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08/11/2022 | FRANCE | N°20/00739

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 5e chambre civile, 08 novembre 2022, 20/00739


Grosse + copie

délivrées le

à

























COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



5e chambre civile



ARRET DU 08 NOVEMBRE 2022



Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 20/00739 - N° Portalis DBVK-V-B7E-OQF3







Décision déférée à la Cour : Jugement du 19 DECEMBRE 2019

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE BEZIERS

N° RG 17/02794





APPELANTS :



Monsieur [W] [

G]

[Adresse 1]

[Localité 5]

Représenté par Me Andreia DA SLIVA substituant Me Sophie MIRALVES-BOUDET de la SELARL CHATEL BRUN MIRALVES CLAMENS, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant et plaidant



SA PACIFICA

prise en la personne de son représ...

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

5e chambre civile

ARRET DU 08 NOVEMBRE 2022

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 20/00739 - N° Portalis DBVK-V-B7E-OQF3

Décision déférée à la Cour : Jugement du 19 DECEMBRE 2019

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE BEZIERS

N° RG 17/02794

APPELANTS :

Monsieur [W] [G]

[Adresse 1]

[Localité 5]

Représenté par Me Andreia DA SLIVA substituant Me Sophie MIRALVES-BOUDET de la SELARL CHATEL BRUN MIRALVES CLAMENS, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant et plaidant

SA PACIFICA

prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié ès qualités audit siège

[Adresse 6]

[Adresse 6]

Représentée par Me Andreia DA SLIVA substituant Me Sophie MIRALVES-BOUDET de la SELARL CHATEL BRUN MIRALVES CLAMENS, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant et plaidant

INTIMES :

Monsieur [U] [O]

né le [Date naissance 2] 1980 à [Localité 7]

de nationalité Française

[Adresse 4]

[Localité 5]

Représenté par Me Fanny LAPORTE de la SELARL LEXAVOUE MONTPELLIER GARRIGUE, GARRIGUE, LAPORTE, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant ayant plaidé pour

Me Ghislaine CROS, avocat au barreau de BEZIERS

LA CPAM DE [Localité 8] venant aux droits de la CAISSE LOCALE DELEGUEE POUR LA SECURITE SOCIALE DES TRAVAILLEURS INDEPENDANTS en vertu de l'article 15 de la loi N°2017-1836 du 30/12/2017 de financement de la sécurité sociale pour 2018, venant aux droits de la Caisse RSI AUVERGNE prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié ès qualités audit siège

[Adresse 3]

[Adresse 3]

non représenté

assigné à personne habilitée le 16 mars 2020

Ordonnance de clôture du 05 Septembre 2022

COMPOSITION DE LA COUR :

En application de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 26 SEPTEMBRE 2022, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l'article 804 du même code, devant la cour composée de :

Monsieur Philippe GAILLARD, Président de chambre

Madame Nathalie AZOUARD, Conseiller

M. Emmanuel GARCIA, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Henriane MILOT

lors de mise à disposition : Mme Sylvie SABATON

ARRET :

- réputé contradictoire

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par Monsieur Philippe GAILLARD, Président de chambre, et par Madame Sylvie SABATON, greffier.

*

* *

EXPOSE DU LITIGE

Le 16 décembre 2015, alors qu'il intervenait au domicile de [W] [G] pour remplacer une baignoire par une douche à l'italienne, [U] [O] a chuté en évacuant des gravats par le balcon, après que le garde corps se soit descellé.

Conduit à l'hôpital, il lui a été diagnostiqué une fracture articulaire déplacée du calcaneum droit.

Par acte introductif d'instance du 19 octobre 2017, [U] [O] a saisi le tribunal de grande instance de Béziers afin de voir engager la responsabilité de [W] [G], ordonner une expertise médicale aux fins d'évaluation de son entier préjudice et de le voir condamner lui et son assureur, la société Pacifica, au paiement de la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Le jugement rendu le 19 décembre 2019 par le tribunal de grande instance de Perpignan énonce dans son dispositif :

Déclare [W] [G] responsable des dommages subis par [U] [O] à la suite de l'accident survenu le 16 décembre 2015 ;

Réserve les droits et demandes de [U] [O] et de la caisse locale déléguée pour la sécurité sociale des travailleurs indépendants, subrogée pour partie dans ses droits, dans l'attente du rapport d'expertise médicale ;

Avant dire droit, ordonne l'expertise médicale de [U] [O] (cf dispositif du jugement pour détail de la mission) ;

Réserve l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Réserve les dépens,

Ordonne le renvoi de l'affaire à l'audience de mise en état du 28 mai 2020.

Au visa de l'article 1244 du code civil et de la jurisprudence, qui précise que la ruine d'un bâtiment doit s'entendre non seulement de sa destruction totale mais encore de la dégradation partielle de toute partie de la construction ou de tout élément mobilier ou immobilier qui y est incorporé de façon indissoluble, et qu'il n'est pas exigé la preuve d'une faute du propriétaire de l'immeuble mais seulement que la ruine de cet immeuble a eu pour cause le vice de construction ou le défaut d'entretien, en rappelant par ailleurs que cette responsabilité du propriétaire du bâtiment est de plein droit et qu'il ne peut s'en exonérer que par la preuve de la survenue d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, telle que la faute de la victime, si elle présente les caractères de la force majeure, les premiers juges ont retenu qu'il résulte du témoignage de [R] [L], artisan maçon, témoin de l'accident et qui avait relevé la présence de résidus de bois pourri dans les trous de fixation, corroboré par les éléments pertinents du rapport de l'expertise privée Polyexpert effectuée après l'accident, que les scellements de l'ancienne installation, en très mauvais état avaient cédé, entraînant la chute de [U] [O], qui s'appuyait sur ce garde corps pour évacuer des gravats.

Ils ont ainsi conclu que c'était par vice de construction, aggravé par un défaut d'entretien, que le garde corps n'était pas scellé convenablement.

Les premiers juges ont par ailleurs écarté toute faute revêtant les caractéristiques de la force majeure, considérant que [U] [O], qui avait utilisé la voie d'évacuation des gravats la plus directe et la plus efficace, n'avait pas à contrôler la solidité des scellements du garde corps, certainement cachés par l'enduit de façade et dont il n'était pas prouvé qu'il avait fait de ce garde corps une utilisation anormale, au-delà d'un simple appui, ne fixant pas par exemple une goulotte semi-rigide, préconisée par l'expert pour déverser les gravats, qui aurait pu alors poser la question de la normalité de l'utilisation.

En conséquence, le tribunal a retenu l'entière responsabilité délictuelle de plein droit de [W] [G] dans l'accident survenu à [U] [O].

[W] [G] et son assureur, la société Pacifica, ont relevé appel du jugement par déclaration au greffe du 7 février 2020.

La clôture de la procédure a été prononcée par ordonnance du 5 septembre 2022.

Les dernières écritures pour [W] [G] et son assureur ont été déposées le 7 mai 2020.

Les dernières écritures pour [U] [O] ont été déposées le 27 juillet 2020.

La CPAM de [Localité 8] n'a pas constitué avocat. L'assignation a été délivrée le 16 mars 2020 à personne habilitée ;

Le présent arrêt sera réputé contradictoire.

Le dispositif des écritures pour [W] [G] et son assureur, la société Pacifica, énonce :

Réformer le jugement entrepris dans toutes ses dispositions ;

Débouter [U] [O] de ses demandes d'expertise médicale judiciaire et de condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile, comme étant infondées et injustifiées ;

Condamner [U] [O] au paiement de la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction au profit de la SELARL Chatel & associes.

[W] [G] et son assureur soutiennent que les premiers juges ont retenu à tort l'attestation de [R] [L], alors qu'elle est selon eux sujette à caution, pour avoir été rédigée à deux reprises et avec deux écritures différentes, qu'elle est écrite dans un français parfait alors qu'il est de nationalité irlandaise, de sorte qu'ils estiment qu'elle a été rédigée pour les besoins de la cause, d'autant que l'expert a pu dire que [U] [O] était seul dans la maison au moment de sa chute. Ils demandent en conséquence qu'elle soit écartée des débats.

Pour le surplus, les appelants estiment que la responsabilité de [W] [G] n'est en aucun cas démontrée dans la mesure où il n'y a pas de vice de construction avéré, notamment en ce que le mode de construction était aux normes de l'époque et que l'expert a pu noter que ce sont les scellements dans la maçonnerie qui ont cédé et que l'examen des parties métalliques des scellements ne démontrait aucune cassure de la fonte.

Enfin, il soulignent que manifestement, [U] [O] a évacué à plusieurs reprises des seaux depuis le garde-corps et qu'en sa qualité d'homme de l'art, il aurait dû constater que le garde-corps n'était pas assez solide pour s'y appuyer à plusieurs reprises et qu'il aurait dû, toujours en sa qualité de professionnel, installer une goulotte semi-rigide permettant de déverser les gravats ou encore utiliser l'escalier intérieur.

Ils demandent en conséquence que la responsabilité de [W] [G] soit écartée.

Le dispositif des écritures pour [U] [O] énonce, en ses seules prétentions :

Confirmer en toutes ses dispositions le jugement du 19 décembre 2019 ;

Condamner [W] [G] et la société Pacifica au paiement de la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

[U] [O] demande la confirmation du jugement entrepris pour les motifs retenus par les premiers juges.

En réponse à l'argumentation des appelants, il expose que [R] [L] est installé en France depuis 1998 et qu'il parle parfaitement français.

S'agissant de l'évacuation des gravats, il tient à préciser que les escaliers de la maison de village étaient particulièrement étroits et abrupts, de sorte qu'il ne permettaient aucune aisance pour ce faire et que l'évacuation par une goulotte semi-rigide, fixée sur le garde corps, aurait conduit aux mêmes conséquences, de sorte que son comportement n'est pas constitutif d'une faute.

Il entend également préciser que les propriétaires étaient présents au moment de sa chute.

Il souligne enfin les conclusions du rapport de l'expert, qui dit que la chute du garde-corps était due au poids qu'il avait exercé dessus, ce qui avait provoqué l'arrachement des scellements, qui étaient en mauvais état.

MOTIFS

1. Sur la responsabilité de [W] [G], en sa qualité de propriétaire

L'article 1386 ancien du code civil, devenu l'article 1244, dispose que le propriétaire d'un bâtiment est responsable du dommage causé par sa ruine, lorsqu'elle est arrivée par une suite du défaut d'entretien ou par le vice de sa construction.

Sur ce fondement, il est exact, comme l'ont énoncé les premiers juges, que la ruine s'entend de la destruction totale ou de la dégradation partielle de toute partie de la construction ou de tout élément mobilier ou immobilier qui y est incorporé de façon indissoluble.

Toutefois, s'agissant de la charge de la preuve, si ces dispositions n'exigent pas de la victime la preuve d'une faute du propriétaire de l'immeuble mais seulement qu'elle établisse que la ruine de cet immeuble a eu pour cause le vice de construction ou le défaut d'entretien, contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, c'est à la victime de démontrer que la ruine du bâtiment a pour cause un vice de construction ou un défaut d'entretien.

Elle supporte ainsi la charge de la preuve. Si la cause de la ruine ne peut être établie, elle sera déboutée de sa demande en réparation.

Ce n'est que s'il est établi que la ruine d'un bâtiment a causé un dommage en raison d'un vice de construction ou du défaut d'entretien que le propriétaire peut s'exonérer de la responsabilité de plein droit par lui encourue, en prouvant que ce dommage est dû à une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, telle la faute de la victime, si elle présente les caractères de la force majeure.

En l'espèce, la cour estime que la seule attestation de [R] [L], qui aurait analysé les causes du descellement du garde-corps le jour de l'accident comme provenant du délabrement de taquets en bois dont l'emploi correspondait à une technique qui permettait à l'époque de la construction de la maison, soit dans les années 1950, d'en assurer la fixation, mais qui est sujette à contestation, notamment parce que sa présence sur les lieux au jour de l'accident n'est pas avérée ; ainsi que le rapport de l'expert, qui a pu conclure, après avoir constaté l'absence de rupture du garde-corps en lui-même, au fait que c'était le poids que [U] [O] avait exercé sur ce garde-corps qui avait provoqué l'arrachement des scellements, mais qui est intervenu après le remplacement du garde-corps en litige, ne pouvant en conséquence qu'émettre des hypothèses en l'absence de toute constatation objective desdits scellements, et seulement conclure qu'ils devaient être très anciens pour céder de la sorte ; sont insuffisants pour retenir un défaut d'entretien ou un vice de construction.

En outre, la cour retient que [U] [O] ne justifie pas d'une autorisation donnée par le propriétaire de pouvoir utiliser le balcon du premier étage afin de jeter des gravats, qu'il l'a fait de sa propre initiative et, qu'en sa qualité de l'homme de l'art, il lui appartenait de s'assurer que la solidité du garde-corps était suffisante pour résister à son poids augmenté de celui des gravats, à défaut d'utiliser d'autres moyens d'évacuation, comme par exemple l'escalier intérieur, dont il n'est pas démontré qu'il ne pouvait pas être emprunté à cette fin.

En conséquence, le jugement rendu le 19 décembre 2019 par le tribunal de grande instance de Perpignan sera infirmé en toutes ses dispositions.

2. Sur les dépens et les frais non remboursables

[U] [O] sera condamné aux dépens de l'instance, avec recouvrement direct au bénéfice des avocats de la cause qui peuvent y prétendre.

En l'espèce, il ne sera pas fait application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt réputé contradictoire et mis à disposition au greffe ;

INFIRME le jugement rendu le 19 décembre 2019 par le tribunal de grande instance de Perpignan, en toutes ses dispositions ;

DIT n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE [U] [O] aux dépens de l'instance et accorde aux avocats de la cause qui peuvent y prétendre le droit de recouvrement direct conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 5e chambre civile
Numéro d'arrêt : 20/00739
Date de la décision : 08/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-08;20.00739 ?
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