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23/11/2022 | FRANCE | N°19/01571

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 2e chambre sociale, 23 novembre 2022, 19/01571


Grosse + copie

délivrées le

à















COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

2e chambre sociale

ARRET DU 23 NOVEMBRE 2022



Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 19/01571 - N° Portalis DBVK-V-B7D-OBSH



ARRET N°



Décision déférée à la Cour :

Jugement du 06 FEVRIER 2019

CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE NARBONNE N° RG 17/00226



APPELANT :



Monsieur [I] [V]

[Adresse 4]

[LocalitÃ

© 3]

Représenté par Me David VAYSSIE de la SCP DAVID VAYSSIE, avocat au barreau de NARBONNE





INTIMEE :



Association FRANCE HORIZON EHPAD LA TOUR

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me PUECH DAUMAS avocat pour Me...

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

2e chambre sociale

ARRET DU 23 NOVEMBRE 2022

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 19/01571 - N° Portalis DBVK-V-B7D-OBSH

ARRET N°

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 06 FEVRIER 2019

CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE NARBONNE N° RG 17/00226

APPELANT :

Monsieur [I] [V]

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représenté par Me David VAYSSIE de la SCP DAVID VAYSSIE, avocat au barreau de NARBONNE

INTIMEE :

Association FRANCE HORIZON EHPAD LA TOUR

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me PUECH DAUMAS avocat pour Me Gilles LASRY de la SCP SCP D'AVOCATS BRUGUES - LASRY, avocat au barreau de MONTPELLIER - Représentée par Me Delphine RICARD avocat de la AARPI VATIER avocat au barreau de PARIS

Ordonnance de clôture du 29 Août 2022

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 13 SEPTEMBRE 2022,en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Véronique DUCHARNE, Conseillère, chargé du rapport.

Ce(s) magistrat(s) a (ont) rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

M. Jean-Pierre MASIA, Président

Mme Véronique DUCHARNE, Conseillère

Mme Isabelle MARTINEZ, Conseillère

Greffier lors des débats : M. Philippe CLUZEL

ARRET :

- contradictoire;

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par M. Jean-Pierre MASIA, Président, et par M. Philippe CLUZEL, Greffier.

*

* *

FAITS ET PROCÉDURE

Entre le 2 juillet 2016 et le 22 mai 2017, M. [V] a travaillé au sein de l'association France Horizon, dans le cadre de 25 contrats à durée déterminée.

La convention collective nationale des établissements privés d'hospitalisation, de soins, de cure et de garde à but non lucratif du 31 octobre 1951 est applicable.

Par requête enregistrée le 6 février 2019, le salarié a saisi le conseil de prud'hommes de Narbonne aux fins de requalification de son contrat de travail en contrat à durée indéterminée.

Par jugement du 6 février 2019, le conseil de prud'hommes a :

-débouté la demande de requalification des CDD en CDI et les demandes qui en découlent ;

-dit que par mesure d'équité il n'y avait pas lieu au fondement de l'article 700 du Code de procédure civile pour aucune des parties;

-condamné aux entiers dépens.

Par déclaration enregistrée au RPVA le 4 mars 2019, le salarié a régulièrement interjeté appel de ce jugement.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Aux termes de ses dernières conclusions enregistrées au RPVA le 3 juin 2019,

M. [I] [V] demande à la Cour :

-d'infirmer le jugement ;

-de condamner l'Association France Horizon à payer :

* 3.000 € d'indemnité de requalificatio,

* 2.760 € d'indemnité compensatrice de préavis,

* 276 € au titre des congés payés y afférents,

* 2.500 € de dommages et intérêts pour licenciement irrégulier,

* 6.500 € de dommages et intérêts pour licenciement abusif,

* 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

-de la condamner aux entiers dépens.

Aux termes de ses dernières conclusions enregistrées au RPVA le 8 août 2019, l'association France Horizon ' EHPAD La Tour demande à la Cour, au visa des articles L.1242-2, L.1242-12 et L.1245-2 du Code du travail, de la Convention collective nationale des établissements privés d'hospitalisation, de soins, de cure et de garde à but curatif du 31 octobre 1951 :

de confirmer en toutes ces dispositions le jugement ;

en tout état de cause, de

*débouter M. [V] de sa demande au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

*condamner M. [V] à lu verser la somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

*le condamner aux entiers dépens.

Pour l'exposé des prétentions des parties et de leurs moyens, il est renvoyé, conformément à l'article 455 du Code de procédure civile, à leurs conclusions ci-dessus mentionnées et datées.

La procédure a été clôturée par ordonnance du 29 août 2022.

MOTIFS

Sur la requalification en contrat à durée indéterminée.

L'article L1242-1 du Code du travail dispose qu'un contrat de travail à durée déterminée, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise.

L'article L 1242-2 du Code du travail, dans sa rédaction applicable au présent litige, dispose qu' 'un contrat de travail à durée déterminée ne peut être conclu que pour l'exécution d'une tâche précise et temporaire, et seulement dans les cas suivants :

1° Remplacement d'un salarié en cas :

a) D'absence ;

b) De passage provisoire à temps partiel, conclu par avenant à son contrat de travail ou par échange écrit entre ce salarié et son employeur ;

c) De suspension de son contrat de travail ;

d) De départ définitif précédant la suppression de son poste de travail après consultation du comité d'entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel, s'il en existe ;

e) D'attente de l'entrée en service effective du salarié recruté par contrat à durée indéterminée appelé à le remplacer ;

(...) ».

Enfin, l'article L 1242-12 du même Code prévoit que « le contrat de travail à durée déterminée est établi par écrit et comporte la définition précise de son motif. A défaut, il est réputé conclu pour une durée indéterminée.

Il comporte notamment :

1° Le nom et la qualification professionnelle de la personne remplacée lorsqu'il est conclu au titre des 1°, 4° et 5° de l'article L. 1242-2 ;

(...)».

En l'espèce, le salarié fait valoir que

- les dates des remplacements sont erronées,

- le grand nombre de contrats conclus montre que l'employeur aurait pu parfaitement l'embaucher dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée et qu'il a pourvu durablement à un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise,

- aucun des contrats ne mentionne la qualification professionnelle du salarié remplacé,

- le contrat du 1er décembre 2016 n'est pas signé par lui.

S'agissant du moyen tiré des dates erronées.

Le salarié ne précise pas les dates erronées.

L'examen des contrats à durée déterminée (CDD ci-après) montre en effet que trois d'entre eux comportent des dates de remplacement manifestement erronées (CDD du 7/03/2017 pour le 8/03/2016 ; CDD du 2/03/2017 pour la période du 15 au 23/03/2016 ; CDD du 17/03/2017 pour les 27 et 28/03/2016).

Toutefois, les dates mentionnées sur les bulletins de salaire du mois de mars 2017 permettent d'établir que le salarié a travaillé en 2017 et que la mention de l'année 2016 procède seulement d'une erreur matérielle, laquelle ne saurait ' même en ayant été répétée à trois reprises ' entraîner la requalification de la relation de travail en contrat à durée indéterminée.

Ce moyen doit être écarté.

S'agissant du moyen tiré de ce que les contrats ont pourvu à l'activité durable et permanente de l'entreprise.

Le salarié estime que le nombre important de contrats à durée déterminée successifs (25 contrats du 22/06/2016 au 22/05/2016) établit que ces contrats ont permis de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise.

Or, le seul fait pour l'employeur, qui est tenu de garantir aux salariés le bénéfice des droits à congés maladie ou maternité, à congés payés ou repos que leur accorde la loi, de recourir à des contrats à durée déterminée de remplacement de manière récurrente, voire permanente, ne saurait suffire à caractériser un recours systématique aux contrats à durée déterminée pour faire face à un besoin structurel de main d'oeuvre et pourvoir ainsi durablement un emploi durable lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise.

En l'espèce, l'analyse des contrats à durée déterminée montre que le salarié a été recruté pour remplacer des salariés soit en congés payés, soit en arrêt de travail pour maladie, soit en jours de récupération, soit encore pour leur permettre un changement de poste ou d'effectuer une formation.

Au regard de l'effectif important de la structure, il est inévitable que des remplacements temporaires soient fréquemment nécessaires en raison de l'indisponibilité d'employés bénéficiant de congés de maladie ou de récupération ou bénéficiant de formations.

Il s'ensuit qu'il n'est pas démontré que le fait d'employer le salarié dans le cadre de contrats à durée déterminés successifs permettait de pourvoir durablement un emploi permanent lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise.

Ce moyen doit également être écarté.

S'agissant du moyen tiré du défaut de mention de la qualification professionnelle du salarié remplacé.

Le salarié fait valoir que les contrats à durée déterminée ne mentionnent pas la qualification du salarié remplacé.

L'analyse des contrats à durée déterminée établit que chacun d'eux précise le nom du salarié remplacé, sa qualification (agent de soins, aide-soignant diplômé, aide médico-psychologique) ainsi que la valeur du point et le coefficient de qualification, lesquels sont systématiquement de 4,403 et (valeur du point) et de 351 (coefficient de qualification).

Il ressort de la convention collective, dans sa rédaction applicable au cas d'espèce, que l'auxiliaire de soins est doté d'un coefficient de référence de 351 et que ce vocable regroupe les aides-soignants et les auxiliaires de puériculture.

Ainsi, la mention relative aux fonctions figurant aux contrats litigieux renvoie à une qualification professionnelle issue de la grille de classification des emplois annexés à la convention collective, en sorte que ce moyen sera écarté.

S'agissant du moyen tiré de l'absence de signature par le salarié.

En vertu de l'article L 1242-12 précité, la signature d'un contrat de travail à durée déterminée a le caractère d'une prescription d'ordre public dont l'omission entraîne, à la demande du salarié, la requalification en contrat à durée indéterminée, sauf lorsque le salarié a délibérément refusé de signer le contrat de travail de mauvaise foi ou dans une intention frauduleuse.

En l'espèce, ainsi que le relève le salarié, le contrat signé le 1er décembre 2016 à effet au 13 décembre 2016 d'une durée d'un jour, n'est pas signé par celui-ci ; ce qui n'est pas contesté ni commenté par l'employeur.

Il n'est pas allégué ni démontré que le salarié aurait délibérément refusé de le signer de mauvaise foi ou dans une intention frauduleuse.

Dès lors, ce contrat doit être requalifié en contrat à durée indéterminée.

Sur l'indemnité de requalification.

L'article L 1245-2 alinéa 2 du Code du travail prévoit que lorsque le conseil de prud'hommes fait droit à la demande du salarié, il lui accorde une indemnité, à la charge de l'employeur, ne pouvant être inférieure à un mois de salaire. Cette disposition s'applique sans préjudice de l'application des dispositions du titre III du présent livre relatives aux règles de rupture du contrat de travail à durée indéterminée.

En l'espèce, le salaire mensuel brut s'élève à 2.107,2 €, en sorte que, faute de démonstration d'un préjudice justifié, c'est cette somme qui sera allouée au titre de l'indemnité de requalification.

Sur la rupture de la relation salariée.

La relation de travail étant à durée indéterminée à compter de décembre 2016 et s'étant achevée le 22 mai 2017 sans respect des règles applicables au licenciement, la rupture est irrégulière et sans cause réelle et sérieuse.

Sur les conséquences pécuniaires de la rupture.

Compte tenu de l'âge du salarié (né le 9/06/1970), de son ancienneté à la date du licenciement (moins de 1 an), du nombre de salariés habituellement employés (au moins 11 salariés), de sa rémunération mensuelle brut (2.107,2 €), des justificatifs relatifs à sa situation en 2017 et 2018 (demandeur d'emploi, lettres de candidature) et de l'absence de tout justificatif relatif à sa situation actuelle, il convient de fixer les sommes suivantes à son profit :

- 2.107,2 € au titre de la procédure de licenciement irrégulière,

- 2.107,2 € au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 2.107,2 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis (1 mois),

- 210,72 € au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés afférents.

Sur les demandes accessoires.

L'employeur sera tenu aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Il est équitable de le condamner à payer au salarié la somme de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La Cour, après en avoir délibéré, par arrêt mis à disposition au greffe ;

INFIRME en toutes ses dispositions le jugement du 6 février 2019 du conseil de prud'hommes de Narbonne ;

Statuant à nouveau,

REQUALIFIE le contrat de travail à durée déterminée du 1er décembre 2016 à effet au 13 décembre 2016 en contrat de travail à durée indéterminée ;

DIT que la rupture du contrat de travail est irrégulière et sans cause régulière et sérieuse ;

CONDAMNE l'association France Horizon ' EHPAD La Tour à payer à M. [I] [V] les sommes suivantes :

- 2.107,2 € au titre de l'indemnité de requalification,

- 2.107,2 € au titre de la procédure de licenciement irrégulière,

- 2.107,2 € au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 2.107,2 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

- 210,72 € au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés afférents ;

CONDAMNE l'association France Horizon ' EHPAD La Tour à payer à M. [I] [V] la somme de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

CONDAMNE l'association France Horizon ' EHPAD La Tour aux entiers dépens de l'instance ;

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 2e chambre sociale
Numéro d'arrêt : 19/01571
Date de la décision : 23/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-23;19.01571 ?
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