidente avec la mention dépourvue d'ambiguïté d'un dépôt de garantie reçu par le bailleur de « la somme de 12 000 € correspondant à trois mois de loyer hors taxes ».

Le bailleur et le mandataire liquidateur du preneur appelants n'apportent aucune critique sérieuse au motif pertinent du premier juge que la cour adopte qu'il est particulièrement étonnant que ni l'un ni l'autre professionnels avertis de la location commerciale n'ait relevé une telle incongruité, de sorte que la cour retiendra d'une part que le preneur cessionnaire est nécessairement redevable pour la période où le bail était dans le contenu de la cession d'un loyer mensuel d'un montant de 4000 € HT rectifiant l'erreur purement matérielle, d'autre part que le mandataire liquidateur a manqué à son obligation de moyens, a minima de vigilance dans l'appréciation des conditions de la cession du bail dont il avait la charge aux intérêts de l'actif de la liquidation, en ne relevant pas la même incongruité dans la transmission informative du bail au cessionnaire, sauf à réduire sa profession à haute valeur ajoutée d'auxiliaire de justice a un simple rôle de secrétariat d'exécution.

La cour confirme en conséquence la condamnation de la SARL Prodeco à payer au bailleur la SCI Sigrid la somme de 28 000 € HT, sous déduction des montants versés, pour les loyers de la période de janvier à juillet 2017, et la condamnation de Maitre [L] es qualité de mandataire liquidateur à garantir la SARL Prodeco de cette condamnation.

L'argumentation de la SARL Prodeco de l'incidence de liens familiaux entre les dirigeants du bailleur et du preneur sur la justification d'un montant dérisoire de loyer n'est que suppositions sans le moindre commencement de preuve, et ne devait pas enlever l'interrogation du cessionnaire sur l'incongruité du montant du loyer.

L'argument du mandataire liquidateur d'une absence de griefs formulés à son encontre par le bailleur n'a pas d'incidence sur la confirmation de la condamnation de première instance, non pas en paiement solidaire mais à garantir les condamnations de la SARL Prodeco.

Sur les prétentions relatives à l'état des lieux

La cour constate comme le premier juge que le temps d'exécution du bail au bénéfice du cessionnaire SARL Prodeco, de janvier à juillet 2017, n'est accompagné d'aucun état des lieux d'entrée, de sorte que le premier juge était fondé à retenir l'application des dispositions de l'article L 145-40-1 du code de commerce, lequel stipule que le bailleur qui n'a pas fait toute diligence pour la réalisation de l'état des lieux à l'entrée ou à la sortie ne peut invoquer la présomption de l'article 1731 du Code civil que le preneur les aurait reçus en bon état de réparations locatives.

La cour confirme en conséquence le rejet des prétentions de la SCI Sigrid en paiement de travaux de remise en état, de perte de loyer consécutive à l'obligation de remise en état, et rejette les prétentions en appel pour des montants supérieurs.

L'argumentation de la SCI que le locataire cessionnaire était imposé par décision de justice, et qu'il était supposé connaître les lieux, n'interfère pas sur l'application des dispositions de l'article L 145-40-1 du code de commerce.

Sur les prétentions au titre de la perte de location d'un local contigu

Le premier juge a rejeté les prétentions de la SCI Sigrid au motif de l'absence de preuve suffisante que la réticence alléguée par le bailleur de la société Prodeco à lui laisser l'accès à ses locaux pour un raccordement d'électricité dans un local contigu loué par une société Thomen a été déterminante dans le départ de ce locataire, et les préjudices qui en découlent.

Les deux attestations produites par la SCI en pièces 28 et 29 relatent un problème de raccordement électrique et d'accessibilité concernant la location du local contigu, la correspondance du 1er juin 2017 adressée à la SCI par son locataire Thomen dénonce le défaut de délivrance conforme des locaux en l'absence de réseau d'électricité, à laquelle le conseil de la SCI oppose l'obstacle de l'impossibilité de pénétrer dans les lieux loués à Prodeco.

Un courrier du conseil de la société Thomen du 7 août 2017 constate un autre problème de réseau d'évacuation des eaux.

Un protocole de résiliation du bail entre la SCI et la société Thomen mentionne l'absence de mise en conformité notamment pour un motif de l'impossibilité d'accès aux locaux condamnés par la société Prodeco.

Aucune de ces pièces n'apporte la preuve d'une faute de la SARL Prodeco au lien de causalité avec le départ des locataires du local contigu, alors d'une part que l'accès du bailleur à des locaux occupés au titre d'un bail n'est pas une obligation du preneur, d'autre part qu'il appartenait au bailleur de délivrer pour l'exercice d'un bail des locaux conformes avant même l'entrée du preneur en janvier 2017, concernant les besoins d'usage essentiel d'électricité et d'un réseau d'évacuation des eaux usées.

La cour confirme en conséquence le rejet des prétentions de la SCI Sigrid à l'encontre de la SARL Prodeco et du mandataire liquidateur du locataire cédant au titre d'un préjudice résultant du départ de son locataire dans un local contigu.

Sur les autres prétentions

La cour confirme au vu de ses motifs les condamnations prononcées en première instance sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, et au titre des dépens.

Il n'est pas inéquitable de laisser à la charge des parties les frais non remboursables exposés en appel, en observant que les deux appelants la SCI Sigrid et Maitre [Y] [L] en qualité de mandataire liquidateur de la SARL [Localité 4] Depan'3000 succombent dans leurs prétentions d'appel, et que la SARL Prodeco succombe dans sa prétention d'infirmer sa condamnation en paiement des loyers de sa période d'exercice du bail.

Pour les mêmes motifs, chacune des parties supportera les dépens qu'elle aura engagés dans l'instance d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire, par mise à disposition greffe ;

Confirme toutes les dispositions du jugement rendu le 25 février 2020 par le tribunal judiciaire de Montpellier ;

Dit n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en appel ;

Dit que chacune des parties conservera la charge des dépens qu'elle aura engagés dans l'instance d'appel.

Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 5e chambre civile
Numéro d'arrêt : 20/01582
Date de la décision : 29/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-29;20.01582 ?
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