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22/11/2022 | FRANCE | N°20/04045

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 5e chambre civile, 22 novembre 2022, 20/04045


Grosse + copie

délivrées le

à































COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



5e chambre civile



ARRET DU 22 NOVEMBRE 2022



Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 20/04045 - N° Portalis DBVK-V-B7E-OWHT





Décision déférée à la Cour : Jugement du 11 SEPTEMBRE 2020

Tribunal Judiciaire de RODEZ

N° RG 18/01047





APPELANTS :



Monsieu

r [W] [P]

né le [Date naissance 6] 1976 à [Localité 8]

de nationalité Française

[Adresse 9]

[Localité 10]

Représenté par Me Gilles ARGELLIES de la SCP GILLES ARGELLIES, EMILY APOLLIS - AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant

assisté de J...

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

5e chambre civile

ARRET DU 22 NOVEMBRE 2022

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 20/04045 - N° Portalis DBVK-V-B7E-OWHT

Décision déférée à la Cour : Jugement du 11 SEPTEMBRE 2020

Tribunal Judiciaire de RODEZ

N° RG 18/01047

APPELANTS :

Monsieur [W] [P]

né le [Date naissance 6] 1976 à [Localité 8]

de nationalité Française

[Adresse 9]

[Localité 10]

Représenté par Me Gilles ARGELLIES de la SCP GILLES ARGELLIES, EMILY APOLLIS - AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant

assisté de Jessica SOULIE, avocat au barreau de l'AVEYRON, avocat plaidant

GAEC DE [Adresse 9] représenté par son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité au siège social

[Adresse 9]

[Localité 10]

Représentée par Me Gilles ARGELLIES de la SCP GILLES ARGELLIES, EMILY APOLLIS - AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant

assistée de Jessica SOULIE, avocat au barreau de l'AVEYRON, avocat plaidant

INTIMES :

Monsieur [E] [R]

[Adresse 7]

[Localité 10]

Représenté par Me Jacques Henri AUCHE de la SCP AUCHE HEDOU, AUCHE - AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant

assisté de Me Christine AUCHE HEDOU, avocat au barreau de MONTPELLIER substituant Me Anne Sophie MONESTIER, avocat au barreau de l'AVEYRON, avocat plaidant

Madame [Z] [R]

[Adresse 7]

[Localité 10]

Représentée par Me Jacques Henri AUCHE de la SCP AUCHE HEDOU, AUCHE - AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant

assistée de Me Christine AUCHE HEDOU, avocat au barreau de MONTPELLIER substituant Me Anne Sophie MONESTIER, avocat au barreau de l'AVEYRON, avocat plaidant

Ordonnance de clôture du 21 Septembre 2022

COMPOSITION DE LA COUR :

En application de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 12 OCTOBRE 2022, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l'article 804 du même code, devant la cour composée de :

Monsieur Philippe GAILLARD, Président de chambre

Madame Nathalie AZOUARD, Conseiller

M. Emmanuel GARCIA, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Sylvie SABATON

ARRET :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par Monsieur Philippe GAILLARD, Président de chambre, et par Madame Sylvie SABATON, greffier.

*

* *

EXPOSE DU LITIGE

[W] [P] est propriétaire de parcelles sur la commune de [Localité 10] (12), sur lesquelles sont édifiés des bâtiments agricoles exploités par le GAEC de [Adresse 9], qui y exerce une activité d'engraissement d'agneaux.

Depuis le 20 avril 2005, [E] [R] et [Z] [C], épouse [R], sont propriétaires de la parcelle voisine, sur laquelle se trouve leur résidence principale.

Le 30 juin 2016, se plaignant de nuisances olfactives, visuelles, et de pullulation de mouches, les époux [R] ont fait dresser un constat d'huissier.

Le 12 avril 2018, par lettre recommandée avec accusé de réception, ils ont tenté de trouver une solution amiable au litige. Dans cette perspective, une réunion contradictoire en présence d'experts mandatés par les assureurs de chacune des parties s'est tenue sur site le 24- mai 2018.

Le 7 août 2018, les époux [R] ont fait établir un second constat par huissier.

Par actes d'huissier du 4 octobre 2018, les époux [R] ont fait assigner [W] [P] et le GAEC de [Adresse 9] devant le tribunal de grande instance de Rodez afin de solliciter du tribuna1, sur le fondement de la théorie des troubles anormaux du voisinage, de faire cesser tout trouble, notamment au moyen d'une interdiction d'augmenter la production au-delà d'une bande d'agneaux par an et de la suppression du tas de fumier situé à proximité de leur habitation, ainsi que leur condamnation au paiement de la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts.

Par ordonnance du 7 mars 2019, le juge de la mise en état a désigné [H] [T] en qualité de médiateur, fin de trouver une solution aimable au litige. Par lettre en date du 31 juillet 2019, le médiateur a informé le juge de l'issue négative de la médiation.

Le jugement rendu le 11 septembre 2020 par le tribunal judiciaire de Rodez énonce dans son dispositif :

Juge [W] [P] et le GAEC de [Adresse 9] responsables du préjudice subi par [E] [R] et [Z] [C], épouse [R], au titre de troubles anormaux du voisinage ;

Condamne [W] [P] et le GAEC de [Adresse 9] à cesser l'accroissement d'activité lié à l'adjonction de l'exploitation d'une bande d'agneaux supplémentaire ;

Interdit l'augmentation de l'activité d'engraissement, limitée à une seule bande d'agneau par an, de janvier à avril ;

Assortit cette condamnation d'une astreinte de 200 euros par jour de non-respect de cette condamnation et de cette interdiction, à compter d'un mois à partir de la signification présent jugement ;

Condamne in solidum [W] [P] et le GAEC de [Adresse 9] à payer à [E] [R] et [Z] [C], épouse [R], la somme de 3 600 euros en réparation du préjudice de jouissance subi, étant observé que cette somme sera à parfaire au jour d'exécution du présent jugement, à raison de 300 euros par mois, si l'accroissement d'activité a été maintenu durant l'été 2020 ;

Déboute les parties du surplus de leurs demandes,

Condamne in solidum [W] [P] et le GAEC de [Adresse 9] à payer à [E] [R] et [Z] [C], épouse [R], la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne in solidum [W] [P] et le GAEC de [Adresse 9] au paiement des dépens de l'instance, en ce compris les frais relatifs aux procès-verbaux de constat d'huissier ;

Autorise maître Anne-Sophie Monestier, avocate, à bénéficier des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

Ordonne l'exécution provisoire du présent jugement.

Sur l'existence d'un trouble anormal de voisinage, le premier juge a retenu qu'il était rapporté par les demandeurs dès le mois de juin 2016, ceci en lecture des pièces versées au débat, notamment le constat d'huissier du 30 juin 2016 qui révélait que l'envahissement de la maison par les mouches était particulièrement important malgré les moustiquaires posées à chaque fenêtre et les nombreux dispositifs anti-mouches installés. Que par ailleurs, les époux [R] se plaignaient de mauvaises odeurs dégagées par les animaux ainsi que par le tas de fumier entreposé à proximité de leur maison, ce qui était confirmé par le constat d'huissier du 7 août 2018, peu important que l'accroissement d'activité du GAEC de [Adresse 9] soit compatible avec les locaux agricoles utilisés et que l'exploitation d'une seconde bande d'agneaux ait été poursuivie de façon raisonnable, comme le soutenaient les défendeurs.

Sur le lien de causalité entre l'exploitation de cette seconde bande d'agneaux et l'accroissement des troubles, le premier juge a retenu que les époux [R] ne s'étaient jamais plaints avant 2016 et qu'il ressortait du rapport d'expertise du cabinet Bargues que la cause de ces nuisances était susceptible de trouver son origine dans une augmentation de l'activité du GAEC de [Adresse 9] à proximité de leur habitation, qu'il ressortait en outre de plusieurs attestations la concomitance entre l'augmentation des troubles et l'accroissement de son activité à une deuxième bande d'agneaux en période estivale, le premier juge écartant que les nuisances pouvaient être le fait de la présence d'autres exploitations.

Sur l'exonération de responsabilité soulevée par [W] [P] et le GAEC de [Adresse 9], le premier juge a rappelé que pour pouvoir en bénéficier, trois conditions cumulatives devaient être réunies : l'activité devait être antérieure à l'acquisition de la maison d'habitation, elle devait être conforme à la réglementation en vigueur et elle devait se poursuivre dans les mêmes conditions.

Si le premier juge a constaté que les deux premières conditions étaient retenues, il a cependant retenu que les conditions d'exploitation avaient subi un changement avec l'accroissement d'activité et l'introduction d'une seconde bande d'agneaux, à compter de 2016, la durée de l'activité ayant alors été incontestablement rallongée, de sorte qu'il ne pouvait raisonnablement être affirmé qu'aucun changement n'était intervenu, comme le soutenaient les défendeurs, écartant le moyen développé par eux selon lequel cet accroissement était indispensable à la survie économique du GAEC de [Adresse 9] au motif qu'il n'était pas suffisamment démontré et qu'il était sans incidence sur les modifications opérées dans les conditions d'exercice de l'activité.

Le tribunal a en conséquence ordonné la cessation de l'accroissement d'activité lié à l'adjonction de l'exploitation d'une bande d'agneaux supplémentaire et d'interdit augmentation d'activité d'engraissement limitée à une seule bande d'agneaux, de mi-janvier à mi-avril de chaque année, ceci sous astreinte, et est entré en voie d'indemnisation des préjudices subis par les époux [R].

[W] [P] et le GAEC de [Adresse 9] ont relevé appel du jugement par déclaration au greffe du 29 septembre 2020.

Après un échanges d'écritures, les époux [R], intimés, ont déposé leurs dernières conclusions le 10 août 2021.

Consécutivement, le 11 avril 2022, [W] [P] et le GAEC de [Adresse 9], appelants, ont demandé la fixation de l'affaire, laquelle a été renvoyée à l'audience du 12 octobre 2022

La clôture de la procédure a été prononcée par ordonnance du 21 septembre 2022.

Le 15 septembre 2022, les appelants ont cependant déposé de nouvelles conclusions, auxquelles les intimés ont répondu le 19 septembre 2022.

La cour constate que les appelants ont répliqué le 20 septembre 2022, à 20 h 28, ce qui plaçait les intimés dans l'impossibilité de répondre avant la clôture.

Ces derniers, par message RPVA du 22 septembre 2022 et au visa de l'article 6-1 de la Convention européenne des droits de l'homme et des articles 15 et 16 du code de procédure civile, ont en conséquence demandé le rejet des conclusions des appelants du 20 septembre 2022.

Par message RPVA du 29 septembre 2022, [W] [P] et le GAEC de [Adresse 9] ont demandé le rabat de l'ordonnance de clôture afin que soient reçues leurs conclusions du 20 septembre 2022 au motif qu'elles ne contenaient pas d'appel incident, ni de demandes nouvelles. A titre subsidiaire, que soient rejetées les conclusions des intimés du 19 septembre 2022.

Par application de l'article 802 du code de procédure civile, les conclusions post clôture sont en principe irrecevables d'office, tandis que les conclusions prises avant la clôture sont en principe recevables sauf si elles portent atteinte au principe de la contradiction découlant des articles 15 et 16 du code de procédure civile et 6 § 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, exigeant que chaque partie dispose d'un temps utile pour y répondre.

Ainsi, si les conclusions notifiées dans une procédure antérieurement à la clôture sont en principe recevables, elles cessent de l'être lorsqu'elles interviennent trop peu de temps avant la clôture pour que la partie adverse soit en mesure, s'il y a lieu, de réagir utilement.

En l'espèce, la cour relève que c'est [W] [P] et le GAEC de [Adresse 9] qui ont introduit de nouvelles conclusions le 15 septembre 2022, soit peu de temps avant la date de clôture et alors qu'ils avaient demandé la fixation de l'affaire le 11 avril 2022. Les intimés ont pu toutefois répliquer le 19 septembre 2022.

S'agissant des conclusions des appelants du 20 septembre 2022, si elles sont certes de quelques minutes avant la clôture, la cour considère qu'elles interviennent trop peu de temps avant pour que les époux [R] puissent y répondre utilement.

En conséquence, la cour statuera en considération des conclusions de [W] [P] et du GAEC de [Adresse 9] déposées le 15 septembre 2022 et des conclusions des époux [R] déposées le 19 septembre 2022.

Le dispositif des écritures pour [W] [P] et le GAEC de [Adresse 9] énonce :

Réformer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Rodez le 11 septembre 2020 ;

Statuant à nouveau,

Débouter [E] et [Z] [R] de l'ensemble de leurs demandes, fins et prétentions ;

Condamner solidairement [E] et [Z] [R] au paiement, à chacun des défendeurs, d'une somme de 4 000 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice moral et le préjudice financier, outre la procédure abusive ;

Condamner solidairement [E] et [Z] [R] au paiement, à chacun des défendeurs, d'une somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamner solidairement [E] et [Z] [R] aux entiers dépens.

Pour l'essentiel, sur l'existence d'un trouble anormal de voisinage, [W] [P] et le GAEC de [Adresse 9] estiment que les troubles allégués, consistant en l'espèce en la présence d'agneaux durant trois mois supplémentaires, la présence de fumier, des odeurs et des mouches, n'excèdent pas les inconvénients normaux résultant du voisinage d'une exploitation agricole d'engraissement d'agneaux, contrairement à ce qu'a retenu à tort le premier juge.

Ils soulignent que de 2005 à 2016, les époux [R] ne se sont jamais plaints de la proximité avec la bergerie en dépit de la présence de 1 000 agneaux. Ils s'étonnent que la poursuite de l'exploitation sur trois mois supplémentaires seulement a tout à coup généré pour les époux [R] des troubles qu'ils considèrent anormaux. Ils entendent également préciser que l'environnement n'a pas changé depuis l'achat de leur propriété par les époux [R].

[W] [P] et du GAEC de [Adresse 9] contestent les éléments de preuve versés par les époux [R], par exemple le constat d'huissier du 30 juin 2016, en ce qu'il relève la présence de mouches, sur des rubans adhésifs, alors que l'huissier indique que les bergeries sont vides.

Sur le lien de causalité, les appelants estiment qu'il n'est pas établi, le premier juge se fondant notamment sur le rapport de l'expert alors que celui-ci est resté prudent, employant le terme « susceptible ».

Sur la poursuite de l'activité, les appelants exposent que le GAEC de [Adresse 9] a uniquement accueilli une deuxième bande d'agneaux, soit une poursuite de l'activité initiale durant deux à trois mois supplémentaires, d'avril à juin, et que ce changement ne peut être assimilé à une modification des conditions d'activité au motif que ni la structure, ni la production, ni la méthode d'exploitation n'ont été modifiées.

Sur les mesures sollicitées par les époux [R] et auxquelles le tribunal a fait droit, les appelants exposent que si le litige relève de la compétence du juge judiciaire, les limitations de l'exercice d'une activité professionnelle infligées par le jugement dont appel ne relèvent pas de son pouvoir dès lors qu'elles interfèrent avec la police spéciale des installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE) et des installations relevant du règlement sanitaire départemental, relevant de la compétence de la préfecture du département de l'Aveyron, ainsi qu'avec la police générale relative à la salubrité publique relevant de la compétence du maire de la commune concernée, en application de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales, qu'ainsi, le juge judiciaire ne peut pas, par principe, ordonner la fermeture d'une ICPE.

Enfin, ils estiment que les époux [R] ne justifient pas de leurs préjudices.

Le dispositif des écritures pour les époux [R] énonce :

Confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Rodez le 11 septembre 2020, sauf en ce qu'il a :

rejeté la demande des époux [R] de faire interdiction à [W] [P] et le GAEC de [Adresse 9] d'entreposer le fumier sur les parcelles cadastrées AN [Cadastre 1] et AN [Cadastre 2] et/ou plus généralement sur toutes autres parcelles attenantes ou se trouvant dans un rayonnement géographique de 600 mètres de celles des époux [R], cadastrées AN [Cadastre 3], [Cadastre 4], [Cadastre 5],

limité le quantum des dommages et intérêts alloués aux époux [R] à la somme de 3 600 euros en réparation du préjudice de jouissance subi,

limité à la somme de 200 euros le montant de l'astreinte assortissant l'interdiction de l'augmentation de l'activité d'engraissement, limitée à une seule bande d'agneau par an, de janvier à avril ;

Statuant à nouveau de ces chefs,

Faire interdiction au GAEC de [Adresse 9] ainsi qu'à [W] [P] d'entreposer le fumier sur les parcelles cadastrées AN [Cadastre 1] et AN [Cadastre 2] et/ou plus généralement sur toutes autres parcelles attenantes ou se trouvant dans un rayonnement géographique de 600 mètres de celles des époux [R], cadastrées AN [Cadastre 3],[Cadastre 4], [Cadastre 5] ;

Assortir cette condamnation d'une astreinte de 500 euros par jour de non-respect de cette condamnation et de cette interdiction, à compter de l'arrêt à intervenir ;

Condamner in solidum le GAEC de [Adresse 9] ainsi que [W] [P] à verser à [E] et [Z] [R] la somme de 6 750 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice de jouissance subi, somme qu'il conviendra de parfaire en cas de non respect par les appelants des dispositions du jugement de première instance limitant l'exploitation à une seule bande d'agneaux par an, de janvier à avril ;

Condamner in solidum le GAEC de [Adresse 9] et [W] [P] à porter et payer à [E] et [Z] [R] la somme de 3 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles de première instance ;

En tour état de cause,

Condamner in solidum le GAEC de [Adresse 9] et [W] [P] à porter et payer à [E] et [Z] [R] la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles de l'instance d'appel ;

Condamner in solidum le GAEC de [Adresse 9] ainsi que [W] [P] aux entiers dépens de l'instance, en ceux compris les dépens de première instances et d'appel ainsi que les frais des procès-verbaux de constat du 30 juin 2016 (320 € TTC) et du 7 août 2018 (360 € TTC), avec application de l'article 699 du code de procédure civile, au profit de maître Auche.

Les époux [R] demandent la confirmation du jugement entrepris pour les motifs retenus par le premier juge.

Sur les chefs pour lesquels il est demandé infirmation et qu'il soit statué à nouveau, ils reprennent pour l'essentiel les motifs soutenus en première instance.

MOTIFS

1. Sur les troubles anormaux de voisinage

En lecture de l'ensemble des pièces versées au débat, il est constant que les époux [R] ont subi un trouble de voisinage à compter de juin 2016, consistant en un envahissement de leur maison par des mouches provenant, sans que cela ne soit contestable, du fonds voisin exploité par le GAEC de [Adresse 9].

Si, comme le soutiennent à juste titre les appelants, la présence de mouches et l'odeur de fumier n'excèdent pas en soi les inconvénients normaux résultant du voisinage d'une exploitation agricole, le niveau de pullulement de mouches tel que rapporté par les époux [R] conduit la cour à confirmer l'appréciation du premier juge, qui a retenu son caractère anormal au cas d'espèce.

Sur le lien de causalité, dont les appelants maintiennent qu'il fait défaut, s'il est exact que l'expert n'établit pas de lien formel entre les troubles et l'augmentation de l'activité du GAEC de [Adresse 9], employant dans son rapport les termes de « susceptible de trouver son origine », il ne peut toutefois être retenu, comme le soutiennent [W] [P] et le GAEC de [Adresse 9], que la présence de mouches au domicile des époux [R] trouve en réalité son origine dans l'activité de restauration qu'ils leur est prêtée, sans que, peut-être, les conditions d'hygiènes ne soient respectées, ou en raison de la présence d'une piscine sur leur propriété, qui attirerait les mouches et autres insectes, ces hypothèses ne pouvant en aucun cas justifier le niveau de pullulement de mouches tel qu'établi.

La cour relève au contraire, en l'état des pièces versées au débat, que le premier juge a exactement retenu des faits de l'espèce que les époux [R] ne s'étaient jamais plaints avant 2016 et qu'il ressortait du rapport de l'expert et de plusieurs attestations la concomitance entre l'augmentation de ces troubles et l'accroissement de l'activité du GAEC de [Adresse 9], qui reconnaît d'ailleurs accueillir jusqu'à un millier d'agneaux d'engraissement par an et qui ne conteste pas avoir débuté cette année-là l'exploitation d'une seconde bande d'agneaux, de sorte que le jugement sera confirmé en ce qu'il a retenu que la pullulation de mouches était la conséquence directe de cet accroissement d'activité à partir de 2016.

Sur l'exonération de responsabilité, si les deux premières conditions, savoir que l'activité agricole doit être antérieure à l'acquisition de la maison d'habitation et qu'elle doit être conforme à la réglementation en vigueur, peuvent être retenues, la troisième, de la poursuite de l'activité dans les mêmes conditions, ne l'est pas.

A ce titre, le premier juge a exactement relevé que les conditions d'exploitation avaient subi un changement avec l'accroissement d'activité et l'introduction d'une seconde bande d'agneaux à compter de 2016, la durée de l'activité ayant alors été incontestablement rallongée, de sorte que [W] [P] et le GAEC de [Adresse 9] ne peuvent se prévaloir de l'exonération de responsabilité telle que prévue à l'article L. 112-16 du code de la construction et de l'habitation.

En conséquence de ce qui précède, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a retenu la responsabilité de [W] [P] et du GAEC de [Adresse 9] sur le fondement des troubles anormaux de voisinage subis par les époux [R] et les ont en conséquence condamnés à les indemniser du préjudice en résultant.

Sur l'indemnisation du préjudice subi par les époux [R], le premier juge a retenu une période de trois mois par année, soit un total de 12 mois, de 2016 à 2019. Il n'est pas apporté de critique utile dans la détermination de cette période, de sorte qu'elle sera retenue pour cette durée, de même que le quantum, de 300 euros mensuels de dommages-intérêts alloués pour le foyer des époux [R], de sorte que le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a retenu la somme de 3 600 euros en réparation, à parfaire, et en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à condamnation pour résistance abusive, celle-ci n'étant pas plus établie en cause d'appel qu'en première instance.

Sur la cessation des troubles, si, comme le soutiennent justement les appelants, le litige relève de la compétence du juge judiciaire, au-delà du débat visant à établir s'il relève également de son pouvoir de limiter l'activité du GAEC de [Adresse 9], une telle limitation de l'exercice d'une activité professionnelle agricole apparaît disproportionnée au cas d'espèce et ne se justifie donc pas, étant précisé qu'il appartient dès à présent au GAEC de [Adresse 9] de prendre toutes les mesures utiles afin de faire cesser tout trouble anormal que les époux [R] auraient à subir en raison de son accroissement d'activité.

Le jugement dont appel sera par conséquent infirmé en ce qu'il a condamné [W] [P] et le GAEC de [Adresse 9] à cesser, sous astreinte, l'accroissement d'activité lié à l'adjonction de l'exploitation d'une bande d'agneaux supplémentaire et leur a interdit l'augmentation de l'activité d'engraissement, limitée à une seule bande d'agneau par an, de janvier à avril.

2. Sur les prétentions indemnitaires de [W] [P] et du GAEC de [Adresse 9]

[W] [P] et le GAEC de [Adresse 9] seront déboutés de leur prétention visant à voir les époux [R] condamnés à leur payer, à chacun, la somme de 4000 euros à titre de dommages-intérêts pour le préjudice moral et le préjudice financier subis, outre la procédure abusive, cette demande n'étant pas justifiée.

3. Sur les dépens et les frais non remboursables

Le jugement sera confirmé en ce qui concerne les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile.

[W] [P] et le GAEC de [Adresse 9] seront condamnés in solidum aux dépens de l'appel, avec recouvrement direct au bénéfice des avocats de la cause qui peuvent y prétendre.

L'équité commande de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire et mis à disposition au greffe ;

CONFIRME le jugement rendu le 11 septembre 2020 par le tribunal judiciaire de Rodez, sauf en ce qu'il :

condamne [W] [P] et le GAEC de [Adresse 9] à cesser l'accroissement d'activité lié à l'adjonction de l'exploitation d'une bande d'agneaux supplémentaire,

interdit l'augmentation de l'activité d'engraissement, limitée à une seule bande d'agneau par an, de janvier à avril ;

assortit cette condamnation d'une astreinte de 200 euros par jour de non-respect de cette condamnation et de cette interdiction, à compter d'un mois à partir de la signification présent jugement ;

DEBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;

DIT n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais non remboursables exposés en appel ;

CONDAMNE in solidum [W] [P] et le GAEC de [Adresse 9] aux dépens de l'appel et accorde aux avocats de la cause qui peuvent y prétendre le droit de recouvrement direct conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 5e chambre civile
Numéro d'arrêt : 20/04045
Date de la décision : 22/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-22;20.04045 ?
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